RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 07 septembre 2010
(n° 14 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11213
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section Encadrement - RG n° 06/12785
APPELANTE
SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION (SESI)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Hortense DE SAINT REMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P286 substitué par Me Delphine CUENOT, avocat au barreau de PARIS,
INTIME
Monsieur [I] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Delphine LOPEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1616
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Phillipe LABREGERE, conseiller
Madame Brigitte BRUGIDOU, conseiller
Greffier : Madame Nathalie MOREL, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Madame Corinne DE SAINTE MAREVILLE, Greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en formation de départage en date du 1er octobre 2008 ayant condamné la société à verser à [I] [X]
35000 euros à titre de dommages et intérêts
1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
et ordonné le remboursement par la société des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 mai 2010 de la société SESI appelante, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimé à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 10 mai 2010 de [I] [X] intimé qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser
49000 euros supplémentaires en réparation du préjudice subi
3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [I] [X] a été embauché par contrat de travail à compter du 2 octobre 2000 en qualité de journaliste reporter d'images avec statut de journaliste par la société S.E.S.I. ; que son contrat de travail a été transféré au sein de la société Canal +le 1er novembre 2001 puis à nouveau au sein de la société appelante à partir du 1er septembre 2005 ; qu'à la date de son licenciement il percevait un salaire mensuel brut moyen de 3273,05 euros et relevait de la convention collective des journalistes ; que l'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés ;
Que l'intimé a été convoqué par lettre remise en main propre le 13 septembre 2006 à un entretien le 20 septembre 2006 en vue de son licenciement ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 septembre 2006 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont la tenue de propos dénigrants et malveillants, la contestation de décisions de sa hiérarchie, le refus d'exécuter une mission, l'ensemble constituant un comportement agressif et intolérable ;
Que l'intimé a saisi le Conseil de Prud'hommes le 31 octobre 2006 en vue de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture ;
Considérant que la société SESI expose que les manquements imputés à l'intimé sont caractérisés ; que son ancienneté et le déroulement normal de sa carrière ne sauraient les occulter ; que le courriel litigieux adressé par le salarié à l'une des ses collègues le 24 août 2006 est particulièrement outrancier et haineux ; que le dénigrement auquel il s'est livré nuisait tant à la société qu'à sa collègue de travail ; que l'intimé a refusé également d'exécuter des missions qui lui avaient été confiées par son employeur ;
Considérant que [I] [X] soutient que son licenciement est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que les griefs articulés sont sans fondement ; que sa correspondance a été violée ; que la sanction infligée est disproportionnée par rapport aux faits reprochés ; qu'il a fait l'objet d'une brutale mise à l'écart ; qu'il a ultérieurement travaillé de façon épisodique et a dû être indemnisé par l'ASSEDIC ;
Considérant en application de l'article L1235-1 du code du travail que le courriel en date du 29 août 2006 adressé par l'intimé à [T] [D] fait suite à la communication par cette dernière à sa hiérarchie d'un échange de courriels le 27 juillet 2006 entre [I] [X] et [G] [B] ; qu'à ce dernier qui sollicitait des informations sur une journaliste qui avait besoin d'un fixeur au Liban, l'intimé l'invitait à ne pas donner de suite à cette demande si la journaliste était [T] [D] ; que l'intimé qualifiait celle-ci de méprisante et dangereuse et invitait son interlocuteur à se méfier ; que les conditions dans lesquelles [T] [D] et la société ont pu avoir connaissance de ce courriel confidentiel sont particulièrement obscures ; que l'intimé ne l'a adressé qu'à son destinataire ; que l'erreur de routage alléguée pour légitimer la communication d'un tel document n'est démontrée par aucune pièce ; qu'au demeurant, si le jugement porté par l'intimé sur la personne de sa collègue de travail peut paraître déplaisant, il n'est consécutif qu'à un conflit de personnes relaté dans le courriel en date du 24 août 2006 dont l'origine est imputable au comportement d'[T] [D] ; que de la description de ce comportement relaté avec précision dans ledit courriel, que la société se borne à contester sans démontrer la fausseté des détails qui y sont mentionnés, il résulte qu'[T] [D] à réussi à deux reprises à obtenir l'éviction de l'intimé de missions prévues en Côte d'ivoire et à Gaza à la suite de manoeuvres auprès de sa direction ; qu'à la suite de tels incidents il était logique que l'intimé nourrisse peu d'affection envers sa collègue de travail ; que par ailleurs l'appelante ne produit aucun élément de preuve sur les répercussions des termes du courriel confidentiel de l'intimé du 27 juillet 2006 tant sur la société que sur l'activité professionnelle d'[T] [D] ; que s'agissant du courriel du 24 août 2006, celui-ci ne constitue qu'une réponse à un précédent courriel de cette dernière, que l'appelante ne communique pas alors qu'il comporte nécessairement une mise en cause de l'intimé ainsi que des affirmations injustifiées dont les termes peuvent expliquer le ton employé par l'intimé dans sa réponse ; qu'en toute hypothèse, compte tenu du contexte dans lequel ils ont été rédigés, les deux courriels litigieux ne sauraient constituer des actes suffisamment graves pour conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement de leur auteur ;
Considérant que le refus d'exécuter des missions ou de se soumettre aux instructions de son employeur ne résulte que de courriels émanant de la société ; qu'en outre s'agissant des faits rapportés dans le courriel en date du 24 août 2006, celui-ci n'établit pas l'existence d'un refus manifeste opposé par l'intimé ; que s'agissant des faits relatés dans le courriel du 13 septembre 2006, l'opposition de l'intimé est consécutive à la décision de sa direction de l'envoyer à [Localité 3] pour filmer seul la visite rendue par [R] [Z] à des squatters expulsés et obtenir le point de vue de ce dernier sur la question du riz génétiquement modifié ; que quel que soit l'intérêt qui puisse être porté à des sujets aussi brûlants, la réalisation d'un tel reportage par un journaliste ayant le statut de grand reporter depuis plus de trois ans ne semblait pas indispensable, d'autant qu'il n'est pas établi que la société ne pouvait pas faire appel à des journalistes ayant une qualification moindre pour couvrir un tel événement ; que tant l'avenant à la convention collective d'entreprise du 11 février 1991 que la fiche de métier établie par la société Canal + comportent une définition précise des missions d'un grand reporteur ne correspondant pas à celle confiée pour la circonstance à l'intimé et refusée par lui ; qu'en outre le fait que la société appelante intègre dans ses plannings 'journalistes reporters d'images' des journalistes jouissant du même statut que l'intimé ne saurait justifier une pratique consistant à ne tenir aucun compte des qualifications des salariés ; qu'au demeurant l'établissement de tels plannings présentait un caractère totalement discrétionnaire puisqu'il n'est pas contesté qu'[T] [D] à qui avait été conféré également la qualité de grand reporter n'y était pas intégrée ; que ce second grief n'est donc pas davantage caractérisé ;
Considérant en conséquence que le licenciement de l'intimé est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant en application de l'article L1235-3 du code du travail que [I] [X] était âgé de 35 ans et bénéficiait d'une ancienneté de six années à la date de son licenciement ; que ses compétences avaient été reconnues par l'attribution de la qualité de grand reporter dès le 1er janvier 2003 ; qu'il n'a plus retrouvé d'emploi stable et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage ; qu'ainsi les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par l'intimé sur le fondement des dispositions légales précitées ;
Considérant en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a plus de deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés ;
Considérant que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient de confirmer l'obligation à la charge de la société SESI de procéder au remboursement des allocations versées à l'intimé dans les limites prévues à l'article précité ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE la société S.E.S.I. à verser à [I] [X] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE