RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 1er juillet 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09463
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2008 par le conseil de prud'hommes de EVRY - Section Encadrement - RG n° 07/00895
APPELANT
Monsieur [O] [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : A 415
INTIMEE
SARL I PUISSANCE 6
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par M. [N] [B] (Gérant)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Ange LEPRINCE, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Claudette NICOLETIS, conseiller
Mme Marie-Ange LEPRINCE, conseiller
Greffier : Madame Pierrette BOISDEVOT, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Madame Pierrette BOISDEVOT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[O] [B] a été engagé par la société I PUISSANCE 6 en tant que dirigeant, responsable d'affaires et développement de produits, le 6 septembre 1994 par la SARL I PUISSANCE 6 qui est une société familiale dont son père et son frère sont actionnaires ainsi que lui même,
Il a subi plusieurs augmentations et baisses de rémunération. En décembre 2006, la société a cessé son exploitation, sans qu'il n'y ait eu de lettre de rupture de contrat de travail,
M. [B] a saisi le 27 septembre 2007 le conseil de prud'hommes d'EVRY pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et par jugement du 3 juin 2008 M. [B] a été débouté de l'ensemble de ses demandes, la société I PUISSANCE 6 a été déboutée de sa demande reconventionnelle et les dépens ont été mis à la charge de M. [B],
Par lettre recommandée postée le 18 Juillet 2008 , M.[B] a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes d'EVRY du 3 juin 2008, qui lui avait été notifié le 2 juillet 2008.
Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience du 16 mars 2010, M. [B] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
Statuant à nouveau:
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 31 décembre 2006,
- Dire et juger que la résiliation judiciaire est aux torts exclusifs de la société IP6 et qu'elle s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamner la société IP6 à verser à M. [B] les sommes suivantes:
-109.051,06€ à titre de salaires de septembre 2002 à Décembre 2006,
-10.905€ à titre de congés payés afférents,
- 14.310,39€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1431,03€ à titre de congés payés afférents,
- 19.610,53€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 57.241,56€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter du jour du prononcé de la décision,
- 4770,13€ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 4770,13€ à titre d'indemnité d'absence de proposition du DROIT INDIVIDUEL À LA FORMATION,
- 3500€ au titre de l'article 700 du CPC et de l'article 32 du CPC,
La condamner aux entiers dépens.
Par conclusions développées oralement à l'audience du 16 mars 2010, la SARL I PUISSANCE 6demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [B] de toutes ses demandes dans sa totalité pour défaut de contestation du motif sur lequel il a été statué et jugé en première instance,
- rejeter toutes les demandes formulées dans son appel par le demandeur pour défaut de contestation du motif sur lequel il a été statué et jugé en première instance par le conseil de prud'hommes,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B] pour rupture abusive de contrat aux torts de M. [B], suite à la re-formulation de la demande faite en première instance sur laquelle le conseil de prud'hommes n'a pas jugé,
- condamner M. [B] à verser à la société IP6 le remboursement d'un trop perçu de rémunération à hauteur de 233.558€
- condamner M. [B] à verser à la société IP6 la somme de 9120€ à tire d'indemnité compensatrice de préavis non effectué,
- Condamner M. [B] à verser à la société IP6 la somme de 9120€ à titre d'indemnité compensatrice complémentaire de préavis non effectué,
- Condamner M. [B] à verser à la société IP6 la somme de 141018€ à titre d'indemnité compensatrice de perte de chiffre d'affaire pour conséquences d'abandon de poste de la part de M. [B],
- Condamner M. [B] à verser à l'ancien gérant de la société IP6, M. [K] [B] la somme de 3000€ à titre d'indemnité pour propos diffamatoires à son encontre tenus devant la cour,
- Condamner M. [O] [B] à verser à la société IP6 la somme de deux fois 2000€ soit 4000€ au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner M. [O] [B] pour procédure abusive,
-condamner M. [O] [B] aux entiers dépens;
MOTIFS ET DÉCISION
Considérant que M. [O] [B] , informaticien , vendeur en photographie a été embauché comme dirigeant, responsable d'affaires et développement de produits par contrat à durée indéterminée par contrat de travail écrit en date du 6 septembre 1994 par la société I PUISSANCE 6 , Société créée en1992 par son père [N] [B] et dont son frère [K] [B] est le gérant;
Considérant, sur la demande de rappel de salaires et la demande reconventionnelle en restitution d'un trop perçu, que le contrat indique que :
-la rémunération de [O] [B] correspond à un salaire mensuel brut fixé à 10 000 F par mois sur 12 mois
- ce salaire pourra évoluer chaque mois en plus ou en moins, en fonction de la situation financière de l'entreprise, sur simple décision commune des deux dirigeants de la société, [K] [B] et [O] [B], associés dans l'entreprise. Elles n'entraîneront pas la réalisation systématique d'un avenant dans la mesure où les salaires pourront évoluer chaque mois
- la durée du travail correspondant à la rémunération ci-dessus est de 39 heures par semaine, soit 169 heures par mois ;
Considérant que M. [O] [B] était associé de la société I PUISSANCE 6, en tant que porteur de 68 parts sociales sur 200, sans pouvoir de gestion dans l'entreprise ;
Considérant que [O] [B] soutient que la société a, sans son accord modifié son contrat de travail tant en ce qui concerne son salaire que la durée du travail et réclame par conséquent un rappel de salaire sur la base du dernier salaire le plus élevé qui lui a été versé ; que l'employeur réplique que, si l'on suit le raisonnement du salarié, seul le salaire de base initial lui était dû et qu'il doit lui reverser le trop perçu ;
Considérant que la modification du contrat de travail nécessitait, nonobstant la clause qui y était insérée , mais qui n'était valable qu'entre les associés, mais non dans les rapports employeur-salarié, l'accord écrit de ce dernier dès lors que la modification touchait à la rémunération et au temps de travail ;
Considérant que force est de constater qu'aucun avenant écrit n'est intervenu en l'espèce, que la modification de la rémunération et du temps de travail soit intervenue à la hausse, ou à la baisse ;
Considérant dès lors que seul le salaire initialement convenu était le salaire applicable, soit 1 524,49 € ;
Considérant qu'au regard de ce salaire et des bulletins de salaires versés aux débats, [O] [B] a bien été rempli de ses droits, son salaire ayant toujours été égal ou supérieur à 1 524,49 € par mois sauf pour les mois de janvier à décembre 2006 ; que dès lors, il y a lieu de lui allouer la somme de 5 392,60 € de ce chef outre 539,26 € de congés payés afférents ;
Considérant, sur la demande reconventionnelle de la société I PUISSANCE 6, que cette dernière, qui a volontairement payé à [O] [B] des sommes supérieures à celles qui lui étaient dues au titre de son contrat de travail , n'est pas recevable à en réclamer restitution ; qu'il y a lieu de la débouter de ce chef de demande ;
Considérant, sur la demande de résiliation judiciaire, que force est de constater que la SARL I PUISSANCE 6 a, sans solliciter l'accord écrit de [O] [B], modifié à plusieurs reprises le contrat de travail de ce dernier, tant en ce qui concerne le temps de travail que le montant de la rémunération ; que ce faisant, elle a commis des fautes qui justifient que soit prononcée à ses torts la résiliation du contrat de travail ; que cette résiliation produit les effets d'un licenciement ;
Considérant que [O] [B] prétend donc à bon droit à :
-une indemnité de préavis qu'il convient de fixer , sur la base du salaire contractuel dû pour la dernière année de travail , à 4 573,47 € outre 457,35 € de congés payés afférents
-une indemnité de licenciement égale sur la base du salaire contractuel à 6 606,08 €
-des dommages-intérêts pour rupture abusive qu'il convient, [O] [B] ayant immédiatement retrouvé du travail , de fixer à 3 000,00 € ;
Considérant par ailleurs que dès lors que c'est le salarié qui a pris l'initiative de la rupture, même si celle-ci s'analyse en un licenciement, il ne saurait prétendre à l'octroi d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, l'employeur n'ayant pas envisagé, au sens de l'article L1233-11 du code du travail, le licenciement de l'intéressé , ni à des dommages-intérêts au titre du défaut sur ses droits à la formation individuelle que l'employeur n'a pu, au vu des circonstances de la rupture, lui notifier ;
Considérant pour le surplus qu'en l'absence de faute lourde de la part de [O] [B], la SARL I PUISSANCE 6, qui ne l'a pas licencié pour abandon de poste, ne saurait prétendre à des dommages-intérêts pour perte de chiffre d'affaires ; que par ailleurs elle ne justifie pas de sa demande au titre des dommages-intérêts pour propos diffamatoires ;
Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles ;
Considérant que, débitrice, la société supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a débouté la SARL I PUISSANCE 6 de ses demandes et débouté [O] [B] de ses demandes d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et de dommages-intérêts pour absence d'information des droits à formation individuelle,
Statuant à nouveau pour le surplus,
Condamne la SARL I PUISSANCE 6 à payer à [O] [B] :
-5 392,60 € de rappel de salaires et 539,26 € de congés payés afférents
-4 573,47 € d'indemnité de préavis et 457,35 € de congés payés afférents
-6 606,08 € d'indemnité de licenciement
-3 000,00 € de dommages-intérêts pour rupture abusive,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL I PUISSANCE 6 aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT