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12/10/2010 | FRANCE | N°08/10944

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 12 octobre 2010, 08/10944


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 12 octobre 2010

SUR RENVOI APRES CASSATION

(n° 22 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10944



Décisions déférées à la cour : jugements rendus le 20 Avril 2005 par le conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise section commerce section ayant fait l'objet d'arrêts de la cour d'appel de Versailles du 21 septembre 2006 eux-mêmes cassés par arrêt de la Cour de ca

ssation du 24 septembre 2008.





APPELANTS



Mme [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 8]



M. [S] [I]

[Adresse 5]

[Localité 7]



Mme [N] [C]

[Adres...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 12 octobre 2010

SUR RENVOI APRES CASSATION

(n° 22 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10944

Décisions déférées à la cour : jugements rendus le 20 Avril 2005 par le conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise section commerce section ayant fait l'objet d'arrêts de la cour d'appel de Versailles du 21 septembre 2006 eux-mêmes cassés par arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2008.

APPELANTS

Mme [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 8]

M. [S] [I]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Mme [N] [C]

[Adresse 6]

[Localité 9]

et

SYNDICAT UNIFIE UNSA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Tous représentés par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMÉE

CAISSE D'EPARGNE D'ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Pierre André DUBUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Mohammed CHERIF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 février 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller

Madame Madeleine MATHIEU, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure :

Engagé le 26 octobre 1973 par la Caisse d'épargne de l'Est et du Nord de l'Ile-de-France, M. [S] [I] a, en dernier lieu, exercé les fonctions d'employé administratif et comptable, niveau E. Engagées en qualité d'employées de guichet par contrats de travail du 1er février 1980 et du 10 mars 1981, Mmes [N] [C] et [Z] [B] ont, en dernier lieu, été promues chargées de vente, niveau D. M. [I], Mmes [B] et [C] ont occupé, respectivement à partir de 1986, 1991 et 1996, divers mandats syndicaux en leur qualité de permanents du syndicat unifié UNSA.

A la suite de jugements d'incompétence rendus le 26 janvier 2004 par le conseil de prud'hommes de Montmorency, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, saisi le 8 juin 2004 par ces trois salariés et par le syndicat unifié UNSA de diverses demandes tendant au paiement de rappels de salaires et de dommages-intérêts, les a, par trois jugements du 20 avril 2005, déboutés de l'ensemble de leurs prétentions.

Au visa notamment des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions les trois arrêts confirmatifs rendus par la cour d'appel de Versailles le 21 septembre 2006 sur les appels interjetés par M. [I], Mmes [C] et [B] et le syndicat unifié UNSA.

Les appelants demandent à présent :

- de déclarer nulle la clause de l'accord collectif local du 19 octobre 1991 qui limite à 9 points le coefficient applicable servant au calcul de la rémunération en cas de promotion d'un représentant syndical ;

- d'ordonner, avec rectification sous astreinte des bulletins de paie, des rappels de salaires provisoirement arrêtés au 31 janvier 2010, ainsi que la régularisation pour la période postérieure, à concurrence des sommes de :

. 30.982,05 € pour M. [I] (soit, de décembre 1997 à janvier 2010, 14.605,96 € de rappel de salaire au titre de la promotion de classification C à D, 5.010,48 € au titre de celle de D à E et 654,98 € au titre de l'ancienne prime d'association) ;

. 15.988,57 € pour Mme [C] (soit, de juin 2002 à janvier 2010, 15.512,48 € de rappel de salaire au titre du passage au niveau D et 476,09 € au titre de l'ancienne prime d'association) ;

. 21.266,70 € pour Mme [B] (soit, de juin 2002 à janvier 2010, 20.790,60 € de rappel de salaire au titre du passage à la classification D et 476,09 € au titre de l'ancienne prime d'association) ;

- de condamner, sur le fondement des articles L. 2132-3, L. 2262-12 et 2262-4 du code du travail, la caisse d'épargne à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts par suite de la mise en oeuvre, pour chacun des salariés, de l'accord local du 19 octobre 1991 en violation de la loi du 1er juillet 1983, des accords nationaux du 19 décembre 1985 et des principes de non-discrimination définis à l'article L. 2141-5 du code précité ;

