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24/06/2010 | FRANCE | N°08/11317

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 24 juin 2010, 08/11317


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7





ARRÊT DU 24 Juin 2010



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11317



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil - Section Encadrement - RG n° 07/00101





APPELANT

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Alexandre TESSIER, avoc

at au barreau de RENNES





INTIMÉE

S.A.S. FINANCIERE PIPIERE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Benoit GICQUEL, avocat au barreau de RENNES





COMPOSITION DE LA COUR :



En applicat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 24 Juin 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11317

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil - Section Encadrement - RG n° 07/00101

APPELANT

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Alexandre TESSIER, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE

S.A.S. FINANCIERE PIPIERE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Benoit GICQUEL, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

GREFFIER : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société FINANCIERE PIPIERE est une holding financière créée en 2002. Son siège est situé à [Localité 6]. Elle a pour activités, aux termes de son Kbis, 'la prise de participation financière dans toutes les sociétés, activités, conseille en gestion, finance, informatique, administration et gestion en matière de stockage, import, export'. Cette holding financière regroupe sept sociétés.

Par contrat à durée indéterminée, en date du 10 mars 2003, M. [Z] [P] a été engagé par la SAS FINANCIERE PIPIERE en qualité de directeur des ressources humaines, emploi relevant de la catégorie cadre, niveau 9, échelon 1. Le salaire annuel brut était fixé à 64 000 €.

La convention collective applicable aux relations contractuelles est celle des commerces de gros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception, en date du 5 octobre 2006, M. [Z] [P] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une mesure de licenciement. L'entretien préalable s'est déroulé le 12 octobre 2006.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 octobre 2006, M. [Z] [P] a été licencié pour faute grave.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [Z] [P] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 7 octobre 2008 qui, après avoir requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné son employeur la SAS FINANCIERE PIPIERE à lui payer les sommes suivantes :

* 17'037,87 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1703,78 € au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

* 2226,28 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'homme a également :

- ordonné la remise des bulletins de salaires et des documents sociaux conformes à la décision sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du jugement,

- débouté M. [Z] [P] du surplus de ses demandes,

- condamné la SAS FINANCIERE PIPIERE aux dépens.

Vu les conclusions en date du 28 mai 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [Z] [P] demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 7 octobre 2008,

en conséquence :

- de constater le caractère abusif de la rupture de son contrat de travail,

- de dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-de condamner, en conséquence, la SAS FINANCIERE PIPIERE à lui payer les sommes suivantes :

* 102'227,22 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15'000 € pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 17'037,87 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1703,78 € au titre des congés payés sur préavis,

* 812,28 € à titre d'indemnité de RTT sur préavis,

* 790,77 € au titre de la retraite complémentaire sur préavis,

* 2226,28 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 851,99 € à titre d'indemnisation de la perte du droit au DIF,

* 10'000 € au titre de l'indemnisation du préjudice moral résultant des circonstances vexatoires de la rupture,

- de fixer la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 5'679,29 €,

- d'ordonner la rectification de l'attestation ASSEDIC et des bulletins de salaire conformément à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 €par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision,

- de dire que les sommes allouées seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la saisine,

- de condamner la SAS FINANCIERE PIPIERE à lui payer une indemnité de 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Vu les conclusions en date du 28 mai 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS FINANCIERE PIPIERE demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 7 octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a procédé à la requalification du licenciement de M. [Z] [P] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

- de débouter M. [Z] [P] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS FINANCIERE PIPIERE à payer une indemnité de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour considérerait que le licenciement de M. [Z] [P] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- de ramener à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités par M. [Z] [P] et de le condamner à lui payer une indemnité de 4500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce ;

Qu'en l'espèce la lettre de licenciement est ainsi motivée :

« A la suite de l'entretien préalable que nous avons eu le 12 octobre 2006, nous avons le regret de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Le motif invoqué à l'appui de cette décision tel qu'il vous a été exposé à cette occasion est, nous vous le rappelons, le suivant : le refus abusif de modification de votre lieu de travail.

Votre lieu de travail était initialement fixé au [Adresse 3], au siège de la société SOCOPI, société pour laquelle vous êtes également chargé, conformément à votre contrat de travail, d'assurer le suivi et la coordination de la gestion des ressources humaines.

Au cours du mois d'août 2006, la société SOCOPI a transféré son siège social sur la commune du Rheu, Zac chemin vert, entraînant de fait un changement de votre lieu de travail sur cette commune.

Ce changement de lieu de travail constituait une simple modification de vos conditions de travail qui s'imposait à vous.

Pourtant, vous avez refusé de prendre vos fonctions à cette nouvelle adresse et ce, malgré nos trois mises en demeure des 6,15 et 29 septembre dernier...

Vous disposiez, sur ce nouveau site, de l'ensemble des moyens pour assurer pleinement vos fonctions et nous vous avions informé que la configuration des locaux ne vous empêchait pas d'assurer votre fonction avec la confidentialité et la discrétion que nous souhaitions.

Plus grave encore, pour justifier votre refus, vous êtes allé jusqu'à prétendre que la direction souhaitait votre départ en prêtant au directeur général de la société des propos à votre égard qu'il n'a pas tenus et en soutenant que celui-ci vous avait mis à la porte de la société le 24 août dernier, ce qui ne s'est pas produit.

Vous avez en réalité, de votre propre chef, décidé que votre nouveau lieu de travail ne vous convenait pas et cherché alors des prétextes pour pouvoir justifier votre refus.

Nous considérons que votre attitude constitue une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée de votre préavis...' ;

Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ;

Que c'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [Z] [P] même pendant la durée du préavis ;

Considérant que M. [Z] [P] soutient que son licenciement est irrégulier au motif qu'il a été sommé de quitter l'entreprise, sans aucun délai de prévenance et sans qu'aucune convocation ni aucun entretien préalable n'intervienne ; que dès lors il a fait l'objet d'un licenciement, dès le 24 août 2006, lorsque M. [Y] lui ayant intimé l'ordre, devant une douzaine de salariés, de prendre la porte et de sortir ;

Considérant cependant, sur ce point, que M. [Z] [P] ne verse au débat, à l'exception de sa seule relation des faits mentionnée dans son courrier recommandé du

28 août 2006 adressé au Président de la SAS FINANCIERE PIPIERE, aucun élément, aucune attestation établissant une rupture unilatérale du contrat de travail par l'employeur à cette date et corroborant sa version des faits contenue dans le courrier susvisé ; que, de surcroît, dans ledit courrier, M. [Z] [P], qui, en sa qualité de directeur des ressources humaines, ne peut en ignorer la portée, ne considère pas qu'il a été licencié pas plus qu'il ne prend acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur ; qu'au contraire il mentionne expressément 'qu'il souhaite continuer à travailler pour la SAS FINANCIERE PIPIERE' ;

Qu'en conséquence M. [Z] [P] n'établit pas qu'il a été licencié le 24 août 2006 ; qu'il sera débouté de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Considérant que M. [Z] [P] soutient, par ailleurs, qu'il s'est vu imposer des conditions de travail incompatibles ses fonctions de DRH ; qu'il prétend ne pas avoir été informé du déménagement de son bureau ; qu'il s'agit, en toute hypothèse, d'une modification unilatérale du contrat de travail sans son accord ; qu'il prétend également s'être vu imposer, à son retour de vacances, le 21 août 2006, un bureau dans une salle commune ; que dès lors les conditions qui lui étaient faites, étaient incompatibles avec l'exercice de sa mission, en particulier, s'agissant de la confidentialité minimale dont doit faire preuve un DRH détenant des informations personnelles sur les salariés ; qu'en réalité, la société voulait supprimer le poste de DRH ainsi que le démontre le livre d'entrée et de sortie du personnel, puisque son poste n'a pas été remplacé ;

Considérant que le contrat de travail mentionne comme lieu d'exécution le siège de la société SOCOPI, situé au [Adresse 3] ;

Que cependant, M. [Z] [P] ne conteste pas qu'il était amené à de fréquents déplacements en sa qualité de D.R.H des sociétés PIPIERE DE PARIS, de la société PIPAL et de la SOCOPI ;

Considérant que le lieu de travail n'est pas, en principe, un élément essentiel du contrat de travail ; que M. [Z] [P] ne rapporte pas la preuve que le lieu de travail ait été une condition expresse de l'engagement ; qu'il n'a jamais été précisé que le salarié exercerait exclusivement son activité au [Adresse 3] ;

Que l'employeur établit que M. [Z] [P] a été consulté, à la fin de l'année 2005, sur la question de la possibilité juridique de faire procéder à une modification du lieu de travail des salariés des sociétés SOCOPI et SOCOLOG sur la commune du RHEU ; qu'en sa qualité de DRH, il ne pouvait ignorer le transfert des sociétés en question ainsi que de leurs services administratifs sur le nouveau site distant de 15 kms du précédent soit dans le même bassin d'emploi ; que l'ensemble du personnel administratif était également concerné par ce transfert ;

Considérant que, contrairement à ce qu'il soutient dans son courrier en date du 22  août 2006, M. [Z] [P] qui disposait désormais d'une partie du plateau en 'open space' de 800 m2 à l'instar du directeur administratif et financier, ne peut soutenir qu'il lui a été fait un sort spécifique ou discriminatoire à l'occasion du déménagement ; que par ailleurs, le salarié ne conteste pas qu'une salle de réception pouvait être mise à sa disposition dés lors qu'il devait assurer des démarches confidentielles ; que le simple changement d'aménagement des bureaux, induit par la nouvelle organisation du travail en open space, ne pouvait donc légitimer le refus de se rendre sur le nouveau lieu de travail ;

Considérant que le refus de modification du lieu de travail par un cadre, exerçant les fonctions de DRH, constitue une faute qui doit s'apprécier de façon plus stricte dés lors qu'il émane d'un collaborateur de premier plan ; Que par définition, le fait de ne pas rejoindre les nouveaux locaux de l'entreprise établit l'impossibilité de maintenir la relation de travail durant le préavis ; qu'enfin, l'absence de remplacement de M. [Z] [P] à l'issue du licenciement reste sans incidence sur la réalité de faute commise ; que dés lors la SAS FINANCIERE PIPIERE était fondée à licencier M. [Z] [P] pour faute grave ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce chef de demande ;

Considérant que ni l'équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau :

DÉCLARE le licenciement de M. [Z] [P] fondé sur une faute grave,

DÉBOUTE M. [Z] [P] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE M. [Z] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 08/11317
Date de la décision : 24/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°08/11317 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-24;08.11317 ?
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