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30/06/2010 | FRANCE | N°09/28747

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2010, 09/28747


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 2





ARRÊT DU 30 JUIN 2010





(n° 396 , 21 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28747



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 13 Novembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 09/55676





APPELANT



Monsieur [E] [X]

[Adresse

6]

[Localité 16]

représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assisté de Me Philip COHEN, plaidant pour l'association COHEN - DELUC - KRYMKIER D'ESTIENNE, avocats au barreau de Paris, toq...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 30 JUIN 2010

(n° 396 , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28747

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 13 Novembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 09/55676

APPELANT

Monsieur [E] [X]

[Adresse 6]

[Localité 16]

représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assisté de Me Philip COHEN, plaidant pour l'association COHEN - DELUC - KRYMKIER D'ESTIENNE, avocats au barreau de Paris, toque : R 281

INTIMÉS

SA AXA FRANCE IARD, ès qualité d'assureur de l'HÔPITAL PRIVE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

SA AXA FRANCE IARD, es qualité d'Assureur du Docteur [V] [D]

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Soledad RICOUARD, plaidant pour la SCP RICOUARD, avocats au barreau de Paris, toque : C0536

Monsieur [C] [B]

[Adresse 7]

[Localité 15]

représenté par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assisté de Pierre-Henri LEBRUN, plaidant la SCP LACOEUILHE-ROUGE, avocats au barreau de Paris, toque : A 105

Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis

[Adresse 3]

[Localité 14]

N'a pas été assignée

Monsieur [V] [D]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me Aurélie EUSTACHE, plaidant pour Me Vincent BOIZARD, avocats au barreau de Paris, toque : P 0456, substituant Me BOIZARD

L'HÔPITAL PRIVE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 8]

[Localité 15]

représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assisté de Me Soledad RICOUARD, plaidant pour la SCP RICOUARD, avocats au barreau de Paris, toque : C0536

LA MUTUELLE AUTONOME GÉNÉRALE DE L'ÉDUCATION - MAGE

[Adresse 5]

[Localité 9]

N'a pas été assignée

SA PACIFICA

[Adresse 13]

[Localité 12]

représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour

assistée de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen, toque : 93

Monsieur [Y] [N] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [Z] [N] et [U] [N]

[Adresse 2]

[Localité 17]

représenté par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour

assisté de Me Alice DUPONT BARRELLIER, avocat au barreau de Caen, toque : 93

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marcel FOULON, Président

Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Madame [I] [N], médecin, a été admise le 15 juillet 2004 à l'hôpital privé de la Seine Saint Denis pour y subir, sous anesthésie générale, un mini-lifting et une lipo-aspiration. Aux termes de l'opération de mini-lifting, elle est décédée, après un arrêt cardiaque. Le chirurgien l'ayant opérée était le Docteur [B], l'anesthésiste étant le Docteur [X], relayé par le Docteur [D]. Ces deux anesthésistes exerçaient, au sein de l'hôpital privé, à titre libéral. Aucune autopsie du corps de Madame [N] n'a été pratiquée.

La Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ( CRCI ), saisie par les proches de Madame [N] a ordonné une mesure d'expertise, confiée aux experts [W] et [F].

Ces experts ont conclu, le 20 septembre 2005, à une non-conformité aux règles de l'art et aux données acquises de la science du comportement de l'équipe médicale, incriminant, plus particulièrement, les anesthésistes et, à un degré moindre, le chirurgien.

La CRCI a retenu une responsabilité :

- de 60%, à la charge du Docteur [X],

- de 25%, à la charge du Docteur [B],

- de 10%, à la charge de l'établissement,

- de 5%, à la charge du Docteur [D].

Monsieur [N], époux de la patiente, a souscrit, auprès de la SA PACIFICA

( plus loin 'PACIFICA' ), et au bénéfice des membres de sa famille, une police 'garantie accident de la vie', en application de laquelle des sommes ont été versées aux consorts [N], l'assureur étant, de ce fait, subrogé dans leurs droits.

Les offres d'indemnisation amiables, faites par les assureurs des mis en cause, ayant été laissées sans suite, PACIFICA et les consorts [N] ont saisi le juge des référés, aux fins d'allocation de provisions, par l'hôpital et son assureur la SA AXA FRANCE IARD ( plus loin 'AXA' ), le Docteur [D] et son assureur la SA AXA FRANCE IARD ( plus loin 'AXA' ), le Docteur [X] et le Docteur [B], au contradictoire de la CPAM de Seine Saint Denis et de la Mutuelle autonome générale de l'éducation.

Monsieur [Y] [N] a, par ailleurs, saisi le Conseil de l'Ordre des médecins, qui a sanctionné les Docteurs [X], [D] et [B]. Il a, également, déposé une plainte pénale avec constitution de partie civile, donnant lieu à expertise judiciaire, confiée aux experts [G] et [H].

Le Docteur [X] a sollicité un complément d'expertise judiciaire et une autre partie a sollicité une contre-expertise judiciaire. Une deuxième expertise judiciaire a été confiée aux experts [R] et [A]. Le Docteur [X] a, à nouveau, sollicité, un complément d'expertise. Ce complément d'expertise a été confié aux experts [R] et [A]. Le Docteur [D] ayant formé une demande de complément d'expertise, cette mesure a été confiée, le 18 avril 2010, aux experts [R] et [A]. Cette mesure et l'information sont en cours.

Par ordonnance réputée contradictoire, en date du 13 novembre 2009, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris, sur le fondement de l'article 809 alinéa 2 du CPC, a :

- condamné in solidum le Docteur [X], le Docteur [D] et son assureur, AXA, cette dernière dans les limites de son contrat, à payer à PACIFICA, subrogée dans les droits des consorts [N], les provisions suivantes :

- 97.000 €, à valoir sur les préjudices moraux de [Y], [Z] et [U] [N], [P], [S], [T] et [K] [L],

- 3.629, 61 €, à valoir sur les frais d'obsèques de Madame [N],

- 144.959, 96 €, à valoir sur le préjudice économique de [Y] [N],

- 14.023, 48 €, à valoir sur le préjudice économique de [Z] [N], représentée par son père [Y],

- 16.099, 02 €, à valoir sur le préjudice économique d'[U] [N], représenté par son père [Y],

- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus de la demande d'indemnisation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC,

- condamné, in solidum, le Docteur [X], le Docteur [D] et son assureur AXA FRANCE IARD, cette dernière dans la limite de son contrat, aux dépens, à l'exception de ceux exposés par le Docteur [B] et par l'hôpital, restant à la charge de PACIFICA.

Le 24 décembre 2009, le Docteur [X] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 19 mai 2010, auxquelles il convient de se reporter, le Docteur [X] fait valoir :

- qu'il y a lieu, pour la Cour, de surseoir à statuer, en vertu de la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état, que les dispositions de l'article 5-1 du CPP, relatives aux mesures provisoires, ne peuvent lui être opposées, puisque les demandes font l'objet de contestations sérieuses et s'analysent en des demandes de liquidation des préjudices,

- qu'il existe une contestation sérieuse, s'agissant de sa responsabilité,

- que les avis de la CRCI ne s'imposent ni au juge, ni aux parties,

- que le rapport d'expertise demandé par la CRCI est critiquable, du fait :

- que le postulat selon lequel l'accident aurait pour cause le déplacement de la sonde est contredit,

- qu'il avait délégué la surveillance de la patiente au Docteur [D] qui lui avait affirmé qu'il terminerait l'intervention,

- que Madame [N] était poly-médicamentée, circonstance dont les conséquences ont été méconnues,

- qu'il n'est pas établi un lien de causalité certain entre la défaillance du Docteur [D] et le décès de Madame [N],

S'agissant du rapport d'expertise judiciaire [G] [H], que le Docteur [D] lui a proposé de prendre en charge sa salle et a fait de fréquents passages dans cette salle, qu'il existe une erreur de retranscription, par les experts, de l'heure de fermeture de l'incision gauche, que Madame [N] a refusé une consultation

cardiologique pré-opératoire, que, dans la consultation pré-anesthésique il n'est pas précisé que le Docteur [O] aurait prescrit à Madame [N] d'arrêter un bétabloquant, que les experts n'ont pas considéré que l'absence de fixation de la sonde, le changement de position de la tête de la patiente en l'absence d'anesthésiste par le chirurgien n'étaient pas contraire aux règles de l'art chirurgical, pour retenir ultérieurement, contre lui une absence de fixation de la sonde, que la patiente pratiquait une automédication qu'elle n'avait pas déclaré à son cardiologue, que c'est pour une urgence vitale qu'a été appelé le médecin qui l'a sollicité pour pratiquer des endoscopie, qui ne peuvent être, d'emblée considérées comme non urgentes, que la prise en charge de deux salles par un seul anesthésiste est une situation à risque, encore faut-il savoir si ce risque aurait pu ne pas se réaliser en l'espèce, qu'on ne peut lui reprocher d'être aussitôt parti après avoir posé une perfusion de Ringer ( lactate ), alors qu'à ce moment, le Docteur [D] est entré dans la salle, que les experts ne tirent pas de conséquence du fait que le Docteur [D] était présent à 12h20-12h25, que c'est à ce moment que se situe l'apparition d'une période critique et à ce moment que les alarmes auraient dû sonner,

Sur l'expertise judiciaire [R] [A],

- que cette expertise confirme qu'il s'est trouvé dans une situation exceptionnelle, que l'origine de l'alarme ayant sonné à 11h30 est douteuse, que la pose par lui d'une perfusion était une démarche de précaution, que le Docteur [D] est entré dans la salle aussitôt après cette pose, qu'il est passé 6 fois dans cette salle, que le changement de coté de la tête de la patiente n'a entraîné aucun problème de ventilation ou d'arrêt respiratoire, qu'il est parti déjeuner après avoir constaté que le Docteur [D], en train de téléphoner dans le couloir, lui ait dit qu'il n'avait pas besoin d'aide, ce qui lui avait laissé penser qu'il n'était plus en charge que de Madame [N], que, s'agissant de la cause du décès de cette dernière, les experts confirment l'impossibilité de la déterminer de façon certaine, qu'ils analysent l'hypothèse d'un déplacement de la sonde, en tenant un raisonnement a posteriori non confirmé par un élément objectif, alors que de tels éléments confirment l'hypothèse d'un arrêt cardiaque brutal, que la programmation fournie par l'hôpital aux experts a été manifestement établie a posteriori, que les experts n'ont pas répondu à toutes les questions, que la réglementation à laquelle se réfèrent les experts s'impose aux établissements publics et privés, un dysfonctionnement dans la continuité et l'organisation des soins révélant un dysfonctionnement de l'établissement, que les experts n'ont pas repris dans leurs conclusions leur réponse à une question selon laquelle nul ne sait si le respect de bonnes pratiques aurait garanti intégralement l'absence d'événements indésirables,

S'agissant de l'ordonnance entreprise,

- que le premier juge n'a pas examiné les circonstances, leurs conséquences, le rapport de causalité certain ou non avec les manquements invoqués, qu'il a omis le fait que l'établissement est garant de la surveillance, et, donc, responsable, que, s'agissant de sa responsabilité, le premier juge a omis de prendre en considération le fait que c'est le Docteur [D] qui s'était proposé pour le remplacer, que ce dernier était avec lui lorsqu'il a fini de poser la perfusion, et présent lorsque Madame [N] a présenté un désordre,

- qu'on ne peut que contester l'absence de contestation sérieuse, alors que les causes de décès demeurent incertaines, que la question est celle du préjudice pouvant être imputé à l'absence de surveillance continue, de manière directe et certaine,

Sur les demandes de remboursement,

- que PACIFICA ne démontre ni le contenu de la police prétendument souscrite par Monsieur [N], ni que cette police avait vocation à s'appliquer, eu égard à la date des faits, qu'elle doit être déboutée de sa demande de 'remboursement', que PACIFICA estimant que le quantum de sa créance n'est pas contestable, comme correspondant à l'offre d'AXA, assureur du Docteur [D] et de l'hôpital, ces offres ne lui sont pas opposables, que PACIFICA semble avoir accepté d'indemniser de manière viagère le préjudice économique subi par Monsieur [N], alors qu'il n'est pas démontré que Madame [N] aurait poursuivi son activité professionnelle au-delà des cotisations nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein, que c'est, donc, de sa propre initiative que PACIFICA a indemnisé Monsieur [N], à ce titre, que PACIFICA a omis de préciser que l'offre d'AXA était formulée sur la base du référentiel de l'ONIAM, alors que ce référentiel ne prévoit pas de faire application du barême de capitalisation publié à la Gazette du Palais, que les indemnités versées par PACIFICA correspondent à l'ensemble des préjudices subis par les ayants-droit, qu'il est, donc, curieux que des demandes d'indemnisation complémentaires, au titre du préjudice moral, soient présentées par ces derniers, qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, sur ce point, que, s'agissant du préjudice économique de Monsieur [N], il y a lieu de prendre en considération les prestations reçues par ce dernier, qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, sur ce point.

Il demande à la Cour :

In limine litis,

- de surseoir à statuer,

- de réserver les dépens,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamné,

Statuant à nouveau,

- de constater l'existence de contestations sérieuses,

- de déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation complémentaires formées par Monsieur [N],

- de débouter PACIFICA et Monsieur [N] de leurs demandes dirigées contre lui,

- de condamner in solidum PACIFICA et Monsieur [N] à lui payer la somme de

1.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- de les condamner in solidum au paiement des dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP BERNABE CHARDIN CHEVILLER, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Dans leurs dernières conclusions en date du 30 avril 2010, auxquelles il convient de se reporter, AXA assureur du Docteur [D] et ce dernier font valoir :

Au vu de l'expertise judiciaire [G] [H],

- que Madame [N] était une patiente du Docteur [X], que les affirmations de ce dernier sont mensongères et son attitude professionnelle incompréhensible, que ce dernier pouvait ne pas bousculer son programme opératoire, ne pas abandonner sa patiente, faire patienter les colonoscopies, qui n'avaient rien d'urgent, que c'est de façon mensongère que ce dernier affirme qu'il n'a accepté d'abandonner sa patiente que parce que le Docteur [D] l'avait assuré pouvoir suivre deux programmes en même temps, que même dans le cas contraire, le Docteur [X] ne pouvait laisser à un seul confrère un double programme pour en commercer un non urgent, ce qu'il avait accepté dès avant l'induction de Madame [N], que ce n'est que vers 11h30 que le Docteur [X] a fait part au Docteur [D] de sa surcharge, ce qui a amené le Docteur [D] à lui proposer son aide pour 'participer à la surveillance' de Madame [N], que le Docteur [D] n'a indiqué ses passages par des traits sur le dossier que pour les matérialiser et non en indiquer l'heure exacte, que ce n'est qu'après le deuxième temps opératoire, après midi, qu'une alarme devait sonner et à compter de 12h20 que le Docteur [X] revenait en salle, pour poser une perfusion, que c'est très peu de temps après que le Docteur [D] a pu constater la présence de cette perfusion et en déduire que le Docteur [X] avait repris sa patiente en charge, alors qu'il était parti déjeuner, que c'est à 12h35 que le Docteur [B], découvrant sa patiente livide, a fait immédiatement appel à un anesthésiste et que le Docteur [D] est arrivé le premier sur les lieux,

S'agissant de l'ordonnance entreprise,

- que le premier juge n'a pas tenu compte du fait que le Docteur [D] avait été placé devant le fait accompli, le Docteur [X] ayant créé une situation de surcharge pour le solliciter, que c'est à juste titre que le premier juge, comme la CRCI et le conseil régional de l'ordre des médecins, a retenu la responsabilité prépondérante du Docteur [X], que la CRCI, comme le conseil régional, ont retenu contre le Docteur [D] une responsabilité extrêmement minorée, qu'il est difficile d'admettre que le Docteur [D] se voit condamné in solidum, qu'une analyse au fond est nécessaire, que la Cour peut retenir une responsabilité incontestable du Docteur [X] et relever que le Docteur [D] se trouvait, quant à lui dans une situation justifiant une décision identique à celle visant le Docteur [B], que le premier juge ayant constaté l'existence de quittances subrogatives, PACIFICA a droit au remboursement des indemnités versées, que la décision relative aux demandes complémentaires formées par Monsieur [N] doit être confirmée pour les motifs retenus par le premier juge,

Ils ajoutent :

- que c'est à juste tire que le premier juge a estimé que les offres faites par les assureurs des 'défendeurs' étaient sans incidence dans la mesure où la procédure amiable n'avait pas abouti, que ces offres ne constituent pas une reconnaissance de responsabilité du Docteur [D], que la responsabilité du Docteur [D] n'est pas démontrée, qu'il n'avait pas prévu de travailler avec le Docteur [B], que le Docteur [X] a procédé à l'induction de Madame[N], la quittant en pleine intervention, alors qu'il devait la sédater et la suivre, que le Docteur [D] n'était concerné que par une salle d'opération, que l'établissement de santé a soutenu qu'il n'y avait pas de dysfonctionnement du service, puisque l'absence éventuelle d'un anesthésiste était gérée par la présence d'une infirmière anesthésiste diplômée d'Etat, que, du fait du départ du Docteur [X], le Docteur [D] a été contraint de surveiller autant que possible deux patients en même temps,

- que le Docteur [X] ayant prétexté un contexte d'urgence, qui devait s'avérer inexistant, le Docteur [D] ne pouvait refuser de lui apporter son aide, que le choix du Docteur [X] de ne pas refuser de faire des colonoscopies non urgentes démontre sa responsabilité pleine et entière, que le Docteur [D] est passé à plusieurs reprises dans la salle où se trouvait Madame [N], sans que les flèches indiquées par lui sur le dossier d'anesthésie indiquent les heures de façon certaine, qu'il a pu préciser ultérieurement son passage à 12h25 et son appel à 12h35, que l'expert judiciaire aurait pu relever qu'aucune trace de consignes de surveillance n'avaient été données par le Docteur [X] au Docteur [D], qu'il n'y a pas eu de transfert de la patiente, que le Docteur [X] a continué à suivre sa patiente puisqu'il est intervenu pour poser une perfusion, qu'il n'avait pas 'transféré' sa patiente au Docteur [D], qu'il est arrivé sur les lieux le dernier au chevet de sa patiente, que, placé dans une situation extrêmement difficile, le Docteur [D] n'a pas eu de comportement fautif, susceptible d'être retenu par le juge des référés, que sa faute n'est pas évidente, que l'appréciation de son comportement relève des juges du fond, que le Docteur [X] a quitté sa patiente pour prendre un programme non urgent, qu'il est revenu auprès de sa patiente, puis est reparti sans prévenir le Docteur [D], qu'il est allé déjeuner alors que l'intervention de Madame [N] n'était pas terminée, qu'il a travesti la réalité en affirmant que le Docteur [D] avait proposé de l'aider, qu'il avait posé une perfusion par précaution et non en raison d'une tension basse, que le Docteur [D] l'avait supplié d'aller déjeuner et qu'il en avait déduit que ce dernier n'avait plus que Madame [N] comme patiente,

- que la chronologie fournie par Madame [J] est contestable,

- que l'anesthésiste présent à 12h20, c'est à dire le Docteur [X], aurait dû rester auprès de Madame [N],

- que le Docteur [D] n'est pas passé dans la salle où se trouvait Madame [N] à 12h20, mais à 12h25,

- que, pour réclamer une double indemnisation d'un préjudice indemnisé déjà par les caisses de retraite, Monsieur [N] se réfère à une décision de la Cour de Cassation de 1992, commettant, ce qui est pardonnable, une erreur de droit, que la Cour de Cassation a, depuis, confirmé la position contraire, que les déclarations de revenus, pour l'année 2004, n'ont pas été communiquées, ce qui ne permet pas d'appréhender le montant revendiqué,

- que si une condamnation était prononcée, elle ne pourrait l'être que dans la limite de 5% du dommage.

Ils demandent à la Cour :

- de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité du Docteur [D],

- de débouter PACIFICA et Monsieur [N] de leurs demandes dirigées contre ce dernier,

- de dire que PACIFICA sera tenue de leur restituer les sommes versées en exécution de l'ordonnance entreprise,

En tout état de cause,

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur [N] de ses demandes,

- de constater que 'le concluant' ne dispose pas de tous les éléments comptables,

- de débouter PACIFICA de ses demandes,

A titre plus que subsidiaire,

- de dire qu'une éventuelle condamnation ne pourrait qu'être limitée à 5% du dommage,

En tout état de cause,

- de débouter 'les demandeurs' de leur demande fondée sur l'article 700 du CPC,

- de condamner solidairement Monsieur [N], PACIFICA et le Docteur [X] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP ARNAUDY BAECHLIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

- de débouter les parties de leurs autres demandes.

Dans ses dernières conclusions en date du 2 avril 2010, auxquelles il convient de se reporter, le Docteur [B] fait valoir :

- que la subrogation intégrale de PACIFICA résulte de son paiement et de la quittance signée par Monsieur [N],

- que les demandes de PACIFICA et de Monsieur [N] constituent des demandes de liquidation de leur préjudice définitif, qui ne relèvent pas de la 'compétence' du juge des référés,

- que l'ONIAM ( Office national d'indemnisation des accidents médicaux ) se substituant de plein droit à une compagnie d'assurance refusant de répondre à une demande d'indemnisation, dans l'hypothèse où cet office aurait versé des indemnités à PACIFICA et à Monsieur [N], ces derniers n'auraient pas qualité, ni intérêt à agir, que faute, pour ces derniers de démontrer cette qualité et cet intérêt, leurs demandes sont irrecevables,

- que l'allocation d'une provision se heurte à une contestation sérieuse,

qu'il ne peut lui être reproché le positionnement de la sonde et le fait qu'elle n'ait pas été fixée, alors qu'il est particulièrement compétent en cette matière et que le décès de Madame [N] n'est pas lié au choix de la position de cette sonde, que ladite sonde n'a pas été mobilisée lors du changement de côté de la tête de la patiente, à 11h45, et était après ce changement, bien positionnée, que ce n'est qu'à 12h20 que la tension de la patiente a chuté, que l'origine de son décès n'est pas certaine, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir changé de côté la tête de la patiente hors la présence d'un anesthésiste, ce qui n'était pas nécessaire et n'a occasionné aucun préjudice.

Il demande à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes dirigées contre lui,

- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Dans leurs dernières conclusions en date du 13 avril 2010, auxquelles il convient de se reporter, AXA, assureur de l'hôpital, et ce dernier font valoir :

- que les experts désignés par la CRCI n'ont retenu aucun manquement précis à l'encontre de l'hôpital, mais ont retenu une part de responsabilité de 10% à son encontre, que la motivation du CRCI, à l'égard de l'hôpital, est lapidaire, que l'hôpital n'est pas concerné par la procédure pénale en cours, qu'il y a lieu de confirmer sa mise hors de cause pour les motifs retenus par le premier juge, que, s'agissant de la responsabilité de l'hôpital, la preuve d'une faute, d'un préjudice certain et d'un lien de causalité n'est pas rapportée, que les avis du CRCI n'ont pas de portée juridictionnelle, qu'il existe des contestations sérieuses s'agissant de la responsabilité de l'hôpital,

- que l'offre d'AXA, limitée à 10%, ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité de l'hôpital, que le demandeur ne peut, en optant pour une procédure judiciaire, se prévaloir des éléments de la procédure transactionnelle, que l'hôpital privé n'est pas responsable des manquements et négligences d'une équipe médicale exerçant à titre libéral en son sein, qu'aucun reproche n'est formulé contre l'hôpital s'agissant de l'organisation et de la continuité des soins, que l'absence de surveillance d'une patiente, par un anesthésiste, relève de la seule responsabilité de ce dernier, s'il exerce dans la plus totale indépendance professionnelle, que le Docteur [X] n'a pas rempli ses obligations les plus élémentaires,

- que le débat opposant les anesthésiste ne concerne pas l'hôpital, qui n'organise pas leur planning, que l'hôpital a une commission de bloc opératoire, au sein de laquelle les anesthésistes sont représentés, à laquelle doit être signalé tout dysfonctionnement, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, que l'hôpital a mis en oeuvre, le jour des faits, tous les moyens nécessaires pour assurer une parfaite organisation et continuité des soins, qu'aucune surcharge ne saurait être invoquée a posteriori, d'autant qu'une infirmière en anesthésie était présente sur les lieux des faits et en mesure de remplacer un anesthésiste devant quitter momentanément la salle, que la décision de recourir à l'aide de cette infirmière relève des anesthésistes, que les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie étaient conformes à la réglementation,

- que les manquements relevés par les experts comme ayant contribué au décès de Madame [N] ou à sa perte d'une chance de survie sont de nature médicale, que la présence du Docteur [X], parti déjeuner, et les mesures qu'il aurait pu prendre auraient permis d'éviter l'issue fatale,

Subsidiairement,

- que les demandes présentées par les ayants-droit de Madame [N] aboutissent à une double indemnisation ne prenant pas en compte les rentes versées par les organismes sociaux,

Plus subsidiairement,

- que dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de PACIFICA et de Monsieur [N], ce ne pourrait être que dans la limite de 10%, selon l'avis de la CRCI,

Ils demandent à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

- de rejeter la demande de provision formée par PACIFICA et Monsieur [N], en sa double qualité,

Subsidiairement,

- de rejeter toute demande de réparation d'un préjudice économique non démontré concernant PACIFICA et aboutissant à une double indemnisation de Monsieur [N],

Très subsidiairement,

- de limiter une éventuelle condamnation à 10%, s'agissant d'AXA, assureur de l'hôpital,

En tout état de cause,

- de débouter l'appelant et les intimés de leurs demandes fondées sur l'article 700 du CPC,

- de condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENE, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Dans leurs dernières conclusions en date du 10 mai 2010, auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [N] et PACIFICA font valoir :

- que PACIFICA a indemnisé les ayants-droit de Madame [N], selon quittances des 2 octobre et 19 novembre 2007,

- que si, en l'absence d'autopsie de Madame [N], plusieurs causes de décès ont pu être retenues par les experts judiciaires, les conclusions de ces derniers sont identiques à celles de leurs confrères mandatés par la CRCI, quant à l'existence de manquements gravissimes des praticiens aux règles de l'art et aux obligations de prudence et de sécurité,

- que la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins d'Ile de France a sanctionné sévèrement les trois médecins en cause,

- qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise quant à l'absence de contestation sérieuse,

- que quelle que soit la cause de l'arrêt cardiaque irréversible per-opératoire de Madame [N], il est établi :

- que chargé de l'anesthésie de cette patiente, le Docteur [X] a passé le relai au Docteur [D],

- que la majeure partie de l'opération s'est passée sans anesthésie, peu important de savoir si le Docteur [X] a demandé à être remplacé ou si le Docteur [D] le lui a proposé,

- que le Docteur [X], alerté d'un incident par une infirmière, est venu poser une perfusion avant de repartir aussitôt, sans se soucier des suites de cet incident, dont les causes restaient à définir,

- qu'après un changement de côté de la tête de la patiente, le Docteur [D] est passé vérifier les paramètres, sans auscultation pulmonaire, seul moyen de s'assurer que la sonde était bien en place,

- que le Docteur [D] est passé vers 12h20, au moment d'une chute de tension inquiétante, sans intervenir,

- que le Docteur [X] est parti déjeuner à 12h20, sans se soucier de sa patiente,

- que les paramètres vitaux n'ont cessé de se détériorer entre 12h20 et 12h35, alors qu'aucun anesthésiste n'était présent en salle pour mettre en oeuvre les soins adaptés,

- que c'est logiquement que le premier juge en a conclu que les Docteurs [X] et [D] avaient de façon incontestable engagé leur responsabilité,

- qu'il n'a pas tiré les conclusions qui s'imposaient, s'agissant du Docteur [B] et de l'hôpital,

- qu'en dépit des 'conclusions-fleuve' du Docteur [X], portant sur le fond du dossier, le juge des référés n'a pas été saisi pour statuer sur la part de responsabilité de chacun des médecins, mais pour constater que, sur le principe, la responsabilité de chacun n'était pas sérieusement contestable,

- que les conclusions d'expertise des experts mandatés par la CRCI sont opposables à toutes les parties,

- que s'il est exact que l'avis de la CRCI ne s'impose pas au juge, il est un élément supplémentaire de nature à l'éclairer,

- que si AXA, assureur de l'hôpital, avait contesté la responsabilité de son assuré, elle n'aurait pas fait des offres indemnitaires,

- que le rapport d'expertise judiciaire des experts [G] et [H] confirme le principe de la responsabilité de chacun, y compris celle de l'hôpital, du fait d'un défaut d'organisation,

- que le deuxième rapport d'expertise judiciaire, des experts [R] et [A] réaffirme le principe de responsabilité des médecins et de l'hôpital, en évoquant un dysfonctionnement général de l'activité anesthésique,

S'agissant de la responsabilité de l'hôpital,

- que si l'organisation du planning opératoire relevait de l'organisation des anesthésistes et non de l'établissement, un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à la sécurité de son patient, qu'il résulte des rapports d'expertise qu'il est habituel et notoire qu'au sein de l'établissement considéré, un chirurgien peut se retrouver sans anesthésiste en cours d'intervention, qu'en tolérant cette situation, l'hôpital a commis une faute de nature à engager sa responsabilité,

S'agissant de la responsabilité des médecins,

- que les conclusions suivantes des experts sont identiques et affligeantes à l'égard de chacun d'eux,

S'agissant de la responsabilité du Docteur [X],

- que ce médecin a cru devoir se faire remplacer pour remplacer un confrère pour des endoscopies n'ayant aucun caractère d'urgence, alors qu'aucune d'elles n'avait commencé, qu'après avoir terminé cette activité, alors que le médecin qu'il remplaçait était libre, il est parti déjeuner avec ce dernier, alors que le Docteur [D] demeurait seul pour deux salles, sans IADE à sa disposition, ce que savait le Docteur [X],

S'agissant de la responsabilité du Docteur [D],

- que ce dernier n'aurait jamais dû accepter ou proposer de remplacer le Docteur [X] après induction, puisqu'engagé sur un autre programme opératoire, il savait ne pouvoir satisfaire à ses obligations, qu'il a ignorées, qu'il n'aurait jamais dû accepter, à 12h20, que le Docteur [X] aille déjeuner, ce qui le contraignait à assumer la responsabilité de deux anesthésie simultanées, sans IADE, contrairement à ses obligations, ce qu'un médecin anesthésiste ne peut ignorer,

S'agissant de la responsabilité du Docteur [B],

- que les experts relèvent que ce dernier n'aurait pas dû accepter que se déroulât la majeure partie de l'intervention sans la présence d'un anesthésiste, ni, contrairement à toute prudence et à tous les usages, tourner la tête du patient porteur d'une sonde non fixée en l'absence d'anesthésiste,

- que l'ordonnance entreprise doit être réformée en ce qu'elle n'a pas retenu la responsabilité incontestable du Docteur [B], que le premier juge a apprécié sa responsabilité pénale, certes moins évidente, que ce chirurgien aurait dû, dans le cadre de l'obligation générale de prudence et de diligence pesant sur lui, s'assurer de ce que sa patiente restait sous la surveillance d'une 'personne qualifiée ( IADE )', qu'il en est de même du défaut de fixation de la sonde, alors qu'aucun anesthésiste n'était présent lorsque la tête de la patiente a été tournée et qu'aucune auscultation n'a été faite du bon positionnement de cette sonde,

- qu'en vertu du principe d'équivalence des conditions, la responsabilité du Docteur [B] est manifestement engagée,

- que contrairement à ce que soutient le Docteur [X] le conseil de l'ordre a sanctionné les trois praticiens, alors que la faute déontologique est une faute civile de nature à engager la responsabilité de son auteur,

- que l'absence d'autopsie s'explique non par le refus de la famille, mais par la signature, par les Docteurs [D] et [X] de deux certificats de décès par mort naturelle, que - que, s'agissant de l'automédication prêtée à la victime, cette dernière ne peut plus s'en défendre, que médecin, elle aurait signalé toute prise de médicament incompatible avec une anesthésie, que la présence de médicaments trouvés dans le sac de Madame [N] s'explique par le fait qu'exerçant à [Localité 18] et Saint Denis, auprès d'une population défavorisée, elle avait l'habitude d'avoir une réserve de médicaments, qu'en tout état de cause, les experts ont exclu l'existence d'une interférence médicamenteuse d'un quelconque médicament du sac de Madame [N],

- que le décès de cette dernière aurait pu être évité si les médecins n'avaient pas abandonné sa surveillance continue pour aller déjeuner,

S'agissant des provisions,

- que la créance de PACIFICA est certaine, cette dernière n'étant pas, comme semble le soutenir le Docteur [X], le seul assureur acceptant d'indemniser ses assurés avant de vérifier l'application du contrat, que le contrat considéré était applicable à la date du décès de Madame [N],

- que AXA a offert une indemnisation des préjudices moraux équivalente à celle réclamée,

- que le préjudice économique est évalué par PACIFICA selon le barème de capitalisation de la Gazette du Palais, que AXA a confirmé son accord sur la part d'autoconsommation de la défunte, et sur la répartition opérée entre le conjoint et les enfants,

Sur l'indemnisation des préjudices subis par ricochet,

- que la demande de Monsieur [N] doit être reçue, le premier juge ayant fait une lecture erronée du contrat d'assurance, que l'indemnisation amiable par la société d'assurance ne signifie pas qu'elle indemnise intégralement les préjudices, que des préjudices n'étant pas visés par PACIFICA comme pris en charge, son indemnisation n'est pas intégrale, que le mode de calcul de l'indemnisation du préjudice économique par PACIFICA n'est pas celui du droit commun, que la perte de revenus par économie et l'augmentation des frais découlant du décès de Madame [N] n'ont pas été indemnisés, que la seule limite à l'indemnisation de Monsieur [N] est celle du recours subrogatoire des tiers payeurs,

S'agissant du préjudice moral subi par [Z] et [U] [N],

- qu'AXA ayant proposé une indemnisation de 23.000 € pour chacun de ces ayants-droit de Madame [N], PACIFICA ne leur a versé que 17.000 €, qu'il leur revient de manière incontestable une somme supplémentaire de 6.000 €, que les indemnités versées par PACIFICA l'ont été sans préjuger de l'estimation qui pourrait en être faite ultérieurement, que si les offres d'AXA ne peuvent être opposées dans le cadre de la présente instance, il n'en demeure pas moins que l'importance du préjudice subi par les enfants de Madame [N] justifie l'allocation de la somme complémentaire de 6.000 €,

S'agissant des préjudices patrimoniaux,

- que le premier juge ayant déduit des sommes destinées à Monsieur [N] le montant de la prestation de la CARMF, caisse autonome de retraite des médecins de France, le montant de la pension versée par l'IRCANTEC, ainsi que le capital décès versé par la CPAM et par la mutuelle MAGE, la déduction de ces sommes se comprend dans le cadre du contrat conclu avec PACIFICA, mais ne se justifie pas en droit commun, que la CARMF ayant précisé qu'elle n'introduirait pas de recours, il n'y a lieu de tenir compte de sa créance, que la rente IRCANTEC étant versée en exécution d'un régime complémentaire, elle ne relève pas du régime obligatoire et n'a pas à être imputée sur l'indemnité allouée, que les rentes CARMF et IRCANTEC sont versées en vertu de contrats de prévoyance souscrits par Madame [N], pour lesquels elle a versé des primes, qu'elles ne figurent pas dans la liste limitative des prestations ouvrant doit à recours de ces organismes, que le montant de ces rentes n'a pas à être déduit du préjudice économique, que le capital décès servi par la sécurité social, comme celui versé par la mutuelle complémentaire, qui n'indemnisent pas les frais funéraires, ne doivent pas être déduits du montant de l'indemnité devant revenir à Monsieur [N] au titre des frais funéraires,

- que la créance des ayants-droit de Madame [N], à ce titre, est incontestable à concurrence de :

- 158.206, 78 €, s'agissant de [Y] [N],

- 77.455, 75 €, s'agissant de [Z] [N],

- 88.919, 55 €, s'agissant d'[U] [N],

- qu'au vu de l'indemnisation possible en droit commun des pertes de gain subies, à supposer que la Cour confirme l'ordonnance entreprise sur ce point, le préjudice matériel subi par Monsieur [N] n'a toujours pas été indemnisé, ce qui justifie l'allocation d'une provision, que ce préjudice est constitué de l'aide humaine apportée à Monsieur [N], par sa famille et des amis dans l'éducation de ses enfants, et des frais d'aide ménagère à laquelle il a dû recourir.

Ils demandent à la Cour :

- de condamner in solidum 'les défendeurs' à payer :

- à PACIFICA la somme de 275.012, 07 €,

- par provision à Monsieur [N] :

- en son nom, la somme de 400.000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux,

- pour sa fille [Z], la somme de 77.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice économique,

- pour son fils [U], la somme de 88.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice économique,

- pour chacun de ses enfants, la somme de 6.000 € à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral,

- de condamner in solidum 'les défendeurs' à verser à chacun 'des demandeurs' la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner in solidum 'les défendeurs' aux dépens, dont distraction au profit de la SCP GAULTIER KISTNER, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La CPAM de Seine Saint Denis et la Mutuelle autonome générale de l'éducation, MAGE, n'ont pas été assignées.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la demande de sursis à statuer

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 4 du CPP, l'action en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique ; que, toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci est mise en mouvement ; qu'enfin, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article 5-1 du CPP, même si le demandeur s'est constitué partie civile devant la juridiction répressive, la juridiction civile, saisie en référé, demeure compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l'objet des poursuites, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;

Qu'en l'espèce, Monsieur [N] et PACIFICA ont saisi le juge des référés pour le voir ordonner, précisément, des mesures provisoires relatives à des faits objets de poursuites ; que le fait de savoir si le prononcé de ces mesures se heurterait à des contestations sérieuses relève de l'appréciation, 'au fond du référé', du juge saisi et ne lui impose nullement de surseoir à statuer, avant une telle appréciation ; que, de même, le fait que le Docteur [X] qualifie la demande de 'liquidation du préjudice', ce qui relève de l'appréciation du juge saisi, n'enlève pas aux mesures sollicitées leur caractère provisoire ;

Qu'il n'y a lieu, en conséquence, de surseoir à statuer ;

Sur la recevabilité des demandes de provision eu égard à une indemnisation de l'ONIAM

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du CPC, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, dans le cas où l'existence de l'obligation du débiteur n'est pas sérieusement contestable ;

Considérant que le Docteur [B] ne justifiant pas de ce que l'ONIAM aurait alloué des indemnités aux ayants-droit de Madame [N], ce qu'il ne présente que comme une hypothèse, il ne démontre en rien le défaut de qualité ou d'intérêt à agir qui serait celui de PACIFICA ou de ces ayants-droit, à cet égard ;

Sur l'obligation des anesthésistes

Considérant qu'un anesthésiste, comme tout médecin, est tenu à une obligation de moyens ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article R 4127 du Code de la santé publique, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents ;

