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05/10/2010 | FRANCE | N°09/25097

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 05 octobre 2010, 09/25097


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2010



(n° 342 ,5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25097



Décision déférée : Ordonnance rendue le 30 Novembre 2009 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : Contradictoire



N

ous, Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des proc...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2010

(n° 342 ,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25097

Décision déférée : Ordonnance rendue le 30 Novembre 2009 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier présent lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 14 septembre 2010 :

LES APPELANTES :

- Monsieur [D] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

- Monsieur [K] [R] épouse [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

- SOCIETE ALTER société de droit luxembourgeois

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

- SARL APEXES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentées par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués près la Cour

assistées de Maître Eve OBADIA, avocate au barreau de PARIS, toque :C1371

et

INTIMÉ

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux,

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Maître Dominique HEBRARD MINC, avocate au barreau de MONTPELLIER

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2010, l'avocate des appelants et l'avocate de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 05 octobre 2010 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Vu l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ayant modifié l'article 16B du Livre des procédures fiscales en ouvrant la voie de l'appel à l'encontre des ordonnances du juge des libertés et de la détention en matière de visites domiciliaires et de saisies ;

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 novembre 2009 par laquelle il a autorisé les agents de l'administration des finances publiques à procéder à des opérations de visite domiciliaire et de saisie à l'encontre des époux [H], présumés développer sur le territoire national, sous couvert de la société Alter de droit luxembourgeois, une activité de conseils aux entreprises et aux particuliers, sans remplir les obligations déclaratives y afférentes et ainsi omettre de passer les écritures comptables et se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu ;

Vu la déclaration d'appel formée contre ladite ordonnance en date du 14 décembre 2009, par les époux [H] et la société Alter ;

Vu les dernières conclusions soutenues à l'audience par les appelants en date du 13 septembre 2010, tendant à l'annulation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de l'administration fiscale à leur payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les conclusions de l'administration fiscale reçues au greffe de la cour le 28 juillet 2010, tendant à la confirmation de la même ordonnance et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE :

Selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et la jurisprudence tant nationale qu'européenne, qui consacrent le droit à la protection de la vie privée, la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'ordre démocratique dès lors que cette ingérence est prévue par la loi, est entourée de garanties adéquates et suffisantes contre les abus et qu'elle constitue une mesure qui est nécessaire, notamment au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.

En application de l'article 16 B du Livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire, saisie par l'administration, peut ordonner de telles mesures lorsqu'elle estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts :

- en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture,

- en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles,

- ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures

- ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

En application du même texte, le juge, de première instance comme d'appel, doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de faits et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.

Il ressort des textes précités que le juge de l'autorisation n'est pas le juge de l'impôt et que les présomptions qu'il retient doivent découler d'un examen 'in concreto' de la situation soumise à son examen, en sachant que 'les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu' (article 1349 du code civil) et que 'les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes.' (Article 1353 du code civil)

A l'appui de leur recours, et invoquant l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, les appelants se prévalent du caractère disproportionné, au regard de l'atteinte à la vie privée qu'occasionnent les mesures de visite et de saisie. Estimant en outre, qu'aucune des irrégularités visées à l'article 16 B ne peut leur être reprochées, ils contestent, l'existence des présomptions de fraude fiscale requises par l'article 16B, pour la mise en oeuvre de ces mesures.

Ils exposent que la société Alter est une petite entreprise basée au Luxembourg qui répond à toutes ses obligations, notamment comptables et fiscales, imposées par les lois de cet Etat. Ils estiment, dans ces conditions, excessive, la mesure entreprise sur la base du factures adressées par la société Alter aux galeries Lafayette, société française, d'un montant total fort modeste de 79 800 € sur les deux années 2006 et 2007. Ils précisent que les époux [H], domiciliés en France procèdent auprès de l'administration fiscale française à la déclaration de l'ensemble de leurs revenus.

Ils contestent, enfin, le caractère probant des éléments de preuve produits par l'administration fiscale au soutien de sa demande d'autorisation et reprochent à l'administration, en définitive, de motiver sa démarche en considérant comme une preuve irréfutable de fraude, le seul fait de l'existence d'une société établie au Luxembourg.

L'administration fiscale, qui soutient le bien fondé de l'autorisation accordée, fait valoir que des éléments recueillis tant auprès des autorités luxembourgeoises, que de l'administration fiscale elle-même, il est apparu que la société Alter, dont il pouvait être présumé qu'elle ne disposait à l'adresse de son siège luxembourgeois que d'une domiciliation, et dont la direction effective paraissait être réalisée par les époux [U] à partir de leur domicile parisien, avait effectivement réalisé des prestations sur le territoire national au cours des années 2006 et 2007.

Elle ajoute que l'ensemble de ces éléments constitue bien des présomptions de fraude tant au plan matériel qu'intentionnel, celui-ci résultant de l'absence même de toute déclaration fiscale en France établie au nom de la société Alter, constituée en 2004 et dont les bénéfices réalisés en 2005, 2006 et 2007 s'élèvent respectivement à 4 469,45 €, 27 314,13 € et 50 376,76 €.

Il ressort des pièces produites aux débats que la société Alter SA est une société de conseil aux entreprises et aux particulier de droit luxembourgeois ; qu'elle a été constituée le 18 juin 2004 par les époux [U], domiciliés en France ; que M. [D] [U] en est l'administrateur délégué (pièce n°1) ; que le siège social de la société Alter, [Adresse 3] est aussi celui d'une cinquantaine d'autres sociétés (pièce n°3) et qu'elle dispose du même numéro de téléphone (26.92.02) que trois autres sociétés sises à la même adresse (pièce n°6), faisant ainsi apparaître que la société Alter pouvait ne disposer que d'une simple domiciliation au Luxembourg.

Par ailleurs, les éléments recueillis par l'administration fiscale ont établi que des prestations ont été réalisées, en France, en 2006 et 2007, et facturées par la société Alter pour le compte des Galeries Lafayette (pièces 7 et 8) ; que le nom de domaine alter.lu , reprenant la dénomination de la société en cause et sa domiciliation, était la propriété de M. [U] (pièces n°10, 10-1) ; que Mme [U] est consultante en ressources humaines, selon le CV versé aux débats ; que les 15 et 16 décembre 2008, la facturation des consommations de téléphone de Mme [H] fait apparaître que 10 appels, d'une très grande brièveté évoquant des communications par fax, ont été émis à destination du Luxembourg au numéro de la société Alter (pièces n°15 et 15-1).

En conséquence, indépendamment du fait que les époux [H] établissent, pour leur compte personnel, leur déclaration d'impôt en France, et que la société Alter fasse de même au Luxembourg, l'ensemble des éléments ainsi recueillis fait craindre que l'activité réelle de la société Alter, consistant en des prestations intellectuelles, notamment de coaching, se déroule, en réalité, en France, par l'intermédiaire des époux [H], dont c'est le métier. Le siège social de la société Alter au Luxembourg pourrait n'être, en définitive, qu'une simple domiciliation. Il découlerait donc de l'ensemble de ces circonstances, si elles étaient avérées, l'obligation de déclarer cette activité à l'administration fiscale française, ce qui n'a pas été fait.

Ces éléments, qui sont sérieux, méritent d'être retenus. Ils constituent donc des présomptions au sens de l'article L16 B du Livre des procédures fiscales et fondent en droit et en fait la mesure de visite sollicitée.

L'autorisation litigieuse a donc été délivrée par le juge des libertés et de la détention conformément à l'article 16 B précité et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés.

Il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 novembre 2009 par laquelle il a autorisé les agents de l'administration des finances publiques à procéder à des opérations de visite domiciliaire et de saisie à l'encontre des époux [H].

CONDAMNONS aux dépens la société de droit luxembourgeois Alter SA, M. [D] [P] et Mme [K] [R] ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société de droit luxembourgeois Alter SA, M. [D] [P] et Mme [K] [R] à payer à la direction générale des finances publiques la somme de 1 500 €;

LES DÉBOUTONS de leur demande de ce chef.

LE GREFFIER

[G] [E]

LA DÉLÉGUÉE DU PREMIER PRESIDENT

[M] [X]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/25097
Date de la décision : 05/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/25097 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-05;09.25097 ?
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