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24/09/2010 | FRANCE | N°06/21723

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 24 septembre 2010, 06/21723


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2010



(n°292, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21723





Décision déférée à la Cour : jugement du 7 novembre 2006 - Tribunal de commerce de PARIS - 17ème chambre - RG n°2006025464







APPELANTE


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S.A. ODIFA (OLIGO DISTRIBUTION-FABRICATION), agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 7]

[Localité 1]



représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2010

(n°292, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21723

Décision déférée à la Cour : jugement du 7 novembre 2006 - Tribunal de commerce de PARIS - 17ème chambre - RG n°2006025464

APPELANTE

S.A. ODIFA (OLIGO DISTRIBUTION-FABRICATION), agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour

assistée de Me Claude CHAPPEL plaidant pour la SELARL CHAPPEL & SEGARULL, avocat au barreau de LORIENT

INTIMEES

S.A.S. MG2 MIX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 11]

[Localité 2]

représentée par la SCP CALARN - DELAUNAY, avoué à la Cour

assistée de Me Emmanuel ERGAN plaidant pour la SELARL LE PORZOU - DAVID - ERGAN, avocat au barreau de RENNES

S.A.S. TENDRIADE - COLLET, prise en la personne de son président et/ou de tout représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 10]

[Localité 2]

S.N.C. LACTALIS INDUSTRIE, prise en la personne de son gérant et/ou de tout représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 9]

[Localité 3]

S.N.C. LAITIERE DE [Localité 4], prise en la personne de son gérant et/ou de tout représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentées par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistées de Me Arnault BUISSON-FIZELLIER plaidant pour BFPL AVOCATS AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque P 496

S.A. ALLIANZ IARD, anciennement dénommée AGF IART, intervenant en sa qualité d'assureur des sociétés OLIGO DISTRIBUTION-FABRICATION et MG2MIX, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué à la Cour

assistée de Me Philippe BERNARD plaidant pour le Cabinet NGO - MIGUERES & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque R 013

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Fabrice JACOMET, Président

M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller

M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT

M. Fabrice JACOMET a préalablement été entendu en son rapport

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel, déclaré le 13 12 2006, d'un jugement rendu le 07 11 2006 par le tribunal de commerce de Paris.

A partir de janvier 2005, différents éleveurs se sont plaints auprès de la société TENDRIADE - COLLET qui élève des veaux en vue de leur abattage de l'inappétence des veaux pour les produits BABILAC CROISSANCE puis LACTOLAIT que la société LACTALIS INDUSTRIE commercialise à partir des aliments fabriqués par la société LAITIERE DE [Localité 4] et qui incorpore notamment des compléments minéraux vitaminés (CMV) fournis par la société MG2 MIX qui les réalise à partir du sulfate de zinc acquis auprès de la société ODIFA (OLIGO DISTRIBUTION-FABRICATION) qui l'importe de Chine par l'intermédiaire de la société JIANGSU OVERSEAS GROUP MATERIAL AND TECHNOLOGY CO LTD.

Au cours d'une réunion du 04 03 2005 organisée à son initiative, la société LACTALIS INDUSTRIE a informé la société MG2 MIX que les essais qu'elle avait fait réaliser mettait en cause le taux excessif de cadmium dans la composition des aliments et donc des CVM.

Parallèlement, à partir de décembre 2005, la direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DCCRF) procédait à une enquête, dans le cadre du programme coordonné d'inspection européen de l'application de la directive CE du 04 05 2002 qui imposait pour la fabrication d'aliments un taux maximal de 5 mg/ kg de cadmium à ne pas dépasser.

Ce même taux était déjà celui qui était retenu par l'arrêté du 16 03 1989 pour les aliments pour veaux.

Les divers essais et analyses effectués mettaient en évidence que ce taux était très largement dépassé.

Par acte du 21 03 2006, les sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET ont saisi le tribunal de commerce de Paris au fond.

Le tribunal a notamment dit que les sociétés MG2 MIX et ODIFA ont commis à l'égard du Goupe LACTALIS une faute par l'importation, l'incorporation et la vente à ce dernier de produits (sulfate de zinc) comportant une substance (cadmium) rendant leur emploi impropre dans des aliments pour animaux, les a condamnées, en conséquence, ainsi que leur assureur, la société AGF IART, à verser à titre provisionnel à la société LAITIERE DE [Localité 4] la somme de 600 000 €, a condamné la société JIANGSU OVERSEAS GROUP AND TECHNOLOGIE CO LTD à garantir les sociétés ODIFA et AGF IART de la somme précitée, a, avant dire droit sur le préjudice et les comptes entre parties, ordonné une expertise et désigné à cette fin [J] [F], a autorisé la société LAITIERE DE [Localité 4] à procéder à la destruction des stocks de CMV et d'aliments rendus impropres en sa possession dont elle devra justifier pour la perception de la provision qui lui a été allouée, a dit, sauf pour la provision, n'y avoir lieu à exécution provisoire, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ordonnance du 01 03 2007, le conseiller de la mise en état a assorti la mesure d'expertise de l'exécution provisoire tandis que par ordonnance du 19 06 2008, le juge du contrôle a rejeté la demande en récusation de l'expert et complété sa mission en lui demandant de donner son avis sur le lien existant entre le taux de cadmium et l'inappétence des veaux.

L'expert a déposé son rapport le 27 01 2009.

Par ordonnance du 03 09 2009, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de la société ODIFA de son appel, en ce qu'il était dirigé contre la société JIANGSIU OVERSEAS GROUP MATERIAL AND TECHNOLOGIE CO LTD.

Par arrêt du 27 10 2009, la cour a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge du contrôle.

Par jugement du 30 07 2009 le TGI de SAINT-BRIEUC, statuant en matière correctionnelle, a, notamment, condamné pour tromperie les sociétés ODIFA et MG2 MIX mais relaxé la société LACTALIS INDUSTRIE ; ce jugement, cependant, n'est pas définitif en ce qui concerne ces deux premières sociétés à raison de l'appel qu'elles ont interjeté.

La SA ODIFA, appelante, demande à la cour, de désigner un expert judiciaire aux fins de l'éclairer la cour sur les responsabilités encourues et les préjudices éventuellement subis et de condamner in solidum les sociétés TENTRIADE - COLLET, LACTALIS INDUSTRIE, LAITIERE DE [Localité 4] à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens.

La SAS MG2 MIX, intimée, demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente d'une issue définitive de la procédure pénale, de rejeter la demande d'évocation, et subsidiairement, annuler le rapport d'expertise judiciaire, sur le fond, dire prescrites les actions en garantie des vices cachés et sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, dire qu'aucune faute pour vice caché ne lui est imputable, dire que la faute exclusive de la société LACTALIS INDUSTRIE est exonératoire de la responsabilité des autres intervenants, la mettre hors de cause, débouter les sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET de toutes leurs demandes, à titre subsidiaire, ordonner une expertise sur l'éventuel lien de causalité entre la teneur excessive en cadmium du sulfate de zinc et les désordres allégués dans les élevages, réduire à de plus justes proportions les préjudices allégués, condamner la société ODIFA et son assureur à la garantir de toutes condamnations, condamner son assureur, la société AGF IART à la garantir, en tout état de cause, condamner les sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET à lui payer solidairement la somme de 25 000 € et à régler les entiers dépens.

La SA ALLIANZ IARD, précédemment dénommée AGF IART, intimée, demande à la cour, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue définitive de la procédure en cours, de rejeter la demande d'évocation, de dire l'action sur le fondement des articles 1386-1 du code civil non fondée, celle sur le fondement des vices cachés prescrite, celles sur le fondement de l'article 1147 du code civil et L 222-1 du code de la consommation non fondées, de dire le Groupe LACTALIS seul responsable de son éventuel préjudice, de le débouter de toutes ses demandes, d'ordonner la restitution par la société LAITIERE DE [Localité 4] de la provision qu'elle lui a versée, à titre subsidiaire, de prononcer la nullité du rapport d'expertise, et d'ordonner une nouvelle expertise avec la mission initialement dévolue au premier expert, à titre encore plus subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les préjudices allégués, en tout état de cause, de constater que sa garantie est limitée à une somme de 1 500 000 € pour ce qui concerne la société ODIFA et à celle de 1 524 000 € pour ce qui concerne la société MG2 MIX, de condamner le Groupe LACTALIS à lui payer une somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler tous les dépens de première instance et d'appel ;

Les sociétés LACTALIS INDUSTRIE, LAITIERE DE [Localité 4], TENDRIADE - COLLET, intimées, demandent à la cour d'évoquer l'affaire au fond sous tous ses aspects, au visa des articles 1641, 1386-1 et suivants et 1147 du code civil et L 222-1 du code de la consommation, confirmer le jugement, entériner les conclusions du rapport d'expertise sauf sur le montant des préjudices, condamner in solidum les sociétés ODIFA, MG2MIX et leur assureur, la société AGF IART à leur payer la somme de 3 895 073 € de laquelle sera retranchée la provision versée avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil, celle de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

SUR CE

Considérant que sur l'appel de la SA ODIFA, la SAS MG2 MIX et la SA ALLIANZ IARD ont sollicité le sursis à statuer jusqu à ce que la procédure pénale pour tromperie diligentée contre les dirigeants des sociétés LACTALIS INDUSTRIE, MG2 MIX et ODIFA, ayant donné lieu à un jugement rendu le 20 07 2009 par le TGI de SAINT BRIEUC statuant en matière correctionnelle, ait reçu une solution définitive ;

Considérant, cependant, qu'il n'y a lieu à ordonner le sursis à statuer, par application de l'article 4 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue du 05 03 2007, alors même que le jugement dont s'agit serait frappé d'appel et concernerait ce qui est avéré pour partie les mêmes faits puisque, d'une part, au sens de ce texte la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension des autres actions exercées antérieurement devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ;

Considérant que les sociétés ODIFA, MG2 MIX, et ALLIANZ IARD excipent vainement de la nullité du rapport d'expertise au motif de l'absence d'indépendance de l'expert eu égard à ses liens supposés avec l'une des parties et le laboratoire dont il utilise les compétences, d'une part, à raison des termes de l'arrêt du 27 10 2009 ayant rejeté la demande de récusation en retenant pour l'essentiel la tardiveté de cette demande et la parfaite connaissance qu'avaient ces parties de ces liens, d'autre part, parce que cette absence d'indépendance et de loyauté n'est caractérisée par aucun élément extérieur précis étant observé que pour la mission initialement dévolue, savoir les préjudices subis, l'expert a eu recours à un sapiteur dont le rapport est joint au sien propre et que sur le complément de mission, savoir les incidences techniques du cadmium sur la santé des animaux, il a eu recours à des analyses techniques objectives et à un sapiteur, de troisième part, qu'il n'a été caractérisé par aucun élément un grief précis d'une expertise effectuée dans de telles conditions de nature à justifier la nullité d' une expertise, enfin, parce que le juge qui n'est jamais tenu par les conclusions de l'expert judiciaire apprécie souverainement les éléments soumis à son appréciation étant observé qu'en l'espèce, ces éléments sont précis, détaillés, argumentés et lui permette d'être suffisamment éclairé sur les éléments techniques et de fait du litige ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des pièces produites et du rapport d'expertise que :

- selon la directive CEE du 07 05 2002, la teneur en cadmium des aliments pour veaux ne doit pas dépasser 5 mg/kg et que ce taux était déjà celui retenu par un arrêté du 16 mars 1989,

- entre le 30 09 2004 et le 16 11 2004, la société ODIFA a importé de Chine six containers de 20 tonnes chacun de sulfate de zinc dont elle ne pouvait ignorer qu'il était destiné à être incorporé à l'alimentation animale et dont il est avéré que les bons de commande précisaient qu'il ne devait pas dépasser le taux maximum de cadmium de 20 ppm/kg ce que garantissait l'exportateur chinois par un certificat d'analyse étant observé que cette société ODIFA n'a procédé elle-même, à aucune analyse complémentaire et que ce sulfate de zinc est arrivé en plusieurs livraisons entre la fin septembre et le 15 04 2005 et que la société ODIFA l'a vendu sans le transformer à plusieurs clients dont la société MG2 MIX,

- cette société MG2 MIX qui a notamment pour activité de fabriquer des compléments minéraux vitaminés (CMV) a été livrée le 04 11 2004 d'une tonne de sulfate de zinc en provenance du lot 04 0923 dont il était avéré, au regard de l'analyse des prélèvements effectués dans le cadre des investigations effectuées par la DCCRF, qu'elle révélait un taux anormalement élevé en cadmium compris entre 51000 mg/kg et 78000 mg/ kg et notamment de 65000 mg / kg pour le lot 04 0923,

- cette société MG2 MIX a vendu ces CMV notamment à la société LAITIERE DE [Localité 4], dont la société LACTALIS INDUSTRIE détient 80 % du capital et qui a notamment pour activité de fabriquer des aliments pour animaux, en particulier, BABILAC CROISSANCE et LACTOLAIT destinés, entre autres, aux veaux, aliments incorporant lesdits CMV à hauteur de 1 % des produits finis ; il est acquis aux débats, d'une part, que par lettre du 16 07 2002, cette société MG2 MIX s'était engagée vis à vis de la société LAITIERE DE [Localité 4] à réaliser chaque mois sur l'un des produits fournis sortis une analyse des métaux lourds dont fait partie le cadmium et, d'autre part, qu'elle ne pouvait ignorer la destination finale du produit,

- à partir du lot contaminé en cadmium en quantité excessive, la société LAITIERE DE [Localité 4] a fabriqué 3149 tonnes d'aliments pour les veaux,

- il est acquis aux débats que la société LAITIERE DE [Localité 4] s'était dotée d'un plan de contrôle aux termes duquel elle prévoyait notamment l'analyse tous les deux mois des substances dites indésirables dont le cadmium ; que ces analyses, jusqu'en février 2005, n'avaient révélé aucune anomalie mais que le lot contaminé à l'origine des aliments contaminés fabriqués avait en raison de sa date échappé à un tel contrôle ; de plus, cette société avait adhéré à une charte de qualité, enfin, elle avait soumis son fournisseur à un audit lui imposant une connaissance des taux de métaux lourds sur les CMV et le respect des spécifications de l'arrêté du 16 03 1989 dont l'annexe reprenait les teneurs fixées par la directive CEE 2002/32 du 07 05 2002,

-la société LACTALIS INDUSTRIE, pour sa part, qui a pour activité de commercialiser les produits fabriqués par la société LAITIERE DES [Localité 4] a vendu notamment ces aliments contaminés, d'une part, à la société TENDRIADE - COLLET mais, d'autre part, à divers autres clients, éleveurs indépendants, négociants, intégrateurs, étant précisé que la société TENDRIADE - COLLET est une entreprise intégrée d'élevage et de production de veaux de boucherie en ce sens qu'elle achète des veaux de huit jours qu'elle fait élever sous contrat puis reprend au bout de 180 jours pour les faire abattre avec une production d'environ 1000 veaux par jour ;

- il ressort des pièces produites qu'à la suite de signalement d'éleveurs faisant état de l'inappétence des veaux nourris avec du BABILAC CROISSANCE puis du LACTOLAIT, la société LACTALIS INDUSTRIE a provoqué une réunion le 04 03 2005 avec la société MG 2 MIX au cours de laquelle elle informait cette dernière que les taux en cadmium des produits que cette dernière avait fournis étaient trop élevés ce qu'a confirmé elle-même cette dernière en admettant des taux anormaux de cadmium s'échelonnant entre 640 et 1300 ppm,

- les investigations ultérieures effectuées par ces deux entreprises confirmaient que le facteur commun étaient le cadmium,

- à cette date sur les,3149 tonnes d'aliments fabriqués par la société LAITIERE DES [Localité 4], 850 tonnes avaient été bloquées ou reprises en élevage, les 2299 tonnes complémentaires ayant été consommées,

- la Direction des Services Vétérinaires ( DSV ) interdira la commercialisation des reins et des foies des animaux ayant ingéré des aliments contaminés tandis que le 11 02 2006, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire (AFFSA) conclura à l'absence de risque sanitaire pour l'homme et précisera estimer que la consommation de foie et de rein d'animaux ayant consommé des aliments en concentration excessive de cadmium ne présentait pas de risque sanitaire pour le consommateur,

- aucun élément n'a mis en évidence un risque sanitaire pour les animaux eux-mêmes,

- cependant, il ressort des avis de l'expert et de Madame [W] [K] qui est intervenue comme sapiteur dans le cadre de cette expertise que :

* la documentation bibliograhique citée confirme l'inappétence des animaux ingérant des aliments en quantité excessive de cadmium,

* l'analyse de la performance de chaque veau mesurée à l'aide de l'indice GMQ qui exprime la différence du poids à la sortie par rapport à son poids à l'entrée rapportée au temps de séjour révèle systématiquement pour ceux nourris avec des aliments contaminés en cadmium des GMQ nettement inférieurs,

* si d'autres facteurs peuvent influer, existe une probabilité statistique très élevée que le lien causal avéré dans la littérature scientifique entre la contamination par le cadmium et la perte d'appétence des animaux existe également dans les élevages étudiés, Madame [W] [K] avait conclu clairement à un lien de causalité très vraisemblable entre la contamination des aliments par le cadmium et les baisse de GMQ rapportées ;

Considérant que sur l'appel de la société ODIFA, les sociétés LAITIERES DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET, pour solliciter sur les responsabilités la confirmation du jugement, se prévalent cumulativement des dispositions de l'article 1641 et suivants, de la responsabilité du fait des produits défectueux et de l'obligation autonome de sécurité, et des dispositions de l'article 222-1 du code de la consommation ;

Considérant, toutefois, que la demande sur ces trois derniers fondements dont ces sociétés soulignent le caractère surabondants ne saurait prospérer ;

Considérant, en effet, que, en ce qui concerne la responsabilité du fait des produits défectueux, il importe de relever que ce fondement n'avait pas été invoqué devant les premiers juges qui l'ont néanmoins retenu, que celui-ci n'a été invoqué par les sociétés précitées que par leurs écritures du 12 11 2009 alors que par application de l'article 1386-17 du code civil, une telle demande se prescrit dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage ou de l'identité du producteur, qu'il est avéré que cette connaissance a été acquise en mars 2005 en sorte qu'avec raison, la société MG2 MIX soutient que l'action sur ce fondement est prescrite étant au demeurant observé qu'eu égard aux fondements initialement invoqués, l'assignation introductive d'instance n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription quant à ce nouveau fondement ce que ces sociétés ne prétendent d'ailleurs pas, qu'en tout état de cause, les dispositions de ce texte ne sont susceptibles de recevoir application, comme le soutiennent exactement tant la société MG2 MIX que la SA ALLIANZ IARD que pour autant que le produit a eu pou effet de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, ce qui n'est pas le cas, puisqu'il n'est résulté tout au plus de l'ingestion par les veaux d'aliments contaminés par un taux excessif de cadmium qu'une inappétence de ces derniers engendrant seulement une performance de poids inférieur génératrice d'une rentabilité moindre ;

Considérant qu'à raison de cette absence d'atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, l'action sur le fondement de l'article 1147 du code civil au titre de l'obligation autonome de sécurité ou sur le fondement de l'article L 222-1 du code de la consommation ne peut pas plus prospérer comme le soutient exactement la SA ALLIANZ IARD ;

Considérant que pour écarter les demandes au titre de l'action pour vice rédhibitoire, les sociétés MG2 MIX et ALLIANZ IARD excipent vainement de ce que cette dernière n'aurait pas été introduite dans le bref délai de l'article 1648 du code civil dès lors qu'au regard de ce texte, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 02 2005 alors applicable et eu égard à la nature du dommage et aux circonstances, l'action introduite le 21 03 2006 pour un dommage révélé le 04 03 2005 soit dans un délai de l'ordre d'une année a suffisamment respecté les exigences de ce texte ;

Considérant que pour soutenir que le vice rédhibitoire avait été caractérisé, les sociétés LAITIERES DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET, excipent de ce que la première a acquis de la société MG2 MIX des CMV qui se sont révélés pollués de cadmium dans des conditions anormales, qu'elle n'était pas en mesure de déceler ce vice non apparent étant observé qu'elle avait mis en place une procédure de contrôle, que la multiplicité des contrôles effectués jusqu'à deux mois auparavant avait mis en évidence la conformité du produit tant au regard des exigences réglementaires que contractuelles, que cette société, comme la société ODIFA, s'était abstenue, quant à elle, de tout auto-contrôle, que le vendeur professionnel est réputé connaître le vice caché de la chose qu'il vend, ce qui le rend débiteur, même en l'absence de faute prouvée de l'acquéreur de tous dommages et intérêts consécutifs, que la qualité de professionnel ne les prive pas d'agir en garantie des vices cachés dès lors qu'elles ont procédé à des autocontrôles sur les produits fournis ;

Considérant que la société MG2 MIX réplique que la présence en cadmium excessif n'emportait aucun risque sanitaire pour l'homme, qu'il n'existait à la date des faits reprochés aucune règlementation lui imposant de contrôler la présence de métaux lourds dans les mélanges qu'elle fabriquait, qu'elle procédait néanmoins à certains contrôles auxquels le lot litigieux a malheureusement échappé, qu'elle justifie de diverses certifications et évaluations attestant son sérieux, qu'en l'absence de réglementation, il ne peut lui être imposé un contrôle systématique, que les sociétés du Groupe LACTALIS lui avaient fait connaître antérieurement sa satisfaction, que ses autres clients destinataires des produits provenant du même lot n'ont élevé aucune plainte à son encontre, que la société ODIFA comme l'exportateur chinois lui avaient certifié en juillet 2004 une teneur normale en cadmium du produit de base qu'ils lui livraient, qu'en revanche, les sociétés du Groupe LACTALIS avaient gravement engagé leur responsabilité puisqu'elles étaient fabricant et distributeur de produits alimentaires pour animaux et comme tels, l'agent économique le plus proche des éleveurs, qu'elles ont manqué à l'obligation de contrôle tant des produits reçus que de ceux incorporés, fabriqués et vendus, et que ces quantités étaient très importantes puisqu'elles admettent avoir utilisé 30 tonnes de CMV pour fabriquer plus de 3149 tonnes d'aliments, qu'il est inconcevable que de telles quantités puissent être commercialisées sans contrôle, que, d'ailleurs, les sociétés du Groupe LACTALIS admettent dans leurs écritures qu'elles étaient seules assujetties aux contrôles imposés par la règlementation européenne, que les enquêtes de la Direction des Services Vétérinaires et de la DGCCRF ont stigmatisé l'attitude de la société LAITIERE DES [Localité 4] qui a dissimulé l'existence de cette contamination aux autorités sanitaires et aux éleveurs alors qu'elle disposait de tous les moyens techniques pour déceler la présence de matériaux lourds tel le cadmium, qu'en tout état de cause, le préjudice allégué n'est pas caractérisé dès lors que le lien entre le taux excessif de cadmium et l'inappétence des animaux n'est pas établi ;

Considérant que la SA ALLIANZ IARD prétend pour sa part que la directive CEE du 07 05 2002 imposait aux sociétés du Groupe LACTALIS le contrôle des seuils de substances indésirables, que cette obligation était encore rappelée par la Charte des Bonnes Pratiques pour la Fabrication des Aliments d'Allaitement dont elle est adhérente, qu'on ne peut que s'étonner de l'absence ou de l'insuffisance de contrôle ce qui revient au même pour des quantités aussi importantes ;

Considérant au vu des pièces précédemment rappelées et de l'analyse qu'en a fait la cour, que les produits vendus par la société MG2 MIX à la société LAITIERE DE [Localité 4] étaient indiscutablement affectés d'un vice dès lors, d'une part, que la société MG2 MIX n'ignorait pas la destination finale du produit qu'elle vendait, qu'elle était par suite tenue de respecter le taux en cadmium imposé par la directive du 07 05 2006, alors surtout que, contractuellement, elle était tenue de respecter l'arrêté pris pour son application, d'autre part, qu'il est manifeste que les taux en cadmium contenus dans les produits qu'elle vendait n'ont pas respecté ces exigences et, enfin, que le lien entre ce taux excessif de cadmium par rapport tant à la règlementation européenne qu'aux exigences contractuelles avait une incidence avérée sur l'inappétence des animaux et leur perte de poids par rapport à celui qui pouvait être escompté sans cette inappétence ;

Mais considérant que la société LAITIERE DE [Localité 4] et par suite la société LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET, eu égard aux liens qui unissent ces trois sociétés, ne peuvent utilement se prévaloir du caractère caché de ce vice, d'une part, car toutes ces sociétés ont la qualité de professionnels compétents, d'autre part, car la société LAITIERE DE [Localité 4] possède, en l'espèce, la qualité d'acquéreur professionnel, de troisième part, qu'elle-même venderesse, elle était soumise à la règlementation issue de la directive CEE du 07 05 2002 quant au contrôle des seuils de cadmium qu'elle avait l' obligation de respecter, de quatrième part, qu'elle disposait des moyens techniques pour contrôler ces seuils ce qu'elle faisait tous les deux mois, de cinquième part, qu'elle ne peut utilement soutenir quelles que soient les absences de contrôle des autres acteurs de la chaîne de vente, au regard tant des exigences réglementaires que de ses engagements contractuels et des conséquences pouvant en résulter pour les destinataires finaux, qu'un contrôle laissant échapper un lot de 30 tonnes de CMV conduisant à la fabrication de 3149 tonnes d'aliments contaminés respectait les exigences réglementaires et contractuelles en sorte que le vice dont a été affecté les produits vendus par la société MG 2 MIX à la société LAITIERE DE [Localité 4] qui n'a pas procédé au contrôle auquel elle était tenue n'avait pas pour elle, comme, compte tenu de ce qui a été dit, pour les deux autres sociétés avec lesquelles elle agit, le caractère d' un vice caché ;

Considérant qu'il s'ensuit que les société RETIERE DE LAITIERS, LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET ne peuvent qu'être déboutées de toutes leurs demandes ;

Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu d'ordonner à la société LAITIERE DE [Localité 4] de restituer la provision de 600 000 € que lui a versée la société AGF IARD à la SA ALLIANZ IARD aux droits de laquelle cette dernière se trouve ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant réformé sur cet article ;

Considérant que les sociétés LATIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE, TENDRIADE - COLLET, sont condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, le jugement étant donc réformé en ses dispositions relatives aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit recevable l'action des sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à annuler le rapport d'expertise ni à ordonner une nouvelle expertise ;

Dit l'action des sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET recevable sur le seul fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil ;

Déboute les sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET de toutes leurs demandes ;

Ordonne à la SNC LAITIERE DE [Localité 4] de restituer la provision de 600 000 € à la SA ALLIANZ IARD ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne les sociétés LAITIERE DE [Localité 4], LACTALIS INDUSTRIE et TENDRIADE - COLLET aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise ;

Admet les avoués qui y ont droit au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 06/21723
Date de la décision : 24/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°06/21723 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-24;06.21723 ?
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