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30/06/2010 | FRANCE | N°09/08476

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 30 juin 2010, 09/08476


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 30 juin 2010



(n° 4 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08476



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 février 2008 par le conseil de prud'hommes de Bobigny section encadrement RG n° 07/00605





APPELANT



M. [R] [N]

[Adresse 2]

[Localité 8]

comparant en personne, assisté de M. [H] [T] (délégué

syndical ouvrier)







INTIMÉES



SARL FRANPRIX SESAM

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Caroline LEVY-TERDJMAN, avocat au barreau de PARIS,

toque : P 416



SYNDICAT DÉPARTEMENT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 30 juin 2010

(n° 4 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08476

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 février 2008 par le conseil de prud'hommes de Bobigny section encadrement RG n° 07/00605

APPELANT

M. [R] [N]

[Adresse 2]

[Localité 8]

comparant en personne, assisté de M. [H] [T] (délégué syndical ouvrier)

INTIMÉES

SARL FRANPRIX SESAM

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Caroline LEVY-TERDJMAN, avocat au barreau de PARIS,

toque : P 416

SYNDICAT DÉPARTEMENTAL CFE CGC DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par M. [H] [T] (délégué syndical ouvrier)

PARTIE INTERVENANTE :

SA COGEFISD

[Adresse 4]

[Localité 5],

ni comparante, ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement formé par M. [N] du jugement rendu le 06 février 2008 par le conseil de prud'hommes de Bobigny - section encadrement - qui l'a débouté de ses demandes contre la société Franprix Sesam,

Vu les conclusions du 24 février 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. [N] qui demande à la cour, par réformation du jugement entrepris, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de condamner solidairement la société Franprix Sesam et la société Cogefisd à lui payer les sommes suivantes portant intérêts capitalisables :

- 74 800,28 € à titre de compléments de salaire du 1er septembre 2004 au 15 juin 2007,

- 7 480,03 € au titre des congés payés incidents,

- 8 339,25 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 833,92 € à titre des congés payés incidents,

- 16 678,50 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 20 117,57 euros à titre de repos compensateur,

- 2 011,73 euros au titre des congés payés incidents,

- 22 238 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 159,97 € à titre de complément de salaire du 15 juin au 30 novembre 2007,

- 316 € au titre des congés payés incidents,

- 2 711,55 € à titre de complément de salaire du 1er janvier 2007 au 08 août 2008,

- 271,16 € au titre des congés payés incidents,

- 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour obstruction à la prise de congés payés et R.T.T.

- 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour manoeuvres frauduleuses,

- 1 500 € à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et d'établir des bulletins de paie conformes,

Vu les conclusions du 24 février 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de l'Union Départementale CFE-CGC 93, aux fins de condamnation in solidum de la société Sesam et de la Cogefisd à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et celle de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 24 février 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de la société Franprix Sesam, aux fins de confirmation du jugement déféré et de condamnation de M. [N] au paiement de la somme de 2 500 pour accusations calomnieuses et celle de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejet des prétentions nouvelles de M. [N] à l'encontre de la société Cogefisd,

Vu les notes adressées sur autorisation de la cour pendant son délibéré par les conseils des parties respectivement les 5 et 11 mars 2010 sur l'intervention forcée en cause d'appel de la société Cogefisd par M. [N].

Les faits

M. [N] a été engagé le 02 avril 2002 par la société Sesam, représentée par un chef de magasin, Mme [P], en qualité d'adjoint au directeur de magasin, Niveau V de la convention collective nationale des commerces de détail des fruits et légumes, épicerie, produits laitiers.

Il devait percevoir une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 1 676,94 € pour un horaire maximum de 177,66 heures par mois.

Par avenant en date du 1er septembre 2004, M. [N] était promu aux fonctions de directeur de magasin, niveau conventionnel N 7 statut cadre. Sa durée de travail était fixée selon un forfait 'limité' à 218 jours par an.

La durée maximale journalière était fixée à 10 heures de travail effectif et 'en cas de surcharge' au maximum de 12 heures.

M. [N] devait percevoir un salaire brut forfaitaire mensuel de 2 286,74 euros, une prime de fin d'année égale à un salaire de base mensuel, proratisée selon les absences du salarié, une prime sur augmentation du chiffre d'affaires versée dès l'établissement du bilan à taux variable par seuil de chiffre d'affaires, une prime variable de démarque à partir d'un taux de démarque inférieur à 0,50%.

Une clause de mobilité était contractuellement définie, M. [N] devant exercer en premier lieu ses fonctions de directeur du magasin à l'enseigne Franprix de Saint-Ouen.

Le même jour, M. [N] acceptait la délégation de pouvoir confiée par la société Sesam pour le recrutement et la direction du personnel du magasin, la gestion de l'établissement, l'hygiène et la sécurité des locaux. M. [N] était placé sous l'autorité d'un superviseur M. [U].

°

° °

Le 03 août 2006, la société Sesam notifiait à M. [N] une mise en garde au motif d'une absence et de son remplacement par seulement un employé libre service.

M. [N] protestait par lettre du 20 août 2006 en indiquant s'être absenté que quelques instants avant 09 heures.

Il signalait qu'il travaillait 6 jours sur 7 de 7h30 le matin à 20 heures, voire au-delà le soir, sans pause déjeuner ni coupure, qu'il devait être présent tous les jours, personne ne pouvant le remplacer malgré les clauses de son contrat de travail prévoyant la collaboration d'un adjoint. Il demandait à ce que celui-ci soit nommé dès son retour d'arrêt maladie.

Le 18 septembre 2006 M. [N] demandait un congé parental à partir du 16 octobre, de 11 jours associé à une semaine de congés payés du 9 au 13 octobre. Par lettre du

28 septembre 2006, la société SESAM lui refusait sa semaine de congés payés.

Par courrier du 6 novembre 2006 il rappelait travailler toujours seul, sans adjoint et ouvrir et fermer le magasin alors qu'il ne devait assurer que l'ouverture ou la fermeture. Il annonçait que commençant son travail à 7h30 il quitterait désormais le magasin à 17h30 à charge pour l'employeur de trouver un remplaçant.

N'ayant pas eu de réponse à une demande d'entretien et des congés lui ayant été à nouveau refusés, M. [N] saisissait le 5 février 2007 le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Bobigny, aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement d'indemnités compensatrices de salaires au titre du nombre de jours et heures travaillés.

Par courrier du 20 février 2007 la société SESAM donnait son accord pour que

M. [N] solde 44 jours ouvrés de congés payés à la suite de 20 jours de repos compensateurs que le salarié refusait de prendre sur le champ.

A l'audience du bureau de conciliation du 7 mars 2007, il sollicitait la remise de feuilles de caisse du magasin du 1er septembre 2004 jusqu'à la date de l'audience.

Par courrier du 25 juin 2007, le contrôleur du travail qui contrôlait l'entreprise depuis juillet 2006, n'ayant pu consulter sur place le 13 juin précédent, le ' récapitulatif 2006" des jours de travail de M. [N], le réclamait à la société SESAM ainsi que celui des années 2004 et 2005.

Il constatait en outre l'absence d'adjoint à M. [N] bien qu'une telle collaboration soit prévue dans son contrat de travail.

Un adjoint devait être embauché le 14 juin 2007 au lendemain de sa visite de contrôle.

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Le 27 février 2008, le médecin du travail déclarait M. [N] 'apte avec restrictions, pas de port de charges, pas d'heures supplémentaires, pas de caisses. 'Le 10 juin 2008 il concluait à une 'inaptitude à tous postes dans l'entreprise' en prévoyant une seconde visite pour le 25 juin. Le 25 juin le médecin du travail confirmait l'inaptitude de M. [N] à tous postes dans l'entreprise.

Par lettre du 3 juillet 2008, la société SESAM convoquait M. [N] à un entretien préalable fixé au 15 juillet en vue de son licenciement et par lettre du 9 juillet 2008 lui proposait un poste de surveillance et de vigile, une formation FONGECIF, un poste d'aide comptable.

Par lettre du 25 juillet 2008, M. [N] refusait ces postes de reclassement.

M. [N] était licencié par lettre du 6 août 2008 pour inaptitude à tous postes dans l'entreprise et refus de propositions de reclassement.

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Le 23 mars 2009 M. [N] mettait en cause devant la cour d'appel la société COGEFISD.

SUR QUOI

Sur l'intervention forcée de la société Cogefisd en cause d'appel

Attendu que l'article R.1452-7 du code du travail dispose que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel et que l'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée ;

Que cependant ces dispositions n'excluent pas l'application de celles de l'article 555 du code de procédure civile quant à la recevabilité de l'intervention forcée en cause d'appel ; qu'est donc irrecevable une telle intervention en l'absence d'évolution du litige ;

Attendu que pour s'opposer à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de tentative de conciliation au bénéfice de la société Cogefisd et de l'unicité de l'instance qui ne concerne que les mêmes parties, M. [N] fait valoir avoir eu connaissance du rôle de la société Cogefisd que par la communication le 2 mars 2009, postérieurement au jugement, d'un constat d'huissier établi les 13 et 15 février 2009 à la requête de cette société et de la Sesam, consignant le fait qu'elle reconnaissait exploiter un fonds de commerce à l'enseigne Franprix sous la dénomination Sesam à [Localité 9] et que le directeur du magasin,

M. [N], faisant valoir ne jamais prendre jamais de repos, elle requierait en conséquence de l'huissier de justice qu'il se rende sur place afin de procéder à ce sujet à toutes constatations utiles ;

Qu'un tel élément dont la nouveauté est confortée par la communication des pièces entre les parties, démontre l'évolution du litige postérieurement au rendu du jugement,

M. [N] se prévalant désormais d'un co-emploi ;

Que l'intervention forcée de la société COGEFISD est recevable ;

Sur le moyen tiré d'un co-emploi

Attendu que pour caractériser un co-emploi de la société Sesam et de la société Cogefisd à son égard, M. [N] expose que M. [U], son supérieur, était salarié de Cogefisd et décidait des congés de son adjoint, des remplacements, que les contrats de travail étaient établis par la société Cogefisd, que le superviseur ayant mené son entretien préalable,

M. [I], était rattaché à cette société, que Mme [X], responsable du personnel de la paie et des plannings était salariée de la société Cogefisd, que M. [U] et

Mme [X] disposaient du pouvoir disciplinaire, que l'engagement de son adjoint a été effectué par Mme [X], que sa mise en garde du 3 août 2006 a été signée par celle-ci, que M [U] a rempli ses relevés d'activité, employé dans une attestation du 11 janvier 2008 la pronom 'nous' pour parler de Sesam, ce qui implique l'emprise de la société-mère sur sa société opérationnelle, s'est présenté comme le représentant de Sesam auprès de l'inspection du travail le 10 mai 2007, que M. [F], président du conseil d'administration de la société Sesam, est président du directoire de la Cogefisd ; que la société mère intervenait directement dans la gestion du lien de subordination par l'intermédiaire de

M. [U], disposait en réalité de l'autorité et contrôlait la bonne marche de l'affaire ;

Mais attendu que seule la société Sesam a contracté avec M. [N], que toutes les correspondances et courriels y compris ceux de M. [U] ou de Mme [X] sont à l'en-tête de Sesam, que M. [N] était rémunéré par cette dernière ;

Qu'aucun travail au bénéfice de la société Cogefisd, encore moins un travail subordonné, ne sont démontrés, ni même évoqués dans les pièces produites ;

Que la circonstance que les supérieurs ou la responsable des paies et des plannings soient rattachés ou salariés de la société-mère ne révèle qu'une gestion centralisée de personnel de ses filiales mais non un lien de subordination ; que la réalité d'un co-emploi n'est pas démontrée ;

Que la mise en cause de la société Cogefisd n'est pas fondée ;

Sur la demande de résiliation judiciaire

Attendu que M. [N] ayant saisi le 5 février 2007 la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquements graves de l'employeur à ses obligations, cette demande doit être examinée, avec toutes conséquences de droit, nonobstant le licenciement qui lui a été notifié ultérieurement ;

Attendu qu'aux termes de l'avenant en date du 1er septembre 2004 portant promotion de

M. [N] aux fonctions de directeur de magasin et assorti d'une délégation de pouvoir, ce salarié était en charge notamment de la gestion des produits, l'accueil de la clientèle, la mise en valeur des produits, les opérations de promotion, du service après-vente, des litiges, de la tenue générale du magasin, du bon service des caisses, de l'embauche du personnel et déclaration à ce titre, l'animation du personnel, le respect de la législation du travail, de la gestion financière, résultats financiers et budget prévisionnel, de la gestion administrative, l'étiquetage, le suivi du chiffre d'affaires et des marges, de la gestion de la trésorerie, de l'établissement des caisses centrales journalières, du coffre, des livraisons et du paiement comptant des marchandises, de la responsabilité du véhicule pour la livraison en clientèle, de la sécurité du magasin, de la sécurité du travail, de la sécurité vis-à-vis de la clientèle, de la procédure des annulations en caisse, de la déclaration des sinistres, de toute responsabilité en cas de contrôle des services de l'hygiène et de l'inspection du travail ;

Que le contrat de travail de M. [N] prévoit qu'il devait être présent lors des inventaires, qu'il pouvait avoir à effectuer des prestations de surveillance dans d'autres magasins Franprix-Leader price, à assister aux inventaires, qu'il devait dans son magasin obtenir un taux de démarque inférieur à 0,50% en prenant toutes mesures contre le vol, la perte de produits frais, la défaillance de commandes par le personnel placé sous ses ordres, et prendre toutes sanctions ;

Que pour accomplir sa mission, il était reconnu à M. [N] qu'il disposait de 'toute latitude dans l'organisation de l'emploi du temps de son adjoint et de lui-même, [devait] répartir l'amplitude de la journée d'ouverture au public entre lui-même et son adjoint de sorte qu'un des deux responsables soit toujours présent à l'ouverture et la fermeture du magasin, [étant entendu] qu'en cas d'absence de l'un des deux responsables, le mandataire social assurerait la fermeture ou l'ouverture par rotation avec le responsable gérant' ;

Que sa durée de travail était 'limitée' à 218 jours de travail par an, sa journée de travail à 10 heures et en cas de surcharge 12 heures, le dépassement de la durée annuelle se réglant par l'attribution de repos l'année suivante dans les termes de la convention collective précitée, et pour les repos quotidiens et hebdomadaires selon les dispositions du code du travail, que 'les jours de repos générés par la réduction du temps de travail, soit 10 jours RTT [devaient être] pris d'un commun accord par journée, ou demi-journée compte-tenu des impératifs propres à l'entreprise' ;

Qu'il s'évince de ces dispositions, d'une part que M. [N] avait en charge l'entière gestion du magasin, notamment avec engagement de sa responsabilité personnelle du fait de la délégation de pouvoir signée dans le même temps, et d'autre part, qu'il devait accomplir l'ensemble de ses missions selon un forfait annuel de 218 jours mais avoir le concours d'un adjoint ;

Or attendu que dès le 20 août 2006, en protestation à une mise en garde du 9 août précédent de l'entreprise au motif de son remplacement un temps le 3 août à l'ouverture du magasin par un employé libre service, M. [N] a signalé qu'il n'avait pas d'adjoint et devait travailler 6 jours sur 7 de 7h30 le matin à 20 heures, voire au-delà, que personne ne pouvant le remplacer il devait toujours être présent et a demandé à ce qu'un adjoint soit nommé ;

que par lettre du 6 novembre 2006 il devait rappeler qu'il travaillait toujours seul, indiquait qu'il assurait l'ouverture et la fermeture du magasin ;

Qu'il s'évince également des correspondances fournies aux débats que la société SESAM devait lui refuser tout accommodement sur ses congés après un congé parental, un congé d'une journée, des congés de fin d'année, alors que pourtant postérieurement, après la saisine de la juridiction prud'homale induite par un défaut de réponse à une demande d'entretien et un nouveau refus de congé, elle devait lui reconnaître un solde de congés payés de 44 jours ouvrés et 20 jours de repos compensateur et lui imposer de les prendre immédiatement ;

Qu'en cours d'exécution de son contrat de travail, M. [N] devait se plaindre de son niveau de rémunération et se heurter après la saisine du Conseil de prud'hommes au refus de la société SESAM de lui communiquer les feuilles de caisse du magasin qui devait lui permettre de dénombrer ses heures de travail effectif ,

Qu'un adjoint ne devait être affecté au magasin que dirigeait M. [N] depuis le

1er septembre 2004 que le 25 juin 2007, en cours de procédure prud'homale, et après intervention réitérée du contrôleur du travail ;

Que M. [N] produit des attestations de salariés, notamment de caissiers, venant confirmer qu'il travaillait seul sans adjoint jusqu'à mi juin 2007, que M. [U] ne venait jamais travailler au magasin, qu'il passait au maximum une fois par mois, une demi-heure pour inspecter (attestations Mmes, MM. [Y], [V], [D], [Z], [A], [W], [K]) ; qu'il produit également des attestations de clients sur le fait qu'il dirigeait seul le magasin ;

Attendu que pour combattre la demande de résiliation judiciaire fondée sur ces éléments, la société Sesam se retranche derrière le forfait contractuel souscrit par M. [N] et les dispositions conventionnelles qui l'autorise à hauteur de 217 jours par an avec possibilité de dépassement, comme prévu dans l'avenant au contrat de travail, et les limites conventionnelles sur la durée journalière de travail ;

Qu'elle soutient que M. [N] n'était pas tenu à une présence constante et pouvait déléguer, que M. [U], son superviseur, ou même le représentant légal de la société,

M. [F], le remplaçait pour l'ouverture ou la fermeture du magasin, qu'il a été régulièrement secondé par un autre salarié responsable ou des adjoints de magasins proches, que sa délégation de pouvoir lui permettait de recruter un adjoint, qu'il ne travaillait pas les dimanches et mercredis, qu'il était remplacé lors de ses congés payés et R.T.T. ;

Qu'elle se prévaut d'une attestation de M. [U] pour démontrer ces éléments, d'états récapitulatifs de présence signés par lui et son superviseur, d'un bulletin de paie de décembre 2006 récapitulatif de jours travaillés sur lequel figure 195 jours travaillés au lieu de 218 ; qu'elle vient dire qu'il a été rempli de tous ses droits en 2007 ; qu'elle se prévaut également d'un contrat de travail à durée déterminée d'un caissier, M. [B], à compter du 05 mars 2008 ;

Attendu que la seule évocation des dispositions contractuelles et conventionnelles ne constitue pas la preuve qu'elles aient été respectées ;

Que les attestations que produit la société Sesam ont pour auteur le dirigeant de l'entreprise, M. [F], et les superviseurs successifs de M. [N] MM. [U] et [I] ; qu'au regard de ka position de l'entreprise de ces personnes, la sincérité de ces attestations n'est pas démontrée ; que surtout M. [F] se contente de souligner que les tableaux récapitulatifs de la durée de travail de M. [N] années 2004, 2005 ont été signées par lui ;

Que cependant M. [N] a refusé ensuite de signer de nouveaux récapitulatifs au motif précisément du caractère erroné des précédents et de ceux qui lui étaient à nouveau présentés ;

Que M. [U] se contente d'alléguer qu'il assurait l'ouverture ou la fermeture du magasin mais sans précision de date, que M. [N] pouvait se faire remplacer, qu'il avait une totale latitude et autonomie dans le magasin, qu'il bénéficiait de remplacements des salariés absents pour de longues périodes ;

Que M. [I] se contente pour sa part d'alléguer que lorsque M. [N] n'avait pas adjoint en interne il bénéficiait de manière régulière d'une rotation pour assurer l'amplitude, l'inventaire et la fermeture du magasin, sans autre précision ;

Qu'aucun planning de roulement et de jours de remplacement de M. [N] ne vient cependant corroborer ces affirmations ;

Qu'aucun élément notamment n'établit qu'il ne travaillait pas le mercredi et était remplacé;

Que la société Sesam ne démontre que des remplacements ponctuels de caissiers à compter de la fin 2007 ;

Attendu en conséquence, que la preuve est rapportée par les courriers de la société Sesam, les courriers de protestation successifs de M. [N], les courriers du contrôleur du travail, les attestations du contrôleur du travail, les attestations de salariés et de clients, la chronologie des faits, que M. [N] a été laissé seul sans adjoint pour diriger et gérer le magasin où il était affecté, que la société Sesam a nié à plusieurs reprises ses droits à congé et n'a changé de stratégie qu'après la saisine de la juridiction prud'homale mais tout en se gardant ensuite de déterminer les horaires effectivement accomplis par M. [N], horaire excédant nécessairement le forfait contractuel et la durée conventionnelle quotidienne de travail compte tenu des horaires d'ouverture du magasin, des tâches de gestion à accomplir après sa fermeture, des conditions de travail, de défaut de remplacement du salarié ;

Que ces manquements graves, répétés et persistants de la société Sesam à ses obligations contractuelles, conventionnelles et légales fondent la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] aux torts de l'employeur ;

Que cette résiliation judiciaire produit les effets d'une licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du licenciement de M. [N] le 06 août 2008, avec toutes conséquences de droit ;

Sur les demandes au titre du dépassement du forfait annuel de jours travaillés, de la durée quotidienne de travail, des droits à repos,

Attendu que l'ensemble des éléments ci-dessus décrits démontrent que le forfait contractuel de jours travaillés comme la durée quotidienne et hebdomadaire de travail auxquels était soumis M. [N] ont été constamment dépassés du fait, notamment, de l'absence de nomination d'un adjoint jusqu'en juin 2007, de personnel pour assurer l'ouverture ou la fermeture du magasin et la négation de ses droits à congé ;

Qu'il est avéré que l'organisation de son travail dans ces conditions l'ont conduit à une présence continue du matin au soir, six jours par semaine sur sept ; que ce n'est qu'à compter de novembre 2006 qu'il décidait de ne plus partir le soir après 10 heures de travail ;

Que l'impossibilité de s'absenter et même le refus de la société qu'il s'absente quelques temps implique qu'il n'avait aucune liberté d'horaire ;

Que compte tenu des conditions de travail imposées, les tableaux récapitulatifs de jours travaillés des années 2004 et 2005 même signés n'emporte aucune conviction sur leur pertinence et le respect des horaires et jours de travail contractuels ;

Que la cour a au contraire la conviction que jusqu'à la nomination d'un adjoint venant le seconder, M. [N] travaillait jusqu'à 12 heures par jour et jusqu'à 282,5 jours par an (année 2005) au lieu de 218 ;

Qu'il doit être fait droit à ses demandes de rappels de salaires, ses calculs, compte tenu d'un horaire de 07h30 - 20h par jour, six jours par semaine sur ses périodes travaillées, étant effectués de manière précise avant et après la date d'embauche d'un adjoint, sur la base des taux horaires de travail applicables au niveau 7 selon avenants conventionnels annuels ; dont majoration pour heures supplémentaires ;

Que ces calculs démontrent qu'il est dû à M. [N] la somme de 74 800,28 € à titre de solde de salaire, pour la période du 1er septembre 2004 au 15 juin 2007 outre l'incidence des congés payés selon la règle du dixième et ses repos compensateurs à hauteur de 20 117,57 €, outre l'incidence des congés payés ;

Attendu que doit être ordonné l'établissement par la société Sesam de bulletins de paie conformes aux dispositions qui précèdent ;

Attendu au contraire, qu'au titre des périodes de travail du 16 juin 2007 au 08 août 2008, aucun élément n'emporte la conviction d'un travail par M. [N] six jours par semaine au lieu de cinq et d'un dépassement de son forfait contractuel ;

Qu'en effet sur cette période M. [N] était secondé par un adjoint et au cours de l'année 2007 s'est absenté pour maladie et a rattrapé un grand nombre de jours de congés ;

Sur le travail dissimulé

Attendu que le fait de maintenir, malgré ses réclamations, M. [N] dans la situation de surcharge de travail et d'excès de temps de travail sur une longue période démontre que non seulement la société Sesam n'a pas entendu rémunérer M. [N] pour son entier travail mais également n'a pas voulu déclarer des salaires comme elle aurait dû le faire en embauchant un adjoint ;

Que l'indemnité pour travail dissimulé, le contrat étant en application de l'article L.8221.5 du code du travail rompu, est due ; que calculé à hauteur de six mois de salaire elle est justifié en son montant ;

Attendu que le non respect, du repos hebdomadaire légal a occasionné sur une si longue période un grave préjudice à M. [N] qui justifie d'une indemnisation de 1 500 € ;

Attendu que le refus de congés à plusieurs reprises puis l'obligation de prendre ses congés en milieu d'année malgré les souhaits du salarié, en charge de famille, lui ont occasionné un préjudice dont l'indemnisation doit être fixée à 1 500 € ;

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire

Attendu que M. [N] a droit, celle-ci étant imputable à l'employeur, de percevoir son indemnité compensatrice de préavis nonobstant son licenciement pour inaptitude, soit à hauteur de 8 339,25 € représentant trois mois de salaire, outre l'incidence des congés payés selon la règle du dixième ;

Que du fait de la perte de son emploi, M. [N] a subi notamment un préjudice de carrière, un préjudice financier dont il justifie et un préjudice moral, qui doivent être réparé au regard des éléments que la cour trouve en la cause par l'allocation de la somme de 20 000 € ;

Attendu que M. [N] qui a dû travailler un nombre excessif d'heures chaque jour et de jours en semaine et au cours des années et qui a fait l'objet par suite d'une décision d'inaptitude démontre le manquement de la société Sesam à son obligation de sécurité et ses conséquences sur la santé du salarié et de son préjudice à ce titre ; que la somme complémentaire de 3 000 € doit lui être allouée en réparation au regard des éléments médicaux dont il est fait état,

Sur les demandes au titre des pièces produites par l'intimé

Attendu sur les dommages et intérêts pour manoeuvres frauduleuses, que les attestations et pièces de la société Sesam ainsi qualifiées par l'appelant, en fait tendancieuses, ont été soumise au contradictoire ; que M. [N] ne justifie donc d'aucun préjudice ;

Sur les intérêts légaux

Attendu que les intérêts légaux produisent conformément à la demande , les mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu pour l'ensemble des motifs qui précèdent qu'aucun abus ne peut être reproché à M. [N] ;

Sur l'intervention syndicale

Attendu que les conditions de travail illicites imposées à M. [N] pendant de nombreux mois, le travail dissimulé constaté, les manquements par la société Sesam à ses obligations conventionnelles ont occasionné à un préjudice direct important aux intérêts collectifs de la profession de directeur de magasin ; que l'Union Départementale CFE-CGC Ile Saint-Denis est recevable en son intervention volontaire, conformément à l'article L.2132.2 du code du travail ;

Qu'une somme de 3 000 € doit lui être allouée à ce titre au syndicat au regard des éléments de préjudice que révèle la procédure ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention forcée en cause d'appel de la société Cogefisd,

Déboute M. [N] de ses demandes à l'encontre de cette société,

Réformant le jugement déféré,

Condamne la société Franprix Sesam à payer, avec intérêts de droit à M. [N] les sommes suivantes :

- 74 800,28 € à titre de solde de salaires sur la période du 1er septembre 2004 au 15 juin 2007,

- 7 480 € au titre de l'incidence des congés payés,

- 16 678,50 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 20 117,37 € à titre de repos compensateurs,

- 2011,37 € à titre de congés payés incidents,

- 1 500 € au titre du refus de prises de congés et R.T.T.

- 1 500 € pour non respect du repos hebdomadaire,

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à sa santé,

Ordonne la remise par la société Franprix Sesam à M. [N] de bulletins de paie conformes au présent arrêt,

Prononce le résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] à la date du 06 août 2008 aux torts de la société Franprix Sesam,

Condamne la société Sesam à payer à ce titre à M. [N], avec intérêts de droit, les sommes suivantes :

- 8 339,25 € à titre d'indemnité de préavis,

- 833,92 € au titre des congés payés incidents,

- 20 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les intérêts de droit porteront les mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Déboute M. [N] de ses demandes en paiement de complément de salaires et congés payés incidents pour les périodes du 15 juin au 30 novembre 2007 et 1er janvier au 08 août 2008,

Le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour manoeuvre frauduleuses,

Déclare recevable l'intervention volontaire de l'Union Locale CFC-CGC-93,

Condamne la société Franprix Sesam à payer à celle-ci la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts collectifs de la progression,

Rejette la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ;

Condamne la société Franprix Sesam aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. [N] la somme de 1 500 € et à l'Union Locale CFC-CGC 93 celle de 300 €.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/08476
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/08476 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;09.08476 ?
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