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17/09/2010 | FRANCE | N°08/20988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 17 septembre 2010, 08/20988


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20988



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation en date du 23 Septembre 2008, emportant cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 16 Novembre 2006 (15ème Chambre-Section B), RG n° 05/05872, sur appel d'une décision du Tribunal de Commerce de PARI

S en date du 7 décembre 2004, RG n° 2003055148 et de deux jugements rectificatifs rendus par le Tribunal de Commerce de PARIS, en date du...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20988

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation en date du 23 Septembre 2008, emportant cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 16 Novembre 2006 (15ème Chambre-Section B), RG n° 05/05872, sur appel d'une décision du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 7 décembre 2004, RG n° 2003055148 et de deux jugements rectificatifs rendus par le Tribunal de Commerce de PARIS, en date du 1er Mars 2005, RG n° 2005009065 et RG n° 2005004054

DEMANDERESSES:

S.A. PEUGEOT

agissant en la personne de son Président du Directoire

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

S.A. FINANCIÈRE DE BANQUE-SOFIB

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

S.A.S. FINANCIÈRE PERGOLESE

agissant en la personne de son Président

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentées par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistées de Maître Marc PICHON DE BURY, avocat au barreau de PARIS, toque P 438, plaidant pour la SCP AUGUST -DEBOUZY

DÉFENDERESSES:

S.A. ALLIANZ GLOBAL INVESTORS FRANCE anciennement dénommée S.A. AGF ASSET MANAGEMENT venant aux droits de la SOCIÉTÉ DRCM DRESDNER RCM GESTION elle-même venant aux droits de la SOCIÉTÉ BIP & Cie-SOFIP

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

S.A.S. COMMERZBANK HOLDINGS FRANCE anciennement dénommée S.A.S. DRESDNER BANK GESTIONS FRANCE venant aux droits de LA BANQUE INTERNATIONALE DE PLACEMENT

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoué à la Cour

assistées de Maître Hugues MORCILLO, avocat au barreau de PARIS, toque : T04, plaidant pour L'AARPI JEANTET ASSOCIÉS et substituant Maître Philippe BLAQUIER-CIRELLI, avocat au barreau de PARIS, toque T04

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

-rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, comme elles ont été avisées des dates de prorogation du délibéré.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

La société anonyme Peugeot a souscrit, au cours de l'année 1988, pour le placement de sa trésorerie, des parts de fonds communs de placement (FCP), donnant droit à des dividendes assortis de crédits d'impôts, appelés 'fonds turbo'.

La société Geparcia, absorbée le 16 novembre 2001 par la SAS société Financière Pergolèse, était chargée de gérer la trésorerie du groupe PSA. Elle détenait une participation financière dans la société anonyme Financière de Banque Sofib, sociétés intégrées dans le périmètre de consolidation dépendant de la société Peugeot.

Les sociétés du groupe PSA ont souscrit des parts de différents FCP dont, notamment:

-des parts des fonds Actissima 3, Actissima 2 et Actimax 4, dont la banque Saga était dépositaire et la société Sagagest le gérant,

-des parts du fonds Shearson LP1, dont la banque Shearson Lehman Hutton était dépositaire et la société Shearson Lehman Hutton Gestion le gérant,

-des parts des fonds Pif 1, FIP 2000, FPG 8 et FOG Phi, dont la BIP & Cie-Sofip était dépositaire et la société BIP Gestion le gérant,

-des parts du fonds NDV Revenus, dont la société de Banque Occidentale était dépositaire et la société Occidentale Gestion le gérant,

-des parts des fonds Kleber Sélection 10, Kléber Placement 7, Kléber Placement 8 et Kléber Sélection 6, dont BIGT était dépositaire et BIGT Gestion le gérant,

-des parts du fonds Delta 8 dont Delta Banque était dépositaire et la société Orsay Gestion le gérant,

-des parts du fonds Marseillaise Entreprise 2 dont la société Marseillaise de Crédit était dépositaire et la société GP Gestion le gérant.

Chaque année, les gérants et dépositaires délivraient aux sociétés du groupe PSA les certificats qui devaient leur permettre de justifier valablement auprès de l'administration fiscale des crédits d'impôts attachés aux revenus distribués.

L'administration fiscale a notifié, le 3 septembre 1991, à la société Peugeot SA, en sa qualité de société intégrante redevable de l'impôt sur les sociétés Financière de banque Sofib et Financière Pergolèse, un redressement portant sur l'exercice 1988, seul concerné par le présent litige, puis lui a adressé, le 31 décembre 1993, un avis de mise en recouvrement de compléments d'impôts sur les sociétés au titre de ce même exercice à hauteur de 241.177.695 francs, soit 36.767.304 euros. Sur ce montant, les compléments d'impôt ayant trait à l'imputation des crédits d'impôt s'élevaient à 120.524.217 francs soit 18.373.798 euros se répartissant de la manière suivante: 111.526.937 francs correspondant aux opérations de la société Peugeot SA, 2.735.938 francs correspondant aux opérations de la société Financière Pergolèse, anciennement Socia, 6.261.342 francs correspondant aux opérations de la société Financière de Banque Sofib.

Les réclamations des sociétés du groupe PSA ayant été rejetées, le litige a été porté devant les juridictions administratives, l'administration changeant, au cours de cette procédure, son argumentation, ce qui a eu pour effet de ramener la portée financière du litige à la somme de 75.303.170 francs soit 11.479.894,26 euros, intérêts et majorations compris. Au terme de cette procédure, la société Peugeot a versé à l'administration fiscale la somme de 1.141.533,21 euros le 17 octobre 2005, venant s'ajouter à la somme de 9.878.596 euros versée le 6 septembre 2001.

Après avoir mis, en vain, le 17 décembre 2001, les banques en demeure de réparer le préjudice subi sur la base des sommes qu'elle avait été contrainte de verser à l'administration, la société Peugeot et les sociétés Financière de Banque-Sofib ainsi que Financière Pergolèse, par actes d'huissier des 10 juillet et 23 septembre 2003, ont fait assigner les sociétés Banque Lehman Brothers, Lehman Brothers Services, Dresdner Bank Gestions France aux droits de la société BIP, Dresdner Gestion Privée anciennement dénommée BIP Finance, et AGF Asset Management aux droits de la société Dresdner RCM Gestion elle-même aux droits de la société Bip & Cie-Sofib, en réparation du préjudice résultant du manquement de ces sociétés à leurs obligations contractuelles devant le Tribunal de Commerce de Paris qui, par jugement du 7 décembre 2004, a:

-mis hors de cause la société Lehman Brothers Services, anciennement dénommée Shearson Lehman Hutton Gestion,

-mis hors de cause la société Dresdner Gestion Privée, anciennement dénommée Bip Finance,

-constaté le désistement d'instance et d'action à l'égard de la société Dresdner Bank Gestions France, anciennement dénommée Banque Internationale de Placement qui l'accepte,

-jugé irrecevable l'action des sociétés demanderesses pour cause de prescription,

-condamné les sociétés demanderesses solidairement à payer 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à chacune des parties défenderesses, déboutant celles-ci pour le surplus,

-débouté les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire,

-condamné les demanderesses solidairement aux dépens.

Saisi par deux requêtes en rectification d'erreur matérielle, le Tribunal de commerce, par deux jugements du 1er mars 2005, a rectifié les erreurs en ce que:

-la société Lehman Brothers Services est mise hors de cause sans précision de ce qu'elle vient aux droits de la société Shearson Lehman Hutton Gestion,

-le désistement d'instance et d'action est intervenu à l'égard de la société Dresdner Gestion Privée et non à l'égard de la société Dresdner Bank Gestions France.

Suivant déclaration des 11 mars et 22 avril 2005, les sociétés Peugeot, Financière de Banque et Financière Pergolèse ont interjeté appel du jugement du 7 décembre 2004.

Par arrêt du 16 novembre 2006, la Cour d'appel a confirmé le jugement, rectifié par les jugements du 1er mars 2005, mis hors de cause la société Lehman Brothers Services, rejeté les autres demandes, condamné les appelantes aux dépens d'appel.

Sur le pourvoi formé par les sociétés Peugeot, Financière de Banque (Sofib) et Financière Pergolèse, la Cour de Cassation, par arrêt du 23 septembre 2008, a cassé et annulé, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Lehman Brothers Services, l'arrêt rendu le 16 novembre 2006 entre les parties par la Cour d'appel de Paris, a remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composée, a condamné les sociétés Banque Lehman Brothers et Dresdner Bank Gestions France, ès qualités et AGF Asset Management, ès qualités, aux dépens, a condamné les mêmes à payer aux sociétés Peugeot, Financière de Banque (Sofib) et Financière Pergolèse la somme globale de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et rejeté leurs demandes.

Suivant déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'appel de Paris du 22 octobre 2008, la société anonyme Peugeot, la société anonyme Financière de Banque-Sofib, la société SAS Financière Pergolèse ont saisi la Cour de renvoi à l'encontre de la société anonyme Banque Lehman Brothers anciennement dénommée Banque Shearson Lehman Hutton, de la société SAS Dresdner Bank Gestions France, de la société anonyme AGF Asset Managemen, venant aux droits de la société Dresdner RCM Gestion elle-même venant aux droits de la société BIP et Cie (Sofib).

Par ordonnance du 31 août 2009, le magistrat de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance entre les sociétés du Groupe PSA à l'encontre de la Banque Lehman Brothers au titre du fonctionnement du FCP Sherson Lehman Placement 1 et des redressements fiscaux subséquents, a dit que les frais de l'instance éteinte seront, sauf convention contraire, supportés par l'appelant.

Dans leurs dernières conclusions du 8 janvier 2010, la société SAS Commerzbank Holdings France, anciennement dénommée Dresdner Bank Gestions France aux droits de la Banque Internationale de Placement, et la société anonyme Allianz Global Investors France, anciennement dénommée AGF Asset Management, ont sollicité à titre principal la confirmation du jugement en date du 7 décembre 2004, qu'il soit constaté que la notification du redressement fiscal relative à l'exercice 1988 pour les fonds communs de placement en cause a été adressée à la société Peugeot le 3 septembre 1991, qu'il soit jugé que l'action intentée par les sociétés du groupe Peugeot à leur encontre est prescrite, à titre subsidiaire, qu'il soit constaté que la société Peugeot était parfaitement informée de la nature et des risques attachés aux placements qu'elle a réalisés dans les fonds communs de placement, que l'obligation de résultat à laquelle sont soumis le gérant et le dépositaire a été pleinement satisfaite, que le préjudice invoqué par la société Peugeot n'est pas recevable, qu'en toute hypothèse la société Peugeot a participé à la réalisation de son dommage, en conséquence, le débouté de l'ensemble des demandes des sociétés Peugeot, Financière de Banque-Sofib et Financière Pergolèse, la condamnation de ces sociétés à leur payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans leurs dernières conclusions du 15 février 2010, la société Peugeot, la société Financière de Banque-Sofib, la société Financière Pergolèse ont demandé qu'il soit donné acte aux sociétés Financière de Banque-Sofib et Financière Pergolèse qu'elles n'ont rien à réclamer aux intimées et qu'elles se désistent donc de l'instance, l'infirmation du jugement rectifié en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la société Peugeot, qu'il soit constaté que son action n'est pas prescrite, qu'il soit dit que les sociétés Allianz Global Investors France et CommerzBank Holdings France ont commis une faute contractuelle et manqué à leur obligation de résultat à son égard, leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 848.006 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi au titre du FCP Pif 1, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2001, et capitalisation, la somme de 171.239 euros en réparation du préjudice subi au titre du FCP POG Phi, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2001 et capitalisation, la somme de 583.962 euros en réparation du préjudice subi au titre du FCP FPG 8 avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2001 et capitalisation, la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 15 mars 2010.

****

Considérant que les sociétés Financière de Banque-Sofib et Financière Pergolèse demandent à la Cour de leur donner acte de ce qu'à la suite des différents désistements et transactions intervenus en cours de procédure, elles n'ont rien à réclamer aux sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France, et de ce qu'elles se désistent donc de l'instance à leur encontre;

Considérant que les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France ne discutent, devant la Cour, qu'avec la société Peugeot;

Considérant qu'il convient de donner aux sociétés Financière de Banque-Sofib et Financière Pergolèse l'acte qu'elles sollicitent;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile aux sociétés Financière de Banque et Financière Pergolèse;

Considérant que les demandes de la société Peugeot sont limitées à la société Allianz Global Investors France, dépositaire des FCP FPG 8, FOG Phi et Pif 1, et à la société Commerzbank Holdings France, gérante des FCP FPG 8, FOG Phi et Pif 1, fonds auxquels elle avait seule souscrit;

Considérant que les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France soutiennent, devant la Cour de renvoi, que l'action de la société Peugeot à leur encontre serait prescrite aux motifs que le délai de prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce s'applique aux actions en responsabilité contractuelle des souscripteurs contre les gérants et dépositaires des fonds communs de placement puisque les fautes reprochées concernent des sociétés commerciales, que le point de départ d'un délai, à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer, se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, que la notification d'un redressement fiscal manifestant l'inexécution de l'obligation à la charge des gérants et dépositaires fait naître le droit d'agir en responsabilité contractuelle à leur encontre et constitue le point de départ de la prescription de cette action, qu'il suffit de se prévaloir d'une créance éventuelle pour conférer un intérêt à agir, que le point de départ du délai de prescription se situe donc au 3 septembre 1991 et que la prescription était acquise depuis le 4 septembre 2001alors que la requête introductive d'instance date des 10 juillet et 23 septembre 2003;

Considérant que la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui, pour déclarer l'action prescrite, d'une part retient que la prescription court à partir du jour où celui qui l'invoque a pu agir valablement, que le préjudice invoqué par la société Peugeot trouve son origine dans le redressement qui, quel que soit son fondement, lui a été notifié par l'administration fiscale, que la notification de redressement était de nature à convaincre la société Peugeot de son erreur sur le gain fiscal qu'elle avait attendu de l'application des dispositions relatives aux fonds communs de placement, qu'elle pouvait donc agir valablement à compter du jour où elle a reçu la notification de redressement, d'autre part constate que la société Peugeot n'a effectué aucun acte, entre le 3 septembre 1991 et le 3 septembre 2001, au sens de l'article 2244 du Code civil, qui aurait eu pour effet d'interrompre la prescription, au motif qu'en statuant ainsi, alors que la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale ne peut mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte qu'à la date de cette notification, le dommage de la société Peugeot, consistant dans les impositions supplémentaires mises à sa charge à raison des manquements des banques à leurs obligations, n'était pas réalisé, la Cour d'appel a violé l'article L.110-4 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008;

Considérant que l'article L.110-4 du Code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes;

Considérant que le point de départ d'un délai, à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer, se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a envoyé à la société Peugeot, le 3 septembre 1991, une notification de redressements dans laquelle elle l'informe qu'elle envisage de modifier les éléments servant de base au calcul de certains impôts, droits et taxes et de lui réclamer un complément d'impôt, qu'elle dispose d'un délai de trente jours pour lui faire parvenir son acceptation ou ses observations, que les droits résultant de ces redressements pourront, dans les conditions fixées par la loi, être assortis des sanctions fiscales détaillées en fin de notification, qu'elle a la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix; qu'elle explique que ces redressements envisagés sont mis en oeuvre selon la procédure de répression des abus de droit, qu'est remise en cause l'imputation des crédits d'impôts transférés par certains Fonds Communs de Placement;

Considérant que des observations ont été présentées par la société Peugeot les 19 février et 4 octobre 1991; que l'administration fiscale a répondu, le 3 juillet 1992 que son désaccord subsiste sur la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts transférés par certains Fonds Communs de Placement, que le redressement est confirmé dans son principe et dans son montant; que ce différend pourra être soumis, sur demande de la société Peugeot ou de l'administration, à l'avis de la commission départementale des impôts directs, du comité consultatif pour la répression des abus de droit, que la société Peugeot dispose d'un délai de trente jours pour lui faire part de son intention de saisir ces organismes;

Considérant que le 31 décembre 1993, l'administration fiscale a envoyé à la société Peugeot un avis de mise en recouvrement de compléments d'impôts sur les sociétés au titre de l'année 1988, à hauteur de 36.767.304 euros, avec la mention et le cachet 'exigibilité immédiate';

Considérant qu'à cette date seulement, le dommage de la société Peugeot était réalisé; que le 31 décembre 1993 constitue, en conséquence, le point de départ du délai de prescription de l'action de la société Peugeot, délai qui n'était pas expiré au jour des assignations délivrées respectivement les 10 juillet et 23 septembre 2003;

Considérant qu'il s'ensuit que l'action de la société Peugeot à l'encontre des sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France n'est pas prescrite et est recevable, le jugement étant réformé en ce qu'il a dit irrecevable l'action de la société Peugeot pour cause de prescription;

Considérant que la société Peugeot demande la condamnation des intimées à lui payer le montant du redressement fiscal qu'elle a été condamnée à payer au Trésor Public;

Considérant que les gérants et dépositaires de FCP sont tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination, et propre à permettre aux souscripteurs de bénéficier des dispositions fiscales relatives aux FCP, ce que ne conteste pas les intimées dans leurs écritures;

Considérant que les décisions des juridictions administratives ont établi que les certificats de crédit d'impôt ont été remis au titre des FCP Pif 1, FPG 8 et FOG Phi, alors que le fonctionnement des FCP en cause était irrégulier au regard des textes en vigueur;

Considérant qu'il s'ensuit que les gérant et dépositaire des FCP en cause ont manqué à leur obligation de résultat quant à la délivrance de certificats de crédit d'impôt conformes à leur destination;

Considérant que les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France ne sont pas fondées à opposer à la société Peugeot sa connaissance et parfaite information de la nature des placements souscrits ni l'opportunité de sa souscription aux fonds en considération du caractère particulièrement lucratif de cet investissement, ces agissements allégués n'étant pas de nature à exonérer les personnes tenues de faire fonctionner les fonds conformément aux dispositions législatives et réglementaires d'ordre public;

Considérant que la société Peugeot ne peut réclamer le paiement du complément de l'impôt sur les sociétés dans la mesure où elle devait, en tout état de cause, en payer le montant; qu'elle n'est pas plus fondée à demander le paiement des intérêts de retard sur ces sommes qui ne sont que la compensation du préjudice subi par l'administration pour ne pas avoir perçu les sommes correspondant aux compléments d'impôt en tant et heure, ce qui a permis à l'appelante de se constituer une trésorerie;

Considérant qu'en revanche, il convient d'allouer à la société Peugeot au vu des tableaux produits et non contestés la somme de 61.238,08 euros (403.559 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi au titre du FCP Pif 1, celle de 15.568,53 euros (102.114 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du FCP FOG Phi et celle de 53.092,08 euros (348.231 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du FCPFPG 8 correspondant à la majoration de 10% appliquée par l'administration fiscale qui n'aurait pas eu lieu d'être si les gérant et dépositaire des FCP avaient respecté leurs obligations, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2001, date de la mise en demeure et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil;

Considérant que la demande de dommages et intérêts complémentaire formée par la société Peugeot n'est pas fondée et doit être rejetée en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà pris en compte;

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer aux parties une somme en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; que les demandes formées de ce chef sont rejetées, le jugement étant réformé en ce qu'il a condamné la société Peugeot en application de cet article;

Considérant que les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank, qui succombent pour l'essentiel en leurs prétentions, doivent supporter les dépens de première instance et d'appel, les dispositions du jugement relatives aux dépens étant réformées;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant au vu de l'arrêt de la Cour de Cassation du 23 septembre 2008.

Constate le désistement de l'instance des sociétés Financière de Banque-Sofib et Financière Pergolèse.

Réforme le jugement rectifié

- en ce qu'il a dit irrecevable l'action de la société Peugeot pour cause de prescription,

-en ses dispositions relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, s'appliquant à la société Peugeot,

- en ses dispositions relatives aux dépens.

Statuant à nouveau

Dit que l'action de la société Peugeot est recevable comme non prescrite.

Condamne in solidum les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France à verser à la société Peugeot:

-la somme de 61.238,08 euros (403.559 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi au titre du FCP Pif 1,

-la somme de 15.568,53 euros (102.114 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du FCP FOG Phi,

-la somme de 53.092,08 euros (348.231 francs) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du FCPFPG 8,

avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2001, date de la mise en demeure et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil.

Rejette le surplus des demandes.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne les sociétés Allianz Global Investors France et Commerzbank Holdings France aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par Maître Teytaud, avoué.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/20988
Date de la décision : 17/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/20988 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-17;08.20988 ?
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