La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2010 | FRANCE | N°10/04654

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 4, 01 octobre 2010, 10/04654


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 4



ARRET DU 01 OCTOBRE 2010



(n° 461,4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04654



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/06172





APPELANTE



Madame [W] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]



représentée par Ma

ître Chantal BODIN-CASALIS, avoué près la Cour

assistée de Maître Alexandra VOVAN plaidant pour Maître Richard FORGET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1834











INTIMEES



LA SOCIETE FRANCAISE DU...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 4

ARRET DU 01 OCTOBRE 2010

(n° 461,4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04654

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/06172

APPELANTE

Madame [W] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Maître Chantal BODIN-CASALIS, avoué près la Cour

assistée de Maître Alexandra VOVAN plaidant pour Maître Richard FORGET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1834

INTIMEES

LA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - S.F.R

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour

assistée de Maître Eric SPAETH, avocat au barreau de PARIS, toque : E449

LA SOCIETE ORANGE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par la SCP GUIZARD, avoués près la Cour

assistée de Maître Michel GENTILHOMME, de la SELARL Cabinet GENTILHOMME, avocat au barreau de PARIS, toque : E1729

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre

Monsieur David PEYRON, Conseiller

Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Madame Catherine BOUSCANT.

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.

Mme [L] qui réside à Strasbourg, se plaignant de troubles d'électro-hypersensibilité qu'elle attribue à l'installation d' antennes- relais de téléphonie mobile dans son quartier, a fait assigner sur le fondement du trouble anormal du voisinage, les sociétés SFR et ORANGE devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes en réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice physique et moral et à procéder au blindage de son appartement.

La société ORANGE FRANCE ayant soulevé, devant le juge de la mise en état, l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal administratif de Strasbourg, par conclusions d'incident auquel s'est associée la société SFR, le juge de la mise en état, par ordonnance du 18 février 2010, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître du litige, a renvoyé Mme [L] devant le tribunal administratif de Strasbourg pour en connaître, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné Mme [L] aux dépens de l'incident ;

Dans ses dernières conclusions du 31 août 2010, Mme [L] qui a interjeté appel de l'ordonnance, prie la cour d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état, de débouter les sociétés ORANGE et SFR de l'ensemble de leurs demandes, de dire et juger le tribunal de grande instance compétent pour statuer sur ses demandes et de condamner solidairement les intimés à lui payer une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par dernières conclusions du 1er septembre 2010, la société ORANGE FRANCE au visa des articles 74 et 92 du Code de procédure civile, L.2111-17 et L.2124-26 et L.2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques , 41-1 du Code des postes et télécommunications électroniques, de la loi des 16-24 août 1790 sur la séparation des autorités administratives et judiciaires et décret loi du 16 fructidor an III, poursuivant la confirmation de l'ordonnance, demande de renvoyer Mme [L] à mieux se pourvoir et de la condamner à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

La société Française de Radiotéléphonie (SFR) se référant aux articles 94 et 92 du Code de procédure civile, aux articles L.141-1 du Code des postes et télécommunications et L.2111-17 et L.2331-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, poursuivant aussi la confirmation de l'ordonnance, demande de se déclarer d'office incompétent au profit du Tribunal administratif de Paris et de condamner Mme [L] à lui verser une indemnité de procédure de 3000 € et de la condamner aux entiers dépens.

Considérant que, pour déclarer le tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit du tribunal administratif, le juge de la mise en état s'est fondé, notamment, sur les dispositions de l'article L.2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) aux termes duquel les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordés ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires sont portés devant le tribunal administratif ; que le premier juge a considéré que la compétence du tribunal administratif est une compétence de principe, qu'elle ne se limite pas aux seuls litiges portant sur la légalité ou la validité des autorisations et conventions d'occupation du domaine public, que le juge administratif connaît de tout litige né de l'occupation du domaine public et reconnaît la notion de trouble de voisinage qui, en l'espèce, est indissociable de la question du niveau d'émission des ondes litigieuses qui a pour cause les conditions d'occupation du domaine public hertzien de l'Etat par ses opérateurs, domaine qui échappe à la compétence du juge judiciaire ;

Que les sociétés ORANGE et SFR, venant au soutien de la décision déférée, et faisant leurs les motivations du premier juge, ajoutent :

- en ce qui concerne la société ORANGE que l'activation de l'antenne relais d'ORANGE à [Localité 6] à partir de l'installation en cause constitue un ouvrage public dès lors que l'article L.2111-17 du DGPPP qualifie expressément les fréquences radioélectriques de dépendances du domaine public ; que le tribunal des conflits et le conseil d'Etat considèrent qu'une personne morale de droit privé poursuivant un but d'intérêt général peut être propriétaire d'un ouvrage public ; que le contentieux engagé devant le tribunal de grande instance de Paris sous couvert de  trouble anormal de voisinage de l'article 544 du Code civil et du principe de précaution tend à demander au juge judiciaire d'apprécier la légalité de la réglementation française et notamment des autorisations délivrées par l'ARCEP - l' Agence de Régulation des communications électroniques, ce, en violation des dispositions de la loi du 16-24 août 1790 ;

- en ce qui concerne la société SFR, que seul le non respect de la norme pourrait justifier la mise en cause des opérateurs sur le terrain du trouble anormal du voisinage et justifier la compétence du juge judiciaire, que la demande de Mme [L] tend à porter atteinte à un ouvrage public dont le démantèlement ne peut être ordonné que par le juge administratif ;

Considérant que le présent litige n'est pas relatif à l'occupation du domaine public hertzien de l'Etat par les opérateurs de téléphonie mobile qui, dans cette hypothèse, relèverait de la compétence du juge administratif ;

Que Mme [L] a introduit son action sur le fondement de la responsabilité des troubles anormaux du voisinage découlant des dispositions de l'article 544 du Code civil ; qu'elle n'excipe à ce titre d'aucun manquement de la part des opérateurs aux normes administratives notamment de l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques des Postes ) ou de l'ANFR ( L'Agence Nationale des Fréquences ) ; que ses demandes ont pour finalité non pas de contrarier ou de remettre en cause le fonctionnement des antennes - relais dont elle ne demande ni l'interruption d'émission ni le déplacement ou le démantèlement mais d'assurer sa protection personnelle et la réparation du préjudice qu'elle prétend subir ;

Que le fait que les antennes relais, qui sont la propriété de personnes morales de droit privé, participent à une activité d'intérêt public ne peut suffire à les qualifier d'ouvrage public ; que ces antennes ne bénéficient d'aucune protection juridique particulière ; qu' il n'est pas démontré par les intimés que ces antennes soient à l'instar des postes de transformation électrique, des ouvrages publics dont la qualification a été conservée du fait de leur appartenance à l'établissement public EDF avant la loi du 9 août 2004 ; que pour prétendre à la qualification d'ouvrage public, ces antennes devraient, pour le moins, présenter un caractère immobilier par nature ou par destination, ce qui n'est pas le cas en ce qui les concerne puisqu'elles peuvent être démontées ou remplacées ; Qu'il ne peut-être sérieusement soutenu que leur activation du fait de leur caractère immatériel constituerait un ouvrage quelqu'il soit ;

Que les dispositions de l'article 2331-1 du CGPPP qui prévoient que sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public quelle que soit leur forme ou leur dénomination accordés ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ne sauraient trouver application dès lors que la responsabilité d'une personne privée propriétaire d'installations litigieuses régulièrement installées sur le domaine public est recherchée par un tiers, comme c'est le cas de Mme [L], dans le cadre d'action en responsabilité civile entre personnes privées, étant observé que l'autorisation de l'administration n'est pas un fait justificatif derrière lequel l'auteur d'un dommage pourrait, le cas échéant, se retrancher pour se soustraire aux conséquences de sa responsabilité ;

Qu'en l'absence de remise en cause par l'appelante des autorisations administratives dont bénéficient les sociétés intimées, le juge judiciaire, saisi sur le fondement du trouble anormal de voisinage, ne porte pas atteinte au principe de séparation entre les fonctions judiciaires et administratives énoncées par l'article 13 de la loi sur l'organisation judiciaire du 14-24 août 1970 et est, dès lors, compétent pour ordonner les mesures propres à le faire cesser ou l'indemniser ;

Qu'en conséquence, la décision déférée sera infirmée ;

Considérant que les sociétés ORANGE et SFR qui succombent seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnées sur ce fondement à payer à Mme [L] la somme de 1500 € ;

Considérant que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des sociétés ORANGE et SFR ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance dont appel,

Statuant à nouveau ;

Déclare compétent le juge judiciaire et par conséquent le tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur les demandes de Mme [L] ;

Condamne les sociétés ORANGE et SFR à payer à Mme [L] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident et d'appel qui pourront pour ces derniers, être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/04654
Date de la décision : 01/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris A4, arrêt n°10/04654 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-01;10.04654 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award