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02/09/2010 | FRANCE | N°08/11139

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 septembre 2010, 08/11139


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 02 Septembre 2010

(n° 6 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11139



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section ENCADREMENT - RG n° 07/01785





APPELANT



Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Frédér

ic BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A 356





INTIMEE



SA BCAUTO REMARKETING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 02 Septembre 2010

(n° 6 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11139

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section ENCADREMENT - RG n° 07/01785

APPELANT

Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Frédéric BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A 356

INTIMEE

SA BCAUTO REMARKETING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A753

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudette NICOLETIS, Magistrat, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Claudette NICOLETIS, conseiller

Mme Marie-Ange LEPRINCE, conseiller

Greffier : Madame Pierrette BOISDEVOT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [T] a été engagé à compter du 16 janvier 1984 par la société DIAC, société de crédit des véhicules RENAULT. Au mois de mars 1994 il a été promu chef de centre de TRANSPARCS, centre de ventes aux enchères de [Localité 9]-[Localité 7]. En mai 2000 un projet de partenariat entre la société DIAC et la société BCA, leader européen de la vente aux enchères de véhicules d'occasion, a été annoncé. Le 1er juillet 2000, les contrats de travail des salariés affectés aux deux centres TRANSPARCS, Bonneuil et Bron, ont été transférés à la société anonyme BCAuto ENCHÈRES. En 2004, la société DIAC a cédé toutes ses parts à la société BCA ;

M. [T] qui occupait les fonctions de directeur du centre de [Localité 7] pour la société BCAuto ENCHÈRES, était membre du comité de direction. La convention collective applicable au contrat de travail était celle des services de l'automobile ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 avril 2007, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, qui s'est tenu le 23 avril 2007 et mis à pied à titre conservatoire ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 avril 2007, il a été licencié pour faute grave ;

Le 11 septembre 2007, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil des demandes suivantes :

- Juger l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour faute grave

- Condamner la société SA BCAUTO REMARKETING au versement des sommes suivantes :

- 3.446,52 € pour rappel de salaire de mise à pied conservatoire du 12/04/2007 au 30/04/2007

- 344,65 € pour indemnité de congés afférents au rappel de mise à pied

- 20.995,41 € pour indemnité compensatrice de préavis

- 2.099,54 € pour indemnités de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis

- 78.637,49 € pour indemnité conventionnelle de licenciement

- 160.348,00 € pour indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Remise des documents conformes : bulletins de salaire, attestation ASSEDIC et certificat de travail avec astreinte de 80,00 € par jour et par document.

- Ordonner l'exécution provisoire .

Par jugement du 29 juillet 2008, le conseil de prud'hommes a débouté M. [T] de toutes ses demandes.

Le 22 octobre 2008, M. [T] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 17 octobre 2008.

Lors de l'audience du 21 mai 2010, les avocats des parties ont développé oralement leurs conclusions, aux termes desquelles il est demandé à la Cour :

Par M. [T] :

D'Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

- Dire et juger non fondés les motifs allégués par la société BCAuto REMARKETING dans la lettre de licenciement du 26 avril 2007

EN CONSEQUENCE :

- de dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave prononcé à son rencontre

- de condamner la société BC Auto REMARKETING à lui verser les sommes de :

- rappel de salaire pour mise à pied conservatoire du 12/04/07 au 30/04/2007 : 3,446,52 €

- indemnité de congés payés y afférent : 344,65 €

- indemnité compensatrice de préavis : 20.995,41 €

- indemnité de congés payés y afférent : 2.099,54 €

- indemnité conventionnelle de licenciement : 78.637,49 €

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :160.348 €

-article 700 du code de procédure civile : 3 000 €

ces sommes avec intérêts au taux légal

- d'ordonner la remise de bulletins de paie, d'une Attestation Assedic conformes et certificat de travail conforme

Par la société BCAUTO REMARKETING, anciennement BCAuto ENCHÈRES : De Confirmer le jugement entrepris

- Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes

- Le condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR :

Sur le licenciement :

Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Considérant que la lettre de licenciement est ainsi libellée :

'Monsieur,

Pour faire suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le lundi 23 avril 2007, en présence de Monsieur [N] [H], Directeur du site de [Localité 6] [Localité 4], à qui vous aviez demandé de vous assister, et de Monsieur [F] [S], Directeur Administratif et Financier, nous avons le regret de vous notifier notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave, les explications recueillies au cours de l'entretien n'ayant pas modifié notre appréciation des faits.

Mon arrivée en qualité de Directeur Général le 19 février 2007 a permis de mettre à jour un certain nombre de dysfonctionnements graves au sein de l'établissement de [Localité 7] et d'établir qu'ils sont le résultat de carences professionnelles et managériales avérées de votre part, ayant largement contribué à la dégradation de notre image et aux pertes record de 2006.

En votre qualité de Directeur de site, vous aviez la responsabilité :

-de promouvoir nos activités en accroissant et en diversifiant notre clientèle d'apporteurs

-d'améliorer les performances de vente des véhicules qui nous sont confiés afin de rester compétitifs

-de veiller à la bonne gestion du parc de véhicules : contrôle des véhicules entrants, remise en état, contrôle des pièces détachées...

d'encadrer le personnel ; à ce titre, vous vous deviez d'être vous-même

exemplaire

-de respecter les procédures internes et les consignes de votre

hiérarchie

-de rendre compte de votre activité à votre hiérarchie.

-d'être membre du comité de direction.

Or, force est de constater que :

- la situation financière du site est fortement dégradée : résultat d'exploitation : 62 k€ en 2006, pour un budget de 859 k€, contre un résultat d'exploitation de 449 k€ en 2005 ; notre image également ;

-notre principal client, la DIAC, client historique dont vous étiez responsable, nous a informé le 3 avril dernier de son très grand mécontentement alors que la performance moyenne de vente est de 72,8% de la cote ARGUS, très inférieure à l'objectif fixé de 76% et aux résultats de nos concurrents (82,8%.). La DIAC nous a informé qu'en conséquence, elle avait décidé de réduire de façon significative les volumes de véhicules qu'elle nous confie, ce qui représente un manque à gagner considérable pour notre société en difficulté ;

-pour ne pas perdre définitivement ce client majeur, je vous ai demandé de relever immédiatement les prix de vente des véhicules DIAC, en renonçant à une partie de notre marge : vous ne l'avez pas fait ;

-de nombreux acheteurs professionnels se sont plaints de disparitions d'équipements sur les voitures entre l'exposition et la livraison et de faits troublants : des voitures apparaissent en vente, qui n'étaient pas sur le catalogue de vente publié, alors que des voitures qui étaient prévues au catalogue ne passent pas. Un exemple : lors de la vente du mercredi 7 avril, la première voiture présentée ne se trouvait pas sur le catalogue de vente. Vous n'avez jamais recherché les responsabilités, ni mis en place les procédures de contrôle adéquates, vous avez préféré éteindre leurs réclamations en les indemnisant ;

-votre management et votre gestion du site sont totalement opaques ; j'ai rencontré les plus grandes difficultés à mon arrivée, à accéder au site et ai eu à déplorer de votre part une défiance et une rétention d'informations inadmissibles ; pour exemple, il a fallu vous relancer à de multiples reprises pour que vous nous remettiez les compte- rendus des entretiens d'évaluation de Messieurs [P] et [X], finalement transmis le 31 mars 2007 ; ceux relatifs à l'exercice 2005 n'ayant jamais été remis, malgré les différentes relances de Monsieur

[S].

-plus grave, vous n'avez pas hésité à contester ouvertement et publiquement l'autorité de votre direction, en signant une pétition du personnel, lors du départ de Monsieur [I], DG, en avril 2006, pétition envoyée à la direction générale du groupe BCA. De tels agissements sont inacceptables de la part d'un membre du Comité de Direction et sont preuve d'une absence de loyauté à son égard.

-vous avez également eu un comportement inacceptable vis-à-vis d'un gros client apporteur (Monsieur [O], ALD - La Poste), que je vous présentais le 28 mars, en présence de notre responsable grands comptes, Monsieur [C]. En effet, lorsque je vous présente à Monsieur [O], comme Directeur du site, vous répondez « encore » et vous éloignez sans lui adresser la parole.

