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07/10/2010 | FRANCE | N°08/12286

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 07 octobre 2010, 08/12286


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 07 octobre 2010



(n° 2 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/12286 (I.B)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris (1° Ch) - section encadrement - R n° 07/11332





APPELANTE

SA COMVERSE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle REYMANN-GL

ASER, avocat au barreau de PARIS, toque : J 141







INTIME

Monsieur [H] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 07 octobre 2010

(n° 2 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/12286 (I.B)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris (1° Ch) - section encadrement - R n° 07/11332

APPELANTE

SA COMVERSE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle REYMANN-GLASER, avocat au barreau de PARIS, toque : J 141

INTIME

Monsieur [H] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1894

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 juin 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle BROGLY, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

Madame Evelyne GIL, conseiller

Madame Isabelle BROGLY, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la SA COMVERSE FRANCE à l'encontre du jugement prononcé le 8 octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section Encadrement, statuant en formation de jugement sur le litige l'opposant à Monsieur [H] [L].

Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :

- a condamné la SA COMVERSE FRANCE à régler à Monsieur [H] [L] les somme suivantes :

* 24 007,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 2 400,73 € au titre des congés payés y afférents.

* 9 531,10 € au titre de l'indemnité de licenciement.

et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement.

* 58 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

- a débouté Monsieur [H] [L] du surplus de ses demandes.

- a débouté la SA COMVERSE FRANCE de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :

LA SA COMVERSE FRANCE, appelante, poursuit l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture de Monsieur [H] [L] doit s'analyser en un licenciement, en ce qu'il a alloué à celui-ci diverses sommes et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

La SA COMVERSE FRANCE demande subsidiairement à la Cour de ramener le montant de la condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire et sollicite en tout état de cause la condamnation de Monsieur [H] [L] aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur [H] [L], poursuit la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la Cour de condamner la société COMVERSE FRANCE aux dépens d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

CELA ETANT EXPOSE.

Monsieur [H] [L] a été engagé le 21 janvier 2004 par la société NETCENTREX, devenue COMVERSE, en qualité d'ingénieur commercial.

Son salaire moyen des douze derniers mois s'élevait à la somme mensuelle de 8 368,78 € composée en partie d'une part variable prévue dans le contrat de travail, versée mensuellement en fonction des objectifs et du plan de commissionnement.

La mise en place des objectifs commerciaux et du plan de commissionnement individuel pour l'exercice 2007 n'a pas été réalisée avant fin mai 2007, de sorte que Monsieur [L] à qui la société avait néanmoins versé dans l'attente, comme à l'ensemble de ses commerciaux, un acompte de 50% de la partie variable de la rémunération, a estimé subir un important préjudice.

Après avoir adressé le 21 mai 2007 à la société COMVERSE une lettre de mise en demeure, Monsieur [H] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a effectué 7 jours de préavis début juin 2007.

SUR CE

Sur la qualification de la rupture du contrat de travail.

Au soutien de son appel, la SA COMVERSE FRANCE fait valoir :

- que chaque année, Monsieur [L] a signé un plan de commission pour l'exercice en cours allant du 1er janvier au 31 décembre,

- qu'à compter de l'année 2007, la clôture de l'exercice comptable a été modifié et est intervenu au 31 janvier, la période de référence des plans de commissions étant alors du 1er février au 31 janvier,

- que Monsieur [L] a reçu à l'occasion de chaque exercice les conditions générales du plan de rémunération variable ainsi que ses objectifs.

- que pour l'exercice 2006, l'objectif individuel de Monsieur [L] qui était fixé à 5 500 000 €, ouvrait droit à 75% de la rémunération variable.

- qu'au titre de l'année 2006, Monsieur [L] qui a légèrement dépassé l'objectif assigné, a perçu 33 729 € bruts de rémunération variable soit une moyenne mensuelle de 2 810 €.

- que compte tenu de l'acquisition, le 22 mai 2006, de la société NETCENTREX, la société COMVERSE FRANCE n'a pas pu matériellement proposer un plan de commissions à ses commerciaux, de sorte qu'elle a annoncé à Monsieur [L] que son salaire fixe augmenterait de 6% au 1er janvier 2007 et que sa rémunération variable serait désormais de 38 500 € et non plus de 30 000 € à 100% des objectifs atteints.

- que de fait, dès le mois d'avril 2007, des avances sur commissions ont été allouées aux commerciaux si bien que Monsieur [L] a perçu 7 830 € bruts de rémunération variable du 1er janvier au 31 mai 2007 et 12 645 € du 1er janvier au 7 juin 2007, soit comparativement des sommes plus importantes que celles perçues au cours de l'exercice précédent : 7 785 € bruts de rémunération variable du 1er janvier au 31 mai 2006 et 12 260 € du 1er janvier au 30 juin 2006.

- qu'à la suite du courrier qu'il a adressé le 21 mai 2007, Madame [C], Directrice des Ressources Humaines a avisé Monsieur [L] que le problème de la rémunération variable ne serait pas réglé au 31 mai 2007 mais durant la première quinzaine de juin et ce, avec la paie du mois de juin,

- que pour autant, bien que pleinement informé de la régularisation à intervenir fin juin, Monsieur [L] a pris précipitamment acte de la rupture de son contrat de travail et n'a effectué qu'un préavis de 7 jours seulement.

- que la société a réagi vivement par une lettre du 9 juillet 2007 dans laquelle elle qualifiait d'inadmissible le comportement de Monsieur [L]

- qu'en réalité, le salarié qui avait retrouvé un emploi, a tenté de lui imputer la rupture de son contrat de travail alors même qu'il savait pertinemment que la situation était définitivement réglée et qu'en tout état de cause, son niveau de vie n'avait pas été affecté.

Monsieur [H] [L] réplique que :

- si au début de l'année 2007, la SA COMVERSE FRANCE n'était pas en mesure, comme elle le soutient, de mettre en place un plan de commissionnement permettant de calculer et de lui verser sa rémunération variable, il lui appartenait de la calculer et de la lui verser conformément au plan de commissionnement de l'année précédente, soit celui de l'année 2006.

- la société n'était pas fondée à substituer unilatéralement à la rémunération variable qui devait continuer à lui être versée sur la base de celle de l'année précédente, une avance forfaitaire correspondant à 50 % de la part variable, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même.

- cette modification unilatérale s'est traduite par une perte de rémunération dès lors que sa rémunération variable avait été fixée à 38 500 € pour l'année 2007, soit la somme mensuelle de 3 208,33 € et qu'il n'a perçu que la somme de 7 830 € de février à juin 2007 inclus au lieu de 12 833,32 €, d'où un manque à gagner de 5 003,32 €. 

- la société a doublement porté atteinte au contrat de travail, d'une part en modifiant la structure de la rémunération et d'autre part en en modifiant le montant.

- cette double atteinte était caractérisée le 1er juin 2007, date à laquelle il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, non sans avoir préalablement alerté son employeur sur le caractère illicite de son comportement.

- la faute de la société COMVERSE FRANCE est d'autant plus caractérisée que le 30 juin 2007, soit après lui avoir laissé prendre acte de la rupture de son contrat de travail, elle a accepté finalement de lui verser les commissions sur la base d'une réalisation à 100% des objectifs, et de lui allouer ainsi la somme complémentaire de 4 814 €.  

- cette régularisation tardive, postérieure à la prise d'acte du 1er juin 2007, et sans doute provoquée par celle-ci, est sans incidence sur son bien fondé.

- sa prise d'acte est dès lors justifiée, indépendamment du fait que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi par la société COMVERSE FRANCE qui n'a pas cru devoir lui donner un minimum de visibilité sur le montant de cette rémunération variable.

En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la Cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

En effet, le contrat de travail de Monsieur [H] [L] prévoit en son article 4 le principe d'une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable dans les termes suivants :

' En contrepartie de l'exécution de ses fonctions, Monsieur [H] [L] percevra :

- une rémunération brute annuelle de 50 000 € sur douze mois et demi, incluant la prime de vacances prévue par la convention collective ;

- un salaire variable de 30 000 € dont les modalités de calcul et de versement font l'objet d'un avenant'.

Il est acquis aux débats que non seulement, les objectifs dont dépend le montant de la part variable sont communiqués au salarié au début de chaque exercice par document séparé, dans le cadre d'un plan de commissionnement ('Sales Commission Plan'), mais que le montant de la part variable est versé chaque mois en fonction des objectifs réalisés le mois précédent.

Il n'est pas contesté que tel a été le cas pour les années 2005 et 2006.

Cependant, d'une part, si la société COMVERSE FRANCE a bien notifié, par courrier en date du 29 janvier 2007 à Monsieur [L] un salaire variable de 38 500 €, elle reconnaît elle-même ne pas lui avoir remis dans le même temps un plan de commissionnement associé à cette part variable, de sorte que cette part de rémunération n'était pas déterminable dès lors qu'elle dépendait de la réalisation d'objectifs non connus du salarié.

D'autre part, contrairement à ce qu'elle soutient, la SA COMVERSE FRANCE a privé Monsieur [H] [L] d'une rémunération variable équivalente à celle perçue l'année précédente, dès lors qu'il est constant qu'au jour de la prise d'acte de la rupture, le 1er juin 2007, l'intégralité de la rémunération variable à laquelle il était en droit de prétendre ne lui avait pas été versée et qu'il ne l'a obtenue que le 30 juin 2007.

Il y a lieu d'observer à cet égard que Monsieur [L] avait préalablement à la prise d'acte, mis en demeure le 21 mai précédent la SA COMVERSE FRANCE en ces termes : '(...) Le temps que notre management prenne les décisions que nous attendons depuis trois mois, je souhaiterai recevoir la garantie que les 50% de la part variable de ma rémunération seront bien versés le 31 mai au plus tard'.

Même si Monsieur [H] [L] a agi très rapidement, et que son préjudice financier était limité compte tenu de l'ensemble de sa rémunération, il y a lieu de considérer qu'en s'abstenant de payer au salarié l'intégralité de sa rémunération variable, la SA COMVERSE FRANCE a commis une faute.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a analysé la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA COMVERSE FRANCE à verser à Monsieur [H] [L] :

- la somme de 24 007,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, en deniers ou quittances, compte tenu du fait que Monsieur [L] a effectué 7 jours de préavis qui lui ont été réglés.

- la somme de 2 400,07 € au titre des congés payés y afférents.

- la somme de 9 531,10 € à titre d'indemnité de licenciement.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi par Monsieur [H] [L] à la somme de 50 212,68 € en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du Travail.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Succombant en son recours, la SA COMVERSE FRANCE sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la SA COMVERSE FRANCE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [H] [L] peut être équitablement fixée à 1 000 €.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il y a lieu de réduire à la somme de 50 212,68 €.

Condamne la SA COMVERSE FRANCE aux dépens, ainsi qu'à verser à Monsieur [H] [L] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 08/12286
Date de la décision : 07/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°08/12286 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-07;08.12286 ?
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