- et de condamner la caisse d'épargne à payer les sommes de 4.500 € à M. [I], à Mmes [C] et [B] et de 1.000 € au syndicat unifié UNSA, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Intimée, la CAISSE D'ÉPARGNE ILE-DE-FRANCE, venant aux droits de la société anonyme coopérative Caisse d'épargne d'Ile-de-France Nord (la caisse d'épargne), qui conclut à l'irrecevabilité et subsidiairement au mal fondé de la demande en nullité, demande de débouter M. [I], Mmes [C] et [B] ainsi que le syndicat unifié UNSA de l'ensemble de leurs prétentions, et de condamner chacun de ceux-ci à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions déposées au greffe le 1er février 2010, puis reprises et complétées lors de l'audience du 9 février 2010.

Motifs de la décision :

L'avenant n° 6 au protocole d'accord sur le volet social de la caisse d'épargne Ile-de-France Nord du 19 octobre 1991 prévoit, en son article 5 B relatif au déroulement de carrière et à la rémunération, que, sous certaines conditions, par un processus de révision prenant en compte la totalité de la carrière du salarié dans l'entreprise et dont le bénéfice est limité à deux fois au maximum, les représentants du personnel et syndicaux se voient attribuer une classification de niveau immédiatement supérieur au leur, sans qu'en aucun cas, cette évolution ne puisse donner lieu à une déclassification du salarié.

Mmes [C] et [B] ainsi que M. [I] qui, chacun et ce dernier à deux reprises, ont bénéficié de cette reclassification à un niveau supérieur à celui qui était le leur auparavant, se sont cependant vu opposer par leur employeur, pour la détermination de la nouvelle rémunération en résultant, la restriction posée par l'alinéa 12 de l'article 5 B précité, qui dispose que "dans ce cadre, l'entreprise appliquera s'il y a lieu, l'augmentation prévue à l'article 5 "promotion avancement" du chapitre "rémunérations" du protocole d'accord sur le volet social de la caisse d'épargne d'Ile-de-France Nord du 19 octobre 1991, dans la limite de 9 points".

Or, cette stipulation conventionnelle qui, dans le cadre de l'accord de progression de carrière des représentants du personnel et syndicaux, limite pour ces seuls salariés la progression de rémunération dont ils peuvent bénéficier à la suite d'une promotion, constitue - sans pouvoir pertinemment être analysée par l'employeur en la "contrepartie d'un avantage" - une discrimination directe, dès lors que, dans une situation comparable, le salarié détenant un mandat syndical est ainsi traité de manière moins favorable qu'un autre salarié de la même entreprise.

Alors qu'une disposition conventionnelle qui contient une telle mesure discriminatoire en raison de l'activité syndicale est nulle, la juridiction statuant en matière prud'homale, pour incompétente qu'elle soit, ratione materiae, pour prononcer l'annulation erga omnes de tout ou partie de l'accord collectif local du 10 octobre 1991, ne peut néanmoins qu'être conduite à tirer toutes conséquences découlant du caractère illicite de la clause susdite, laquelle doit donc être considérée comme non avenue à l'endroit de chacun des salariés concernés.

Aussi, alors que seule se pose, en l'espèce, comme conséquence de la mise en oeuvre à leur profit de l'accord de progression de carrière, la question de la progression effective et intégrale (c'est-à-dire non limitée aux 9 points supplémentaires) de la rémunération de M. [I] et de Mmes [C] et [B], en ce compris les compléments de rémunération tels que la prime de cohésion sociale de 4,46 % du salaire mensuel et la prime annuelle d'association de 40,20 % (dont la caisse d'épargne a déjà, aux termes de sa lettre du 11 février 1997, partiellement gratifié Mme [B]), se trouve dénuée de toute pertinence et est donc inopérante toute l'argumentation développée en défense, tenant, quant à la détermination de la "rémunération effective", au respect - nullement contesté par les trois salariés intéressés - du salaire minimum garanti par l'article 13 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 et précisé par l'accord du 8 janvier 1987 tel qu'interprété par l'arrêt du 6 mai 1996 de la Cour de cassation, qui, selon les termes mêmes de la lettre de la caisse d'épargne remise le 7 novembre 2002 à Mme [B], ne représente qu'un "plancher de rémunération théorique affecté à chaque niveau de classification".

Il apparaît, ainsi, que la promotion par changement de niveau d'emploi doit nécessairement s'accompagner, sans qu'elle se heurte à une interdiction de cumul d'avantages conventionnels, d'une progression de rémunération prenant intégralement en compte le différentiel entre les coefficients minima affectés à chacun des niveaux quitté et atteint par le salarié, qui sont mentionnés à l'article 13 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 (soit 22 + 18 points pour M. [I], passé du niveau C à D puis de D à E, et 22 points en ce qui concerne Mmes [C] et [B], passées de C à D).

En conséquence, au vu de l'ensemble des éléments du dossier, et notamment des tableaux de calculs contradictoirement produits aux débats par les salariés et non utilement critiqués en défense, il y a lieu, par infirmation des trois jugements déférés, de condamner la caisse d'épargne à payer, à titre de rappels de salaires, et sans préjudice de la régularisation qui sera à effectuer à partir du décompte arrêté au 31 janvier 2010, les sommes de :

- 30.982,05 € à M. [I], soit, de décembre 1997 à janvier 2010, 14.605,96 € de rappel de salaire au titre de la promotion de ce salarié de niveau C à D, 5.010,48 € au titre de celle du niveau D à E, ainsi que 654,98 € au titre de l'ancienne prime d'association ;

- 15.988,57 € à Mme [C], soit, de juin 2002 à janvier 2010, 15.512,48 € de rappel de salaire au titre de son passage à la classification D, et 476,09 € au titre de l'ancienne prime d'association ;

- et 21.266,70 € à Mme [B], soit, de juin 2002 à janvier 2010, 20.790,60 € de rappel de salaire au titre de sa promotion au niveau D, et 476,09 € au titre de l'ancienne prime d'association.

De plus, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, il sera enjoint à la caisse d'épargne de remettre à M. [I] et à Mmes [C] et [B] des bulletins de salaires conformes aux dispositions de la présente décision.

Par suite de la mise en oeuvre délibérée et opiniâtre par l'employeur, pour chacun des trois salariés titulaires de mandats syndicaux, de l'avenant n° 6 au protocole d'accord local du 19 octobre 1991 en violation des principes de non-discrimination définis aux articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail et de l'accord collectif national du 19 décembre 1985, le syndicat unifié UNSA est recevable, sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail, à demander la réparation de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession ainsi qu'aux siens propres en sa qualité de signataire des accords nationaux litigieux. La caisse d'épargne sera, en conséquence, condamnée à lui verser de ce chef la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme les trois jugements entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne la CAISSE D'EPARGNE ILE-DE-FRANCE à payer, à titre de rappels de salaires jusqu'au 31 janvier 2010, et sans préjudice de la régularisation qu'elle devra effectuer à partir du décompte provisoirement arrêté au 31 janvier 2010, les sommes de :

- 30.982,05 € à M. [S] [I] ;

- 15.988,57 € à Mme [N] [C] ;

- 21.266,70 € à Mme [Z] [B] ;

Ordonne à la CAISSE D'EPARGNE ILE-DE-FRANCE de remettre à M. [S] [I], à Mme [N] [C] et à Mme [Z] [B] des bulletins de salaires conformes aux dispositions du présent arrêt ;

Condamne la CAISSE D'EPARGNE ILE-DE-FRANCE à payer au syndicat unifié UNSA la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties de leurs autres prétentions ;

Condamne la CAISSE D'EPARGNE ILE-DE-FRANCE aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la CAISSE D'EPARGNE ILE-DE-FRANCE de ses demandes pour frais irrépétibles et la condamne à payer, à ce titre, les sommes de :

- 1.000 € à M. [S] [I] ;

- 1.000 € à Mme [N] [C] ;

- 1.000 € à Mme [Z] [B] ;

- et de 1.000 € au syndicat unifié UNSA.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/10944
Date de la décision : 12/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°08/10944 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-12;08.10944 ?
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