La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2010 | FRANCE | N°09/06330

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 4, 28 juin 2010, 09/06330


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 4



ARRET DU 28 JUIN 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06330





Décision déférée à la Cour : Décision du 25 Novembre 2008 rendue par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE - FIVA





DEMANDEUR





Monsieur [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]


>Représenté par la SCP LEDOUX & ASSOCIES, Avocats au barreau de Paris







DEFENDEUR





FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Maître Julien TSOUDE...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06330

Décision déférée à la Cour : Décision du 25 Novembre 2008 rendue par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE - FIVA

DEMANDEUR

Monsieur [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par la SCP LEDOUX & ASSOCIES, Avocats au barreau de Paris

DEFENDEUR

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Maître Julien TSOUDEROS, Avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral de Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé, l'affaire a été débattue le 12 avril 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Renaud BOULY de LESDAIN, Président

- Régine BERTRAND-ROYER, Conseiller

- Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Isabelle COULON

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour initialement prévu au 14 juin 2010 et prorogé au 28 juin 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Isabelle COULON, greffier présent lors du prononcé.

Monsieur [W] [D], né le [Date naissance 2] 1956, qui a été salarié dans le bâtiment en qualité de monteur et qui, à ce titre, a été exposé au contact de l'amiante, est atteint de plaques pleurales bilatérales diagnostiquées le 9 décembre 2006. Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu le 27 septembre 2007 par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne qui lui a attribué une indemnité forfaitaire pour un taux d'incapacité de 5% à compter du 1er novembre 2007.

Il est parti en retraite au titre de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante le 1er février 2008.

Monsieur [W] [D] a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux.

Par lettre recommandée datée du 25 novembre 2008, le FIVA lui a notifié une offre d'indemnisation se décomposant comme suit après avoir fixé le taux d'incapacité à 5% :

- préjudices patrimoniaux 6 664,30 €

(après déduction de la créance de l'organisme de sécurité sociale)

- préjudices extra patrimoniaux :

* préjudice moral 17 800 €

* souffrances physiques Non indemnisable

* préjudice d'agrément Non indemnisable

Monsieur [W] [D] a contesté cette offre par lettre recommandée reçue au greffe de la Cour le 25 janvier 2009.

Par dernières conclusions reçues au Greffe de la Cour et soutenues oralement à l'audience par son avocat, Monsieur [W] [D] demande à la Cour de :

- dire que les pièces n°18 à 23 sont recevables,

- déclarer la demande recevable,

- déclarer l'offre du FIVA insuffisante,

- dire que le FIVA devra lui verser les sommes suivantes :

en réparation du déficit fonctionnel permanent :

* au titre des arriérés de rente et de la rente capitalisée : 20 277,59 €

en réparation de son préjudice extra-patrimonial :

* en réparation de la souffrance physique 5 000,00 €

* en réparation de la souffrance morale 35 000,00 €

* en réparation du préjudice d'agrément 5 000,00 €

au titre de sa perte de revenus entre le 12 juillet 2007 et le 30 novembre 2016 :

en raison de sa retraite anticipée : 109 080,87 €

lesdites sommes avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

Il demande en outre à la Cour de dire que, lorsqu'il aura liquidé sa retraite, il pourra saisir le FIVA afin de solliciter une indemnisation de la différence entre la retraite qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler et la retraite qu'il percevra effectivement,

Il sollicite en outre le paiement d'une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives reçues au Greffe de la Cour et soutenues oralement par son avocat, le FIVA demande à la Cour de :

- écarter des débats les pièces produites par Monsieur [D] sous les numéros 18 à 23,

- débouter Monsieur [W] [D] de sa demande au titre du préjudice économique,

- dire que l'indemnité d'incapacité servie à Monsieur [W] [D] par son organisme social doit être déduite de l'indemnité due par le FIVA au titre du préjudice constitué par l'atteinte objective à l'intégrité physique de [W] [D],

- confirmer en tous points l'offre d'indemnisation des préjudices subis par Monsieur [W] [D] du fait de son exposition à l'amiante, soit 24 264,30 €,

- débouter Monsieur [W] [D] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la recevabilité des pièces n° 18 à 23

Considérant qu'aux termes des articles 27 et 28 du décret du 23 octobre 2001, la demande est formée par déclaration écrite au Greffe de la Cour d'appel et si elle ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le requérant doit déposer cet exposé au Greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration ; que la déclaration ou l'exposé des motifs doit mentionner la liste des pièces et documents justificatifs produits qui sont remis en même temps ;

Considérant que, même si la sanction de l'irrecevabilité n'est pas prévue par ces dispositions, celles-ci ont pour objectifs la concentration des moyens et des pièces au support de ces moyens et doivent être respectées ;

Considérant, cependant en l'espèce, que les pièces dont il est demandé l'irrecevabilité, sont indispensables dans le cadre de la demande formée au titre du préjudice économique dès lors qu'il s'agit du montant des indemnités journalières versées à Monsieur [W] [D] et que ce montant est nécessaire pour liquider ce préjudice en application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ; que la Cour en aurait nécessairement sollicité la communication et le FIVA lui-même a d'ailleurs fait observer que les pièces justificatives n'étaient pas communiquées ; que, pour ces motifs spécifiques, les pièces n°18 à 23 seront déclarées recevables ;

Sur le préjudice économique de Monsieur [W] [D]

Considérant que Monsieur [W] [D] sollicite l'allocation d'une indemnité en réparation de la pertes de revenus subie du 12 juillet 2007 au 31 janvier 2008, période d'arrêt de maladie, puis du 1er février 2008, date à partir de laquelle il a bénéficié du dispositif de l'ACAATA jusqu'au 30 novembre 2016, date à laquelle il aura 60 ans ; qu'il soutient avoir été contraint de cesser son activité en raison de sa pathologie liée à l'exposition à l'amiante et produit, à cet effet, une attestation de son employeur ;

Considérant que le FIVA soutient que la demande de bénéficier ainsi du dispositif de retraite anticipée réservé aux travailleurs de l'amiante n'est pas imposée par la pathologie asbestosique de Monsieur [W] [D] ; qu'il précise que le système d'indemnisation du risque par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a un caractère exclusif et que la décision est un choix libre et non contraint d'autant plus que le taux de 5% n'empêche pas Monsieur [W] [D] d'exercer son activité, aucun avis d'inaptitude n'étant produit aux débats ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 que peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ainsi que les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante ;

Considérant que le système d'indemnisation spécifique des victimes de l'amiante inclut la réparation de tous les préjudices en ce compris les pertes de gains qui, autonomes, ne se confondent pas avec les autres préjudices patrimoniaux et qui, contrairement à ce que soutient le FIVA, ne relèvent pas d'une indemnisation de droit commun ;

Considérant que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a créé le fonds de financement de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante qui permet à certains salariés de cesser leur activité dès l'âge de 50 ans en percevant une allocation égale à 65% de leur salaire jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ; que cette allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle et qu'ils remplissent un certain nombre de conditions telles que l'âge, la durée du travail et avoir travaillé dans l'une des entreprises figurant sur une liste fixée par décret ;

Considérant, en outre, que les personnes dont la maladie professionnelle due à l'exposition à l'amiante a été reconnue ont droit, dès l'âge de cinquante ans, de bénéficier de cette allocation ; qu'il s'agit donc d'un droit de choisir l'option de la retraite anticipée à taux réduit quel que soit le taux d'incapacité et sans qu'il soit nécessaire d'établir une quelconque inaptitude à travailler dès lors que les risques encourus du fait de l'exposition à l'amiante se sont réalisés ; qu'il existe donc bien un lien de causalité directe entre la maladie professionnelle de l'amiante et la cessation anticipée de l'activité avec pour conséquence une perte de revenus ; que, dans le respect du principe de la réparation intégrale, cette perte de revenus constitue un préjudice économique lié à l'exposition à l'amiante qu'il convient d'indemniser ; que la réduction de revenus de 35% ne peut être considérée comme étant compensée par le fait de ne pas travailler et donc non constitutive d'un préjudice dès lors qu'elle ne s'inscrit pas dans le cadre de l'indemnisation par l'employeur de la rupture du contrat de travail comme le soutient à tort le FIVA ;

Considérant que, de surcroît, dans le cas précis de Monsieur [W] [D], le choix de bénéficier de l'A.C.A.A.T.A. était d'autant plus contraint que l'employeur lui-même atteste que son salarié ne pouvait pas occuper une autre fonction dans ses effectifs 'sans être exposé aux poussières' alors qu'il était salarié depuis le 14 avril 1983 de la société COMTE ISOLATION ; que lui-même était dans un état dépressif du fait de la pathologie diagnostiquée en décembre 2006, comme l'atteste le Professeur [K], qui a justifié un arrêt de maladie du 12 juillet 2007 au 1er février 2008, date de bénéfice de l'A.C.A.A.T.A. ; que le lien de causalité entre la pathologie liée à l'exposition à l'amiante et la cessation d'activité est ainsi renforcé et justifie d'autant plus l'indemnisation du préjudice économique, caractérisé par le différentiel de revenus, subi par Monsieur [W] [D] ;

Considérant que le FIVA ne conteste pas la méthode de calcul de l'indemnité sollicitée par Monsieur [W] [D] ; qu'il se borne à affirmer qu'aucun justificatif n'est produit ;

Considérant que Monsieur [W] [D] produit aux débats les avis d'imposition ainsi que la notification de l'A.C.A.A.T.A. ; qu'il sollicite, pour la période du 1er au 31 janvier 2008, une indemnité correspondant à une perte de revenus de 1 079,79 € ; qu'il convient de déduire le montant des indemnités journalières versées pour la même période soit 1 273,17 € qui absorbent totalement la perte alléguée ;

Considérant que, pour la perte de revenus entre le 1er février 2008 et le 31 décembre 2016, il convient d'appliquer un euro de rente temporaire jusqu'à 60 ans, soit 7,002 pour un homme de 52 ans :

1 035,64 € x 12 x 7,002 = 87 018,61 € dont il convient de déduire la rente capitalisée d'un montant de 1 776,79 € versée par la C.P.A.M. ; qu'il sera donc alloué la somme de 85 241,82 € au titre de l'indemnisation du préjudice économique de Monsieur [W] [D] ;

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Considérant que Monsieur [W] [D] sollicite l'indemnisation de son incapacité, évaluée à 5% par le FIVA, au moyen d'un arriéré de rente et d'une rente annuelle capitalisée ; qu'il retient l'assiette de la rente qui a été adoptée par le Conseil d'administration du FIVA, soit 17 355 €, et en sollicite l'application selon le principe de linéarité ;

Considérant qu'il demande en conséquence que les sommes devant lui être versées soient ainsi calculées :

- pour la période du 10 décembre 2006 au 30 septembre 2008 :

17 355 € x 5% x 22 jours + 868 € + 868 € x 3/4= 1 571,32 €

365 jours

- à partir du 1er octobre 2008, une rente capitalisée en appliquant le prix de l'euro de rente de 21,551 pour 51 ans :

868 € x 21,551 = 18 706,27 €

Considérant que le FIVA, à titre principal, invoque son barème indemnitaire fondé sur la valeur croissante du point de rente ou du point de capital en fonction de la gravité des conséquences de l'atteinte à l'incapacité physique de la victime ; qu'il soutient que seule cette méthode évite de surindemniser le préjudice des pathologies les moins graves et de garantir la neutralité de l'indemnisation en rente ainsi que la prise en compte de l'âge de la victime ; que le Fonds affirme prendre en compte le caractère consolidé des pathologies bénignes ;qu'il fixe à 434 € la rente annuelle pour un taux de 5%;

Considérant que l'offre du FIVA est ainsi calculée :

- période du 9 décembre 2006 au 30 septembre 2008 :

434 € x 22 jours + 434 € + 434 € x 3/4 = 785,66 €

365 jours

- à compter du 1er octobre 2008 :

434 € x 17,639 = 7 655,33 €

- à déduire les arriérés de l'organisme social : 1 776,69 €,

de sorte qu'il est dû 6 664,30 € ;

Considérant qu'à titre principal ni le taux d'incapacité de 5% ni l'assiette de la rente telle qu'elle résulte du barème médical spécifique aux pathologies de l'amiante, ni la date du début de la maladie ne sont contestés ;

Que ce barème retient cinq niveaux d'incapacité en fonction du déficit fonctionnel respiratoire avec une adaptation en fonction des symptômes et de l'insuffisance respiratoire de chaque victime et attribue un taux d'incapacité de 100% pour les personnes sous oxygénothérapie en continu et pour celles atteintes d'un cancer ; qu'il traduit la gravité relative des pathologies entre elles qui est fondée sur une distinction entre maladies bénignes et malignes au sens médical du terme ; qu'une hiérarchie des incapacités est donc ainsi établie ;

Considérant que, cependant, l'application d'une valeur du point différente selon le taux d'incapacité, comme la préconise le FIVA, contredit la proportionnalité qui doit exister entre l'indemnisation du préjudice fonctionnel et son importance calculée en fonction du barème médical ;

Que, dès lors, seule une croissance linéaire du point doit être adoptée;

Considérant, en conséquence, que la rente annuelle doit être calculée par référence à une rente annuelle de 17 355 € pour une incapacité de 100% ;

Qu'il est dû par conséquent à Monsieur [W] [D] au titre de l'arriéré de rente du 9 décembre 2006 au 30 septembre 2008 :

17 355 € x 5% x 22 jours + 867,75 € + 867,75 € x 3/4 = 1 570,82 €

365 jours

Considérant, par ailleurs, que les parties sont d'accord sur le principe de la capitalisation de la rente annuelle à compter du 1er octobre 2008 ; que, cependant, Monsieur [W] [D] conteste la valeur de l'euro de rente retenu par le FIVA ; qu'il soutient que l'utilisation de tables de capitalisation sans rapport avec la réalité économique détruit toute équivalence possible entre l'indemnisation sous forme de rente viagère et celle sous forme de capital ; que, dès lors, il revendique l'utilisation de la dernière table de mortalité publiée par l'INSEE en y appliquant un taux d'intérêt de 2,5% correspondant aux données économiques actuelles ;

Considérant que le FIVA soutient que la référence aux pratiques des assureurs ne constitue pas une référence pertinente pour l'indemnisation individuelle, le taux moyen des emprunts d'Etat (TME) requis par la réglementation des assurances ne visant qu'à prémunir les assureurs contre une appréciation trop optimiste des rendements de leurs placements compte tenu des incertitudes sur la durée de leurs engagements et à adapter leur actif à leur passif ; qu'il soutient également qu'adopter de telles pratiques conduirait à une surévaluation de l'indemnisation dès lors que le taux de 2,4/2,5% retenu par les assureurs est inférieur au taux de rendement effectivement obtenu ;

Considérant que les taux d'intérêt pratiqués par les compagnies d'assurance pour capitaliser les rentes tiennent compte des règles régissant les risques de couverture de leurs engagements à long terme, couverture qui utilise des techniques financières sophistiquées à risques sur les marchés de capitaux alors que le particulier fait des placements 'en bon père de famille', même par l'intermédiaire de professionnels institutionnels ; que le barème de capitalisation fondé sur ce taux doit dès lors être écarté pour éviter une indemnisation inadaptée ;

Considérant, en revanche, que le barème retenu par la Cour sera celui dit de la Gazette du Palais de 2004, soit un prix de l'euro de rente de 18,088 pour un homme âgé de 51 ans ;

Qu'en conséquence, à compter du 1er octobre 2008, la rente capitalisée à verser par le FIVA à Monsieur [W] [D] s'élève à :

17 355 € x 5% x 18,088 = 15 695,86 €

Considérant que l'article 53 I de la loi du 23 décembre 2000 qui pose le principe de la réparation intégrale des préjudices consécutifs à l'exposition à l'amiante et 53 IV oblige le FIVA à indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités revenant à la victime compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, à savoir les prestations versées par les caisses de sécurité sociale, ainsi que des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef d'indemnisation du même préjudice,

Considérant que l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 qui modifie l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, dispose que les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s'exercent poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit avoir versé une prestation indemnisant incontestablement un préjudice à caractère personnel auquel cas son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;

Considérant qu'il résulte des articles L 434-1 et L 434-2 du code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale que la rente versée au titre de la maladie professionnelle par l'organisme social répare d'une part les pertes de gains professionnelles ou d'incidence professionnelle, et d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, la rente allouée à Monsieur [W] [D] a déjà été imputée sur le poste des pertes de gains professionnels ; qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à cette déduction;

Considérant que l'indemnité totale allouée à Monsieur [W] [D] au titre de son déficit fonctionnel permanent s'élève à la somme de :

1 570,82 € + 15 695,86 € - = 17 266,68 €

Sur le préjudice extra-patrimonial

1. Sur les souffrances physiques.

Considérant que Monsieur [W] [D] rappelle qu'il est atteint de plaques pleurales diagnostiquées le 9 décembre 2006 ; qu'il fait valoir qu'il résulte des pièces médicales et attestations produites qu'il souffre des troubles habituellement associés à ces atteintes physiologiques et des examens médicaux à subir ;

Considérant que le FIVA soutient que la pathologie pleurale n'est pas évolutive, qu'elle est asymptomatique et qu'elle n'a pas de retentissement objectivable individuellement sur les épreuves fonctionnelles respiratoires comme le démontrent les EFR réalisées le 3 novembre 2007 ;

Considérant que Monsieur [W] [D] ne produit aux débats que le rapport d'expertise du Professeur [K] du 19 mars 2008 faisant état d'une pression artérielle mesurée à 14/7 et d'une auscultation thoracique normale et qui mentionne les résultats de l'examen tomodensitométrique du 9 décembre 2006 montrant la présence de multiples plaques pleurales nodulaires ou planes, axillaires et diaphragmatiques, bilatérales sans atteinte interstitielle de type asbestose ; qu'il est rappelé que les paramètres de spirométrie sont normaux ;

Considérant, au vu de ce rapport médical, que Monsieur [W] [D] ne produit aux débats aucune pièce objective déterminante ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande au titre de son préjudice physique ;

2. Sur le préjudice moral.

Considérant que Monsieur [W] [D] expose vivre dans la crainte d'une aggravation de son état de santé qui altère son caractère ;

Considérant que le FIVA conteste l'indemnisation d'un préjudice moral subjectif lié à une évolution éventuelle de la maladie alors qu'il a pris en compte dans son offre de 17 800 € le préjudice moral spécifique des personnes atteintes de maladies liées à l'amiante ; qu'il soutient qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, le risque de survenue d'un cancer lié à l'exposition à l'amiante dépend uniquement de la dose reçue et non de l'existence de plaques pleurales ;

Considérant que Monsieur [W] [D] produit aux débats plusieurs attestations de ses proches qui évoquent l'évolution de son comportement tendant à l'isolement et à l'enfermement sur lui-même en raison de ses angoisses ainsi qu'à son manque de dynamisme ; que son état d'anxiété est rappelé par le rapport ci-dessus cité du Professeur [K] qui évoque le syndrome dépressif mentionné sur l'un des arrêts de travail et qui précise 'il existe indiscutablement (...) une anxiété liée à la connaissance de cette affection professionnelle consécutive à son exposition antérieure à l'amiante, vis à vis du risque évoluti de cette affection' ; qu'il ajoute 'il sera en revanche légitime, en particulier dans le contexte d'anxiété signalée, qu'il puisse bénéficier d'une surveillance post-consolidation spécifique' ;

Considérant que l'anxiété ainsi ressentie par Monsieur [W] [D] ne peut donc être considérée comme relevant d'un préjudice éventuel comme le soutient le FIVA, ; qu'il convient d'allouer la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral ;

3/. Sur le préjudice d'agrément.

Considérant que Monsieur [W] [D] dit connaître des répercussions importantes de sa maladie sur la qualité de sa vie en précisant que le préjudice d'agrément s'entend de la privation des agréments normaux de l'existence ; qu'en outre il s'est trouvé privé de certains loisirs ;

Considérant que, selon le Fonds, l'indemnisation d'un préjudice d'agrément ne peut excéder les troubles dans l'existence dès lors que l'arrêt d'activités antérieures n'est pas démontré ;

Considérant que le Fonds n'est pas fondé à soutenir l'absence d'un préjudice d'agrément alors que, même si l'essoufflement n'est pas objectivable, l'anxiété ressentie a le même effet sur la pratique du tennis comme le démontrent les attestations produites aux débats ; qu'il sera alloué à Monsieur [W] [D] la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice d'agrément ;

Considérant, en conséquence, que le préjudice extra-patrimonial de Monsieur [W] [D] s'établit à la somme totale de 23 000 € dont il conviendra de déduire la provision déjà versée ;

Considérant qu'il est équitable que Monsieur [W] [D] n'assume pas les frais qu'il a dû engager dans la présente procédure ; que sera fixée à 1 300 € l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile par le FIVA à la charge duquel resteront les dépens conformément à l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare les piè-ces 18 à 23 recevables,

Alloue à Monsieur [W] [D] au titre de l'indemnisation de ses pertes de revenus, la somme de 85 241,82 €,

Alloue à Monsieur [W] [D] au titre des arrérages de rente et de la rente capitalisée après déduction de la somme versée par l'organisme social, la somme de 17 266,68 €,

Alloue à Monsieur [W] [D], au titre de l'indemnisation de son préjudice extra-patrimonial la somme de 23 000 € dont sera déduite la provision déjà versée,

Fixe à mille trois cents euros (1 300 €) l'indemnité due à Monsieur [W] [D] par le FIVA en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge du FIVA.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 09/06330
Date de la décision : 28/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C4, arrêt n°09/06330 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-28;09.06330 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award