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30/06/2010 | FRANCE | N°10/07477

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 30 juin 2010, 10/07477


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 30 JUIN 2010



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07477



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/17625





APPELANTE



La société LABORATOIRES NEGMA, S.A.S.

Agissant poursuites et diligences de ses représen

tants légaux

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour

assistée de Me Louis DE GAULLE, avocat au barreau de Paris, toque K 35

pla...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 30 JUIN 2010

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07477

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/17625

APPELANTE

La société LABORATOIRES NEGMA, S.A.S.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour

assistée de Me Louis DE GAULLE, avocat au barreau de Paris, toque K 35

plaidant pour la SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIÉS

INTIMÉES

La société BIOGARAN, S.A.S.

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de Paris, toque K177

La société LABORATOIRES MEDIDOM

société de droit suisse

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 4] (SUISSE)

dont le domicile est élu en l'étude de Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC, avocat au barreau de Paris, toque P147

plaidant pour FISCHER, TANDEAU DE MARSAC, SUR ET ASSOCIES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT :- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l'appel, plaidé à jour fixe, relevé par la s.a.s. laboratoires negma du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section, n° de RG : 08/17625 ), rendu le 31 mars 2010 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante (25 mai 2010) ;

Vu les dernières conclusions (25 mai 2010) de la société de droit suisse laboratoires medidom, intimée et incidemment appelante ;

Vu les dernières conclusions (20 mai 2010) de la s.a.s. biogaran, intimée ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que la société biogaran, titulaire d'autorisations de mise sur le marché pour les médicaments Diacérine SET 50 mg gélules et Diacérine REF 50 mg gélules, ayant reçu de la société laboratoires negma (ci-après : negma) une lettre d'avertissement selon laquelle ces deux produits étaient des génériques de l' ART 50, couvert par le brevet EP 520 414, déposé le 24 juin 1992 et publié le 13 mars 1996, dont elle est licenciée exclusive et qu'elle exploite sur le marché français, a assigné cette société, ainsi que la société laboratoires medidom (ci-après : medidom), titulaire du brevet invoqué, en nullité de la revendication 14 de celui-ci concernant le produit pharmaceutique en cause ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, assorti de l'exécution provisoire, a annulé, pour défaut de nouveauté, la revendication 14 de la partie française du brevet EP 520 414 et a débouté les sociétés negma et medidom de leur demande d'expertise, les condamnant, outre aux dépens, à payer une indemnité de procédure à la demanderesse ;

1. Sur la procédure :

Considérant que les conclusions signifiées le 25 mai 2010 par la société negma, comme celles du même jour de la société medidom, ne contiennent aucune demande ou moyen nouveau par rapport à leurs précédentes écritures, soit, pour la société negma, celles jointes à l'assignation à jour fixe délivrée à la société biogaran le 20 avril 2010 et, s'agissant de la société medidom, celles du 14 mai 2010 ; que ces conclusions n'ont pas d'autre objet que de répliquer à celles signifiées le 20 mai 2010 par la société biogaran ; que cette dernière reconnaît par ailleurs que les pièces 93 à 95 dont elle demande le rejet ont été transmises à son conseil le 21 mai 2010 ;

Considérant qu'il en résulte qu'aucune atteinte au principe du contradictoire n'est caractérisée en l'espèce ; que la demande de rejet de pièces et conclusions formée par la société biogaran sera rejetée ;

2. Au fond :

Considérant que le brevet en cause, intitulé « procédé d'obtention de diacétylrhéine », concerne « un procédé de préparation de diacétylrhéine ayant une pureté utilisable en pharmacie et une teneur résiduelle totale en dérivés d'aloémodine indésirables inférieure à 20 ppm, ainsi que la diacétylrhéine pouvant être obtenue par ce procédé et une composition pharmaceutique contenant ce composé » ;

Que les revendications 1 à 13 du brevet, qui se rapportent au procédé de fabrication du produit, ne sont pas en discussion, seule étant contestée la revendication 14, rédigée comme suit : « produit pharmaceutique contenant de la diacétylrhéine qui comporte moins de 20 ppm de constituants de type aloémodine, avec des supports et produits auxiliaires pharmaceutiques classiques » ;

Considérant que la société biogaran maintient que la revendication 14 est nulle, à titre principal, pour défaut de nouveauté, à titre subsidiaire, pour défaut d'activité inventive ;

Considérant que l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que « La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe l, de la Convention de Munich. » ;

Que l'article 138, paragraphe 1, de cette même Convention de Munich sur le brevet européen (CBE) du 5 octobre 1973, prévoit : « [...] le Brevet européen ne peut être déclaré nul, en vertu de la législation d'un État contractant, avec effet sur le territoire de cet État que : a) si l'objet du Brevet européen n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57. » ;

Qu'aux termes de l'article 52, paragraphe 1, de la CBE : « Les brevets européens sont délivrés pour toute invention [...] à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle ;

Que, sur la condition de nouveauté, l'article 54 précise : « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique » ;

Considérant que, pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement, et le même fonctionnement, en vue du même résultat technique ;

Considérant qu'il résulte de la description du brevet litigieux (page 1, lignes 20 et suivantes) que la diacétylrhéine est connue comme « substance active de médicament ayant une activité antiarthritique, antiinflammatoire, antipyrétique et analgésique et était donc utilisée dans le traitement des maladies arthritiques » ;

Considérant que le même document explique que la diacétylrhéine peut être obtenue de diverses façons et mentionne, par exemple, « l'acétylation de la barbaloïne et oxydation péracétylée obtenue avec du trioxyde de chrome » avant d'évoquer,« en outre » le procédé qui est précisément celui qui présente les inconvénients auxquels le brevet a pour objet de remédier et qui consiste à « préparer la diacétylrhéine par acétylation de la rhéine que l'on peut obtenir par exemple à partir de la drogue de séné » ;

Considérant, en effet, toujours selon la description du brevet, que «  la diacétylrhéine obtenue par ce procédé contient comme impuretés indésirables des dérivés d'aloémodine [...] en des quantités relativement faibles et ne peuvent donc être séparées que très difficilement par des opérations de purification classiques »

Considérant qu'il résulte des citations qui précèdent (les soulignements sont ajoutés par la cour) que la description du brevet n'exclut pas la possibilité de produire la diacétylrhéine par d'autres procédés que celui qui présente la difficulté signalée quant à l'élimination des dérivés d'aloémodine indésirables, même si le premier procédé mentionné comporte d'autres inconvénients signalés comme la nécessité de traiter de façon appropriée des résidus de chrome ;

Considérant qu'il est constant que la diacétylrhéine et ses propriétés étaient connues dans l'état de la technique antérieur au brevet litigieux et se trouvaient notamment exposées dans l'invention de [H] [F] qui a donné lieu au brevet US 4.244.968 déposé le 1er mars 1977 par la société Proter, délivré le 13 janvier 1981 et concernant, en abrégé, « des 1,8-dihydroxy- et 1,8 diacétoxy-athraquinones (i.e. diacétylrhéine) et des dérivés de celles-ci sont utilisés pour traiter les symptômes de l'arthrite » et à la demande de brevet n° 81 13115 déposée à l'INPI par la même société concernant « des dérivés athraquinoniques pour le traitement des arthrites » ;

Considérant, comme l'a exactement relevé le tribunal, que la structure d'un produit se définit par la nature et l'agencement des atomes les uns par rapport aux autres ; que des paramètres qui ne sont pas inhérents au composé chimique lui-même, mais qui lui sont extrinsèques, ne peuvent être pris en compte pour déterminer la nouveauté d'un produit, lequel n'acquiert pas la nouveauté simplement du fait qu'il est préparé sous une forme plus pure ; qu'il en résulte qu'en général, un document divulguant un composé chimique rend disponible ce produit au sens de l'article 54 de la CBE dans tous les degrés de pureté ;

Considérant que les appelantes ne prétendent pas que la substance active diacétylrhéine telle que présentée dans la revendication n° 14 du brevet EP 520 414, comparée à celle dont il est fait mention dans le brevet US 4.244.968, serait modifiée dans sa structure ; qu'il est constant qu'elle a la même composition et les mêmes vertus thérapeutiques déjà connues ;

Considérant que le seul élément de nouveauté revendiqué réside dans une moindre teneur en aloémodine autorisant un usage, non plus seulement ponctuel en phase aigüe de maladie, mais à long terme sans risque de toxicité, ce qui suffirait à justifier, selon les appelantes, que soit écartée la règle ci-dessus rappelée ;

Considérant, en toute hypothèse, que la société biogaran conteste à juste titre l'élément de nouveauté ainsi revendiqué ;

Considérant en effet que le brevet [F] Proter, qui donne treize exemples de procédés de fabrication de dérivés d'athraquinone, ne comporte aucune mention de la présence de constituants de type aloémodine indésirable ; que la société biogaran en déduit que la teneur en aloémodine de la diacétylrhéine produite selon ce brevet est « forcément inférieure à 20 ppm » (page 12 de ses dernières conclusions), tandis que la société negma explique ce silence par le fait que « la présence d'aloé-émodine n'était pas connue en 1981 et en tout état de cause nullement considérée comme une nuisance » (page 34 de ses dernières conclusions) ;

Considérant que, pour détruire cette contradiction, la société biogaran produit au débat le compte-rendu d'expériences menées par Mme [S] pour effectuer, à la demande du fabricant de ce produit, la synthèse de la diacétylrhéine selon les indications de l'exemple 1 et de l'exemple 13 du brevet américain [F] Proter et en utilisant les connaissances générales qui étaient celles de l'homme du métier dans le domaine technique considéré, déterminer la teneur en aloémodine et dérivés d'aloémodine de la diacétylrhéine synthétisée selon cette méthode et la comparer avec celle mentionnée dans la revendication 14 du brevet EP 0520414 ;

Considérant que ce rapport, établi le 14 octobre 2008, conclut que la diacétylrhéine synthétisée à partir d'un mélange de sennosides A et B en suivant scrupuleusement les indications de l'exemple 1 et l'exemple 13 du brevet US 4.244.968 et en utilisant les connaissances générales de l'homme du métier du domaine considéré à la date du brevet EP 0 520 414 montre une teneur en aloémodine et acétate d'aloémodine de 0,73 ppm et 1,44 ppm selon l'échantillon considéré, donc inférieure à celle de 20 ppm caractérisée dans la revendication 14 du brevet contesté ;

Considérant que les travaux de Mme [S] ont été soumis à la critique de M. [R], lequel, sans contester les résultats mentionnés, les déclare néanmoins dépourvus de signification parce que, selon lui, Mme [S] ne précise pas l'origine des sennosides A et B utilisés comme matière première alors que, si elle avait exactement suivi les instructions du brevet [F] Proter, elle aurait utilisé des sennosides bruts ne permettant pas de produire de la diacétylrhéine sans présence d'aloémodine en proportion prohibitive, en tout cas supérieure à 20 ppm, et qu'elle n'a pu obtenir un résultat meilleur qu'en ayant recours à des sennosides très purs, d'un coût très élevé, de sorte que les travaux de Mme [S] sont, selon M. [R], « recevables du point de vue scientifique » mais « sans signification au point de vue économique car ils ne mettent pas en 'uvre, comme matière première et comme l'enseigne le brevet [F], les sennosides Aet B bruts extraits des de feuilles et fruits du séné » ;

Considérant qu'il convient de rappeler, en premier lieu, que l'appréciation de la nouveauté comme condition de brevetabilité d'une invention au sens de l'article 52 de la CBE exige, non pas un examen de sa rentabilité économique, mais seulement de rechercher si elle est comprise ou non dans l'état de la technique antérieure ; qu'à cet égard, la critique de M. [R] est dépourvue de pertinence en ce qu'elle repose sur le rapprochement du coût des sennosides très purs supposés utilisés par Mme [S] du prix de vente de la spécialité pharmaceutique finale ;

Considérant, en second lieu, que Mme [S], dans une analyse technique du 24 septembre 2009 répondant aux critiques de M. [R], fait ressortir que le brevet [F] indique à l'homme de métier du domaine considéré d'utiliser comme matière première des sennosides A et B, obtenus par exemple à partir d'extraits de séné feuilles ou fruits, donc sans exclure un autre moyen de les obtenir, sans dire que ces éléments doivent être bruts, c'est-à-dire impurs, et en se référant seulement à des molécules individuellement identifiées comme étant les sennosides A et B ; qu'il est démontré dans cette analyse (pages 3 à 5) que l'homme du métier pouvait obtenir et caractériser ces sennosides A et B, ou les purifier si nécessaire, en utilisant les connaissances générales dans le domaine considéré à l'époque ;

Qu'elle réaffirme ses conclusions précédentes en précisant cependant que la synthèse de la diacétylrhéine selon les exemples l et 13 du brevet américain [F] n° 4.244.968, mais en omettant notamment, comme le fait le Pr [R], la cristallisation de la rhéine telle que prônée dans les enseignements de l'exemple 1 de ce brevet conduit à une diacétylrhéine contenant plus de 20 ppm d'aloémodine et d'acétates d'aloémodine », mais que la synthèse de la diacétylrhéine en suivant strictement les enseignements notamment des exemples 1 et 13 de ce brevet et en utilisant les connaissances générales de 1'homme du métier considéré à la date du brevet EP 0520414, conduit à une diacétylrhéine contenant moins de 20 ppm d'aloémodine et d'acétates d'aloémodine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est par des motifs exacts, suffisants et pertinents que le tribunal a retenu que le brevet [F] Propter, qui divulgue le composé appelé diacétylrhéine, rend disponible ce produit, au sens de l'article 54 de la CBE, dans tous les degrés de pureté ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE la s.a.s. laboratoires negma et la société de droit suisse laboratoires medidom in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la s.a.s. biogaran 200.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/07477
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°10/07477 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;10.07477 ?
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