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30/06/2010 | FRANCE | N°09/05707

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 30 juin 2010, 09/05707


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 30 juin 2010



(n° 3 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05707



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 février 2009 par le conseil de prud'hommes de Créteil section commerce RG n° 07/01473





APPELANTE



M. [F] [C] et Mme [F]-[W] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparants en personne, assistés d

e Me Claudine BOUYER FROMENTIN, avocate au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : PN471





INTIMÉES



Mlle [Y] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Houria AMARI, avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 30 juin 2010

(n° 3 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05707

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 février 2009 par le conseil de prud'hommes de Créteil section commerce RG n° 07/01473

APPELANTE

M. [F] [C] et Mme [F]-[W] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparants en personne, assistés de Me Claudine BOUYER FROMENTIN, avocate au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : PN471

INTIMÉES

Mlle [Y] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB103

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Yann BOISADAM, avocat au barreau de LYON, toque : 8

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 mars 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur les appels régulièrement formés par M. et Mme [F] du jugement rendu le 25 février 2009 par le Conseil de prud'hommes de Créteil - section commerce - qui constatant un lien de subordination exclusif entre eux et Mlle [O], a mis hors de cause la société Distribution Casino France dans le litige concernant celle-ci, rejeté la demande de jonction de l'instance avec celle les opposant à cette société et les a condamnés à payer à Mlle [O] les sommes de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 555.60 euros à titre de prime de treizième mois prorata temporis pour l'année 2007, rejeté le surplus des prétentions de Mme [O],

Vu les conclusions du 2 mars 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. et Mme [F], qui demandent à la cour, infirmant le jugement entrepris, de joindre la présente instance à celle les opposant à la société Distribution Casino France, de les mettre hors de cause n'ayant eu eux-mêmes qu'un lien hiérarchique à l'égard de

Mlle [O] sans être ses employeurs ; subsidiairement, rejeter les demandes de

Mlle [O],

Vu les conclusions du 2 mars 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de Mlle [O] qui demande à la cour infirmant le jugement déféré, de déclarer nul son licenciement par M. et Mme [F] - subsidiairement sans cause réelle et sérieuse - et condamner à titre principal M. et Mme [F] - subsidiairement la SAS Distribution Casino France - à lui payer les sommes de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, 834 euros à titre de solde de prime de treizième mois 2007, ainsi que celle de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement pour le surplus,

Vu les conclusions du 11 janvier 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de la société Distribution Casino France, qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en disant irrecevable sa mise en cause, rejeter la demande de jonction présentée, condamner M. et Mme [F] à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les notes en délibéré adressées le 16 et 22 mars 2010 par la société Distribution Casino France et le 18 mars par M. et Mme [F], sur la qualité d'employeur de droit de la société Distribution Casino France dont il a été débattu à l'audience,

Les faits

Mlle [O] était engagée le 5 septembre 2004 par la société Grandbel exploitant sous l'enseigne G20 supermarché, en qualité de caissière, employée libre-service, groupe N1A, coefficient 100, annexe employés de la convention collective nationale du commerce de détail - fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, moyennant une rémunération mensuelle brute pour 130 heures de travail de 989.30 euros. Elle était affectée au magasin de l'entreprise à [Localité 5]. A compter du 18 janvier 2006 son contrat de travail était transféré à la société Métropolis Distribution. Elle était alors affectée à la supérette de l'entreprise à [Localité 4], avec une rémunération mensuelle brute de 1.492.44 euros pour 190.67 heures. La société Distribution Casino France ayant racheté le 20 novembre 2006 le fonds de commerce où travaillait Mlle [O], de nouveaux gérants en la personne de M. et Mme [F] y étaient affectés. Ceux-ci en informaient Mlle [O] par lettre du même jour se référant à l'article L122-12 alinéa 2 du code du travail.

Par lettre datée du 29 novembre 2006 mais postée le 27 décembre Mlle [O] se plaignait de ne plus recevoir d'acomptes, de ne plus recevoir sa prime de fin d'année en décembre et de ne plus faire que de la manutention alors qu'elle était avant tout caissière. Elle réclamait d'être traitée comme sa collègue caissière qui, elle, ne faisait jamais de manutention. Par lettre en réponse M. et Mme [F] indiquaient à Mlle [O] ne pas lui avoir refusé sa prime de treizième mois mais lui avoir demandé d'attendre et rappelaient que la salariée avait la qualification d'employée libre-service mais non de caissière.

Le 6 janvier 2007, Mlle [O] faisait valoir par lettre assortie d'un avis médical être à la fois caissière et employée libre service, ne pouvoir faire de la manutention étant invalide, et contestait une accusation de vol à l'étalage.

Par lettre du 8 janvier 2007, M. et Mme [F] faisaient grief à Mlle [O] de son manque de respect à leur égard, ayant notamment le dimanche 7 janvier élevé la voix contre Mme [F], de plaintes auprès de la clientèle, de dénigrement et lui notifiaient un avertissement, que Mlle [O] contestait par lettre en réponse.

Le 17 janvier 2007 le médecin du travail déclarait Mlle [O] 'apte' mais avec affectation exclusive au poste de caissière 'suite au courrier de son médecin traitant'. Par lettre du

27 janvier 2007 M. [F] demandait à Mlle [O] de rester chez elle jusqu'à sa prochaine visite du médecin du travail.

Le 7 février 2007 le médecin du travail la déclarait 'apte au poste caisse' en précisant 'rangement pas toute la journée', une visite devant être organisée 'dans douze mois'.

Par lettre du 8 février 2007 M. et Mme [F] demandaient à Mlle [O] de rester chez elle jusqu'à une prochaine visite médicale.

Par avis du 29 mars 2007, le médecin du travail déclarait Mlle [O] apte au poste de caissière en prévoyant de la revoir 'dans un an'. Mlle [O] écrivait alors qu'ayant été suite à cette visite médicale priée de rester chez elle, elle attendait l'appel de

Mme [F].

Le 7 avril 2007, M. et Mme [F] convoquaient Mlle [O] à un entretien préalable à son licenciement fixé au 17 avril suivant.

Mlle [O] était licenciée avec dispense d'exécution de son préavis par lettre du 24 avril 2007, aux motifs suivants :

'Nous vous (avons) rappelé ... que votre contrat prévoit une polyvalence dans les tâches qui vous sont confiées, ce qui pouvait nous amener à vous affecter au poste caisse, au poste manutention et à l'entretien et au rangement du point de vente et des réserves (comme cela est d'ailleurs prévu par la convention collective). Vous avez à plusieurs reprises exprimé votre demande de ne pas être affectée uniquement au poste de manutention et de tenir le poste caisse comme cela avait été avec vos employeurs précédents ; vous nous avez également informés par votre courrier du 8 janvier 2007 (accompagné d'un avis confortant ces faits signés de votre médecin du travail) de vos problèmes de santé qui ne vous permettaient pas de faire de la manutention.

Vous nous avez communiqué une fiche de visite effectuée à votre initiative auprès de la médecine du travail le 17 janvier 2007 qui indiquait que vous deviez oeuvrer uniquement au poste de caissière.

Nous vous avons fait effectuer une autre visite à la médecine du travail le 8 février 2007 qui cette fois indiquait que vous ne pouviez effectuer la fonction de manutentionnaire sur une journée complète.

Une autre visite à la médecine du travail a été effectuée à notre demande le 29 mars 2007 qui a confirmé que vous étiez apte pour le poste de caissière uniquement. Ces différentes visites ont eu pour conséquence la décision que nous avons prise de vous dispenser d'activité tout en maintenant votre rémunération et en restant à notre disposition depuis le 8 février 2007 afin de préserver votre santé.

Nous vous avons rappelé au cours de l'entretien que nous attachions une importance particulière aux relations directes avec la clientèle et que cela passait par notre présence en caisse en tant que responsables du point de vente. Nous vous avons également rappelé que nous assumions la responsabilité du point de vente et du personnel présent en magasin et que ce dernier travaillait sous notre autorité. Il nous appartient donc d'organiser le travail dans l'intérêt de notre clientèle. Nous souhaitons donc maintenir notre organisation actuelle.

Les divergences apparues entre nous quant à l'organisation du travail ont généré des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du point de vente et à la satisfaction de notre clientèle. Au cours de l'entretien vous avez maintenu votre position. Nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse'.

M. [F] établissait les documents de rupture.

Constestant son licenciement Mlle [O] saisissait le 17 juillet 2007 le Conseil de prud'hommes de Créteil, lequel prononçait le jugement dont appel.

SUR QUOI,

Attendu sur la demande de jonction des procédures, que les circonstances opposant M. et Mme [F] à la société Distribution Casino France procèdent de la requalification du contrat de gérance qui les liait à celle-ci ; que si cette requalification a une incidence sur la solution du présent litige, il n'y a pas lieu de joindre les procédures d'appel, Mlle [O] étant tiers à ce contrat dont la requalification constitue exclusivement un fait juridique à son égard ;

Attendu que les documents produits aux débats démontrent que M. et Mme [F] se sont comportés comme des employeurs à l'égard de Mme [O] ;

Mais attendu que c'est à tort que M. et Mme [F], qui ne travaillaient pas auparavant dans le magasin de [Localité 4] où était affectée Mlle [O], se sont considérés comme tels sur le fondement de l'article L.122.12 du code du travail en adressant le 20 novembre 2006, date de leur prise de fonction dans cette succursale, un courrier informant la salariée du transfert à leur égard de son contrat de travail ; que ce transfert était cependant intervenu auparavant par l'effet de la loi au seul bénéfice de la société Distribution Casino France, laquelle avait acquis le fonds de commerce de la société Metropolis Distribution ;

que la société Distribution Casino France était en conséquence l'employeur de droit de

Mlle [O] lorsque M. et Mme [F] ont adressé à celle-ci ce courrier sans juste fondement ;

Et attendu que les époux [F] avaient la qualité de salariés de la société Distribution Casino France comme jugé à ce jour, au regard du lien de subordination tant économique que juridique, dans lequel ils se trouvaient à la date du 20 novembre 2006 à l'égard de cette société, et n'étaient donc que les représentants de cet employeur de droit ;

qu'il est avéré selon notamment une attestation d'un agent de service, Mme [R], que

M. et Mme [F] étaient conduits à agir à l'égard de Mlle [O] par M. [P] était directeur des ressources humaines de la société Distribution Casino France ; que par suite celle-ci est seule responsable de la façon dont s'est exécuté après transfert le contrat de travail de Mlle [O] comme des conditions de sa rupture ; que sa mise en cause est recevable ;

que M. et Mme [F] doivent être au contraire mis hors de cause ;

Attendu qu'il s'évince des pièces versées et des débats que le litige entre Mlle [O] et les représentants de la société Distribution Casino France, M. et Mme [F], procède de ses protestations sur le fait qu'elle n'exerçait plus les fonctions de caissière et qu'elle protestait, étant invalide, sur le travail de manutention qui lui était imposé désormais ;

que dans son avis du 17 janvier 2007, le médecin du travail a déclaré apte Mlle [O] mais en préconisant de la mettre exclusivement sur le poste de caissière ; que dès le 27 janvier 2007, les représentants de la société Distribution Casino France la priait de rester à son domicile et de même après l'avis du médecin du travail du 7 février 2007 la déclarant apte au poste de caissière avec 'rangement pas toute la journée' ; que la procédure de licenciement était engagée le 7 avril 2007 après que le médecin du travail le 29 mars 2007 l'ait déclarée apte au poste de caissière ;

qu'au regard de ces éléments, la cause de la rupture apparaît bien être l'état de santé de Mlle [O] qui ne pouvait effectuer de la manutention de manière constante alors qu'elle était apte au poste de caissière répondant à sa qualification contractuelle et du refus des représentants de la société Distribution Casino France de satisfaire aux préconisation de la médecine du travail ; qu'il est avéré également que M. et Mme [F] ne souhaitaient pas le contact de Mlle [O] avec la clientèle ; qu'aucun fait ne vient corroborer les éléments opposés par les appelants, à savoir le refus injustifié de Mlle [O] d'accomplir son travail alors qu'elle était priée de rester à son domicile ; qu'aucune attestation ne vient corroborer une divergence de vue fautive, un comportement irrespectueux à l'égard de sa hiérarchie et particulièrement à l'égard de Mme [F] ; que les impératifs d'organisation invoqués ne sont pas démontrés ; que le licenciement pour les motifs qui précèdent présente un caractère discriminatoire au sens de l'article L2232-1 du code du travail, l'état de santé de Mlle [O] ayant été pris en considération ; qu'il est nul en conséquence en application de l'article L1132-4 du code du travail ;

Attendu au regard des circonstances, des motifs de la rupture, des conséquences financières de la perte d'emploi subie, la somme de 15.000 euros doit être allouée en réparation à

Mlle [O] ;

Attendu sur le solde de prime de treizième mois, que doit être pris en compte, pour son calcul au prorata non critiqué, la période du délai congé jusqu'à son terme le 1er juillet 2007 ; qu'il est dû à la salariée la somme de 834 euros ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement entrepris,

Déclare recevable la mise en cause de la société Distribution Casino France,

Met hors de cause M. et Mme [F],

Condamne la société Distribution Casino France à payer à Mlle [O] les sommes de

- 834 euros à titre de prime de treizième mois pour l'année 2007,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mlle [O] la somme de 1.500 euros

Rejette la demande à ce titre de la société Distribution Casino France à l'encontre de M. et Mme [F].

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/05707
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/05707 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;09.05707 ?
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