RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 15 Septembre 2010
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09939
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2008 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - Section Commerce - RG n° 06/00573
APPELANTE
SOCIÉTÉ LE RUISSEAU
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, C2042
INTIMÉ
Monsieur [J] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Yvan LESAGE, avocat au barreau de PARIS, B1089
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [J] [T] a été engagé par la société à responsabilité limitée Le Ruisseau, en qualité d'aide cuisinier à temps complet le 15 juillet 2003 puis en tant que cuisinier à compter du 1er mai 2005, son salaire brut mensuel étant de 1 650 €.
La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants.
Se prévalant de ce qu'il a été contraint par M. [S], gérant de la société, de signer une lettre de démission le 3 mars 2006, M. [J] [T] a saisi le 17 mars 2006 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 21 avril 2008, a requalifié la démission de M. [J] [T] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Le Ruisseau à lui payer les sommes de 3 300 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 330 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, 513,24 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1 650 € pour inobservation de la procédure de licenciement et 9 900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Régulièrement appelante, la société à responsabilité limitée Le Ruisseau demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 16 juin 2010 auxquelles il est expressément renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, d'infirmer cette décision, de dire que la démission de M. [J] [T] est sans équivoque, de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [J] [T], dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est expressément renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, conclut au débouté, à la confirmation du jugement entrepris et sollicite une indemnité de procédure de 2 000 €.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
La société à responsabilité Le Ruisseau produit la lettre dactylographiée du 3 mars 2006, sur laquelle M. [J] [T] a porté ses nom et prénom ainsi que sa signature, prie M. [S], représentant légal de la société, d'accepter 'cette lettre de démission de mon emploi de cuisinier au Bougnat Bar' et ajoute 'mon dernier jour travaillé sera à convenir au plus tôt, les jours de congés payés acquis jusqu'alors devant être pris en compte'.
M. [J] [T] rappelle que la démission du salarié doit résulter d'une volonté libre, claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.
Il soutient que tel n'était pas son cas puisqu'il ne sait ni lire ni écrire le français, que cette lettre a été rédigée par l'employeur et signée dans le bureau du 'directeur' M. [S], à l'issue d'un entretien très tendu, qu'il a d'autant moins compris la portée de cette lettre qu'elle n'indique aucune date de cessation d'activité ni de durée de préavis.
Il ajoute avoir pensé qu'il allait faire l'objet d'un licenciement, a d'ailleurs continué à travailler jusqu'au 16 mars 2006 et saisi le bureau de conciliation très rapidement soit le 17 mars 2006 après avoir été informé par un conseiller syndical de la portée de cette lettre.
Il produit une attestation de M. [B] [M] qui déclare que 'le responsable du restaurant Le Bougnat Bar m'a montré la lettre de démission de Monsieur M. [J] [T] avant même que celui-ci passe au restaurant pour la signer. Cette lettre a été rédigée par la direction du restaurant qui a demandé ensuite à Monsieur M. [J] [T] de la signer dès son arrivée.'
Cette attestation est cependant formellement contredite par celle de M. [I] [N], 'responsable soir au Bougnat Bar' qui déclare que M. [J] [T] est venu le voir pour lui dire qu'il allait quitter la société, lui a demandé de lui écrire un courrier le 3 mars 2006 allant dans ce sens, qu'il a établi cette lettre sous sa dictée en trois exemplaires que l'intimé a pris chez lui afin de les signer, qu'il lui en a remis un exemplaire signé le lendemain qu'il a donné 'au patron'.
M. [I] [N] précise, dans une nouvelle attestation du 12 février 2010, avoir tapé cette lettre le 3 mars 2006 à la demande de M. [J] [T] et sous sa dictée et l'avoir imprimé en trois exemplaires remis à celui-ci.
Il ajoute que la décision de démissionner de M.[J] [T] était très claire, qu'il avait informé l'ensemble de ses collègues de ce qu'il avait trouvé un autre travail et qu'il quitterait l'entreprise le 10 mars suivant.
Il sera observé qu'à la date de la seconde attestation, M. [I] [N], n'était plus salarié de la société à responsabilité Le Ruisseau et qu'en tout état de cause, l'existence d'un lien de subordination avec l'employeur ne suffit pas à considérer que les témoignages sont de pure complaisance.
Mme [U] [F], serveuse en salle, atteste également que M. [J] [T] lui avait fait part dès le début du mois de mars 2006 de son intention de quitter son emploi, avait demandé à M. [I] [N], alors responsable de bar, de lui rédiger sa lettre de démission, et que celui-ci avait tapé cette lettre sur un ordinateur sous la dictée de l'intimé, en avait imprimé trois exemplaires, remis à celui-ci, qui en avait rapporté un signé le lendemain.
M. [O] [E], adjoint de direction, témoigne également de ce que M. [J] [T] lui avait fait part de sa décision de 'finir définitivement sa collaboration en tant qu'employé en date du 10 mars 2006".
L'appelante verse également aux débats des attestations de M. [A] [G], [C] [W], et [D] [X], salariés de la société à responsabilité Le Ruisseau, faisant état de la volonté clairement manifestée par l'intimé de démissionner, M. [D] [X], M. [L] et Mme [P] [Y], ces deux derniers étant des clients, précisant que M.[J] [T] avait organisé 'une petite fête' le vendredi 10 mars avant son départ.
Le fait que le samedi 11 mars dans la soirée ainsi que les 14, 15 mars et 16 mars 2006, M. [J] [T] se soit présenté dans les locaux de la société à responsabilité Le Ruisseau afin de travailler ne suffit pas à entacher d'équivoque sa démission qui résulte d'une lettre écrite sous sa dictée non par le représentant légal de la société mais par un autre salarié, étant observé que l'appelante fait valoir sans être contredite que le revirement ultérieur du salarié peut s'expliquer par le fait qu' il n'a pas été retenu dans son nouvel emploi.
De même est sans incidence le fait que cette lettre ne fixe pas la date de la fin du contrat puisqu'il résulte des attestations produites que M. [J] [T] avait fixé cette date au 10 mars 2006 à laquelle il avait repris ses affaires.
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a considéré que cette démission devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à responsabilité Le Ruisseau au paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, M. [J] [T] étant ainsi débouté de toutes ses prétentions.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune circonstance d'équité n'appelle l'application de ces dispositions.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de M. [J] [T].
PAR CES MOTIFS
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [J] [T] de toutes ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] [T] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE