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29/06/2010 | FRANCE | N°08/24436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 29 juin 2010, 08/24436


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 29 JUIN 2010



(n° 274, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/24436



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/02595





APPELANTE



S.C.P. [V]-[J] & ASSOCIÉS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
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[Localité 12]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Anne Sophie LE QUELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : P 224

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 29 JUIN 2010

(n° 274, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/24436

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/02595

APPELANTE

S.C.P. [V]-[J] & ASSOCIÉS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

[Adresse 2]

[Localité 12]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Anne Sophie LE QUELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : P 224

substituant Me NEMO, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

SOCIETE [K] - [Adresse 15]- prise en la personne de ses représentants légaux venant aux droits de Monsieur [M] [K]

[Adresse 3]

[Localité 9]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

Maître [L] [G], pris en son nom personnel

[Adresse 5]

[Localité 13]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

Maître [S] [E]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

Maître [H] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

Maître [U] [I]

[Adresse 8]

[Localité 11]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

Maître [F] [Z] pris en la personne de son gérant

[Adresse 4]

[Localité 10]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me LANCELIN, avocat, qui a fait déposer son dossier

SCP LANCELIN & ASSOCIES, avocats

S.C.P. [L] [G] prise en la personne de son gérant

[Adresse 5]

[Localité 13]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me de ROCQUIGNY, avocat au barreau de RIOM

SCP COLLET - ROCQUIGNY & Associés

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 mai 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur GRANDPIERRE, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,

Considérant que MM. [L] [G], [U] [I], [H] [Y], [F] [Z], la S.C.P. [L] [G] et M. [S] [E], commissaires priseurs, tous membres du G.I.E. [A], ont réuni, en vue d'une exposition se tenant le 27 novembre 1990 dans les locaux de l'[Adresse 14], diverses 'uvres d'art, notamment des pièces de verrerie, pâtes de verre et quelques tableaux, destinées à la vente qui devait avoir lieu les 18, 19 et 21 décembre 1990 à l'[Adresse 16] ;

Que le transport des objets était confié à la société en nom collectif Union des commissionnaires de l'hôtel des ventes désignée ci-après sous le sigle U.C.H.V. ; qu'au cours de la nuit du 27 au 28 novembre 1990, le camion chargé des objets et des tableaux était dérobé ; qu'il était retrouvé le lendemain matin, vidé de son contenu, seuls les tableaux ayant échappé au vol ;

Que la S.C.P. Chémouli, Dauzier & associés, avocat, était immédiatement chargée de tout mettre en 'uvre pour parvenir à l'indemnisation de l'important préjudice ; qu'ainsi, dès le 29 novembre 1990, dans des termes généraux et que, sans faire référence à une règle de droit, elle adressait une mise en demeure à l'U.C.H.V., et ce, à la requête du seul G.I.E. [A], sans évoquer individuellement chacun de ses membres ;

Qu'une action, engagée jusqu'à et y compris devant la cour de renvoi après cassation, contre l'U.C.H.V., qui avait qualité de voiturier, fut vouée à l'échec faute de protestation motivée effectuée dans les trois jours du vol ;

Qu'une première action était engagée contre la S.C.P. [V], [J] & associés et que la procédure a été déclarée périmée ;

Qu'une nouvelle action a donc été introduite et que, par jugement du 5 novembre 2008, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu la société [K]-[Adresse 15], la S.C.P. [G] et M. [F] [Z] en leurs interventions volontaires,

- constaté que la S.C.P. [C], [Z] & [T] n'était plus demanderesse,

- rejeté les fins de non-recevoir tirées d'un prétendu défaut de qualité et d'intérêt à agir des demandeurs,

- condamné la S.C.P. [V], [J] & associés à payer à titre de dommages et intérêts à M. [L] [G], en son nom personnel et à la S.C.P. [G] la somme de 225.477,50 euros, à M. [F] [Z] la somme de 41.703,41 euros, à M. [H] [Y] et à M. [S] [E] la somme de 289.844,25 euros, à M. [U] [I] la somme de 267.790,89 euros et à la société [K]-[Adresse 15] la somme de 94.514,43 euros,

- débouté la S.C.P. [V], [J] & associés de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la S.C.P. [V], [J] & associés à payer aux demandeurs une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant qu'appelante de ce jugement, la S.C.P. [V], [J] & associés demande, à titre principal, que M. [G], la S.C.P. [G], MM. [Y], [E], [I], [Z] et la société [K]-[Adresse 15] soient déboutés de toutes leurs réclamations ;

Qu'à cette fin, l'appelante fait valoir que sa responsabilité doit être appréciée au regard de l'action en responsabilité qu'elle a engagée au nom du G.I.E. contre l'UC.H.V. de sorte que les intimés ont commis l'erreur de dissoudre le G.I.E. avant de mettre en cause la responsabilité de son conseil et à persister en leur erreur en s'abstenant de désigner un mandataire ad hoc ; qu'elle en déduit qu'elle était fondée à revendiquer l'indemnisation du G.I.E. au titre des objets perdus et qu'en conséquence, M. [G], la S.C.P. [G], MM. [E], [I], [Z] et [Y] et la société [K]-[Adresse 15] ne justifient pas de leur qualité et de leur intérêt à agir ;

Que la S.C.P. [V], [J] & associés soutient encore que les commissaires priseurs ne justifient pas d'un préjudice personnel distinct du préjudice social du G.I.E. et qu'ils n'ont donc aucun intérêt à agir pour en conclure qu'ils sont irrecevables à agir ;

Qu'au fond, la S.C.P. [V], [J] & associés soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle puisque la discussion sur la nature du contrat conclu entre le G.I.E. et l'U.C.H.V. n'est intervenue que devant la Cour d'appel de renvoi et que le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par cette juridiction avait des chances de prospérer alors notamment que le délai de l'article 105 du Code de commerce n'est pas d'ordre public et que l'U.C.H.V. avait renoncé à invoquer ce délai ;

Que l'appelante soutient également qu'à la suite de la transaction conclue le 3 juillet 2002, M. [G], la S.C.P. [G], et MM. [E], [I], [Z] et [Y] et la société [K]-[Adresse 15], qui se sont désistés du pourvoi en cassation, ont renoncé à toute demande indemnitaire alors surtout qu'aucun préjudice certain et direct n'est démontré ;

Que, subsidiairement, la S.C.P. [V], [J] & associés soutient que les fautes commises par le G.I.E. [A] et ses membres, à savoir le défaut d'information de la livraison effective d'une partie des objets transportés et le désistement du pourvoi, l'exonèrent totalement de toute responsabilité éventuelle ;

Qu'à titre plus subsidiaire, la S.C.P. [V], [J] & associés fait valoir que M. [G], la S.C.P. [G], MM. [E], [I], [Z] et [Y] et la société [K]-[Adresse 15] ne peuvent alléguer d'un préjudice dépourvu de lien de causalité avec le manquement qui lui est reproché et qu'elle ne peut être condamnée qu'à rembourser les sommes qui ont été personnellement exposées pour l'indemnisation des clients des commissaires-priseurs, munis de réquisition de vente ; que, dans ce cas, la S.C.P. [V], [J] & associés, faisant valoir que les commissaires-priseurs n'ont procédé à aucun chiffrage de leur préjudice, demande que soit ordonnée une mesure d'expertise ;

Qu'estimant la procédure abusive, la S.C.P. [V], [J] & associés sollicite une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que les commissaires priseurs intimés concluent à la confirmation du jugement sur le principe de la responsabilité tout en demandant que la S.C.P. [V], [J] & associés soit condamnée à verser :

- à M. [G] la somme de 286.936,09 euros,

- à M. [Z] la somme de 108.111,86 euros,

- à MM. [Y] et [E] la somme de 417.587,80 euros,

- à M. [I] la somme de 308.102,60 euros,

Et au titre de la perte de chance de percevoir des honoraires sur la vente avortée :

- à M. [G] la somme de 42.539,61 euros,

- à M. [Z] la somme de 15.324,64 euros,

- à MM. [Y] et [E] la somme de 59.894,56 euros,

- à M. [I] la somme de 43.028,73 euros,

- outre, pour chacun d'eux, les intérêts à compter de l'assignation et la capitalisation des intérêts, ainsi qu'une somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral et de perte d'image.

Qu'à titre subsidiaire, les intimés concluent à la confirmation du jugement, sauf à ce que soit rectifiée l'erreur de calcul affectant la somme revenant à M. [G] qui, en réalité, s'élève à 283.543,20 euros ;

Qu'après avoir rappelé qu'ils ont intérêt à agir puisqu'ils ont mandaté leur avocat d'agir contre l'U.C.H.V., les intimés soutiennent que, malgré tous les détails fournis par la S.C.P. [V], [J] & associés pour tenter de contester sa responsabilité, elle a effectivement engagé une action sans envisager le fondement contractuel, tant pour les commissaires priseurs, que pour le G.I.E., et, pour les seuls commissaires priseurs, à titre subsidiaire et sans cumul, sur un fondement délictuel si la qualification contractuelle n'était pas retenue ; qu'ils en déduisent qu'elle a donc manqué à son devoir de conseil et, surtout, omis d'attirer leur attention sur les risques et les particularités de la situation litigieuse et que, par voie de conséquence, la faute commise par l'U.C.H.V., qui n'a pas surveillé les objets transportés, n'a pas pu être évoquée judiciairement à raison des omissions commises par la S.C.P. [V], [J] & associés qui a laissé passer le délai de l'article 105 du Code de commerce et la prescription de droit commun ;

Qu'en revanche, les intimés critiquent la motivation retenue par les premiers juges qui, estimant que la vente n'aurait pas nécessairement eu lieu, n'aboutit qu'à une indemnisation partielle de leur préjudice, les sommes réclamées correspondant à ce qu'ils ont versé aux propriétaires des objets dérobés et à leur perte d'honoraires ;

Considérant que la société [K]-[Adresse 15] conclut également à la confirmation du jugement tout en demandant que la S.C.P. [V], [J] & associés soit condamnée à lui payer la somme de 162.595,43 euros correspondant à la réparation de son entier préjudice, outre les intérêts et la capitalisation des intérêts ;

Qu'à ces fins, la société [K]-[Adresse 15] expose une argumentation comparable à celle qui est développée par les autres intimés ;

Sur la note en délibéré :

Considérant qu'après la clôture des débats, les commissaires priseurs ont fait parvenir une note en délibéré ;

Que, conformément à la demande de la S.C.P. [V], [J] & associés, cette note sera rejetée dès lors qu'elle n'a pas pour objet de répondre aux conclusions du ministère public, absent lors des débats, et qu'elle n'a pas été demandée par le président ;

Sur la demande de rejet de conclusions et de pièces :

Considérant que les commissaires priseurs demandent que les conclusions signifiées et les trente pièces numérotées 45 à 72, compte tenu de numéros bis et ter, communiquées le 12 avril 2010 par la S.C.P. [V], [J] & associés soient rejetées des débats comme n'ayant pas été portées à sa connaissance en temps utile ;

Considérant que la S.C.P. [V], [J] & associés conclut au rejet des prétentions adverses au motif que ses conclusions, qui ne contiennent aucune demande nouvelle, ni moyen nouveau, ne font que répliquer aux conclusions des commissaires priseurs qui ont attendu le 16 février 2010 pour développer une nouvelle argumentation et le 22 février 2010 pour communiquer de nouvelles pièces ;

Qu'à titre subsidiaire, la S.C.P. [V], [J] & associés demande que les conclusions signifiées le 16 févier 2010 et les pièces communiquées le 22 février 2010 par les commissaires priseurs soient rejetées des débats ; que, plus subsidiairement, elle sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire à la mise en état ;

Considérant qu'en vertu de l'article 15 du Code de procédure civile, « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense » ;

Considérant qu'en l'espèce, l'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2010 ;

Que les conclusions signifiées le 12 avril 2010 par la S.C.P. [V], [J] & associés, qui reprennent l'argumentation de fait et de droit développée par les conclusions du 24 mars 2009, tendent à l'infirmation du jugement ; qu'elles ne constituent qu'une réplique aux conclusions signifiées le 16 février 2010 par les commissaires priseurs qui soulèvent des moyens nouveaux ; que, se limitant à répliquer à ces moyens, les conclusions de la S.C.P. [V], [J] & associés ne seront pas regardées comme n'ayant pas été signifiées en temps utile ;

Qu'en revanche, et dès lors que les intimés n'ont pas été en mesure de prendre connaissance et, le cas échéant, de s'expliquer sur les trente nouvelles pièces communiquées ce même 12 avril 2010, il convient d'écarter ces documents des débats, même si la S.C.P. [V], [J] & associés prétend qu'il ne s'agit que de pièces destinées à répliquer aux prétentions adverses ;

Considérant que ne sont pas tardives les conclusions signifiées le 16 février 2010 et les pièces communiquées le 22 février 2010 par les commissaires priseurs ;

Qu'en conséquence, il convient de débouter les commissaires priseurs de leur demande tendant au rejet des débats des conclusions signifiées le 12 avril 2010 par la S.C.P. [V], [J] & associés et, en revanche, d'ordonner que les trente pièces numérotées 45 à 72 et communiquées par la S.C.P. [V], [J] & associés soient écartées des débats et ce, sans qu'il y ait lieu de satisfaire à ses demandes subsidiaires ;

Sur la recevabilité de l'action engagée par les commissaires priseurs :

Considérant que, comme il est dit ci-avant, dans le rappel des prétentions des parties, la S.C.P. [V], [J] & associés soutient que sa responsabilité doit être seulement appréciée à l'occasion de l'action en responsabilité qu'elle a engagée contre l'U.C.H.V. au nom du G.I.E. [A] et que, seul, le cas échéant, le G.I.E. [A] avait intérêt et qualité à agir contre elle, en tant que conseil, sur le fondement de l'arrêt rendu le 8 novembre 2000 par la Cour d'appel de Versailles qui a déclaré prescrite l'action engagée par le G.I.E. [A] et les commissaires priseurs ; qu'il en déduit que les commissaires priseurs, qui, en l'espèce, revendiquent à titre personnel, la réparation de préjudices subis par le G.I.E., sont irrecevables en leur action ;

Considérant que les commissaires priseurs font exactement valoir que la vente qui devait avoir lieu les 18, 19 et 21 décembre 1990 à l'[Adresse 16] était organisée par le G.I.E. [A] qui, n'ayant pas la qualité de commissaire priseur, n'avait aucune relation de droit avec les vendeurs, clients des commissaires priseurs à qui ils avaient confié des objets, de sorte que le G.I.E. [A] n'était pas victime du vol même si, en sa qualité d'expéditeur des objets, il était intéressé à la bonne exécution du contrat de transport et tenu à réparation ; qu'il appartenait donc à la S.C.P. [V], [J] & associés d'agir contre l'U.C.H.V. au nom de chacun des commissaires priseurs qui, de leur côté, étaient également et à titre personnel, tenus d'indemniser leurs clients ;

Que les commissaires priseurs, qui estiment que la S.C.P. [V], [J] & associés n'a pas tout mis en 'uvre pour parvenir au succès de leurs prétentions, ont intérêt et qualité pour agir personnellement contre elle et ce, chacun en réparation du préjudice qui lui est propre ;

Considérant qu'en outre, l'argumentation développée par la S.C.P. [V], [J] & associés quant à la « légitimité » du G.I.E. [A] et à la régularité de le vente telle qu'elle était envisagée à Strasbourg et a été annulée en vertu d'un jugement rendu le 26 novembre 1990 par le Tribunal de grande instance de Strasbourg est dépourvue de pertinence dès lors qu'est établi l'intérêt à agir des commissaires priseurs ;

Qu'il convient donc d'approuver les premiers juges qui ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la S.C.P. [V], [J] & associés et tirée d'un prétendu défaut d'intérêt à agir ;

Sur la responsabilité de la S.C.P. [V], [J] & associés :

Considérant qu'il appartient à l'avocat, d'une part, d'attirer spécialement l'attention de ses clients sur les particularités de la situation litigieuse, notamment sur la nature des formalités à accomplir et les délais pour ce faire, et, d'autre part, de prouver qu'il s'est acquitté de son devoir de conseil ;

Considérant qu'en l'occurrence, les premiers juges ont rappelé les décisions de justice rendues sur le fond du litige et, notamment, l'arrêt rendu le 8 novembre 2000 par la Cour d'appel de Versailles qui, pour déclarer prescrite l'action engagée par le G.I.E. [A] et les commissaires priseurs, ses membres, a retenu que l'U.C.H.V. avait conclu avec le G.I.E. [A] un contrat de transport et qu'elle avait la qualité de voiturier auquel s'appliquaient les dispositions de l'article 105, devenu L. 133-3, du Code de commerce, que les réserves contenues dans la lettre recommandée adressée le 28 novembre 1990 par le G.I.E. [A] à l'U.C.H.V. n'avaient pas été réitérées postérieurement à la réception des objets retrouvés le lendemain du vol et restitués au G.I.E. [A] et que, faute de protestations émises dans les conditions de l'article 105 du Code de commerce, à savoir « dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent la réception », la prescription était acquise en faveur de l'U.C.H.V. ;

Considérant que, mandatée par le G.I.E. [A] et ses membres dès le 28 novembre 1990, lendemain du vol, et chargée de la défense de leurs intérêts, la S.C.P. [V], [J] & associés s'est limité à envoyer la lettre recommandée du 28 novembre 1990 alors que, le 30 novembre 1990, M. [G], l'un des membre du G.I.E., lui a fait parvenir, d'abord en télécopie, une lettre aux termes de laquelle il lui écrivait : « Excusez-moi de revenir sur ce dossier mais je [me] demande s'il n'est pas malgré tout prudent de se réserver toutes les voies de recours y compris celle de l'article 105 » ;

Que, par de plus amples motifs qu'il y a lieu d'adopter, le Tribunal de grande instance a exactement retenu qu'en s'abstenant de s'interroger sur la qualité de commissionnaire de transport ou de voiturier de l'U.C.H.V. et sur les réserves à exprimer dans les trois jours de la récupération d'une partie des objets volés, M. [V], informé des circonstances de la découverte du camion, a commis une faute dont il doit répondre et ce, alors qu'il ne démontre aucunement que le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, conforme à l'arrêt de renvoi et spécialement motivé au regard des dispositions de l'article 105 du Code de commerce, aurait eu une chance sérieuse d'aboutir favorablement ;

Qu'en conséquence, la responsabilité de la S.C.P. [V], [J] & associés est engagée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil pour n'avoir pas effectué une protestation motivée, dans le délai de l'article 105 du Code de commerce, au nom de chacun des commissaires priseurs personnellement concernés, ni agi en leur nom ; qu'à cet égard, le jugement sera confirmé ;

Sur la réparation des préjudices :

Considérant que les commissaires priseurs ont indemnisé les propriétaires des objets qui leur avaient été confiés en vue de la vente ;

Considérant qu'il existe donc un lien de causalité entre la faute commise par la S.C.P. [V], [J] & associés et le préjudice qu'ils subissent et dont ils n'ont pu obtenir réparation auprès de l'U.C.H.V. ;

Considérant que, la faute dont il s'agit consistant en une omission de saisir la juridiction compétente dans des conditions propres à préserver les intérêts des commissaires priseurs, le dommage est caractérisé par la perte d'une chance d'obtenir gain de cause ;

Considérant que les sommes versées par les commissaires priseurs à leurs clients sont les suivantes, telles qu'elles ressortent des comptabilités certifiées conformes par les experts comptables :

- S.C.P. [G] : 225.477,50 euros,

- M. [Z] : 79.815,84 euros,

- MM. [Y] et [E] : 331.524,67 euros,

- M. [I] : 231.392,30 euros ;

Que, de son côté, la société [K]-[Adresse 15] prouve, également à l'aide de documents comptables dont la sincérité n'est as utilement contestée, qu'elle a versé la somme de 40.573,29 euros à ses clients ainsi que la somme de 64.066,13 euros à titre de quote-part du règlement fait à l'U.C.H.V. ; qu'en revanche, les frais et honoraires qu'elle prétend avoir supportés ne sont pas en lien direct avec la faute de la S.C.P. [V], [J] & associés ;

Que ces sommes effectivement versées par les commissaires priseurs sur la base d'estimations données par l'expert désigné au cours de l'instance au fond ne comprennent pas ce qui a été directement versé à leurs clients en vertu du protocole transactionnel conclu le 3 juillet 2002 entre l'U.C.H.V. et le G.I.E. [A] ; qu'il n'y a donc pas lieu de s'arrêter, comme l'ont fait les premiers juges, à la somme de 10.332.900 francs (1.575.240,50 euros) retenue par la Cour d'appel de Paris en son arrêt du 19 décembre 1995 ; qu'en revanche, elle comprend la quote-part payée par chaque commissaire priseur sur la somme de 7.000.000 francs (1.067.143,12 euros) prévue par le protocole transactionnel ;

Considérant que les commissaires priseurs ci-avant désignés ont également perdu la chance d'effectuer la vente des objets volés et, partant, de percevoir des honoraires ;

Que, dans ces conditions, la perte de chance d'obtenir gain de cause dont ils ont souffert doit être réparée comme il suit :

- M. [G], venant aux droits de la S.C.P. [G] : 70.000 euros,

- M. [Z] : 25.000 euros,

- MM. [Y] et [E] : 100.000 euros,

- M. [I] : 70.000 euros ;

- société [K]-[Adresse 15] : 30.000 euros ;

Considérant que, s'il est exact que les commissaires priseurs ont subi une perte d'image auprès de leurs clients alors surtout que la presse s'est faite l'écho du vol des 'uvres d'art, il n'en demeure pas moins que ce chef de préjudice n'est pas directement lié à la faute commise par la S.C.P. [V], [J] & associés ;

Que les commissaires priseurs seront donc déboutés de leur demande de réparation de leur préjudice moral ;

Considérant qu'il convient donc d'infirmer le jugement frappé d'appel quant au montant des indemnisations et de condamner la S.C.P. [V], [J] & associés à payer à la S.C.P. [G] la somme de 70.000 euros, à M. [Z] la somme de 25.000 euros, à MM. [Y] et [E] la somme de 100.000 euros, à M. [I] la somme de 70.000 euros et à la société [K]-[Adresse 15] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil, alinéa 1er, du Code civil, ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de ce jour ; qu'en outre, les intérêts seront capitalisés dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ;

Sur les autres demandes :

Considérant que, compte tenu de la solution donné au litige, il y a lieu de débouter la S.C.P. [V], [J] & associés de sa demande de dommages et intérêts ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, la S.C.P. [V], [J] & associés sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer à chacun des cinq commissaires priseurs les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 2.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Ecarte des débats les trente pièces numérotées 45 à 72, compte tenu de numéros bis et ter, et communiquées le 12 avril 2010 par la S.C.P. [V], [J] & associés ;

Confirme le jugement rendu le 5 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ses dispositions relatives au montant des indemnités allouées aux commissaires priseurs ;

Faisant droit à nouveau quant à ce :

Condamne la S.C.P. [V], [J] & associés à payer à la S.C.P. [L] [G] la somme de 70.000 euros, à M. [F] [Z] la somme de 25.000 euros, à MM. [H] [Y] et [S] [E] la somme de 100.000 euros, à M. [U] [I] la somme de 70.000 euros et à la société [K]-[Adresse 15] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Dit qu'en outre, les intérêts seront capitalisés dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil ;

Déboute la S.C.P. [V], [J] & associés de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, par application de ce texte, à payer à chacun des cinq commissaires priseurs ci-avant nommés la somme de 2.000 euros ;

Condamne la S.C.P. [V], [J] & associés aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Arnaudy & Baechlin, avoué des commissaires priseurs, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/24436
Date de la décision : 29/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°08/24436 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-29;08.24436 ?
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