Que si la détermination des responsabilités respectives de plusieurs médecins dans la survenance d'une faute médicale relève de l'appréciation des juges du fond, la juridiction des référés a le pouvoir de constater la faute manifeste de chacun d'entre eux, dès lors que cette constatation ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

Que, s'il est certain que les avis du CRCI ne s'imposent pas aux juges ou aux parties, la Cour dispose, en l'espèce, de plusieurs rapports d'expertises, lui permettant d'apprécier le respect, par les anesthésistes concernés, de leurs obligations ;

Qu'il résulte, en l'espèce, des rapports d'expertise versés aux débats :

- que, le 15 juillet 2004, Madame [N], dont l'intervention chirurgicale était confiée au Docteur [B] et l'anesthésie au Docteur [X], a fait l'objet d'une prémédication, puis d'une intubation à l'aide d'une sonde armée, non fixée,

- qu'après le début de l'intervention, le Docteur [X] a quitté la salle d'opération, pour remplacer un confrère chargé d'examens d'endoscopies, alors qu'aucun des patients devant subir ces examens n'était encore endormi,

- que le Docteur [D], chargé de l'anesthésie d'un autre patient, dans une autre salle, a, cependant, accepté de remplacer le Docteur [X] auprès de Madame [N],

- qu'en cours de matinée, du fait du déclenchement d'une alarme, détectant chez Madame [N], un problème de tension ou un problème cardiaque, alors qu'aucun anesthésiste n'était présent, le Docteur [X] a été appelé auprès de Madame [N], a posé une perfusion avant de quitter les lieux, sans procéder à une auscultation de sa patiente, et de partir déjeuner avec le confrère qu'il avait remplacé,

- que le Docteur [D] a constaté, en se rendant dans la salle où se trouvait Madame [N], que cette perfusion avait été posée, avant de quitter les lieux,

- que le Docteur [B] a changé de côté la tête de sa patiente, hors la présence de tout anesthésiste, pour poursuivre son intervention,

- qu'aucun anesthésiste n'a vérifié, lors de cette manoeuvre, le positionnement de la sonde d'intubation, non fixée,

- que des alarmes, destinées à signaler une anomalie chez Madame [N], ont, après avoir retenti précédemment, été, accidentellement ou volontairement, inhibées ou réglées si bas qu'elles étaient inaudibles,

- que le Docteur [B], alors qu'il achevait l'intervention de mini-lifting pratiquée sur Madame [N], a constaté, en procédant à l'enlèvement des champs opératoires, qu'elle était victime d'un arrêt cardio-respiratoire, vers 12h30, alors qu'aucun anesthésiste n'était présent auprès d'elle,

- qu'appelé en urgence, le Docteur [D] a constaté cet arrêt cardiaque et l'inhibition de l'alarme sonore,

- que des mesures de réanimation ont, alors, été entreprises, sans remédier à l'arrêt cardiaque survenu, aucun rapport circonstancié n'ayant été rédigé, à ce sujet, par les anesthésistes,

- que le décès de Madame [N] a été constaté après 13h ;

Qu'il résulte, également, de ces rapports que le décès de Madame [N], considéré comme 'totalement inattendu' dans de telles circonstances, a pu être causé par une détresse ventilatoire secondaire au déplacement de la sonde d'intubation, responsable d'un arrêt cardiaque par privation d'oxygène, ou par la survenue d'un trouble du rythme cardiaque passé inaperçu ;

Que si les différents experts valorisent, de façon différente, l'une ou l'autre de ces hypothèses, ils s'accordent à dire que, quelle que soit la cause retenue du décès de Madame [N], l'absence de surveillance continue de l'anesthésie et la neutralisation des alarmes n'ont pas permis de diagnostiquer rapidement l'incident et d'en corriger les effets, à l'origine du décès de la patiente ;

Que, s'agissant de la cause du décès de Madame [N], il doit être relevé que, le jour de ce décès, le Docteur [X] a signé un certificat médical, versé aux débats, constatant que ledit décès ne 'posait pas de problème médico-légal' et qu'aucune autopsie du corps de Madame [N] n'a été faite ;

Considérant qu'il est, ainsi, manifeste, les expertises versées aux débats ne se contredisant nullement sur ce point, que Madame [N] a été victime d'un accident médical, que son décès est intervenu par arrêt cardiaque, du fait qu'un incident précédent cet arrêt n'a pas été diagnostiqué rapidement et n'a pu être corrigé, alors que le Docteur [X], comme le Docteur [D], auraient pu, par une présence constante et une attention consciencieuse et dévouée, y remédier ;

Qu'ainsi la responsabilité manifeste des Docteurs [X] et [D] dans la survenance du décès de Madame [N] est avérée ;

Sur les moyens invoqués par le Docteur [X], s'agissant de sa responsabilité

Considérant que les expertises versées aux débats ne se contredisent nullement, s'agissant des éléments précédemment rappelés ;

Que la mise en cause de tiers, par le Docteur [X], est sans portée sur le constat de sa propre responsabilité manifeste ;

Qu'interrogés sur la présence de médicaments dans le sac de Madame [N], les experts judiciaires [R] et [A] ont estimé qu'aucun d'eux n'avait pu contribuer au décès de cette dernière;

Que la question de l'absence, manifestement fautive, de présence continue d'un anesthésiste auprès de Madame [N], alors que la sonde portée par cette dernière n'était pas fixée, se distingue de celle du caractère fautif ou non de cette absence de fixation ;

Que le Docteur [X] a décidé de quitter la patiente dont il avait la charge pour remplacer un confrère et pratiquer, à sa place, des examens présentant, par nature, moins de risques pour les patients qu'une anesthésie opératoire, examens dont il n'est pas démontré que l'un d'eux était urgent ;

Que dans l'hypothèse où le confrère remplacé par lui était appelé pour une urgence vitale, rien n'interdisait au Docteur [X] de lui conseiller de différer les examens non urgents qu'il devait pratiquer, en faisant valoir l'obligation impérieuse qui était la sienne de rester auprès de sa patiente ;

Qu'il a, ainsi, accepté de faire courir un risque à la patiente dont il avait la charge et n'a nullement annihilé ce risque en se faisant remplacer par un confrère déjà en charge d'une autre anesthésie opératoire ;

Que le Docteur [X] est particulièrement malvenu de se prévaloir de l'indétermination des causes de la mort de Madame [N], alors que les deux causes possibles de cette mort retenues par les experts n'ont pu survenir l'une et l'autre que du fait d'une négligence des anesthésistes et alors qu'il a lui-même signé un certificat médical mentionnant que ledit décès ne 'posait pas de problème médico-légal', empêchant, par là même, une autopsie dont il ne prouve nullement qu'elle aurait été refusée par la famille de la patiente qui lui avait été confiée ;

Qu'il ne peut sérieusement soutenir qu'alors qu'il était en charge de l'anesthésie de Madame [N] et avait fini de remplacer un confrère, il était conforme à ses obligations de médecin de partir déjeuner avec ce dernier, au seul motif qu'il s'y était cru autorisé par le Docteur [D], en charge, le même matin, d'une autre anesthésie opératoire;

Que, comme le Docteur [D], il apparaît ne pas avoir communiqué utilement avec ce confrère ;

Qu'à la lecture de l'ordonnance entreprise, il apparaît que, contrairement à ce que soutient le Docteur [X], le premier juge a examiné les circonstances en cause, leurs conséquences et le rapport de causalité certain ou non avec les manquements invoqués ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le Docteur [X] n'oppose aucune contestation sérieuse au manquement manifeste qui a été le sien à ses obligations professionnelles ;

Sur les moyens invoqués par le Docteur [D], s'agissant de sa responsabilité

Considérant que la mise en cause de tiers, par le Docteur [D], est sans portée sur le constat de sa propre responsabilité manifeste ;

Que dès lors que le Docteur [D] a accepté de remplacer son confrère [X], se sachant déjà en charge d'une autre anesthésie opératoire, et alors que ce confrère ne justifiait pas d'une absolue nécessité de quitter sa patiente pour aller procéder à des examens d'endoscopie, il ne peut soutenir avoir été 'placé devant le fait accompli' ;

Qu'ayant accepté de remplacer le Docteur [X] auprès de Madame [N], il apparaît avoir été peu présent auprès d'elle et jamais de façon continue ; qu'il apparaît avoir été, plus précisément, absent au déclenchement d'une alarme, puis lors de la survenue de l'arrêt cardiaque dont il n'a pu détecter les signes, son arrivée pour pratiquer des manoeuvres de réanimation n'ayant pas permis d'y remédier ;

Que, comme le Docteur [X], il apparaît ne pas avoir communiqué utilement avec ce confrère ;

Que le Docteur [D] n'oppose, donc, au caractère manifeste de sa négligence, constitutif d'un manquement à ses obligations, aucune contestation sérieuse ;

Que c'est aux juges du fond, et non à la juridiction des référés, qu'il appartiendra d'apprécier les parts de responsabilité respectives de l'anesthésiste chargé initialement de prendre en charge Madame [N] et de son confrère, ayant accepté de le remplacer ;

Que la présente juridiction, comme le premier juge, ne peut que faire le constat d'une responsabilité commune de ces deux praticiens en les condamnant, in solidum ; que, n'ayant pas le pouvoir de déterminer la part de responsabilité du Docteur [D], elle ne peut condamner ce dernier dans la limite retenue par la CRCI ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné le Docteur [X] et le Docteur [D], in solidum, au paiement de provisions ;

Sur l'obligation de la Compagnie AXA FRANCE IARD

Considérant que la Compagnie AXA FRANCE IARD ne conteste pas garantir le Docteur [D], à raison de fautes professionnelles imputables à ce dernier ; que cette compagnie d'assurance sera condamnée, in solidum avec cet anesthésiste, au paiement des provisions mises à sa charge ; qu'une telle condamnation ne pourra intervenir que dans la limite du contrat souscrit par le Docteur [D], auprès de cette société d'assurance ;

Sur l'obligation du Docteur [B]

Considérant que les experts mandatés par la CRCI ont estimé que des anomalies de comportement pouvaient être retenues contre le Docteur [B], à un degré moindre que s'agissant de ses confrères anesthésistes, du fait qu'il avait tourné la tête de sa patiente, hors la présence d'un de ces anesthésistes ; que les experts judiciaires ont, pour leur part, estimé que le Docteur [B] n'aurait pas dû accepter que se déroulât la majeure partie de l'intervention considérée hors la présence d'un anesthésiste, subissant cette absence sans protester, à tel point qu'il avait tourné la tête de sa patiente porteuse d'une sonde non fixée, en l'absence d'anesthésiste ;

Que s'il est avéré que le Docteur [B] a pratiqué l'intervention chirurgicale de Madame [N] hors la présence constante d'un anesthésiste, il apparaît, également, avoir commencé cette intervention en présence du Docteur [X] qui a quitté sa patiente ultérieurement ;

Qu'il appartiendra aux juges du fond d'apprécier :

- si le Docteur [B] pouvait interrompre l'intervention commencée avec le Docteur [X], pour obtenir que ce dernier revienne à ses cotés ou que le Docteur [D] y vienne immédiatement, avec la certitude que l'un ou l'autre assurerait une présence constante auprès de Madame [N],

- si le Docteur [B] pouvait, avec des chances d'être entendu, ordonner à l'un de ses confrères anesthésiste de rester auprès de cette patiente, alors que les experts [R] et [A] ont relevé que ce chirurgien n'exerçait pas d'autorité sur l'anesthésiste, s'agissant de sa présence en salle d'opération,

- si un déplacement de la sonde non fixée est survenu lors du changement de côté, par le Docteur [B], de la tête de sa patiente, et a été la cause du décès de cette dernière ;

Qu'à défaut de réponses évidentes à ces différentes questions, le constat d'une faute manifeste du Docteur [B], ayant concouru au décès de Madame [N] ne peut être fait ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé, s'agissant de ce chirurgien ;

Sur l'obligation de l'hôpital public

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'hôpital privé de la Seine Saint Denis est un établissement privé à but lucratif, au sein duquel les praticiens exercent à titre libéral ; que ni le Docteur [X], ni le Docteur [D] ne sont ses salariés ;

Qu'un tel établissement ne peut, donc, être déclaré responsable des fautes commises par un praticien à l'occasion d'actes médicaux, d'investigations ou de soins pratiqués sur un patient ; qu'il reste, cependant, tenu de l'organisation de l'établissement et de la continuité des soins ;

Que, l'hôpital privé en cause justifie, à ce sujet, de ce qu'au plus tard au cours de l'année 2004, il a constitué une commission de bloc opératoire, composée d'un représentant des anesthésistes, d'un représentant des chirurgiens, du chef de bloc et du directeur des soins, ayant pour mission de valider le planning opératoire de la semaine à venir et les rajouts éventuels, comme de traiter les dysfonctionnements apparus au bloc entre deux réunions, et de préciser les besoins en personnel et en matériel pour le programme à venir ;

Que si les experts mandatés par la CRCI ont estimé que le défaut de communication constaté entre les médecins intervenant auprès de Madame [N], et le manque de présence efficiente pendant l'acte chirurgical s'inscrivaient 'dans l'ensemble de la programmation opératoire qui engageait la responsabilité de l'hôpital privé de la Seine Saint Denis', Monsieur [N], comme PACIFICA admettent que le planning opératoire relevait de l'organisation des anesthésistes et non de l'établissement ;

Qu'il ne résulte pas, par ailleurs, de l'ensemble des pièces versées aux débats que les fautes manifestes des anesthésistes, constatées en l'espèce, se soient accompagnées d'un défaut de programmation imputable, avec l'évidence nécessaire en matière de référé, à l'hôpital privé ;

Que si un établissement de santé privé est tenu de prendre les mesures nécessaires pour veiller à la sécurité de son patient, il appartient, en l'espèce, aux juges du fond d'apprécier si l'établissement considéré a failli, sur ce point, eu égard aux initiatives prises par les praticiens en cause, dès lors qu'ils se sont affranchis de la programmation prévue ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a pas constaté la responsabilité manifeste de l'hôpital privé ;

Sur la demande de provisions formée par PACIFICA

Considérant que devant le premier juge, comme devant la Cour, PACIFICA, comme Monsieur [N], ont expressément formé des demandes de provisions, dont l'attribution relève des pouvoirs de la juridiction des référés ; que le montant de la provision susceptible d'être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ;

Que ces intimés justifient, comme ils l'ont fait devant le premier juge, de ce que Monsieur [N] a souscrit, auprès de PACIFICA, un contrat le garantissant, comme son épouse et leurs enfants, contre les accidents de la vie, entraînant, notamment, le décès, parmi lesquels les accidents médicaux causés à l'occasion d'actes chirurgicaux ; que ledit contrat ayant été 'renouvelé' et 'modifié' les 14 et 30 septembre 2004, il était en vigueur le 15 juillet précédent, ce que confirme le jeu de la garantie mis en oeuvre par PACIFICA ;

Qu'en vertu de ce contrat, PACIFICA répare, en cas de décès, le préjudice matériel résultant des frais liés à l'organisation des obsèques, le préjudice économique résultant de l'incidence économique du décès pour les ayants-droit et le préjudice moral causé par la perte d'un membre de la famille ou d'un proche couvert par ledit contrat ;

Que PACIFICA verse aux débats les quittances 'garantie des accidents de la vie' délivrées par elle à Monsieur [N] et à ses deux enfants, qui l'ont subrogée dans leurs droits et actions ; qu'elle justifie du règlement, par elle, d'indemnités à Monsieur [N], en réparation de frais d'obsèques, de son préjudice économique et de son préjudice moral, comme à ce dernier, pour sa fille et son fils, mineurs, en réparation de leur préjudice économique et de leur préjudice moral ;

Qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, les indemnités allouées par PACIFICA en réparation du préjudice moral subi par Monsieur [N] et par ses enfants viennent réparer des préjudices personnels insusceptibles de recours ; que le montant des indemnités allouées, à ce titre, par PACIFICA, n'est pas contesté ;

Que, s'agissant des frais d'obsèques, le paiement, par PACIFICA, d'indemnités à concurrence de 3.629, 61 €, n'est pas contesté ;

Que, s'agissant du préjudice économique, il n'est pas contesté que PACIFICA a retenu comme base d'indemnisation les revenus et salaires respectifs des époux [N] déclarés à l'administration fiscale pour l'année 2003, avec fixation à 25% de la part d'autoconsommation de Madame [N], et répartition des sommes allouées à concurrence de 50% pour Monsieur [N] et de 25% pour chacun de ses enfants ; que si le Docteur [X] s'interroge sur le bien-fondé d'une indemnisation, qui 'semble' viagère, du préjudice économique subi par Monsieur [N], il ne conteste pas le fait que le mode d'indemnisation retenu par PACIFICA est conforme au contrat conclu entre cette dernière et Monsieur [N] ; qu'il ne démontre pas que le mode d'indemnisation de ce préjudice, retenu par PACIFICA ne serait pas, par ailleurs, conforme aux règles de droit commun, appliquées à la situation des personnes en cause ;

Que le fait que PACIFICA ait déduit des indemnités réglées à ce titre, des prestations allouées, à Monsieur [N], par divers organismes, ne donne lieu à aucune contestation dirigée contre elle ; que Monsieur [N], en effet, admet qu'une telle déduction est conforme au contrat conclu avec cette société d'assurance ;

Que PACIFICA justifie, donc, du droit incontestable qui est le sien d'obtenir des parties dont la faute est incontestable, et de l'assureur de l'une d'elles, le remboursement des indemnités qu'elle a versées aux ayants-droit de Madame [N] ; que le montant, détaillé, des indemnités allouées par cette dernière, constitue une réparation incontestable des préjudices considérés ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande de PACIFICA ;

Sur la demande de provision complémentaire formée par Monsieur [N]

Considérant que l'acceptation, par Monsieur [N], des indemnités allouées par PACIFICA pour son compte et celui de ses enfants, s'est accompagnée de l'indication selon laquelle, selon les termes du contrat conclu avec PACIFICA, le règlement des dites indemnités ne préjugeait en rien de l'estimation qui pourrait être faite des préjudices considérés en droit commun ultérieurement ;

Que Monsieur [N] justifie, donc, de son droit à demander aux parties manifestement responsables du décès de son épouse, le paiement provisionnel d'indemnités complémentaires, s'ajoutant à celles déjà réglées par PACIFICA, dès lors que leur exigibilité et leur montant sont incontestables ; que ses demandes sont, à cet égard, recevables ;

Considérant que, faite à l'occasion d'une procédure d'indemnisation amiable, l'offre d'indemnisation du préjudice moral présentée par AXA, à Monsieur [N] ne s'impose nullement aux juges ou aux tiers responsables ;

Qu'il n'en reste pas moins évident que les enfants de Monsieur [N], compte tenu de leur âge et de celui de leur mère, au moment du décès de cette dernière, ont subi un préjudice moral important, dont le montant de réparation incontestable peut dépasser, avec l'évidence nécessaire en matière de référé, celui des indemnités qui leur a été allouées par PACIFICA ;

Que la provision complémentaire réclamée à ce titre ne consistant nullement en une 'double indemnisation'du préjudice considéré, une telle demande est, donc, recevable ;

Considérant que Monsieur [N] demande, par ailleurs, l'allocation, par les parties manifestement responsables et l'assureur de l'une d'elles, d'une provision complémentaire en réparation préjudice économique subi par ses enfants et par lui-même, du fait de la déduction, par PACIFICA, de certaines prestations allouées par la CARMF, l'IRCANTEC, la CPAM et la mutuelle MAGE ; que s'il ne conteste pas la légitimité de cette déduction par son co-contractant, eu égard aux termes du contrat conclu entre eux, Monsieur [N] estime, en effet, qu'une telle déduction ne se justifie pas en droit commun ;

Que l'obligation des tiers responsables de s'acquitter du paiement provisionnel des sommes ainsi déduites n'est pas incontestable ; que ni la CPAM de Seine Saint Denis, ni la Mutuelle Autonome Générale de l'Education n'ont, par ailleurs, été assignées devant la Cour; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle rejeté cette demande de Monsieur [N];

Qu'il est, en revanche, incontestable que Monsieur [N] est fondé à demander, subsidiairement, la réparation d'un préjudice économique non indemnisé par PACIFICA, tenant à la nécessité, pour ses enfants, d'être d'accueillis à la sortie de leurs écoles et jusqu'au retour de leur père au foyer familial, tant qu'une telle aide leur sera nécessaire ; qu'il est également fondé à demander réparation d'un autre préjudice économique, non réparé par PACIFICA, consistant en la nécessité de recourir, tant que ses enfants ne peuvent y suppléer, à une aide aux tâches ménagères qu'il supporte, désormais, seul ;

Que la demande, de ces chefs, ne constituant pas plus une 'double indemnisation', elle est recevable ;

Qu'à ces divers titres, il y a lieu d'allouer les provisions complémentaires suivantes :

- à Monsieur [N],

en réparation de ses divers préjudices économiques personnels non encore indemnisés, une provision de 95.120 €,

- à [Z] [N],

en réparation de son préjudice moral, une provision de 6.000 €,

- à [U] [N],

en réparation de son préjudice moral, une provision de 6.000 € ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a rejeté la demande de provisions complémentaires, formée par Monsieur [N], en son nom et au nom de ses enfants ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge du Docteur [B] les frais irrépétibles qu'il a exposés en appel ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de PACIFICA et de Monsieur [N], en son nom et au nom de ses enfants mineurs, les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en appel ;

Que le Docteur [X], le Docteur [D] et AXA, assureur de ce dernier, qui succombent, devront supporter la charge des dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

Déclare recevables les demandes de provisions formées par la SA PACIFICA et par Monsieur [N], pour son compte et pour le compte de ses enfants, [Z] et [U],

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus de la demande d'indemnisation,

Statuant à nouveau, sur ce point,

Rejette les demandes de la SA PACIFICA et de Monsieur [N], en son nom et au nom de ses enfants [Z] et [U], en ce qu'elles sont dirigées contre le Docteur [B], l'hôpital privé de la Seine Saint Denis et la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur de cet hôpital,

Rejette la demande de Monsieur [N], formée en son nom et au nom de ses enfants [Z] et [U], en ce qu'elle tend au paiement de provisions complémentaires à raison de la déduction, par la SA PACIFICA, de prestations versées par divers organismes,

Faisant droit à sa demande subsidiaire,

Condamne in solidum le Docteur [X], le Docteur [D] et la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur de ce dernier, à payer :

- à Monsieur [N],

en réparation de ses divers préjudices économiques personnels non encore indemnisés, une provision complémentaire de 95.120 €,

- à [Z] [N],

en réparation de son préjudice moral, une provision complémentaire de 6.000 €,

- à [U] [N],

en réparation de son préjudice moral, une provision complémentaire de 6.000 € ;

Confirme l'ordonnance entreprise, pour le surplus,

Y ajoutant,

Rejette les demandes du Docteur [X], du Docteur [D] et de la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur de ce dernier,

Rejette la demande du Docteur [B] fondée sur l'article 700 du CPC,

Condamne in solidum le Docteur [X], le Docteur [D], et la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur de ce dernier, dans la limite de son contrat, à payer à la SA PACIFICA et à Monsieur [N], en son nom et au nom de ses enfants [Z] et [U], la somme globale de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

Condamne in solidum le Docteur [X], le Docteur [D], et la SA AXA FRANCE IARD, en qualité d'assureur de ce dernier, dans la limite de son contrat, aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/28747
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°09/28747 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;09.28747 ?
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