Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2010
(n° 303, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04617
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/11955
APPELANTS
S.C.I. PROMO GRANGE poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée de Me Georges DEMIDOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : L 143
SELARL IDEACT
Monsieur [Y] [G]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assisté de Me Georges DEMIDOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : L 143
SELARL IDEACT
Monsieur [O] [G]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assisté de Me Georges DEMIDOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : L 143
SELARL IDEACT
INTIMES
Maître [V] [S] Notaire associé de la SCP [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de la, avocats au barreau de PARIS, Me S. BACH, avocat au barreau de PARIS, toque : P 499 - SCP INTER BARREAUX RONZEAU ALANOU-FERNANDEZ HAESE BACH
S.C.P. GILLES CEYRAC DE BUHREN MONTES BIGOT GUICHARD prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de la, avocats au barreau de PARIS, Me S. BACH, avocat au barreau de PARIS, toque : P 499 - SCP INTER BARREAUX RONZEAU ALANOU-FERNANDEZ HAESE BACH
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juin 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La SCI PROMO GRANGE (la SCI), dont MM. [Y] et [O] [G] sont respectivement associé et gérant-associé, ayant contracté un prêt immobilier de 11 300 000 francs le 30 octobre 1987, recherchent la responsabilité de M. [S], notaire, et de la SCP notariale GILLES, CEYRAC, DE BURHEN, MONTES, BIGOT, GUICHARD, LUCAS (les notaires) pour manquement à leur devoir de conseil et défaut d'efficacité de l'acte au motif qu'il n'y est pas mentionné l'existence de l'assurance de groupe souscrite par MM. [G], ce qui a eu pour conséquence, M. [O] [G] ayant eu un accident cardiaque suivi d'une incapacité, de les priver du bénéfice de cette assurance, de faire face au remboursement de prêt, de faire l'objet d'une procédure de saisie immobilière dont il n'ont pu obtenir la nullité, faute de démontrer l'existence de l'assurance et de les priver des revenus que devait leur procurer la location de l'immeuble.
Par jugement du 23 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, le dommage étant caractérisé par la décision déboutant MM. [G] de leur demande d'annulation de la procédure de saisie, définitive après exercice des voies de recours, selon arrêt du 9 janvier 2002,
écarté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 28 octobre 1992 et à l'arrêt du 9 janvier 2002 qui portaient sur la saisie immobilière et opposaient MM. [G] et leur prêteur alors qu'est mise en jeu, ici, la responsabilité du notaire,
débouté la SCI et MM. [G] de leurs demandes et les a condamnés à payer aux notaires la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté M. [S] et les notaires de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la SCI et MM. [G] en date du 4 mars 2008,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 17 mai 2010 selon lesquelles, poursuivant la réformation du jugement ils demandent, au vu des fautes commises, de condamner in solidum M. [S] et les notaires à leur payer 25 861 129 € pour leur préjudice financier, 5 326 611,92 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 10,50% à compter du 1er janvier 2007 pour leur préjudice financier au titre du prêt du 30 octobre 1987, 3 290 435 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 10,50% à compter du 1er janvier 2007 pour leur préjudice financier au titre des prêts des 8 et 14 novembre 1989, 80 000 € pour leur préjudice moral et très subsidiairement demandent d'ordonner une expertise, outre 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 23 avril 2010 par lesquelles M. [S] et les notaires demandent de déclarer irrecevable comme prescrite l'action au regard de l'article 2270-1 alinéa 1er du code civil, subsidiairement de confirmer le jugement et de condamner la SCI et MM. [G] solidairement à leur payer 10 000 € pour mauvaise foi et procédure abusive et 5 000 € sous les mêmes conditions en application de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'action :
Considérant que M. [S] et les notaires soutiennent tout d'abord que l'article 2270-1 du code civil prévoit que les actions, dont celle dirigée contre eux, 'se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation' alors que leurs adversaires se réfèrent à deux actes des 30 octobre 1987 et 8 et 14 novembre 1989 et que le point de départ du délai est la connaissance qu'ils ont eue du préjudice, soit en 1990 lorsqu'ils ont été destinataires de deux sommations de payer et en 1991 lorsqu'ils ont été déboutés de leurs demandes en raison de l'absence d'assurance de groupe et de leur mauvaise foi ; que leur assignation de 2006 est donc tardive ;
Considérant cependant que, comme l'a exactement énoncé le tribunal, la manifestation du dommage visée par le texte consiste dans la décision, rendue sur renvoi le 9 janvier 2002 ensuite du rejet du pourvoi de MM. [G], qui a refusé d'annuler la procédure de saisie immobilière dirigée contre eux et les a condamnés au paiement de dommages et intérêts au prêteur, consacrant ainsi le principe et l'ampleur de leur préjudice ;
Sur la responsabilité de M. [S] et des notaires :
Considérant que MM. [G] , qui rappellent qu'ils ont reçu une première offre de prêt le 21 octobre 1987 incluant la souscription d'une assurance, puis une seconde, le 28 octobre, modifiée pour tenir compte tenu de l'abandon du projet initial dans son ampleur, qui fixait le montant des nouvelles échéances et indiquait que 'les autres conditions et modalités contenues dans notre accord en date du 21.10.1987 demeurent inchangées', soutiennent que M. [S] et les notaires, en ne les interrogeant pas sur leur volonté quant à l'existence ou non de l'assurance le jour de la signature le 30 octobre a commis une faute, d'autant qu'il était habituel pour M. [O] [G] de contracter des prêts assortis d'assurances et que rien ne justifiait une renonciation aux conditions initiales ;
Considérant toutefois que, outre que, comme l'a justement relevé le tribunal et comme soutenu par M. [S] et les notaires, les échanges entre MM. [G] et la SCAM, organisme prêteur, ont eu lieu en dehors des notaires de sorte qu'on ne peut leur imputer à faute un changement des conditions de prêt auxquelles ils sont étrangers, M. [S] et les notaires font observer judicieusement que l'offre initiale du 21 octobre, sur laquelle se fondent MM. [G] pour justifier que les conditions qui y étaient incluses, parmi lesquelles l'assurance, étaient maintenues, portent sur une 'assurance groupe Décès-Incapacité... sur la tête de Monsieur [Y] [G].' (page 2, dernier § de la rubrique 'garanties') et non sur celle de M. [O] [G], seul atteint ensuite par la maladie puis l'incapacité ; que ceci est corroboré par le fait que la lettre du 28 octobre 1987, qui modifie les montants du prêt et des échéances, conserve la rubrique 'garantie' dont a disparu le paragraphe relatif à ladite assurance et est adressée 'à l'attention de Monsieur [Y] [G]', démontrant ainsi que c'est suite aux discussions avec ce dernier, qui au surplus se portait caution de l'opération justifiant ainsi l'assurance, que la clause le concernant a disparu ; que cela est encore confirmé par le fait que les nouvelles échéances évoquées ne comportent plus le montant des assurances, ce que MM. [G] ne pouvaient pas ignorer ; que cette analyse est encore confortée par le fait que, lors d'un prêt ultérieur en date des 8 et 14 novembre 1989, contracté auprès de la même SCAM par la même SCI représentée encore par M. [Y] [G], aucune assurance n'a été stipulée ;
Que la photocopie d'un document rempli par M. [O] [G], se présentant comme un questionnaire santé, est sans valeur à cet égard dès lors qu'il ne se réfère à aucune offre de prêt précise et que ce dernier affirme dans les écritures qu'il concluait habituellement de tels contrats d'assurance dans le cadre de ses affaires ; qu'est aussi sans intérêt la discussion sur l'erreur éventuelle commise par le prêteur quant à la personne du gérant dès lors que, comme relevé, c'est bien en sa qualité de caution qu'il était suggéré une assurance de M. [Y] [G] et non pas de M. [O] [G] en tant que gérant ;
Que dans ces conditions les premiers juges, en estimant que le prêt signé chez M. [S] et les notaires le 30 octobre 1987 avait reflété la commune intention des parties et que ces derniers n'avaient donc commis aucun manquement à leur devoir d'information ou de conseil, ont eu des faits qui leur étaient soumis une exacte appréciation dont la cour ne peut qu'approuver les termes ;
Considérant que, pour ces motifs, l'ensemble du surplus de l'argumentation de MM. [G] devient inopérant ;
Considérant que l'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable ; que ces exigences ne sont pas satisfaites en l'espèce ; que la demande de M. [S] et des notaires sera rejetée ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. [S] et les notaires, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la SCI PROMO GRANGE et MM. [O] et [Y] [G] in solidum à payer à M. [S] et à la SCP notariale GILLES, CEYRAC, DE BURHEN, MONTES, BIGOT, GUICHARD, LUCAS la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT