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21/09/2010 | FRANCE | N°08/21208

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 21 septembre 2010, 08/21208


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2010



(n° 307, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21208



Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 30 Octobre 2008 - Cour de Cassation de PARIS - Civ. 1 - n° 1042 F-P+B



DEMANDEURS À LA SAISINE



Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté pa

r la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de Me Emmanuel BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17O

SCP DARROIS-VILLEY-MAILLOT-BROCHIER, avocats au barreau de PARIS



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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2010

(n° 307, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21208

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 30 Octobre 2008 - Cour de Cassation de PARIS - Civ. 1 - n° 1042 F-P+B

DEMANDEURS À LA SAISINE

Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de Me Emmanuel BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17O

SCP DARROIS-VILLEY-MAILLOT-BROCHIER, avocats au barreau de PARIS

Madame [V] [U] épouse [G]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Emmanuel BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17O

SCP DARROIS-VILLEY-MAILLOT-BROCHIER, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS À LA SAISINE

Monsieur [D] [C]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Loup NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L 208

Maître [E] [P]

[Adresse 6]

demeurant [Adresse 5]

représenté par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour

assisté de Me Geoffroy GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17

FONDATION NATIONALE DES ARTS GRAPHIQUES & PLASTIQUES

[Adresse 8]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me KIEJMAN et de Me Lorenzo LAURENTIN, avocats au barreau de PARIS, toque : P 200 SCP KIEJMAN & MAREMBERT

SOCIETE DAGUERRE

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Ph. Ph. PAQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G 344

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 mai 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Madame Dominique GUEGUEN, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère venue d'une autre chambre pour compléter la cour en remplacement du conseiller empêché en application de l'article R. 312-3 du Code de l'organisation judiciaire

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC :

Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, à qui le dossier a été communiqué

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,

Considérant que, le 14 décembre 2001, M. [Y] [G] et Mme [V] [U], son épouse, ont acquis, au cours d'une vente aux enchères publiques, pour le prix de 7.900.000 francs (1.204.347,20 euros), une table à écrire présentée dans le catalogue de la vente sous le numéro 120 comme étant « en marqueterie Boulle et placage d'ébène. Elle ouvre à deux tiroirs sur les côtés et repose sur des pieds fuselés. Riche ornementation de bronze ciselé et doré à décor de masques rayonnants, rosaces, frises de fleurs et feuilles, sabots feuillagés. Estampillée C.J. Dufour et JME Epoque Louis XVI. (accidents et restaurations )' » et estimée entre 60.000 et 80.000 francs ;

Que, faisant valoir qu'ils n'avaient acquis la table à ce prix qu'en considération de sa facture prestigieuse et qu'ils ont découvert a posteriori qu'elle avait été reconstituée à partir d'éléments postérieurs, M. et Mme [G] ont sollicité l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles ou pour vice caché, recherché la responsabilité de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, venderesse, de la société Daguerre, organisatrice de la vente, de M. [E] [P], commissaire-priseur, et de M. [D] [C], expert, qui ont procédé ou apporté leur concours à la vente ;

Qu'à ces fins, M. et Mme [G] ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 13 octobre 2005, les a déboutés de leurs demandes, condamnés à payer à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques la somme de 1.204.347,20 euros (7.900.000 francs) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'adjudication, à M [P] la somme de 129.635.94 euros (850.356 francs) à titre d'émoluments, frais et taxe sur la valeur ajoutée, ensemble a condamné la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques à payer à M. [P] la somme de 144.521,66 euros ( 948.000 francs ) à titre d'émoluments, frais et taxe sur la valeur ajoutée, et encore a condamné M. et Mme [G] à verser à chacun de leurs adversaires la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Que, par arrêt du 12 juin 2007, la Cour a confirmé le jugement et condamné M. et Mme [G] payer une somme de 7.000 euros à chacun des intimés et à supporter les dépens ;

Que, par arrêt du 30 octobre 2008, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt prononcé par la Cour d'appel et renvoyé la cause et les parties devant la Cour autrement composée au motif qu'en considérant que « le meuble doit être considéré comme étant de l'époque Louis XVI, n'ayant pas été reconstitué au XIXéme siècle mais seulement réparé pour en consolider les parties les plus faibles sans que ces interventions remettent en cause son authenticité »  alors qu'elle « constatait par ailleurs que la table avait été transformée au XIXème siècle à l'aide de certaines pièces fabriquées à cette époque' de sorte que les mentions du catalogue par leur insuffisance, n'étaient pas conformes à la réalité' », la Cour a violé l'article 2, alinéa 2, du décret du 3 mars 1981 modifié par le décret du 19 juillet 2001 et l'article 1110 du Code civil ;

Considérant qu'en cet état, appelants du jugement, M. et Mme [G] demandent que soit annulée la vente de la table à écrire constituant le lot n°120 du catalogue de la vente du 14 décembre 2001 dont ils ont été déclarés adjudicataires par M [P] au prix de 7.900.000 francs (1.204.347,20 euros), que soit ordonnée la restitution de la table à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques ou à ses mandataires, de condamner in solidum la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, la société Daguerre, M. [P] et M. [C] à leur payer la somme de 400.000 euros à titre de dommage et intérêts ;

Qu'à l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que, comme l'a exactement relevé l'expert désigné en référé, si la table à écrire est bien, à l'origine, un meuble d'époque Louis XVI, la description qu'en fait le catalogue de la vente est incomplète et inexacte en ce qu'elle omet de mentionner que la table présente des manques, des restaurations et une transformation faite au XIXème siècle à l'aide de matériaux du XIXème siècle inusités à l'époque de Louis XVI et à plusieurs reprises, selon un travail grossier ou peu soigné, allant parfois jusqu'à ce que l'expert appelle du « bricolage » ;

Que M. et Mme [G] font encore observer que la transformation de la table, survenue au XIXème siècle, n'est aucunement révélée par la mention « accident et réparations » figurant sur la catalogue de sorte que leur consentement a été vicié par erreur ;

Considérant que la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques conclut à la confirmation du jugement aux motifs que l'adjudication de la table litigieuse est intervenue de manière régulière, que les mentions inscrites sur le catalogue de vente correspondaient à la réalité des altérations et des interventions que le meuble a pu subir postérieurement à sa fabrication et que l'erreur alléguée par M et Mme [G] est nullement démontrée ;

Que l'intimée ajoute que M. et Mme [G] ne démontrent pas en quoi les restaurations subies par le meuble et, plus particulièrement, le réassemblage de son empiètement, auraient affecté ses qualités substantielles, ni en quoi les réserves expresses telles qu'elles sont portées sur le catalogue auraient été « gravement inexactes », l'emploi du terme « transformation » employé par l'expert ne permettant pas de préjuger de l'exactitude de la mention « accidents et restaurations » figurant sur le catalogue ; qu'elle ajoute que les acquéreurs, assistés d'un expert qui a examiné la table avant la vente, ne peuvent fonder leur action sur les seules dispositions de l'article 2 du décret du 3 mars 1981 dès lors que le meuble est d'époque Louis XVI comme l'énonce le catalogue dont les mentions sont exactes ;

Qu'elle soutient encore que M. et Mme [G], professionnels avertis, ne prouvent pas que l'erreur alléguée porterait sur les qualités déterminantes qui les ont incités à acquérir le meuble dont l'authenticité n'est pas contestée et qu'ils ont accepté de l'acquérir dans son état de conservation et ce, après l'avoir examiné de sorte que l'erreur est inexcusable et qu'elle n'est alléguée qu'en raison du prix d'adjudication ;

Que, s'il en est autrement décidé, la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques soutient que seule doit être retenue la responsabilité de la société Daguerre, organisatrice de la vente, de M. [P], commissaire priseur, et de M. [C], expert, qui seuls, seront tenus de répondre des condamnations éventuelles, au besoin sous forme de garantie, et de lui verser la somme de 500.000 euros à titre de dommage et intérêts ;

Considérant que la société Daguerre, organisatrice de la vente, conclut à la confirmation du jugement aux motifs que M. et Mme [G] étaient, selon leurs conclusions, « intéressés par un meuble affirmé d'époque Louis XVI, quels que soient les accidents et restaurations dont il avait pu être l'objet » et qu'en réalité, ayant examiné le meuble avant la vente, ils ne peuvent aucunement se prévaloir d'une erreur sur ses qualités substantielles alors surtout qu'en droit, une erreur ne peut porter que sur un élément entré dans le champ contractuel et qu'en fait, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 3 mars 1981, les mentions du catalogue faisaient apparaître que certains éléments de la table étaient nécessairement postérieurs à l'époque Louis XVI, étant observé que la transformation du meuble ne pouvait être décelée sans démontage ;

Que la société Daguerre ajoute que, d'une part, la prétendue erreur commise par M. et Mme [G], amateurs d'art éclairés, n'est pas excusable et que, d'autre part, elle n'a commis aucune faute au préjudice des acquéreurs ;

Qu'à titre subsidiaire, la société Daguerre demande que la Fondation nationales des arts graphiques et plastiques soit déboutée des demandes qu'elle forme contre elle dès lors qu'aucune faute délictuelle ou contractuelle ne lui est imputable et que la Fondation ne démontre pas le préjudice allégué ;

Considérant que M. [E] [P] , commissaire-priseur, conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir que, compte tenu des mentions du catalogue « accidents », « restaurations » et « manques, en l'état »et eu égard à la modicité du prix d'estimation, M. et Mme [G], amateurs d'arts éclairés, assistés d'un expert, ne peuvent prétendre qu'ils ont enchéri avec la conviction d'acheter un meuble conservé en son état d'origine et qu'ils ont donc accepté un risque ;

Que M. [P] souligne encore que, comme le relève l'expert désigné en référé, il était pratiquement impossible de constater, sans démontage, que le table avait été transformé au XIXème siècle et que les dispositions de l'article 2 du décret du 3 mars 1981 susvisées, qui garantit à l'acquéreur la réalité de la période de production de l''uvre lorsque la dénomination de l''uvre est « uniquement et immédiatement suivie » de la mention de cette période, ne s'appliquent pas à l'espèce puisque la description faite dans le catalogue n'est pas « uniquement suivie » de la référence à la période historique de la production du meuble ;

Que M. [P] ajoute que, généraliste des ventes publiques et, en l'occurrence, assisté d'un expert, il n'a commis aucune faute à l'occasion de la vente ;

Qu'à titre subsidiaire et si sa responsabilité était retenue, M. [P] sollicite la garantie de M. [C], expert ;

Qu'enfin et après avoir conclu au rejet de la demande formée par la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, M. [P] soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts présentée par M. et Mme [G] au motif que, d'une part, dès le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il leur a restitué les sommes versées en vertu de l'arrêt de la Cour d'appel dont l'exécution n'est pas imputable à faute et que, d'autre part, les appelants ne démontrent pas la réalité du préjudice qu'ils allèguent ;

Considérant que M. [D] [C], expert, conclut à la confirmation du jugement aux motifs que, compte tenu de la description figurant au catalogue, la table à écrire était nécessairement construite à partir d'éléments de différentes époques, étant relevé que l'expert n'affirme pas que certaines pièces aient été fabriquées au XIXème siècle, et qu'il n'y a pas lieu d'opposer les termes « transformation », « rénovation », « réparation » ou « restauration » qu'il emploie de manière indifférenciée ; qu'après avoir ajouté que les mentions du catalogue laissent apparaître que les « accidents » et les « restaurations » sont postérieurs au XVIIIème siècle, il soutient que les acquéreurs n'ont commis aucune erreur sur les qualités substantielles de la table dont les éléments principaux sont authentiques et que le consentement des acquéreurs n'est pas vicié ;

Que M. [C] fait également valoir qu'il a informé le commissaire-priseur sur les « accidents » et « restaurations » subis par la table et qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée ;

Qu'enfin, pour s'opposer à la demande de dommages et intérêts, M. [C] souligne que M. et Mme [G] ne démontrent pas le préjudice qu'ils prétendent avoir subi ;

SUR CE :

Considérant qu'en cause d'appel, M. et Mme [G] n'agissent plus sur le fondement de la garantie des vices cachés qu'ils invoquaient devant les premiers juges, pour ne retenir que l'erreur qui aurait vicié leur consentement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1110, alinéa 1er, du Code civil, « l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet » ; qu'il s'infère de ce texte qu'il appartient à l'acheteur arguant de son erreur d'établir le caractère, pour lui substantiel, des qualités qu'il n'a pas trouvées dans l'objet acheté ; qu'en d'autre termes, il convient d'imposer à celui qui excipe d'une erreur sur la substance de la chose vendue l'obligation de justifier de son véritable état d'esprit au moment du contrat et de faire clairement ressortir qu'il avait en vue, dans la chose acquise, telles ou telles qualités objectives qui, formant la cause impulsive de sa volonté, ont déterminé son consentement ; qu'à cet égard, l'époque ou l'ancienneté des 'uvres d'art sont généralement considérées comme des qualités substantielles ;

Qu'en vertu de l'article 2 du décret du 3 mars 1981 tel que modifié par le décret du 19 juillet 2001, « la dénomination d'une 'uvre d'art ou d'un objet, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l'acheteur que cette 'uvre ou cet objet a été effectivement produit au cours de la période de référence » ; que « lorsqu'une ou plusieurs parties de l''uvre ou objet sont de fabrication postérieure, l'acquéreur doit en être informé » ;

Considérant qu'en l'espèce, la table à écrire en marqueterie Boulle acquise par M. et Mme [G] est décrite au catalogue de la vente « Daguerre » du 14 décembre 2001 ainsi qu'il est dit en tête du présent arrêt ; qu'il convient d'ajouter qu'après divers renseignements sur Charles-Joseph Dufour, la notice descriptive du meuble contient la mention suivante : « On retrouve les masques rayonnants dans Nouveaux deisseins de Meubles et Ouvrages de Bronze et de Marqueterie inventés et gravés par André Charles Boulle oublié par Mariette vers 1707, planche III, sur une écritoire de cabinet qui porte deux chandeliers » ;

Considérant qu'en son rapport d'expertise dressé le 15 juillet 2003, M. [K] [L] commence par noter que « à la réception de la table en mon atelier' j'ai pu me rendre compte qu'elle correspondait bien à la description du lot 120 du catalogue (table à écrire estampillée C.I. Dufour et J.M.E. Epoque Louis XVI, accidents et restaurations) et du procès-verbal de la vente aux enchères publiques du 14 décembre 2001 à l'Hôtel Drouot par Maître [E] [P], commissaire-priseur (table à écrire, estampille Dufour, maques, en l'état) » ; que, « ce n'est qu'une fois démontée et après lui avoir fait subir un examen minutieux entraînant des recherches approfondies sur la fabrication de cette table, que j'ai pu établir le rapport suivant sur sa construction au 18e siècle et sa transformation au 19e siècle à la suite d'accidents ou de remise au goût du jour, ce qui s'est souvent pratiqué au fil du temps et des modes » ; que, « sans avoir pratiqué le démontage et les recherches décrites ici, il aurait été pratiquement impossible de dire que cette table a été transformée au 19e siècle » ;

Que l'examen de la table, pratiqué par l'expert, fait apparaître que, produite au XVIIIème siècle, elle est authentique et conçue pour mettre en valeur des éléments de marqueterie Boulle d'époque Louis XIV et que la construction de la ceinture de table, des deux tiroirs et du plateau témoignent d'une ébénisterie de qualité dans des bois de choix du XVIIIème siècle ; que les serrures sont de bonne qualité, tout comme la marqueterie dont les divers éléments ont assurément été montés à l'époque de Louis XVI ;

Qu'en revanche, l'expert relève que le chant des tiroirs est plaqué d'ébène mince effectué au moyen d'un « sciage mécanique, travail du 19e siècle » ; que, sur la devanture d'un tiroir, il existe des traces de colle « moderne » provenant d'un « bricolage maison » et, à l'intérieur, une garniture de velours datant du 19e siècle ; que, de même, les pieds et leur assemblage témoignent d'un travail grossier qui, relevant d'un « bricolage », prouve la « transformation » intervenue au XIXème siècle ; que certains bronzes datent du XIXème siècle et que tous ont été dorés à cette époque, au cours de laquelle le plateau a été remanié ;

Qu'en définitive, l'expert est d'avis que la table, qui est en partie du XVIIIème siècle, présente des manques, des restaurations et une transformation ;

Considérant que, si, in fine, l'expert, opère une distinction entre les éléments du meuble qui ont été restaurés et ceux qui, selon lui, ont été transformés, il ne s'explique pas plus amplement sur cette distinction alors que, d'une part, il a expressément constaté que la table correspondait à la description du catalogue qui mentionne des « accidents et restaurations » et que, d'autre part, tout en affirmant que la « transformation » était destinée à réparer des accidents ou à remettre le meuble au goût du jour, il se réfère aux notions de « remaniement » en ce qui concerne le plateau et de « montage au 19e siècle » en ce qui concerne l'assemblage de chaque pied et des bagues et sabots des pieds en n'expliquant point si ce qu'il regarde finalement comme des « transformations » a modifié ou altéré la forme et le style originels du meuble ;

Considérant qu'au regard des dispositions de l'article 2 du décret du 3 mars 1981 modifié par le décret du 19 juillet 2001, la description de la table à écrire, telle qu'elle figure au catalogue, ne supporte pas la critique dès lors qu'il est exactement indiqué que la marqueterie Boulle orne une table à écrire estampillée C. J. Dufour et J.M.E., d'époque Louis XVI, et que ce meuble a subi des «  accidents et restaurations », cette mention, exprimée au pluriel, devant être comprise comme faisant état d'accidents et de restaurations survenus nécessairement au XIXème siècle puisque la fin de l'époque Louis XVI coïncide, sur le plan artistique, avec les dernières années du XVIIIème siècle ;

Qu'en outre, il convient de souligner que les dispositions susvisées sont applicables lorsque la dénomination d'une 'uvre est «  uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque » alors que, comme il est dit ci-avant, la mention « époque Louis XVI » est suivie d'un avertissement destiné à attirer l'attention d'éventuels acquéreurs sur l'existence d'accidents et de restaurations qui ne pouvaient être plus amplement décrits, le commissaire-priseur et l'expert de la vente n'étant pas autorisés à démonter le meuble ;

Que la dénomination de l''uvre et la référence à la période historique portées au catalogue sont donc exactes ;

Considérant qu'au regard des dispositions de l'article 1110 du Code civil, M. et Mme [G] ne démontrent aucunement qu'ils ont consenti à la vente en considération de la seule intégrité matérielle de la table prise en son entier et avec la volonté d'acquérir un meuble conservé dans son état d'origine et que formaient, pour eux, les qualités substantielles de la chose, non seulement son authenticité mais également l'absence de toute altération ;

Que, comme il est dit ci-avant, la notice descriptive du meuble était assortie de la mention « accidents et restaurations », suffisamment explicite, tout comme l'expression « en l'état » prononcée par le commissaire-priseur lors de la vente ; que cette circonstance et la modicité de l'estimation étaient propres à introduire un aléa dans le champ contractuel et à éveiller l'attention de M. et de Mme [G] qui ne démontrent pas que leur seule attente était d'acquérir un meuble restauré par des artistes qui ont « appliqué les mêmes techniques et utilisé les mêmes matériaux que l'ébéniste ayant construit le meuble » ;

Considérant qu'il ressort tant du catalogue de la vente, que du rapport d'expertise que la marqueterie Boulle, la circonstance qu'elle a été installée sur un meuble authentiquement de l'époque Louis XVI et estampillé C.J. Dufour et la présence de « masques rayonnants » constituaient l'originalité de l''uvre ;

Qu'en réalité, M. et Mme [G], qui ne prouvent pas avoir fait d'une prétendue intégrité de la table l'élément déterminant de leur consentement, se sont décidés à l'acquérir en raison de la qualité et de l'authenticité de la marqueterie, du renom d'André-Charles Boulle, de l'estampille de Charles-Joseph Dufour et de l'origine du meuble qui provenait de la collection de la baronne Salomon de Rotschild ;

Qu'il y a également lieu de relever que, lors de la même vente, M. et Mme [G], qui assistés d'un expert choisi par eux, ont notamment acquis, moyennant le prix de 270.000 francs, le lot n° 105 consistant en un socle en marqueterie Boulle estimé 60/80.000 francs et le lot n° 116 qui consistait en un « Bureau Mazarin en marqueterie Boulle ' Fin de l'époque Louis XIV (accidents et manques) » au prix de 1.400.000 francs pour une mise à prix de 150/180.000 francs de sorte qu'il est démontré qu'amateurs éclairés, ils étaient fortement attirés par l'acquisition d''uvres authentiques de Boulle et, dans une moindre mesure, de C. J. Dufour ;

Que, M. et Mme [G], qui ont acheté l''uvre en considération de ses auteurs, André-Charles Boulle et Charles-Joseph Dufour, et de son authenticité, ne sont donc pas fondés à exciper d'une prétendue erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue ;

Considérant que M. et Mme [G] seront donc condamnés, au vu du bordereau d'adjudication et des documents de la vente, à payer à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques la somme de 1.204.347,20 euros, prix de vente, outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'adjudication, et à M. [P] la somme de 129.635,94 euros, au titre des émoluments, frais de vente et taxe sur la valeur ajoutée ; que, de son côté, la Fondation des arts plastiques et graphiques versera à M. [P] la somme de 144.521,66 euros au titre des émoluments, frais de vente et taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge du vendeur ;

Considérant que, compte tenu de la solution donnée au litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les recours en garantie ;

Que, de même, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande indemnitaire subsidiairement présentée par la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques ;

Qu'il échet, en conséquence, de confirmer le jugement frappé d'appel et de débouter M. et Mme [G] de leur demande de dommages et intérêts ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en leurs prétentions et supportant les dépens, M. et Mme [G] seront déboutés de leur réclamation ; qu'en revanche, ils seront condamnés à verser à chacun de leurs adversaires les frais qui, non compris dans les dépens d'appel seront arrêtés, en équité, à la somme de 20.000 euros pour la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques et à la somme de 10.000 euros pour chacun des autres intimés ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 octobre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, de MM. [D] [C] et [E] [P] et de la société Daguerre ;

Y ajoutant :

Déboute M. [Y] [G] et Mme [V] [U], son épouse, de leur demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les recours en garantie, ni sur la demande indemnitaire présentée subsidiairement par la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques ;

Déboute M. et Mme [G] de leur demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et, par application de ce texte, les condamne à payer à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques la somme de 20.000 euros et à MM. [C] et [P] et à la société Daguerre, chacun la somme de 10.000 euros ;

Condamne M. et Mme [G] aux dépens d'appel, en ce compris les dépens de l'arrêt cassé et dit que les dépens exposés devant la Cour de céans seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/21208
Date de la décision : 21/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°08/21208 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-21;08.21208 ?
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