Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 4
ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2010
(n° 435 ,3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23995
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Novembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/06921
APPELANT
Monsieur [E] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués près la Cour
assisté de Me Eric GAFTARNIK, plaidant pour GAFTARNIK et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : E 0118
INTIME
Monsieur [T] [H]
pris en esa qualité de Directeur de la publication du Magazine XROADS édité par la Sté BANDITS COMPAGNY
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués près la Cour
assisté de Maître Francis PUDLOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 058
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Monsieur David PEYRON, Conseiller
Madame Catherine BOUSCANT, Conseillère
qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Jacques LAYLAVOIX
Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mademoiselle Fatia HENNI , greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 4 mai 2009 à [T] [H], pris en sa qualité de directeur de la publication du magazine XROADS, édité par la société Bandits Company, à la requête de [E] [R] aux fins de voir dire par le tribunal de grande instance de Paris que les propos tenus par [T] [H] dans l'article intitulé "Petit Bonhomme Rock Star", mis en ligne le 9 février 2009 sur le site banditcompany.com, constituaient le délit d'injures publiques envers un particulier prévu par les articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, subsidiairement que ces propos constituaient une faute civile au sens de l'article 1382 du code civil, et voir condamner celui-ci à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et à faire procéder à ses frais à la publication du jugement à intervenir dans les magazines XROADS et ROLLING STONE ;
Vu l'ordonnance prononcée le 9 novembre 2009 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui, saisi par conclusions d'incident de [T] [H], a déclaré nulle l'assignation sus-visée et condamné [E] [R] aux dépens ;
Vu l'appel interjeté de cette ordonnance le 24 novembre 2009 par [E] [R], qui, aux termes de ses conclusions signifiées le 13 janvier 2010, en poursuit la réformation et prie la cour de débouter [T] [H] des fins de ses conclusions de nullité, de dire qu'il a tenu des propos en violation des articles 29 alinéa 2 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, subsidiairement de dire que ces propos constituent une faute civile au sens de l'article 1382 du code civil et de la condamner, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et à faire procéder à ses frais à la publication du "jugement" à intervenir dans les magazines XROADS et ROLLING STONE ;
Vu les conclusions signifiées le 26 février 2010 par [T] [H], intimé, qui demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré nulle l'assignation introductive d'instance et de condamner [E] [R] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
Vu les observation écrites du Ministère Public, qui conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 3 juin 2010 ;
Considérant que l'appelant soutient que les termes de l'assignation arguée de nullité sont dépourvus de toute ambiguité quant à l'action engagée à titre principal à l'encontre de [T] [H] sur le fondement des articles 29 alinéa 2 et 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, nonobstant le visa subsidiaire de l'article 1382 du code civil, et que la nullité de l'acte suppose la preuve d'un grief rapportée par le demandeur à l'exception de nullité, inexistante en l'espèce ;
Mais considérant que le premier juge, en prononçant la nullité de l'acte introductif d'instance que [E] [R] a fait délivrer à [T] [H], aux termes de motifs pertinents approuvés par la cour, a exactement analysé les termes de cet acte et a fait une juste application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'en effet :
- aux termes de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, l'assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé et indiquer le texte légal applicable à l'action, afin que le défendeur puisse connaître avec exactitude, dés la délivrance de cet acte, les faits dont il aura à répondre et les moyens de défense qu'il pourra opposer au demandeur,
- alors que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, tels que les propos litigieux, qualifiés dans l'assignation d'injures publiques envers un particulier, ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'invocation de l'application de ce texte à ces propos, tantôt à titre subsidiaire, tantôt de façon cumulative, introduit une incertitude pour le défendeur quant à l'objet exact de la demande et lui interdit de connaître avec précision la nature des moyens de défense qu'il peut lui opposer et qui diffère selon que l'action est fondée sur les dispositions particulières de la loi du 29 juillet 1881 ou qu'elle obéit au régime de la responsabilité civile de droit commun,
- l'application aux mêmes faits d'une telle double qualification en méconnaissance des prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, qui fait ainsi grief aux droits de la défense, doit donc être sanctionnée par la nullité de l'assignation, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de nullité invoqué par l'intimé ;
Que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée ;
Qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de dommages et intérêts et de publication formées par l'appelant, ces demandes excédant en tout état de cause les pouvoirs de la cour saisie de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état ayant statué sur une exception de procédure ;
Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, [E] [R] supportera les dépens d'appel, sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du CPC et condamné sur le même fondement à payer à [T] [H] la somme de 3000 euros pour compenser les frais hors dépens exposés par celui-ci ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance déférée,
Condamne [E] [R] à payer à [T] [H] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du CPC,
Rejette toute autre demande,
Condamne [E] [R] aux dépens d'appel et admet la SCP Hardouin au bénéfice de l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRESIDENT