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23/09/2010 | FRANCE | N°08/01032

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 23 septembre 2010, 08/01032


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 23 septembre 2010



(n° 2 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01032 (I.B)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 octobre 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris (3° Ch) - section encadrement - RG n° 06/02114









APPELANTE

Madame [N] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par

Me Mylène CARNEVALI, avocat au barreau de PARIS, toque : B 423







INTIMEE

LES EDITIONS JALOU

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sorin MARGULIS, avocat au barreau de PARIS toque : E1850, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 23 septembre 2010

(n° 2 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01032 (I.B)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 octobre 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris (3° Ch) - section encadrement - RG n° 06/02114

APPELANTE

Madame [N] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Mylène CARNEVALI, avocat au barreau de PARIS, toque : B 423

INTIMEE

LES EDITIONS JALOU

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sorin MARGULIS, avocat au barreau de PARIS toque : E1850, substitué par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseiller

Madame Isabelle BROGLY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Madame [N] [U] à l'encontre du jugement prononcé le 22 octobre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section Encadrement, statuant en formation de jugement sur le litige l'opposant à la SARL LES EDITIONS JALOU.

Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :

- a requalifié le licenciement pour faute lourde de Madame [N] [U] en licenciement pour faute grave.

- a condamné la SARL EDITIONS JALOU à verser à Madame [N] [U] la somme de 1 099,55 € au titre des congés payés et ce, avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

- a débouté Madame [N] [U] du surplus de ses demandes.

- a condamné la SARL EDITIONS JALOU aux dépens.

Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :

Madame [N] [U], appelante, poursuit l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde en faute gave et demande en conséquence à la Cour :

- de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute, lourde ou grave, dans l'exercice de son contrat de travail.

- de constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- de condamner la SARL LES EDITIONS JALOU au paiement des sommes suivantes :

* 7 303,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 730,38 € au titre des congés payés y afférents.

* 21 911,46 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

* 65 734,38 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* 10 000, 00 € à titre de dommages-intérêts à raison du caractère vexatoire du licenciement.

* 600,00 € au titre du remboursement des frais de formation engagés.

- d'ordonner la rectification de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail.

- de dire et juger que les créances à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la rupture du contrat de travail.

- de condamner la SARL LES EDITIONS JALOU à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SARL LES EDITIONS JALOU poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a requalifié la faute lourde en faute grave et de le confirmer sur le surplus.

En tout état de cause, elle demande à la COUR :

- de dire que le licenciement de Madame [N] [U] repose sur une faute grave.

- de la débouter en conséquence de ses demandes d'indemnité de préavis, de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- de dire et juger que la demande de remboursement de frais de formation n'est pas fondée.

- de condamner Madame [N] [U] aux dépens d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CELA ETANT EXPOSE.

Madame [N] [U] a été engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 11 juillet 2000 par la SARL LES EDITIONS JALOU qui édite des revues dont l'OFFICIEL et JALOUSE, en qualité de Secrétaire générale de rédaction, statut cadre, au coefficient 140 de la convention collective nationale des journalistes.

En son dernier état, sa rémunération moyenne brute mensuelle s'élevait à la somme de 3 651,91 €.

Elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement qui a eu lieu le 2 novembre 2005 en présence de Mademoiselle [D] [Z], Déléguée du personnel.

Lors de cet entretien, Monsieur [L] [B] lui a confirmé l'accusation de vol tenue par la société et lui a précisé que la mesure prise par la suite pourrait aller jusqu'à son licenciement pour faute grave, lui demandant de continuer dans les conditions habituelles.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 16 novembre 2005, la SARL LES EDITIONS JALOU a notifié à Madame [N] [U] son licenciement pour faute lourde.

SUR CE

Sur la qualification du licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

'Depuis plusieurs mois, nous avions constaté la disparition d'objets de valeur : vêtements, livres, cadeaux d'annonceurs, invitations pour des collections destinées aux salariés de la société. Or, nous avions été averti que vous aviez pris l'habitude de récupérer l'ensemble du courrier à l'accueil pour le distribuer à vos collègues, alors que cette tâche ne vous était absolument pas dévolue et avions été informés que certains de ces courriers n'atteignaient pas leurs destinataires.

Le 20 octobre 2005, vous avez été pris en flagrant délit d'un vol de livre intitulé 'Folies Douces' publié par Fayard que cet éditeur avait adressé - avant parution-à une collaboratrice des Editions Jalou pour lui permettre de rédiger un article à paraître dans le magazine 'L'Officiel de la Couture et de la Mode de Paris'.

A cette occasion, vous nous avez déclaré que ce livre qui se trouvait dans votre sac vous appartenait, puis, après quelques instants, vous avez spontanément reconnu devant plusieurs témoins et moi-même, l'avoir en fait dérobé et caché.

La faute dont nous avons été témoin est d'autant plus lourde et nuisible que :

- le vol de ce livre nous empêchait de rédiger un article, ce qui aurait nui à la société car en dérobant ce document, vous auriez contrarié le travail de vos collègues journalistes et nous n'aurions pu éditer correctement ce journal.

- vous paraissez coutumière de ce type d'agissements délictueux ainsi que l'ont confirmé plusieurs de vos collègues...'.

Au soutien de son appel, Madame [N] [U] prétend que la faute lourde qui est celle commise par un salarié dans l'intention de nuire à l'employeur n'est pas établie, qu'en effet, l'intention de nuire ne saurait être déduite de la seule gravité des faits ou du préjudice en résultant pour l'employeur.

Elle fait valoir que les mentions écrites dans la lettre de licenciement ne sont qu'une déformation d'un acte qui n'est absolument pas répréhensible, à savoir l'emprunt d'un livre aux fins d'en prendre connaissance et ce, d'autant qu'il s'agit d'une pratique régulière au sein de la société afin de permettre notamment d'optimiser le temps de travail.

Madame [U] produit plusieurs attestations de salariés, et notamment celle de Madame [O] qui témoigne qu'il était d'usage de laisser des livres sur le palier à la disposition de tous et de permettre à tout un chacun d'en disposer pour les lire.

La SARL LES EDITIONS JALOU réplique que les standardistes / réceptionnistes ont constaté que Madame [N] [U], qui n'a pas la qualité de journaliste, avait pris l'habitude de retirer à leur bureau d'accueil des plis et paquets en leur précisant qu'elle les remettrait à leurs destinataires mais que cependant, certaines de ces marchandises avaient disparu sans jamais être parvenues aux journalistes concernés.

Elle expose :

- que le 6 octobre 2005, Madame [N] [U] a insisté auprès de Madame [F], standardiste / réceptionniste pour se voir remettre un pli-livre adressé par les Editions FAYARD à Madame [A], rédactrice en Chef de l'OFFICIEL, en lui assurant qu'elle le remettrait immédiatement à l'intéressée, que cependant ce livre a disparu et n'a jamais été retrouvé.

- que quelques jours plus tard, le 20 octobre 2005, la société a reçu des Editions FAYARD, avant sa parution, un livre intitulé 'FOLIES DOUCES', destiné à une journaliste de l'OFFICIEL, Madame [X] [P], et qu'alors que ce paquet ne lui était pas destiné, Madame [N] [U] s'en est emparé et qu'il a été retrouvé dans son sac à mains.

- qu'après avoir soutenu dans un premier temps qu'elle n'avait pas appréhendé ce livre et qu'il ne se trouvait pas dans son sac à mains, elle a déclaré dans un second temps qu'il s'agissait d'un livre lui appartenant pour finir par le sortir de son sac et avouer qu'elle l'avait bien pris.

- que le 27 octobre 2005, Madame [N] [U] a déposé une main courante, soutenant qu'elle avait emprunté l'ouvrage en cause pour le lire pendant le week-end, dénonçant une fouille illégale de son sac à mains tout en précisant se réserver la possibilité de déposer plainte à l'encontre du comptable et du Directeur des Ressources Humaines.

- que le 7 décembre 2005, la société a déposé plainte du chef de vol commis le 20 octobre.

- que la plainte a fait l'objet d'un classement sans suite, assorti d'un rappel à la loi.

En cas de contestation par le salarié du motif du licenciement, il appartient au Juge de contrôler le caractère réel et sérieux du motif invoqué. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Madame [N] [U] ayant été licenciée pour faute lourde, la charge de la preuve incombe à l'employeur.

Il est acquis aux débats que, le 20 octobre 2005, un ouvrage intitulé 'Folies Douces' dépassait du sac à mains de Madame [N] [U] alors qu'il avait été adressé par les éditions FAYARD à Madame [X] [P], journaliste au sein de la SARL LES EDITIONS JALOU, afin que cette dernière puisse le lire pour rédiger un article à son sujet.

Dans son courrier en date du 26 novembre 2005, Madame [N] [U] mentionne que l'emprunt de livres est d'usage dans la société et ce, sans autorisation particulière et que tous les livres empruntés reviennent toujours au bureau pour être lus par les autres.

Dans sa déposition du 20 juin 2006 effectuée dans le cadre de l'instruction du Parquet consécutive à la plainte pour vol déposée par la SARL LES EDITIONS JALOU, Mademoiselle [N] [U] a déclaré concernant ce livre 'Folies Douces, qu'il s'agissait d'un roman policier qui traînait sur l'escalier depuis quelques jours et que le soir du 20 octobre 2005, elle l'avait effectivement pris et mis dans son sac afin de le lire sur le trajet de son domicile.

La matérialité de l'appréhension par Madame [N] [U] d'un livre qui ne lui appartient pas est d'autant plus caractérisée qu'elle est également corroborée par des attestations précises, circonstanciées et concordantes produites pas la SARL LES EDITIONS JALOU qui ne sont pas sérieusement contredites par celles versées aux débats par Madame [N] [U] :

- en effet, le témoignage de Madame [J], collègue de travail, qui affirme n'avoir jamais vu [N] [U] prendre quoique ce soit sans qu'on le lui ait donné n'est pas crédible sauf à ce qu'elle ait travaillé en permanence avec elle, ce qui n'est pas allégué.

- celui de Mademoiselle [Z] qui indique qu'il arrive que le personnel emprunte des livres assez régulièrement pour information ou relecture et les ramène au Bureau sans autorisation particulière n'est pas probant dès lors qu'il n'appartient pas à Madame [U], secrétaire générale de rédaction, de procéder à la lecture de livres.

- celui de Madame [O] n'est pas davantage fiable en ce que cette salariée a travaillé à mi-temps dans la société de septembre 2000 à août 2002, et n'y a ensuite effectué que des missions ponctuelles.

Il y a lieu de se reporter également à l'avis de classement daté du 26 février 2007 dans lequel le Procureur de la République indique à Madame [N] [U] que l'enquête diligentée à son encontre a fait l'objet d'un classement sans suite, mais que toutefois il l'avertit solennellement que des poursuites pourront être reprises contre elle en cas de commission de toute nouvelle infraction.

Ce type de vol est à l'évidence préjudiciable à la SARL LES EDITIONS JALOU en ce qu'il était de nature à empêcher le journaliste intéressé de rédiger un article sur l'ouvrage en cause, ou en ce qu'il aurait pu avoir à tout le moins une incidence sur l'édition du journal dans les délais impartis.

Le vol commis Madame [N] [U] en ce qu'il porte sur un outil de travail est bien constitutif d'une faute.

Pour autant, l'intention de Madame [N] [U] de nuire aux intérêts fondamentaux de la société n'étant pas caractérisée, le licenciement pour faute lourde prononcé à son encontre est excessive.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave définie comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de fait, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi, d'une telle importance qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le jugement entrepris doit également confirmé en ce qu'il a débouté Madame [N] [U] de toutes ses demandes, à l'exception de celle relative au paiement de ses congés payés à laquelle il a été fait droit à hauteur de la somme de 1 099,55 €.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Succombant en son recours, Madame [N] [U] sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il y a lieu en équité de laisser à Madame [N] [U], la charge de ses frais non compris dans les dépens par elle exposés devant la Cour.

Il serait inéquitable de laisser à la SARL LES EDITIONS JALOU, la charge les frais de procédure par elle exposés dans le cadre de la présente procédure et non compris dans les dépens. Madame [N] [U] doit être condamnée à lui verser la somme de 750 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Condamne Madame [N] [U] aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à la SARL LES EDITIONS JALOU la somme de 750 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 08/01032
Date de la décision : 23/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°08/01032 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-23;08.01032 ?
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