-vous manquez à vos obligations, engageant ainsi la responsabilité de la société : entre autres, les dossiers de TVA intracommunautaire ne sont pas tenus (dossier AUTO INGOLSTADT, à jour au bout d'un an), les procès verbaux des commissaires priseurs ne sont pas signés et le registre de police n'est pas tamponné au fur et à mesure ;

-vous ne respectez pas les procédures d'engagement des dépenses, malgré de nombreux rappels à l'ordre, dont le dernier tout récemment écrit par Monsieur [A], ancien Directeur Général ; il n'y a aucun suivi, vos demandes ne sont pas documentées et vous mettez systématiquement votre hiérarchie devant le fait accompli ; plus grave, nous avons découvert le 6 avril que vous n'aviez pas hésité à commander, sans autorisation préalable écrite de votre hiérarchie, à des fins d'utilisation personnelle, des pneus neiges pour votre véhicule et que pour dissimuler cette dépense, vous aviez fait établir 2 factures pour ne pas avoir à en justifier ! De plus la commande a été traitée par un membre du personnel (Monsieur [X]) ;

DATE FACTURE

NOM FOURNISSEUR

DATE DEMANDE

DATE VALIDATION

MONTANT

19/12/2006

AGELEC

10/01/2007

12/01/2007

1 203.18

28/12/2006

RFA LYON EST

08/01/2007

09/01/2007

600.00

02/01/2007

RFA LYON EST

08/01/2007

09/01/2007

1 010.39

02/01/2007

RFA LYON EST

09/01/2007

11/01/2007

592.22

12/01/2007

RFA LYON EST

12/01/2007

17/01/2007

1 144.13

17/01/2007

RFA LYON EST

19/01/2007

22/01/2007

1 056.92

27/01/2007

RFA LYON EST

07/02/2007

07/02/2007

703.45

30/01/2007

OPTEOR

05/02/2007

05/02/2007

657.13

30/01/2007

OPTEOR

05/02/2007

05/02/2007

606.90

06/02/2007

[Localité 8]

14/02/2007

16/02/2007

729.05

09/02/2007

[Localité 8]

14/02/2007

16/02/2007

613.23

10/02/2007

RFA LYON EST

26/02/2007

28/02/2007

1 725.35

12/02/2007

RFA LYON EST

15/02/2007

16/02/2007

703.28

14/02/2007

[M]

15/02/2007

16/02/2007

554.13

28/02/2007

RFA LYON EST

02/03/2007

02/03/2007

514.02

02/03/2007

RFA LYON EST

23/03/2007

PAS REPONSE

904.97

05/03/2007

RFA LYON EST

23/03/2007

PAS REPONSE

720.24

20/03/2007

SAVE6

21/03/2007

PAS REPONSE

599.93

22/03/2007

SDM

02/04/2007

PAS REPONSE

504.47

24/03/2007

[U]

02/04/2007

PAS REPONSE

546.96

29/03/2007

PROSEGUR

02/04/2007

03/04/2007

589.63

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------

- vous n'appliquez pas les consignes de votre hiérarchie : vous n'avez pas ainsi ni affiché ni remis le règlement intérieur aux derniers embauchés ; vous avez toléré la consommation d'alcool dans l'établissement (lors d'une visite sur le site le 14 avril, j'ai trouvé 7 bouteilles d'alcool de grand format dans le bac où sont entreposés les pare-brise cassés...) et mis en danger la vie d'autrui en laissant Monsieur [P], dont le problème d'alcoolisme est de notoriété publique, conduire des véhicules. Monsieur [Y], Directeur du site de [Localité 5], m'a confirmé avoir été contraint d'effectuer une livraison en lieu et place de Monsieur [P], tellement ivre qu'il ne tenait plus debout. Aussi bien Monsieur [Z], Directeur Europe, que Monsieur [S] vous ont demandé d'agir, ce que vous n'avez pas fait ;

- vous n'avez pas hésité, à entreposer votre collection de véhicules personnels dans un des hangars de la société : Rolls Royce à l'état d'épave, 2 Safrane Biturbo, 1 Citroen DS, 1 Renault 21 Turbo et 2 autres véhicules de faible valeur, Par ailleurs, d'autres véhicules Citroen de collection sont stockés à l'extérieur, sur la zone asphaltée. On y trouve 3 Citroen DS sous bâches et 3 Citroën CX ...

Or le laxisme de votre gestion, le manque d'exemplarité de votre comportement et l'opacité que vous avez entretenue, ont favorisé des dérapages inacceptables :

- la gestion des pièces détachées, représentant un total annuel de 80 900 Euros, laisse à désirer : il n'existe aucun moyen d'apporter la preuve que chaque pièce commandée était nécessaire à la réparation d'un véhicule ou non.

- le frère de Monsieur [X] a acheté, avec votre aval, dans des conditions qui restent encore obscures (chèque établi par Monsieur [X] et aucune preuve du passage en vente), un véhicule qui nous a été confié par la DIAC. Or, la voiture est indiquée dans notre système comme payée, alors que le chèque n'avait pas été déposé en banque ...

Tous ces faits s'inscrivent dans un contexte récurrent de dysfonctionnements et de rappels à l'ordre dont le point d'orgue a été la disparition en 2005 de 220,000 €. Si nous n'avons pu à cette époque retrouver le ou les auteurs du vol, il ne fait aucun doute que ce vol n'a pu être rendu possible que par votre laxisme, l'absence de mise en place des procédures de contrôle adéquates et le non-respect des consignes de votre hiérarchie.

De tels agissements sont d'autant plus condamnables à votre niveau de responsabilités et en votre qualité de membre du Comité de Direction et eu égard à votre ancienneté au sein de l'entreprise et votre parfaite connaissance des arcanes de notre métier.

Vos carences professionnelles et managériales persistantes, votre laxisme et votre désinvolture, votre insubordination récurrente, le refus de l'autorité et des consignes de votre hiérarchie, vos menaces, votre défiance ouverte à mon égard, l'opacité de votre organisation et de vos agissements et de ceux de certains des membres du personnel, votre malhonnêteté, vos dissimulations et votre déloyauté à l'égard de votre employeur, rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail et justifient aussi bien la mise à pied qui vous a été notifiée le 12 avril que la rupture immédiate sans indemnité compensatrice de préavis ni indemnité de licenciement, de votre contrat de travail à première présentation de la présente.

Nous tiendrons à votre disposition dans les tous prochains jours votre solde de tout compte et les documents afférents.

Vous voudrez bien prendre rendez-vous afin de récupérer vos effets personnels et évacuer les véhicules stockés dans le hangar. A cette occasion, nous vous demandons de bien vouloir restituer à la société tout matériel lui appartenant, encore en votre possession, et notamment votre véhicule de fonctions (papiers, clés) mais aussi ordinateur portable, clés, badge, contrôle d'accès aux locaux, télécommande de la porte du parking, etc...

Mous vous rappelons que vous restez tenu envers la société par vos obligations de loyauté et de secret professionnel. A cet égard, nous vous rappelons que ne pouvez divulguer ni faire utilisation de toute information dont vous auriez eu connaissance dans le cadre de votre emploi, quel qu'en soit le support. Nous vous délions, en tant que de besoin, de toute obligation de non concurrence.

Vous disposez à ce jour d'un crédit de 66 2/3 heures de formation au titre du Droit Individuel de Formation. Vous pouvez demander à bénéficier à ce titre d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. L'action choisie sera financée, en tout ou partie, par les sommes correspondant au montant de l'allocation de formation que vous avez acquise...'

Considérant que M. [T] expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement concernent la qualité de son travail, or l'insuffisance professionnelle ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire ; que les autres griefs sont des affirmations dénuées de référence à tout élément objectif, ne permettant pas de caractériser l'insubordination ou l'intention de nuire ;

Considérant que la lettre de licenciement énonce des motifs disciplinaires et des motifs non disciplinaires, ce qui est permis dès lors que les motifs procèdent de faits distincts et que les règles de procédure applicables ont été respectées ; qu'il convient d'examiner d'abord les griefs disciplinaires pouvant seuls fonder une faute grave, puis, le cas échéant, les griefs tirés de l'insuffisance professionnelle qui ne peuvent constituer, s'ils sont établis, qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Considérant qu'il est reproché à M. [T] des faits d'insubordination, le refus de l'autorité et des consignes de la hiérarchie, des menaces, des agissements opaques voire malhonnêtes, un manque de loyauté ; que ces griefs sont disciplinaires ;

Considérant qu'il est fait grief à M. [T] d'avoir couvert un système de vols d'équipements sur les véhicules vendus ; qu'il est produit au soutien de ce grief :

- l'attestation de M. [D], devenu chef de parc du centre de [Localité 7] en janvier 2008, soit postérieurement au départ de M. [T], qui rapporte les propos d'un salarié ; que ce témoignage indirect, fondé sur les déclarations d'un salarié dont M. [D] a reconnu lui-même en septembre 2008, qu'elles se sont révélées mensongères, n'est pas probant ;

- l'attestation de M. [V], agent de sécurité au centre de [Localité 7], qui déclare avoir été témoin de 'trafic d'essence, de pièces de voiture, de dessous de table... les clients me racontent leurs problèmes de pièces volées dans leur véhicule après l'avoir acheté lors d'une vente et retiré sept ou quinze jours après ... Les roues de secours qui sortent régulièrement de BCAE sous le nez de tous, les jours de ventes les pleins de gasoil sans se cacher tellement c'est devenu normal...', le témoin dénonce également des faits délictueux connus ou attribués à M. [T] non visés par la lettre de licenciement et déclare avoir été menacé physiquement par les salariés du centre de [Localité 7] pour l'empêcher de rapporter ces faits à la direction générale ;

Considérant que le témoignage de M. [V] est corroboré par celui de M. [D] sur le détournement de carburant, ce dernier attestant que les salariés du centre de [Localité 7] se sont plaints à lui lors d'une réunion de ne plus bénéficier d'un plein d'essence gratuit par semaine, que cependant le vol de carburant n'est pas mentionné dans la lettre de licenciement ; que le témoignage de M. [V] est insuffisant à lui seul à rapporter la preuve des faits graves de 'disparition d'équipement sur les voitures' mentionnés dans la lettre de licenciement ;

Considérant qu'il est reproché à M. [T] d'avoir commandé, avec la complicité du chef de parc de l'époque, des pneus neiges pour son véhicule de fonction et à usage personnel et d'avoir tenté de dissimuler cette dépense en faisant établir deux factures ; qu'il est établi par les pièces produites que la procédure d'engagement des dépenses applicable à compter du 1er septembre 2005 prévoit que, pour les factures comprises entre 500 et 3 000 euros, le bon de commande doit être validé par le directeur général, avec copie au directeur financier ; qu'il a été passé commande de quatre pneus neiges, d'une valeur totale de 1 005,90 euros, sans commande écrite et sans respect de la procédure d'engagement des dépenses ; qu'il a été demandé à la société RENAULT d'émettre 2 factures d'un montant chacune de 502,95 euros, cf. Courrier de la société RENAULT du 22 avril 2008 adressé au directeur général, qui reconnaît que son précédent courrier du 19 avril adressé au centre de [Localité 7], par lequel elle affirmait que 'nous vous avons fait deux factures suite à un manque de disponibilité en stock', avait été fait à la demande du centre de [Localité 7] ('avait une vocation purement commerciale'), et qu''il apparaît que ces deux factures ne correspondent à aucune commande écrite de votre part, ce qui était chose courante. Nous constatons que les deux factures ont été faites l'une après l'autre (suite numérique) ce qui pourrait correspondre soit à une demande de votre part, soit à une erreur de notre part' ;

Considérant que l'attestation du 18 mai 2007 de M. [A], ancien directeur général, qui affirme avoir donné son accord verbal à M. [T] apparaît être de pure complaisance dès lors d'une part que M. [A] n'a exercé les fonctions de directeur général que du 7 juillet au 10 novembre 2006, alors que les factures RENAULT sont du 29 janvier 2007 et que M. [T] a reconnu dans un courriel du 11 avril 2007 qu'il pensait que ce type de dépense ne donnait pas lieu à accord préalable ; que l'irrégularité de ces commandes et de ces facturations est attestée par MM. [S], directeur financier, et [J], comptable ; que la volonté de M. [T] de contourner la procédure d'engagement des dépenses et de dissimuler cet achat est établie ;

Considérant qu'il est également établi par la production de divers courriels, dont 3 courriels de rappel à l'ordre des 3 août, 21 septembre et 13 octobre 2006 de M. [A], concernant le non-respect 'de la procédure qui consiste à présenter 3 devis avant la décision définitive' et des 'demandes d'engagement de dépenses en nombre conséquent pour un montant cumulé non budgété important', par deux courriels des 30 octobre et 3 novembre 2006 de M. [S] concernant des demandes de remboursement de frais de carburant sans justificatifs et par l'attestation de M. [S] qui témoigne notamment que les demandes d'engagement de dépenses étaient présentées alors que les dépenses étaient déjà faites ; que les reproches contenus dans la lettre de licenciement concernant le non-respect de la procédure d'engagement des dépenses malgré les consignes et les rappels de sa hiérarchie sont avérés ;

Considérant qu'il est établi, par les attestations concordantes de Mme [B], comptable, de MM. [J] et [S] que M. [T] a autorisé la vente d'un véhicule appartenant à la DIAC à l'un de ses salariés, M. [X], chef de parc, qui l'a acquis le 13 janvier 2007 pour un membre de sa famille, en infraction avec les dispositions de l'article L. 321-4 du code de commerce, et qu'il a autorisé que soit différé l'encaissement du chèque réglant cet achat, enregistré comme payé à la date de remise du chèque le 6 février 2007, alors que le chèque n'a été mis à l'encaissement que le 22 février après que M. [S] ait découvert la situation, et cela malgré que le règlement du prix doit intervenir dans les 4 jours de la vente ;

Considérant que M. [T] reconnaît qu'il entreposait des véhicules de collection lui appartenant dans les locaux du centre de [Localité 7] sans pouvoir justifier d'une autorisation pour le faire ; qu'il ne donne aucune explication valable au retard apporté à transmettre à sa hiérarchie les évaluations de M. [P] et [X], malgré les demandes qui lui ont été faites ; que les autres griefs disciplinaires reprochés au salarié sont soit non établis, soit insuffisants pour constituer une faute (attitude à l'égard de M. [O]) ;

Considérant que les manquements imputables à M. [T] ont entraîné des dysfonctionnements et que son comportement, alors qu'il était membre du comité de direction, constituait un mauvais exemple pour les salariés de la société ; qu'au regard toutefois de son ancienneté dans l'entreprise, sans observation particulière avant le changement de direction, ces manquements constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement et non une faute grave ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les griefs non disciplinaires contenus dans la lettre de licenciement ; que le jugement sera réformé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et M. [T] débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les demandes en paiement :

Considérant qu'en l'absence de faute grave M. [T] est bien fondé à réclamer le paiement d'un rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 12 au 30 avril 2007, soit la somme de 3 446,52 euros réclamée et non contestée, outre la somme de 344,65 euros au titre des congés payés afférents ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la durée du préavis est de 3 mois ; que le salaire mensuel brut que M. [T] aurait perçu s'il avait effectué son préavis est égal à 6 558,39 euros ; qu'il y a lieu de lui allouer à titre d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 19 675 euros ;

Considérant que M. [T] sollicite l'attribution d'une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 78 637,49 euros calculée pour la période de travail au sein de la DIAC, du 16 janvier 1984 au 30 juin 2000, en fonction des dispositions de l'accord d'entreprise DIAC de 1983 et pour la période de travail au sein de BC Auto REMARKETING, du 1er juillet 2000 au 30 avril 2007, en application de l'article 4.11 de la convention collective de l'automobile, en faisant valoir que l'application de l'accord d'entreprise DIAC de 1983 pour l'indemnité de licenciement (au prorata de l'ancienneté DIAC) a fait l'objet d'un engagement de la société B.C.A lors du transfert des salariés au 1er juillet 2000 ; que cet engagement a été formalisé en réunion de comité d'entreprise DIAC du 25 mai 2000 et par une note destinée au personnel de BCAuto Enchères du 7 novembre 2000 et également par note du DRH DIAC, M. [E]. ; que M. [I], directeur des opérations France de juillet 2000 à février 2006, confirme cet engagement pris devant les instances représentatives du personnel ;

Considérant que la société BCAUTO REMARKETING répond que M. [T] n'est pas fondé à solliciter l'application d'un accord d'entreprise remis en cause du fait de l'effet relatif des contrats (article 1165 du Code Civil et délai de survie de 15 mois visé à l'article L 2261-13 du Code du Travail) lors du transfert de l'activité de la DIAC (par le biais de TRANSPARCS) à BCAUTO ENCHERES le 1er juillet 2000 ; que si les représentants du personnel de TRANSPARCS (DIAC et non BC AUTO ENCHERES) ont effectivement exprimé, lors de la réunion extraordinaire du 25 mai 2000 précédant la cession, leur souhait de pouvoir bénéficier des conditions de licenciement de l'accord d'entreprise DIAC de 1983 si BCA était amené à rompre certains contrats de travail, ce souhait ne visait qu'une période transitoire « dans les deux ans de la reprise de TRANSPARCS » et n'avait qu'un but dissuasif à l'égard de BC AUTO ENCHERES ; qu'elle n'a jamais donné son accord à cette proposition et ne l'a jamais appliquée ; que M. [T] ne peut demander que l'indemnité prévue à l'article 4.11 de la convention collective nationale des services de l'automobile, correspondant à la somme de 40 020,24 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-14 du code du travail lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; lorsque la convention ou l'accord mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais ;

Considérant que si la convention collective nationale des services de l'automobile s'est appliquée immédiatement aux salariés de la DIAC dont le contrat de travail a été transféré à la société BCAuto ENCHÈRES, cependant les dispositions plus favorables de l'accord d'entreprise DIAC de 1983 ont continué à bénéficier à ces salariés durant le délai de 15 mois prévus au 1er alinéa de l'article précité, qu'à l'expiration de ce délai seuls les avantages individuels acquis ont été conservés aux salariés, conformément au 2é alinéa du même article ; que si la preuve de l'existence de négociations, courant 2000, sur le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement est rapportée, il n'est pas allégué qu'un accord de substitution en soit résulté ;

Considérant que l'avantage individuel acquis est celui qui correspond à un droit déjà ouvert et non à un droit simplement éventuel ; que l' indemnité de licenciement, dont le droit ne naît qu'au moment de la rupture du contrat de travail, ne peut constituer un avantage individuel acquis avant cette rupture ; que M. [T], licencié en 2007, ne peut donc bénéficier des dispositions de l'accord d'entreprise DIAC de 1983 relatives au calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que cette indemnité sera fixée à la somme de 40 020,24 euros ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris

Et statuant à nouveau

Dit le licenciement de M. [R] [T] fondé sur une cause réelle et sérieuse

Condamne la société anonyme BCAUTO REMARKETING à verser à M. [R] [T] les sommes de :

- 3 446,52 € à titre de salaire de la mise à pied ,

- 344,65 € à titre de congés payés afférents

- 19 675 € à titre de d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 967, 50 € à titre de congés payés afférents

- 40 020,24 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal dans les conditions prévues aux articles 1153 et 1153-1 du code civil ;

Déboute M. [R] [T] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que la société [R] [T] devra remettre à M. [R] [T] des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conforme aux dispositions du présent arrêt ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SA BCAUTO REMARKETING à payer à [R] [T] 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Met les dépens à la charge de la société BCAUTO REMARKETING.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/11139
Date de la décision : 02/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°08/11139 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-02;08.11139 ?
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