RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 29 Juin 2010
(n° 20 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10609
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2008 par le conseil de prud'hommes de MEAUX RG n° 06/01015
APPELANTE
Madame [U] [N] [N]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Cléry DE SAINTE LORETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 284 substitué par Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE
SAS DEFI-GROUP VENANT AUX DROITS DE LA SA RANDON
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Christophe MAHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : G 780 substitué par Me Isabelle ROY-MAHIEU, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, président
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, conseiller
Greffier : Madame Nathalie MOREL, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Madame Séverine GUICHERD, greffière présent lors du prononcé.
Mme [U] [N] [N] engagée à compter du 3 avril 2000 par la SA RANDON en qualité d'opérateur 02, suivant contrat à durée indéterminée et moyennant un salaire mensuel brut s'élevant à 2 056,41 euros, a été licenciée suivant lettre du 9 janvier 2006 pour les motifs suivants :
'-Plusieurs avertissements verbaux vous ont été signifiés par vos responsables suite à vos dérives de langage envers vos collègues et vos responsables.
-Malgré ces mises en garde vous n'avez pas modifié votre attitude et provoqué de multiples altercations, ayant toutes pour origine des différends d'ordres personnels, avec certains de vos collègues de travail
-Enfin vous vous êtes cru autorisée à refuser de tenir des postes de travail en prétextant d'une inaptitude non confirmée par le médecin du travail.
-Plus généralement les personnes chargées de nous encadrer, Monsieur [O], chef d'équipe et Monsieur [T] [V], chef d'équipe adjoint, nous déclarent renoncer à toute possibilité d'exercer leurs responsabilités en matière de discipline et de sécurité à votre égard, en raison de vos provocations permanentes.'
Saisi par Mme [N] [N] d'une demande tendant à contester son licenciement, le Conseil de prud'hommes de Meaux a, par un jugement du 25 juin 2008, débouté celle-ci ainsi que la société RANDON de sa demande reconventionnelle.
Mme [N] [N] a relevé appel de cette décision.
Elle sollicite la réformation du jugement et la condamnation de la SA RANDON au paiement de 40 000 euros pour non-respect des prescriptions de la médecine du travail et violation de l'obligation de santé de sécurité. Elle demande donc en conséquence la nullité du licenciement ainsi que 57 000 euros à titre de dommages-intérêts, subsidiairement 70'000 € à ce titre pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et très subsidiairement 57 000 euros outre 2500 € pour la procédure de première instance et 1500 € pour la procédure d'appel.
La SAS DEFI GROUPE venant aux droits des établissements RANDON conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme [N] [N] à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément fait référence pour les prétentions et moyens des parties aux conclusions soutenues contradictoirement le 14 mai 2010 .
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le bien fondé du licenciement
Mme [N] [N] conteste le faits allégués qu'elle n'a jamais reconnus. Elle fait valoir par ailleurs qu'ayant des problèmes de santé, elle n'a fait qu'exercer son droit de retrait. Elle explique en effet qu'elle a été affectée à un poste sur machine à soudure produisant de la fumée malgré l'avis contraire de la médecine du travail. Constatant que l'employeur n'a pas executé ses obligations, elle demande que les conséquences en soient tirées.
La SAS DEFI RANDON maintient que la salariée avait un comportement agressif et belliqueux à l'égard de ses collègues ceci de façon récurrente comme le prouvent les attestations très éloquentes produites ainsi que les compte rendus des réunions des délégués du personnel. Elle relève que Mme [F] [N], loin de contester les faits, parle de complot, son comportement n'ayant pas changé depuis la dernière sanction. Elle indique que les postes sont affectés par roulement entre les postes de presses automatiques et de soudure, les uns étant moins fatiguants que les autres, ce qui explique le refus opposé par la salariée d'y être affectée. Elle conteste le fait qu'il y ait une restriction quant à ce dernier poste de la part de la médecine du travail.
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Considérant qu'aux termes des articles L 1232-1 et 1232-6 du Code du travail, les motifs invoqués doivent consister en des griefs matériellement vérifiables ; que l'employeur est tenu d'énoncer ces motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ;
Considérant que, comme l'a observé le Conseil de prud'hommes, les motifs tenant au comportement de Mme [N] [N] avec les autres employés ayant été sanctionnés par une mise à pied de trois jours, le 29 juillet 2005, et l'ordre du jour des réunions des délégués du personnel des 30 juin et 8 septembre 2005 portant sur les mêmes faits, aucun incident nouveau n'a été visé dans les motifs de la lettre de licenciement, l'employeur ne pouvant donc à nouveau les invoquer pour justifier le licenciement ;
Considérant que selon l'article L 4131-3 du Code du travail, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou des travailleurs .. 'Qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux' ; que la seule obligation pour le salarié est de signaler sa situation à l'employeur ou à son représentant ;
Considérant que jusqu'au 13 avril 2005, les fiches d'aptitude de la médecine du travail permettaient de conclure à l'aptitude de Mme [N] [N] à un poste d'opératrice sur presse de nuit qui comprenait de la soudure ; qu'à compter de cette date, elle était considérée comme, apte au poste d'opératrice sous presse nuit mais sans soudure en l'attente des résultats de l'examen complémentaire ; que celui-ci pratiqué le 27 avril suivant par le Dr [M], expert ORL, donnait lieu le 4 mai 2005 à un compte rendu concluant à la réalité d'un risque toxique lié au poste de soudure 'produit irritant et possiblement sensibilisant' ainsi qu'à ce que la salariée soit écartée du poste de soudure ; que le 2 mai 2005, elle subissait l'ablation de nodules dans le larynx, intervention suivie d'un arrêt de travail du 27 avril au 24 mai 2005 ; que le 17 octobre 2005, le médecin du travail la considérait comme 'apte au poste d'opératrice sur presse nuit' sans mention de l'affectation possible au poste de soudure ; que le 17 novembre 2005, le médecin traitant de Mme [N] [N] attestait dans les mêmes termes de ce que l'état de santé de sa cliente 'nécessite l'éviction de la soudure à vie'; que c'est dans ces conditions que celle-ci refusait son affectation le 16 novembre 2005 à une soudeuse ; qu'en effet l'interdiction de la machine à soudure n'était pas levée par la médecine du travail ; que les conseillers prud'hommaux ont constaté lors de leur déplacement sur les lieux que 'le poste de soudure... ..dégage bien des fumées qui sont en grande partie, aspirées par un système d'extraction sur le poste' ;
Considérant que si, le droit de retrait n'est pas justifié en l'espèce, la salariée n'ayant pas formellement avisé l'employeur des risques encourus, c'est cependant au vu du dernier certificat médical que le chef d'atelier, qui s'est donc inquiété de l'état de santé de Mme [N] [N], l'a affectée en alternance avec les autres salariés au poste d'opératrice presse soudure, le 16 novembre, puis à nouveau le 5 décembre 2005 ; que l'employeur ainsi alerté sur sa fragilité particulière à la fumée confirmée par les éléments médicaux, n'a pas estimé utile de prendre des dispositions de nature à préserver la santé de cette salariée ; que s'il convient de rejeter la demande tendant à prononcer le nullité du licenciement ainsi que les demandes de dommages et intérêts à ce titre, il convient en revanche de dire que le motif tiré de l'insubordination n'est ni réel ni sérieux ; que le licenciement n'est donc pas justifié; que le jugement sera réformé ;
Sur les conséquences financières
Considérant que s'agissant d'une salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et d'une société de plus de 10 salariés, Mme [N] [N] étant actuellement en fin de droit, il convient de fixer à la somme de 20 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable que Mme [Y] [N] conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles ; qu'une somme de 2500 euros lui sera allouée au titre des frais de l'instance comprenant ceux exposés lors devant le Conseil de prud'hommes ; que la demande faite à ce titre par la société DEFI-GROUPE sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement
Rejette la demande de nullité
Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement
Condamne la SAS DEFI-GROUPE à verser à Mme [N] [N] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts
Condamne la SAS DEFI-GROUPE à verser à Mme [N] [N] la somme de 2500 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la SAS DEFI-GROUPE aux dépens
Le Greffier La Présidente