RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 14 Septembre 2010
(n° 4 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08306
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section encadrement - RG n° 06/01312
APPELANTE
Madame [Z] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Marie COTTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : C.7
INTIMES
SA TECHNICATOME
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
Monsieur [H] [T] Directeur des ressources humaines et des relations sociales
[Adresse 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
Monsieur [D] [I] Directeur des métiers au sein de la direction opérationnelle énergie et propulsion
[Adresse 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Nathalie MOREL, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffière présente lors du prononcé.
Mme [Z] [M] a été engagée à compter du 1er février 1991 par la société TECHNICATOME en qualité d'ingénieur position 2.3 coefficient 150 , suivant contrat à durée déterminée, devenu à durée indéterminée à dater du 28 janvier 1992 et nommée le 1er mai 1993 à la Direction Qualité. En arrêt de travail à compter du 29 octobre 2002, après une tentative de suicide reconnue comme un accident du travail par un arrêt de la Cour d'Appel de Versailles le 28 mars 2006, elle a été licenciée le 23 décembre 2005 pour inaptitude complète et définitive.
Saisi par Mme [M] de demandes tendant au paiement de dommages et intérêts, le Conseil de prud'hommes de Longjumeau a, par un jugement du 13 mars 2008, condamné la société TECHNICATOME à verser à celle-ci la somme de 13 650 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les intérêts au taux légal et a ordonné la régularisation de son intéressement pour les années 2002 à 2005. Il a débouté pour le surplus les parties et accordé à Mme [M] la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Mme [M] a relevé appel de cette décision.
Elle sollicite la confirmation partielle de la décision ainsi que l'infirmation pour le surplus et la condamnation de la société TECHNICATOME à lui verser les sommes suivantes :
-100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire
-56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de reclassement
Elle demande en outre la condamnation de Mr [I], en sa qualité de Directeur des Métiers, au paiement de 30 000 euros pour harcèlement moral et celle de Mr [T], en sa qualité de Directeur des Ressources Humaines, au paiement de 20 000 euros au titre du harcèlement moral outre conjointement 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile .
La société TECHNICATOME, Messieurs [I] et [T] concluent à l'infirmation en ce qui concerne l'intéressement et au débouté de toutes les demandes, celles au titre du harcèlement moral étant irrecevables. Subsidiairement ils sollicitent la limitation des montants et reconventionnellement 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .
Il est expressément fait référence pour les prétentions et moyens des parties aux conclusions soutenues contradictoirement le 18 mai 2010.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la discrimination
Mme [M] invoque la discrimination dont elle a été victime puisqu'engagée en qualité d'ingénieur 2.3 coefficient 150, elle l'est demeurée jusqu'à son licenciement alors que mutée le 1er mai 1993 afin de remplacer Mr [A], adjoint au directeur de la qualité, qui occupait une position 3.1 avec un formation et expérience inférieures à la sienne, elle était nommée au poste de responsable qualité STMH et aurait dû bénéficier du même salaire ; qu'ensuite elle aurait dû accéder à un poste au 3.2 comme Messieurs [F] et [R], avec le titre d'auditeur de système qualité, dont elle s'est vu refuser la qualification alors que de fait elle exerçait ces fonctions. Elle indique que la société TECHNICATOME n'a pas déféré aux sommations de communiquer les bulletins de paye des intéressés et, dénonçant l'absence de critère objectif dans les promotions, invoque donc la discrimination dûe au sexe qu'elle a subie, source pour elle d'une préjudice financier important.
La société TECHNICATOME conclut à l'irrecevabilité des demandes fondées sur la discrimination, l'une en vertu du principe 'à travail égal, salaire égal', l'autre sur le sexe. Elle indique que l'expérience et l'ancienneté de Mme [M] et de Mr [A] étaient très différentes, celui-ci n'ayant pas les mêmes fonctions ni les mêmes responsabilités ; que Messieurs [F] et [R], ayant une ancienneté supérieure à la sienne et ayant toujours été très bien notés, ont effectivement, au regard de critères objectifs, bénéficié de promotion en passant au 3.1 et non au 3.2 comme le soutient Mme [M]. Elle précise que la réussite au stage 'auditeur qualité' donnait lieu non pas à la délivrance d' un titre mais à une qualification, laquelle n'ouvrait droit à aucun avantage supplémentaire en terme de salaire, et qu' il n'y avait pas corrélation automatique entre les fonctions exercée au sein du service qualité et la qualification d'auditeur. Elle conteste s'être opposée à la qualification de Mme [M] dont les performances médiocres expliquent seules l'absence d'augmentation de salaire pendant plusieurs années.
Considérant qu'en vertu de l'article L 1134-1 1144-1 du Code du travail le salarié qui se dit victime d'un traitement discriminatoire doit présenter les élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la situation de famille; qu'il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant que Mme [M] invoque donc le sort réservé à Messieurs [A], [F] et [R] dans la société ; qu'en ce qui concerne le premier, elle n'apporte aucun élément permettant de vérifier qu'elle ait pu être prétendre à ce poste dont il n'est pas établi que les caractéristiques correspondaient à son curiculum vitae ; que Mr [A], engagé par la société TECHNICATOME, le 22 juillet 1977, en tant qu'ingénieur à la position cadre 2.1, a été nommé adjoint de Mr [Y] par la suite, ceci alors que Mme [M] était embauchée après lui dans la société ; qu'en ce qui concerne les promotions de Messieurs [F] et [R], désignés, pour le premier, chef de la section Qualité le 1er février 1999, et pour le second, adjoint du directeur de la Qualité, elles sont justifiées selon l'employeur par leur ancienneté : octobre 1991 (soit une différence de 8 mois) pour Mr [F], 1968 pour Mr [R] et surtout par les appréciations positives qui ponctuent leur carrière ; que n'est pas caractérisée la différence de traitement s'agissant de salariés présentant des expériences différentes, selon leur fiche historique, de celles de Mme [M] ; qu'en ce qui concerne la reconnaissance de la qualification 'd'auditeur qualité', laquelle n'a pas de répercussion sur le salaire, s'il résulte des pièces que Mme [M] a, de 1993 à 1997, fait partie des membres du Comité d'Evaluation chargé de donner un avis sur l'aptitude à cette qualification, comme l'indique, le 6 mars 1997, Mme [N], Directeur des Ressources humaines, le chef de service de Mme [M], Mr [I], lui écrit, le 17 septembre de la même année, ne pas être favorable à sa candidature faute non de connaissance théorique mais d'application pratique ; que la motivation de ce responsable, qui précise bien que son opinion peut évoluer, ne constitue pas un élément de nature à marquer une différence de traitement à l'égard de Mme [M] ; que les faits allégués ne sont pas constitutifs dans ces conditions d'une discrimination ; que la demande à ce titre sera rejetée et le jugement confirmé sur ces points ;
Sur le harcèlement moral
Mme [M] fait état de ce que, nommée au mois de mai 1993 à la Direction Qualité, elle s'est trouvée à partir du mois de décembre 1993 au mois d'octobre 1997 sous la direction de Mr [I]. Elle reproche à celui-ci ses abus d'autorité, ses humiliations et ses manoeuvres ayant pour but de l'isoler progressivement et de la pousser à démissionner, consistant : dans l'amputation de ses fonctions, l' absence de convocation aux auditions de qualification, la suppression de son nom dans certains organigrammes, l' interdiction formelle de participer aux séminaires organisés par les sociétés de recherche scientifique ou de se rendre aux audits de la Direction, les procès d'intention, les corrections tatillonnes, les entraves à ses démarches, le détournement de courrier, le discrédit porté sur son travail et sa personne la présentant comme 'hystérique' 'caractérielle' ainsi que le dénigrement et les rumeurs malveillantes, la rétention d'information, la surveillance de ses communications téléphoniques, de son bureau et de son armoire, la délégation de signature retirée en novembre 1997 ainsi que sa secrétaire en février 1999, les consignes enfin données à Mr [E] qui a succédé à Mr [I] et Mr [B] pour l'isoler. Elle indique que sa situation s'est encore dégradée à compter du 1er février 1999, lorsqu' elle a été nommée à la fonction de responsable qualité méthode pour la délégation de la Direction de l'Ingénierie à [Localité 8], avec une régression de ses fonctions et notamment celle concernant l'évaluation des sous-contractants, devant désormais transmettre ces dossiers à Mr [F]. La quasi-oisiveté à laquelle elle s'est trouvée alors condamnée s'est accompagnée de la détérioration de ses conditions matérielles puisqu'elle a dû déménager à la Direction de l'Ingénierie dans un bureau minuscule, sombre, sale et humide, situé dans un bâtiment vétuste en préfabriqué, avec des excréments de rats sur la moquette. Elle n'avait plus d'accès aux banques de données ni au minitel. Elle indique qu'elle n'a été reçue par Mr [T] qu' un an après en avoir fait la demande et qu'aucune proposition correcte ne lui a été faite après qu'elle ait refusé sa mise à la retraite ainsi qu'un départ négocié. Elle a alors trouvé une mission auprès du Commissariat à l'Energie Atomique rattachée à la Direction qualité sûreté pour la mise en place d'un système d'évaluation des fournisseurs à mi-temps qui a duré un an. Aucune affectation sérieuse ne lui a été faite ensuite et, le 1er février 2002, elle a été rattachée à Mr [I] au sein d'un service technique étranger à ses compétences (Direction des métiers). Elle ajoute que c'est grâce à l'intervention, au mois de juin 2002, du médecin du travail qu'a été trouvé le 2 octobre 2002 un poste d'assistante pour 3 mois qu' elle a refusé s'agissant d'un déclassement.
L'appelante soutient donc que la société TECHNICATOME n'ayant pas pris les mesures nécessaires concernant sa santé physique et mentale, faute d'action interne de prévention, et étant désoeuvrée, faute d'affectation, sa santé s'est altérée au point de faire, le 29 octobre 2002, une tentative d'autolyse et de souffrir d'une longue dépression nerveuse. Elle estime que Messieurs [I] et [G] ont joué un rôle actif majeur dans la conception et la mise en place de ce processus de déstabilisation puisque le premier l'a donc progressivement et systématiquement isolée puis marginalisée par des manoeuvres et que le second, mis au courant au mois d'octobre 1999, lui a prodigué ensuite un réconfort de façade, sans lui faire de proposition sérieuse de poste adapté à ses qualifications d'une part et la soustraire d'autre part à Mr [I] sous les ordres duquel elle s'est à nouveau trouvée, à compter du 1er février 2002, complètement isolée dans unité technique où ses compétences n'étaient pas utilisées.
La société TECHNICATOME conteste l'ensemble des faits de harcèlement. Elle constate qu' aucun des faits et comportements reprochés aux deux responsables ne sont établis par des pièces et qu'ils résultent uniquement des dires de l'intéressée, laquelle se présente comme victime, alors qu'elle a bénéficié de beaucoup d'avantages. Elle dénonce les mensonges de Mme [M] qui omet de reconnaître que, pendant trois ans, les responsables de la société ont tenté de lui trouver un poste et qu'elle a refusé le dernier proposé pour un faux motif.
Considérant qu'aux termes de l'article L1152-1du Code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Considérant que selon l'article L1154-1 du même code ,en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 sus-visé, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Considérant que pour établir le harcèlement moral dont elle prétend être victime, Mme [M] produit l'avis favorable donné le 6 mars 1997 par la Directrice des relations humaines à sa demande de candidature pour la qualification d'auditeur système qualité puisqu'elle fait partie du comité d'évaluation des candidats depuis 1993 et l'avis contraire défavorable de Mr [I], qui s'y oppose le 17 septembre 1997, au motif que, si elle a une formation de base et des connaissances, il lui manque la pratique quotidienne dans la résolution des problèmes ; que l'appelante produit aussi ses évaluations annuelles de 1995,1997, 1998 et 1999 ainsi qu'un courrier du 24 février 1995 où elle fait une mise au point sur son titre, une note de Mr [I] refusant qu'elle se rende à une réunion à Cadarache, le 20 novembre 1996, un mot sur un courrier au mois de décembre 1997 de Mr [B], son directeur, lui disant qu'elle n'a pas de délégation de signature, sa fiche de mutation du 1er octobre 1997 avec un changement de service, la note de la direction du 11 septembre 1997 sur les salariés non budgetisés en 1997, dont elle fait partie, dans le cadre de la réorganisation de la société, comportant les solutions envisagées pour chacun d'entre eux, la note du 4 février 1999 lui attribuant la fonction de responsable qualité méthodes pour l'ensemble des activités de la Direction de l'ingenierie sur [Localité 8] avec changement de bureau, l'activité d'évaluation des sous contractants étant transférée à Mr [F], dont elle se plaignait déjà d'être évincée dans une lettre à la direction du 17 novembre 1998, la note du 28 mars 2000 de Mr [I] à Mr [T], directeur des ressources humaines, indiquant : 'Vous avez reçu récemment Mme [M]. Il me parait nécessaire aujourd'hui de la faire évoluer vers un autre poste et de mettre au poste de RQM/DOMMAGES ET INTÉRÊTS/SAC une personne d'une autre potentiel et en meilleur adéquation avec les services attendus', des témoignages, l'un, d'un autre salarié lui même écarté, attestant de ce que Mme [M] s'est trouvée entre 1999 et 2001 sans travail, dans des locaux éloignés, s'occupant en brodant, les autres faisant état de ses qualités professionnelles et des difficultés que connaissait la société ;
Considérant que ces pièces, qui devraient mettre en exergue les comportements dont se plaint Mme [M], ne permettent pas finalement de caractériser, de la part des directeurs personnellement mis en cause, des agissements répétés à son égard susceptibles de constituer un harcèlement ; qu'elles éclairent les modalités du déroulement de la carrière de Mme [M] au sein de la société ; qu'en effet il apparaît que celle-ci n'était pas la seule salariée à être concernée par la réorganisation de la société en 1997 qui englobait plusieurs postes ; que par ailleurs, dès 1995, sa situation paraissait fragilisée au vu des réserves que comporte son évaluation ; que Mr [I] attire alors dans des termes mesurés son attention sur des points à améliorer soit : 'le contact et les relations avec les autres personnes que ce soit : les collaborateur directs -les autres collaborateurs de la société. Développer le sens de l'écoute pour se faire admettre et reconnaître.' ; que de même le refus de ce supérieur de la laisser se présenter à la qualification d'auditeur qualité en 1997 est motivé par l'insuffisance de sa formation pratique ; que les évaluations de 1997 à 1999 faites successivement par Mr [I], Mr [B] et Mr [F] mettent en exergue ses difficultés à travailler en équipe et en réseau ainsi que ses problèmes de communication ; qu'après une note du 18 mai 2000 de Mr [I] à Mr [T] indiquant : 'Je souhaiterais que nous regardions ensemble l'évolution de Mme [M] après son bilan de compétence . Je ne vois pas son évolution à la DQA au sein de SMQ en qualité de Responsable Qualité de DI/SAC comme affectée à ce jour', celui-ci écrit à nouveau dans un note du 17 octobre 2000 intitulée 'EVOLUTION QUALITATIVE ET QUANTITATIVE DE L'EFFECTF DQA' qui traite des affectations futures de plusieurs salariés dont le poste est supprimé dont celui de Mme [M] : 'Je souhaite que [Z] [M] (DQA/SMQSQA) sorte de l'effectif de ce service. Elle ne serait pas remplacée. L'effectif serait diminué d'une personne' ;
Considérant qu'en outre aucune attestation, aucun élément du dossier en dehors des seules affirmations de Mme [M] ne permettent d'établir la réalité des comportements pervers dénoncés tant pour Mr [I] que pour Mr [G] ; que pour le premier, ses qualités humaines, son sens du respect de l'individu, sa capacité enfin à gérer tant individuellement que collectivement le personnel font l'objet d'un compte rendu du 22 décembre 1999 particulièrement élogieux des délégués du personnel de l'établissement d'[Localité 4] ; que pour Mr [T], présent comme Directeur des Ressources humaines à compter du 1er août 1999, son carnet de bord prouve son écoute de cette salariée ; que c'est plutôt la volonté d'écarter Mme [M] de ses fonctions, dans le cadre d'une réorganisation des directions avec gel des embauches, qui explique les dispositions prises ; que le document confidentiel intitulé 'CAS À SUIVRE', qui comporte douze noms dans sa version du 10 décembre 1997, indique à son propos : 'Problème posé : non budgété 1997. Souhaite rester à la DQ. (Refus mobilité fonctionnelle vers DRH). A réintégrer en effectif à la DQ. Ecart au budget à valider. Solution/Observations : Suite au nouvel EMP, pourrait accepter une mutation. Proposition UP1 annulée par manque de poste. Travaille actuellement sur l'évaluation des sous-contractants qui pourrait dépendre des achats. M. [E] souhaite la rencontrer avant un éventuel transfert du poste à la DAA si possible à [Localité 4]. En attente' ;
Considérant en effet que, postérieurement à la mise en oeuvre de ces mesures pour l'ensemble des salariés concernés, la gestion du cas de Mme [M] qui, en dehors des problèmes posés par la réorganisation, ne donnait pas satisfaction, sans que ses insuffisances ne lui aient été officiellement et clairement signifiées par l'employeur, s'est avéré inadapté ; qu'il résulte des pièces qu'en 1999, Mme [M] a dû emménager dans un bureau situé dans des locaux en mauvais état (bâtiment 442, pièce 25) ; que le compte-rendu de réunion des délégués du personnel du 20 juillet 1999 établit la réalité de ce reproche ainsi que l'engagement de la direction, faisant état d'un contrat passé avec une entreprise, pour la '-dératisation -destruction des lapins -désinfection et désodorisation pour tout le bâtiment 442" ; qu'en 2000, Mme [M] n'a pas bénéficié de la mesure collective d'augmentation des salaires de 0,7% mise en place avec la paie de septembre 2000 des agents DQA en raison de 'sa contribution et son implication insuffisante dans le bon avancement des affaires et l'obtention des objectifs aussi bien ceux généraux de l'entreprise que ceux individuels qui lui sont fixés dans ses EA' ; qu'encouragée par Mr [T], elle a effectué un bilan de compétence au mois de juin 2000 qui concluait à la réalité de ses capacités ; qu'espérant toujours un poste conforme à ses attentes, elle demeurait cependant inoccupée pendant une grande partie de l'année 2000, étant seulement détachée à mi-temps, à compter du 1er décembre 2000 jusqu'au 31 mai 2001 selon un contrat renouvelé jusqu' 30 novembre 2001, au CEA Saclay à la Direction de la Sûreté nucléaire et de la qualité -Mission Qualité ; que de façon générale au cours de l'année 2002, étaient soulignés dans les procès-verbaux du CHSCT l'inquiétude des salariés, leur démotivation et leur désarroi face à la réorganisation en cours de la société, le transfert d'activité sur les établissements du Sud Est, la suppression ou non reconduction de postes ; qu'il est aussi fait état à la réunion du 23 mai 2002 de harcèlement moral ; que le Dr [V], médecin du travail, souligne dans son rapport du 17 juin 2002 ces problèmes ainsi que le fait que des personnes sont sans activité ; que les conditions humiliantes dans lesquelles s'est trouvée Mme [M], à cette époque, de par les agissements répétés de l'employeur qui ne lui donnait pas d'activité, la laissant en vain espérer un hypothétique poste et lui imposant des conditions matérielles dégradantes ont été la cause de sa tentative de suicide et de l'altération de sa santé ; qu'elles font présumer la réalité du harcèlement moral qui est invoqué par la salariée ;
Considérant que la société TECHNICATOME, pour prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement moral mais reposent sur des éléments objectifs, fait valoir que les problèmes de travail dans la société étaient dus au période d'inter-contrat pendant lesquelles elle s'efforçait de trouver pour Mme [M], comme pour les autres salariés, des solutions pour leur éviter d'être licenciés ; qu'elle indique d'autre part que plusieurs responsables se sont mobilisés pour tenter de trouver un poste pour Mme [M] ; que Mr [T] la recevait régulièrement, comme le prouve son 'journal de bord professionnel' ; qu'après son détachement au CEA, une affectation a été envisagée en 2002 dans l'ingénierie de soutien logistique intégré à la société SYSLOG qui n'a pas été mise en oeuvre compte tenu d'une baisse d'activité ; que Mme [M] a toujours bénéficié des augmentations statutaires normales ; que son bureau n'a pas fait l'objet d'observation de la part du Docteur [V] lors de sa visite ; que les conditions enfin dans lesquelles Mme [M] a tenté d'attenter à sa vie font douter de la spontanéité de son geste ;
Mais considérant qu'il apparaît que l'employeur a initié puis laissé se dégrader la situation de Mme [M] en ne prenant pas la mesure des conditions moralement éprouvantes dans lesquelles elle vivait son manque de statut et son isolement matériel ; que ces agissements qui se sont poursuivis pendant au moins deux ans ont été la cause d'une altération grave de son état psychique ; que dans ces conditions, la réalité du harcèlement étant admise, il convient de faire droit à la demande ; que le montant des dommages et intérêts sera fixé à la somme de 30 000 euros ; que le jugement sera réformé ;
Considérant que la société devant répondre de l'intégralité des conséquences des agissements de ses employés, l'appelante ne peut solliciter à l'encontre de Messieurs [I] et [T] la réparation d'un préjudice dont il a été démontré qu'il ne leur était pas imputable à titre personnel ;
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [M] conclut à la confirmation du jugement . Contestant qu'un préavis soit dû, la société TECHNICATOME évalue son montant sur le salaire des trois derniers mois soit 2 473,54 euros à 12 601,17 euros.
Considérant que le préavis est dû, s'agissant d'un licenciement pour inaptitude pour accident du travail ; que sur la base d'un salaire mensuel d'un montant de 4200,39 euros, la somme à ce titre s'élève à 12 601,17 euros ; que le jugement sera réformé sur ce point ;
Sur l'absence de reclassement
Mme [M] sollicite, en application de l'article 1226-10 du Code du travail, la somme de 56 000 euros au titre du non respect de l'obligation de reclassement . La société TECHNICATOME conclut au rejet.
Considérant qu'il n'est pas contesté que plusieurs postes (15) comportant des responsabilités ont été proposés à Mme [M] pour son reclassement au sein du groupe AREVA ; que celle -ci n'a pas répondu à ces offres ; qu'elle indique qu'il s'agissait d'offres générales et non de postes spécifiquement recherchés pour permettre son reclassement ; que cependant le médecin du travail avait donné un avis favorable à l'un d'entre eux ;que dans ces conditions, c'est justement que le Conseil de prud'hommes a rejeté sa demande à ce titre ; que le jugement sera confirmé ;
Sur l'intéressement
Mme [M] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société TECHNICATOME à lui verser le complément d'intéressement lui revenant en prenant en compte les jours d'absence. L'intimée conclut à la réformation.
Considérant que le principe selon lequel l'accord d'intéressement prévoit que sont considérées comme temps de présence les absences pour accident du travail n'est pas contesté; que par un arrêt en date du 28 mars 2006, le Cour d'Appel de Versailles a dit que l'accident survenu le 29 octobre 2002 était un accident du travail ; que sont donc dues à ce titre un complément d'intéressement pour les années 2002 à 2005 qui devra être évalué ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable que la charge de la totalité des frais irrépétibles soit supportée par l'appelante ; que la somme de 2500 euros lui sera allouée ; que la demande de la société TECHNICATOME sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement
Condamne la société TECHNICATOME à verser à Mme [M] la somme de 30 000 euros au titre du harcèlement moral
Condamne la société TECHNICATOME à verser Mme [M] la somme de 12 601,17 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
Confirme pour le surplus
Y ajoutant
Condamne la société TECHNICATOME à verser la somme de 2500 euros à Mme [M] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Rejette toutes les autres demandes
Condamne la société TECHNICATOME aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE