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30/06/2010 | FRANCE | N°08/14152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 30 juin 2010, 08/14152


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 30 JUIN 2010



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14152



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008005187





APPELANTE



La société H & M HENNES ET MAURITZ, S.A.R.L.

Agissant poursuites et diligences de ses repr

ésentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour

assistée de Me Julien FRENEAUX, avocat au barreau de Paris, toque P390...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 30 JUIN 2010

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14152

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008005187

APPELANTE

La société H & M HENNES ET MAURITZ, S.A.R.L.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour

assistée de Me Julien FRENEAUX, avocat au barreau de Paris, toque P390

INTIMÉS

La société [R] BIJOUX, S.A.S

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 1]

Monsieur [U] [R]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

représentés par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistés de Me Laurent LEVY, avocat au barreau de Paris, toque L101

plaidant pour GRAMOND & ASSOCIÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT :- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement contradictoire du 3 juillet 2008 prononcé par le tribunal de commerce de Paris (15ème chambre),

Vu l'appel interjeté le 11 juillet 2008 par la société H & M HENNES ET MAURITZ (H & M),

Vu le renvoi à la mise en état du 15 décembre 2009,

Vu les dernières conclusions du 29 mars 2010 de la société appelante,

Vu les dernières conclusions du 2 avril 2010 d'[U] [R] et de la société [R] BIJOUX, intimés et incidemment appelants,

Vu l'ordonnance de clôture du 6 avril 2010,

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties ; qu'il sera simplement rappelé que la société [R] BIJOUX, qui se prévaut de droits d'auteur sur des modèles de boucles d'oreilles $gt; et [U] [R], qui en serait le créateur, ont :

-découvert l'offre en vente par la société H&M, de modèles qui reproduiraient selon eux les caractéristiques de leurs boucles d'oreilles et, dûment autorisés par ordonnances présidentielles des 17 et 19 décembre 2007, fait procéder le 20 décembre 2007 à des saisies-contrefaçon au siège de cette société et dans certains de ses magasins,

-dans ces circonstances, fait assigner le 17 janvier 2008 la société H&M devant le tribunal de commerce de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale ;

Considérant que les premiers juges ont, selon le jugement entrepris du 3 juillet 2008 :

-condamné la société H&M à payer à la société [R] BIJOUX la somme de 500.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon des boucles d'oreilles «BO FLOCON», des bijoux (en fait collier) FLOCON CRAVATE, sautoir AVALANCHE, et boucles d'oreilles BO FLOCON bis, BO FLOCON PM et BO FLOCON EMBALLEE, outre une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (CPC),

-ordonné sous astreinte l'arrêt de toute fabrication, importation, exportation, exposition ou vente d'articles contrefaisants les boucles d'oreille $gt; de la société [R] BIJOUX,

-ordonné des mesures de destruction du stock contrefaisant et de publication judiciaire ;

Sur la procédure

Considérant qu'[U] [R] et la société [R] BIJOUX, ensuite d'un incident joint au fond, demandent de déclarer irrecevables les moyens et arguments soulevés par la société H&M dans ses conclusions du 23 février 2010 et à défaut de rejeter ces écritures ; qu'il sera cependant relevé qu'il ne s'agit pas des dernières conclusions de l'appelante, datant du 29 mars 2010, qui seules doivent être prise en compte et que, l'affaire ayant été renvoyée à la mise en état, le 15 décembre 2009, l'ordonnance de clôture qui avait été rendue le même jour a nécessairement été révoquée ; qu'au demeurant il n'est pas contesté qu'un nouveau calendrier de procédure a été fixé, la clôture ayant en définitive été prononcée le 6 avril 2010 ; que les intimés, qui ont ainsi pu utilement signifier de nouvelles écritures en réponse, ne sauraient valablement prétendre que la société appelante aurait déloyalement profité de la réouverture des débats, ayant pour origine la communication en original de leur pièce 7 (extraits de magazines), pour invoquer des moyens ou arguments nouveaux étrangers à cette communication ; qu'il n'y a donc pas lieu à irrecevabilité de ce chef ni à rejet d'écritures ;

Considérant que la société appelante, tout en se prévalant de l'effet dévolutif prévu par l'article 79 du CPC, soulève l'incompétence matérielle du tribunal de commerce ; que la cour devant statuer au fond cette exception s'avère en fait dénuée d'intérêt réel ; que le jugement entrepris doit cependant effectivement être infirmé en ce qui concerne la compétence dès lors que depuis le 31 octobre 2007, lendemain de la date de publication au Journal officiel de la loi n° 2007 -1 544 du 29 octobre 2007, et donc antérieurement aux dispositions à caractère interprétatif de l'article 135 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, les tribunaux de grande instance étaient compétents pour connaître de façon exclusive des actions visées notamment par l'article L. 331-1du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur les fins de non recevoir opposées par l'appelante et sur la titularité des droits

Considérant que la société H&M invoque tout d'abord l'existence de prétentions nouvelles fondées sur une boucle d'oreille $gt;, bijou qui serait distinct de ceux invoqués en première instance ; qu'il sera cependant relevé que les intimés invoquent la contrefaçon et la banalisation de la boucle d'oreille $gt; et des autres bijoux en cause devant les premiers juges, même s'ils se réfèrent à $gt; qui inclut le modèle $gt; non visé par le jugement entrepris, faisant valoir que ce modèle fait partie intégrante du modèle FLOCON ; qu'il en résulte que ne peut être retenue l'existence de prétentions réellement nouvelles au sens de l'article 564 du CPC ; que ce moyen sera en conséquence rejeté ;

Considérant que la société appelante oppose ensuite le défaut de qualité à agir des intimés respectivement sur le fondement du droit moral de l'auteur et des droits patrimoniaux ;

Qu'elle prétend ainsi que la qualité d'auteur d'[U] [R] n'est pas établie; que toutefois la création se prouve par tout moyen et les attestations produites s'avèrent suffisamment précises et circonstanciées pour établir qu'[U] [R] est bien l'auteur des bijoux $gt; et de la collection en cause ; que le seul fait que les témoignages émanent de deux salariés (bijoutier et responsable de production) de la société [R] BIJOUX fondée et dirigée par [U] [R] ne saurait leur ôter toute force probante, étant observé qu'ils ne sont contredits par aucune pièce mais confortés par les éléments du dossier qui démontrent que si la divulgation des bijoux est faite sous le nom de la société [R] BIJOUX celle-ci est connue pour exploiter les bijoux de son fondateur, dont elle porte le nom patronymique, et qui est un créateur ; que la qualité à agir d'[U] [R] ne s'avère en réalité pas sérieusement contestable ;

Que de même la qualité à agir de la société [R] BIJOUX est vainement déniée ; qu'en effet si le contrat de cession de droits d'auteur que lui a consenti [U] [R], selon acte sous seing privé du 11 octobre 2006, n'a pas date certaine faute d'avoir été enregistré, le cédant intervient à ses côtés corroborant sa qualité à agir et il ne peut être valablement prétendu que le fait d'invoquer un acte de cession exclurait toute possibilité de se prévaloir de la présomption résultant d'une exploitation incontestée faite sous le nom de la personne morale qui ne contredit nullement le contenu de l'acte invoqué ; qu'au contraire les actes d'exploitation de la société [R] BIJOUX, qui agit aux côtés de l'auteur personne physique, fait présumer à l'égard de la société appelante recherchée pour contrefaçon qu'elle est titulaire sur les bijoux en cause des droits patrimoniaux de l'auteur ;

Considérant que nonobstant le principe de protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale, il incombe effectivement à celui qui entend se prévaloir des droits de l'auteur, de rapporter la preuve d'une création déterminée à une date certaine ;

Considérant qu'à cet égard, il est établi que le 4 novembre 2005 [U] [R] a demandé l'enregistrement d'un modèle $gt; de boucles d'oreilles avec rosaces dont le motif de rosace compose la base centrale de la rosace incorporée dans son dessin de la boucle d'oreille $gt; et présentée dans un sautoir figurant sur le catalogue [R] BIJOUX de la collection printemps été 2007, dont la réalisation a été facturée le 31 janvier 2007 et que les autres bijoux revendiqués intègrent tous à l'identique le modèle de la rosace $gt; ;

Considérant que les factures de vente, corroborées par de nombreux éléments concordants versés aux débats par les intimés et notamment les divers originaux de coupures de presse produits, démontrent incontestablement que les boucles d'oreilles $gt; créées par [U] [R] ont été diffusées et commercialisées par la société [R] BIJOUX au moins à compter du mois de février 2007, soit bien antérieurement aux saisies contrefaçons de décembre 2007 et à la commande de bijoux d'octobre 2007 dont la société H&M se prévaut ;

Considérant que cette dernière ne peut sérieusement prétendre que ces documents qui ont date certaine pourraient être contredits par la production d'une plaque de métal postérieure (datée du 25 septembre 2008, qui constitue le moule de la boucle d'oreille) jointe à celle du prototype du bijou ou de la mise en demeure du 4 janvier 2008 qui paradoxalement la sommerait de $gt; dont elle pourrait se prévaloir concernant les bijoux argués de contrefaçon ;

Considérant qu'au contraire l'existence d'une création antérieure à l'acquisition de bijoux dont la société appelante se prévaut s'avère suffisamment établie ;

Sur la contrefaçon

Considérant que pour combattre le grief de contrefaçon la société H&M fait valoir que le modèle revendiqué est dénué de l'originalité requise pour prétendre accéder à une protection au titre du droit d'auteur et que le modèle qu'elle commercialise ne reproduit pas les caractéristiques du modèle opposé ;

Considérant que certes il incombe aux intimés de caractériser l'originalité de la création dont ils se prévalent, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale ; que pour conclure à l'originalité des bijoux en cause, les intimés soutiennent, sans prétendre s'approprier un genre tenant à la reproduction d'une rosace ou d'une influence des pays du Sud, qu'il procède de la combinaison des éléments caractéristiques suivants :

Considérant que pour contester l'originalité prétendue de ce modèle, la société H&M fait valoir que le motif floral central avec une bordure (reproduit en fait dans le modèle $gt;) correspond à la construction géométrique de la rose occidentale de la cathédrale de [Localité 6], que le motif de rosace de la boucle d'oreille $gt; est similaire aux ornementations d'édifices de style mauresque, que d'autres modèles de bijoux avaient déjà repris des motifs de rosaces ou 'façon dentelles' et que l'utilisation du thème du papillon est usuelle en bijouterie ;

Considérant qu'il ressort cependant de l'examen auquel la cour s'est livrée, que les modèles invoqués par la société H&M ne présentent que l'un ou l'autre des éléments du modèle de boucle d'oreille $gt; et non pas tous les éléments dans une combinaison identique ; que  si certains des éléments qui composent ce modèle sont effectivement connus et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l'univers de la bijouterie fantaisie, en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation de la Cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à ce modèle une physionomie propre qui le distingue des autres modèles du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ; que par voie de conséquence ce modèle est digne d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur, tout comme les autres bijoux de la collection $gt; visés en première instance qui reprennent la rosace marguerites caractéristique originale du modèle BO FLOCON issue du modèle de rosace ajourée avec une rangée de marguerites de 6 pétales  du modèle $gt; précité ;

Considérant qu'il s'infère de la comparaison à laquelle la Cour a procédé des modèles de boucles d'oreille en cause, que celui commercialisé par la société H&M donne à voir, à l'instar de la création originale $gt; opposée la même rosace-marguerites ; qu'au demeurant la boucle d'oreille H&M peut se juxtaposer exactement sur la boucle d'oreille originale $gt; et les intimés relèvent à juste titre que les cotes en sont au millimètre près identiques ; que la non reprise en de telles conditions du papillon surmontant l'attache de la boucle d'oreille et des strass au centre de la rosace n'affecte pas l'impression de quasi similitude, résultant de la reproduction exacte de la forme originale de rosace-marguerites telle mise en évidence par le tableau comparatif établi par les intimés comme suit :

Considérant qu'en définitive la boucle d'oreille commercialisée par H&M constitue manifestement, une reprise, dans la même combinaison, des éléments caractéristiques essentiels du modèle invoqué et produit au côté de ce modèle, une telle impression de ressemblance que la société intimée est fondée à conclure à une reproduction servile de l'ensemble de la gamme boucles d'oreilles $gt; qui se décline en plusieurs coloris ; que par ailleurs la reprise de la rosace-marguerites caractéristique du modèle $gt;, issue du modèle NEIGE préalablement crée par [U] [R], porte également atteinte aux autres bijoux de la collection $gt; savoir boucles d'oreilles BO FLOCON BIS, BO FLOCON EMBALLEES, collier FLOCON CRAVATE et sautoir AVALANCHE visés dans la décision dont les intimés sollicitent la confirmation, qui intègrent cet élément original, étant rappelé qu'il n'est pas réellement formé de demande distincte pour le modèle BO NEIGE qui relève également de cette collection et comprend la partie centrale originale de l'élément précité ;

Considérant qu' il s'infère de ces observations que la contrefaçon, définie à l'article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, par la représentation, la reproduction ou l'exploitation de l'oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit est en l'espèce caractérisée à la charge de la société H&M et le jugement entrepris mérite confirmation en ses dispositions de ce chef ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que les intimés critiquent le décision entreprise en ce qu'elle a rejeté leurs demandes au titre de la concurrence déloyale ; que toutefois les premiers juges ont justement estimé que les mêmes faits que ceux invoqués au titre de la contrefaçon ne peuvent valablement fonder les demandes à ce titre ;

Considérant que si les intimés invoquent des conditions de commercialisation fautives de la société H&M eu égard à la composition des bijoux qui contiendraient une substance interdite, il s'agit d'une simple allégation qui n'est étayée par aucun élément de preuve ;

Considérant par ailleurs que si les intimés soutiennent que la société H&M a profité de l'image ou du succès des bijoux originaux banalisant leurs produits et créant un risque de confusion en période de fêtes de fin d'année sans avoir à en assumer les risques ou les coûts, puis violé l'interdiction de commercialisation prononcée, il s'agit d'éléments devant être pris en compte dans l'appréciation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;

Considérant en conséquence que le rejet des demandes au titre de la concurrence déloyale sera confirmé ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'[U] [R] conteste le rejet de sa demande indemnitaire au titre du préjudice moral ; que si le consommateur est en mesure d'associer les bijoux exploités par la société [R] BIJOUX à leur créateur il ne peut être retenu une réelle atteinte au droit au nom de ce dernier dès lors que les bijoux ne mentionnent que la dénomination de la société qu'il a créée ; qu'en revanche la commercialisation de boucles d'oreilles contrefaisantes, de moindre qualité, dans des magasins de grande diffusion a nécessairement porté atteinte au respect de la création de bijoux de haute fantaisie en la dénaturant et la banalisant ; que le préjudice ainsi subi sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros ;

Considérant que la société appelante admet que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir qu'elle a commandé à son fournisseur 46.800 boucles d'oreilles contrefaisantes et qu'elle en a vendu 30.182 en France ainsi qu'à l'exportation ;

Considérant que si elle a demandé le retrait de la vente des produits litigieux de ses magasins le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a pu retenir l'existence de 514 infractions selon jugement du 3 décembre 2008 puis de 203 infractions suivant jugement du 7 octobre 2009 ; que si la société H&M soutient que la preuve de ventes postérieures au jugement dont appel n'est pas pour autant rapportée dès lors qu'il ne s'agirait pas de réels constats de vente ; que toutefois s'il est possible de passer en caisse le code barre affecté exclusivement à un produit, indépendamment d'une vente, la réalisation de tels passages non annulés, dépourvus d'utilité et susceptibles de fausser les données de vente, s'avère peu vraisemblable ; qu'il sera donc tenu compte de 717 ventes supplémentaires ; qu'il n'y pas lieu en revanche à communication de pièces complémentaires, telle que sollicitée par les intimés dans les motifs de leurs écritures ;

Considérant par ailleurs que la capacité de production des modèles originaux, compte tenu de la réalisation concomitantes d'autres collections de bijoux et d'une fabrication artisanale, ne saurait certes être nécessairement égale à l'offre en vente massive tant en France qu'à l'étranger que la société H&M a été en mesure de rapidement réaliser, ce qui n'est en fait pas réellement contredit par les éléments attestés par le commissaire aux comptes de la société [R] BIJOUX , étant observé que les intimés reconnaissent au demeurant dans leurs écritures que la fabrication des boucles d'oreilles $gt; nécessite $gt; d'un ouvrier qualifié et qu'ils ne bénéficient pas à l'international de la même puissance commerciale que la société H&M ;

Considérant enfin qu'il n'est pas certain que chaque consommateur de produits contrefaisants en France pour un prix unitaire en France de 1,90 euros aurait été en mesure d'acquérir des boucles d'oreilles originales pour un prix moyen non contesté de 78 euros ;

Considérant toutefois qu'il ne peut être sérieusement dénié que la banalisation de la boucle d'oreille $gt; est susceptible de détourner une partie de la clientèle qui recherche un bijou de créateur, et porte atteinte à la valeur patrimoniale du modèle contrefait et de la collection qui s'y réfère, ce poste du préjudice étant improprement qualifié par les intimés de préjudice moral de la société [R] BIJOUX, le caractère servile des copies réalisées des boucles d'oreilles $gt; ayant nécessairement contribué à avilir ce modèle et à le déprécier aux yeux de la clientèle ; qu'il en résulte un gain manqué outre une perte de chance de pouvoir poursuivre une commercialisation qui bénéficiait d'un certain succès alors que les boucles d'oreilles avaient notamment pu être présentées comme adoptées par une actrice célèbre ; que le préjudice subi est aggravé en particulier par une large commercialisation des produits contrefaisants en période de ventes de Noël, alors au surplus que le thème du flocon évoqué par le motif de la création pouvait incontestablement constituer un élément promotionnel en cette période; ce que ne saurait dénier la société appelante dont le site internet mentionne sa capacité à proposer des nouveautés attrayantes $gt; ;

Considérant que sans qu'il y ait lieu de suivre les intimés dans le détail de leurs calculs et prospectives les amenant à chiffrer le préjudice de la société [R] BIJOUX à la somme totale de 2.769.603 euros, tandis que la société H&M offre subsidiairement 15.000 euros, l'ensemble des élément soumis à l'appréciation de la cour permet de retenir que la somme allouée en première instance répare justement l'intégralité des préjudices subis par la société [R] BIJOUX ; que la décision entreprise sera donc également confirmée sur ce point ;

Considérant que les mesures d'arrêt des actes de contrefaçon et de destruction ordonnées en première instance s'avèrent suffisamment justifiées dans leur principe et pertinentes dans leurs modalités aux fins de faire cesser les actes illicites et de prévenir leur renouvellement, sans qu'il y ait lieu de les modifier ; qu'elles seront en conséquence purement et simplement confirmées ; que de même la mesure de publication telle que prononcée sera confirmée, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter une publication internet, sauf à faire mention du présent arrêt dans les conditions prévues au présent dispositif ;

Considérant que l'équité commande de faire une nouvelle application de l'article 700 du CPC au seul profit des intimés pour leurs frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette toutes les fins de non recevoir ;

Dit n'y avoir lieu à rejet d'écritures ni à communication ;

Infirme la décision entreprise du seul chef de la compétence matérielle et, statuant sur le fond du litige, la confirme en toutes ses autres dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande formée par [U] [R] au titre de l'atteinte à son droit moral ;

Y ajoutant,

Condamne la société H & M HENNES ET MAURITZ à payer à [U] [R] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à son droit moral ;

Dit que la publication judiciaire ordonnée fera mention du présent arrêt si elle n'a déjà été réalisée ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société H & M HENNES ET MAURITZ aux dépens d'appel et autorise la SCP BUBOSCQ et PELLERIN, avoué, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à chacun des intimés une somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/14152
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°08/14152 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;08.14152 ?
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