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24/06/2010 | FRANCE | N°07/00815

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 24 juin 2010, 07/00815


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 24 Juin 2010

(n° 1 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00815 BF



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Avril 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 00716503





APPELANTE

SA SOCIÉTÉ EDITRICE DU MONDE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David JONIN, avocat au bar

reau de PARIS, toque : T03





INTIMÉE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

Service 6...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 24 Juin 2010

(n° 1 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00815 BF

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Avril 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 00716503

APPELANTE

SA SOCIÉTÉ EDITRICE DU MONDE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David JONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIMÉE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

Service 6012 - Recours Judiciaires

TSA 80028

[Localité 5]

représentée par M. [I] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Régulièrement avisé - non représenté.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bertrand FAURE, Président

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, par suite d'un empêchement du président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la S.A. SOCIÉTÉ EDITRICE DU MONDE d'un jugement rendu le 27 avril 2007 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris (4ème Section) dans un litige l'opposant à l'Union pour le Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et des Allocations Familiales (U.R.S.S.A.F.) de PARIS;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard;

Il suffit de rappeler que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juillet 2003 la Société Editrice du Monde a demandé à l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la région parisienne le remboursement de cotisations qu'elle estimait avoir payées indûment sur les rémunérations versées à ses journalistes; visant un arrêt rendu le 11 avril 2002 par la Cour de Cassation (URSSAF de [Localité 6]/Société GAMMA) ayant décidé que le déplafonnement des cotisations 'accident du travail' ne pouvait faire échec à l'application de l'abattement de 20% sur les cotisations des journalistes professionnels, cette Société a considéré avoir cotisé à tort aux taux pleins du Régime Général pour ses journalistes au cours des années 1990 à 1997; elle a évalué ce trop versé à la somme de 2.053.206 € ; les services administratifs de l'urssaf de [Localité 6] ont opposé un refus à sa requête; contestant ce refus la Société Editrice du Monde a par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2003 saisi la Commission de Recours Amiable aux fins d'obtenir le remboursement des sommes réclamées, majorées des intérêts au taux légal; sur décision de rejet implicite de ladite Commission elle a par recours introduit le 17 novembre 2003 saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS; en sa séance du 29 juin 2004 la Commission de Recours Amiable a rejeté la requête présentée au motif que la prescription biennale édictée par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale pouvait être valablement opposée; par le jugement déféré les premiers juges ont statué comme suit:

' Dit la Société Editrice du Monde irrecevable en sa demande en répétition de l'indu comme prescrite;

Dit la Société Editrice du Monde mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et l'en déboute;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 de Nouveau Code de Procédure Civile ...';

La Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est demandé à la Cour:

' A titre principal ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS le 27 avril 2007 en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des cotisations indûment versées par la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde ;

Constater que l'action en répétition de l'indu introduite par la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde à l'encontre de l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne n'est pas prescrite ;

En conséquence ;

Condamner l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne à rembourser à la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde la somme totale de 2.053.206 euros au titre des cotisations indûment versées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réclamation, soit à compter du 30 juillet 2003 ;

A titre subsidiaire ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS le 27 avril 2007 en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde à l'encontre de l'U.R.S.S.A.F. de PARIS et de la Région parisienne ;

Constater le préjudice subi par la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde du fait des fautes commises par l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne ;

En conséquence ;

Condamner l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne à verser à la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, la somme de 2.053.206 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réclamation, soit à compter 30 juillet 2003 ;

En tout état de cause ;

Condamner l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne à verser la somme de 6000 euros à la S.A. Société Editrice du Monde venant aux droits de la S.A. Société Le Monde au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne aux entiers dépens ';

L'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions où il est sollicité ce qui suit :

'Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la S.A Société Editrice du Monde de ses demandes ;

En conséquence:

Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 20 décembre 2007 dans un litige en tout point similaire ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 12 mars 2009 ;

Vu les quatre arrêts rendus par la même Cour le 9 juillet 2009 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22 Octobre 2009 ;

Dire et juger que c'est à juste titre que l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne oppose à la demande de remboursement, la prescription édictée par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale ;

Dire que l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] et de la Région parisienne n'a commis aucune faute susceptible d'ouvrir droit à réparation ;

Condamner la S.A. Editrice du Monde à une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ';

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Sur quoi la Cour:

Considérant qu'à bon droit les premiers juges ont déclaré la Société Editrice du Monde irrecevable en sa demande de répétition de l'indu comme prescrite ;

Considérant en effet que pour déterminer si les conditions de l'indu sont remplies il convient de rappeler le contexte notamment législatif concernant les taux applicables aux journalistes professionnels ;

Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 26 mars 1987 'les taux des cotisations de sécurité sociale dues par les agences ou entreprises de presse au titre de l'emploi des journalistes professionnels et assimilés mentionnés à l'article L. 311-3-16° du code de la sécurité sociale sont calculés, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 242-3 du même code, en appliquant aux taux du régime général un abattement de 20 %'; que selon l'article 2 de cet arrêté 'l'abattement est appliqué par chaque employeur aux cotisations calculées dans la limite du plafond de la Sécurité Sociale'; que l'article 3 précise enfin que le taux du versement destiné aux transports en commun et le taux de la cotisation au Fonds National d'Aide au Logement sont calculés compte tenu du même abattement que celui prévu à l'article 1er ; que l'article L.311-3-16° du Code de la Sécurité Sociale vise les journalistes pigistes; que cependant par lettre du 26 mars 1987 le Ministre des Affaires Sociales et de l'Emploi a indiqué que doivent être présumés travailler pour plusieurs employeurs, afin de tenir compte du mode d'exercice spécifique de la profession, les journalistes titulaires de la carte professionnelle prévue par l'article L.761-15 du Code du Travail, lesquels peuvent dès lors bénéficier des taux réduits sur les rémunérations perçues en leur qualité de journalistes; que postérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 26 mars 1987, des lois prévoyant le déplafonnement des cotisations ont été adoptées; que concernant plus particulièrement l'abattement sur les taux de cotisations de Sécurité Sociale dus pour l'emploi de certaines catégories de journalistes, prévu par l'arrêté du 26 mars 1987, se situant dans le prolongement de l'article L.242-3 du Code de la Sécurité Sociale, concernant le calcul des cotisations assises sur le plafond des travailleurs salariés ou assimilés travaillant pour le compte de deux ou plusieurs employeurs, il pouvait en être déduit que le taux des cotisations accidents du travail, déplafonnées, ne pouvait plus bénéficier de l'abattement de 20%; que cependant par arrêt du 11 avril 2002 (U.R.S.S.A.F. de [Localité 6]/ Société GAMMA) la Cour de Cassation statuant sur un litige portant sur le taux de cotisations accident du travail applicable aux journalistes professionnels a confirmé la position qu'elle avait prise par arrêt du 14 mai 1998 (C.R.A.M.I.F./ Société du Figaro) estimant que la loi n°90.86 du 23 janvier 1990 supprimant le plafond de l'assiette des cotisations accident du travail n'avait pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1987, ni l'article 2, et que dans ces conditions elle ne pouvait faire échec à l'application de l'abattement prévu par ce texte sur le taux de cotisations concernant le taux des cotisations applicable aux journalistes professionnels; que cette analyse pouvait être transposable aux taux de la contribution versement transport également visés par l'arrêté du 26 mars 1987 et ayant fait l'objet d'un déplafonnement dans les mêmes conditions; qu'il en va aussi ainsi de la cotisation vieillesse partiellement déplafonnée après 1987; qu'il convient donc d'appliquer les taux réduits tant à la cotisation plafonnée qu'à celle déplafonnée ;

Considérant cependant que les demandes formulées par la Société Editrice du Monde portant sur les années 1990 à 1997 la question de la prescription doit être examinée ; que plus précisément il convient de déterminer la prescription applicable aux demandes de remboursement fondées sur l'application, pour les journalistes professionnels et assimilés, des taux réduits de l'abattement de 20% à la cotisation accident du travail et plus généralement à l'ensemble des cotisations déplafonnées depuis 1987 ;

Considérant que l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 dispose que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle ces cotisations ont été acquittées; que d'après le nouvel article L.243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003: 'la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées. Lorsque l'obligation de remboursement desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue.'

Considérant que la Société Editrice du Monde fait valoir que le délai de prescription ne peut valablement être opposé tant que l'obligation de remboursement n'est pas née, et, par référence au nouvel alinéa introduit à l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale, prétend que la prescription n'a pu courir avant le 15 avril 2003 ;

Considérant que l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale fixe le point de départ de la prescription de l'action en répétition de l'indu à compter de la date à laquelle les cotisations ont été acquittées; que la Cour de Cassation a estimé que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la décision invalidant la règle non conforme et non plus à celle du paiement, étant en tant que de besoin observé que c'est purement pour limiter les effets de cette analyse que la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2004 précitée a restreint l'obligation de remboursement à la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant la décision de non conformité; qu'en l'espèce la Cour de Cassation dans ses arrêts rendus les 14 mars 1998 et 11 avril 2002 n'a pas remis en cause la conformité de l'arrêté du 26 mars 1987 à la loi du 23 janvier 1990 ayant déplafonné l'assiette des cotisations accident du travail; qu'elle a comme il a été dit estimé que ladite loi n'avait pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1987 et que de ce fait, elle ne pouvait faire échec à l'application de l'abattement prévu par ce texte sur le taux des cotisations intéressant les journalistes professionnels ; que dans ces conditions les dispositions du nouvel alinéa de l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale relatif à la prescription applicable en cas de non conformité d'un texte à une norme supérieure constatée par décision de justice ne saurait recevoir application, une distinction devant s'établir entre le paiement effectué en fonction d'un texte annulé et un paiement dont la cause demeure valable nonobstant la survenance d'une interprétation jurisprudentielle ; que si une nouvelle orientation de la jurisprudence postérieurement à la date du paiement peut servir de fondement à une demande de remboursement de cotisations, une telle demande ne peut néanmoins être satisfaite que dans le respect de la prescription prévue par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale, même si l'employeur ignorait à ce moment là le motif de la contestation qui s'ouvrait à lui ; qu'il ne peut être fait droit aux demandes de remboursement que dans la limite des trois années à compter du paiement des cotisations, sous réserve que l'ancienne prescription biennale ne soit pas acquise; qu'en l'espèce, il est constant que la demande de remboursement n'a été formulée que par courrier du 30 juillet 2003 et qu'elle vise les cotisations allant de 1990 à 1997 ; que le délai de deux ans alors applicable expirait au plus tard le 15 janvier 1998 pour la dernière période réclamée ; qu'ainsi cette demande de remboursement, en tout état de cause déposée très largement en dehors des délais impartis, est irrecevable ;

Considérant que la Société Editrice du Monde ne saurait davantage être suivie en ce qu'elle se prévaut de l'adage 'contra non valentem agere non currit praescriptio'; qu'aux termes en effet de l'article 2251 du Code Civil 'la prescription court contre toutes personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exception établie par une loi'; qu'ainsi notamment la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l'impossibilité absolue d'agir suite à un empêchement résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure; qu'en l'espèce aucun obstacle n'interdisait à la Société Editrice du Monde de contester avant l'expiration du délai de prescription comme l'ont fait d'autres organismes de presse la classification sur laquelle avaient été calculées les cotisations et de réclamer le remboursement des cotisations indûment acquittées; que la divergence d'interprétation d'un texte ne fait pas obstacle à ce que les redevables contestent le montant de leurs cotisations devant la juridiction de sécurité sociale avant que ne soit ultérieurement tranchée la difficulté d'interprétation; qu'ainsi rien ne permet de fixer le point de départ du délai de prescription à une date différente de celle prévue par le texte; qu'au regard de l'argumentaire de l'appelante la Cour ajoutera que pour la même raison la prescription instituée par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale n'apporte aucune restriction incompatible avec les stipulations combinées des articles 6§1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n°1 à ladite convention; qu'en l'espèce, l'interprétation par l'A.C.O.S.S. des dispositions de la loi n°90.86 du 23 janvier 1990 ayant déplafonné l'assiette des cotisations accident du travail ne constituait pas un obstacle absolu à l'introduction d'une action devant les juridictions compétentes; qu'elle n'était pas non plus de nature à faire échec à la prescription (biennale) édictée par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale; qu'en tant de besoin la Cour ajoutera que la Société Editrice du Monde a elle-même calculé les cotisations dues pour les journalistes depuis le 1er janvier 1990 sans appliquer l'abattement de 20% et que le paiement des cotisations afférentes à la période du 1er Janvier 1990 au 31 Décembre 1997 a été effectué sans réserves ni contestation aucune ;

Considérant en définitive que la demande en remboursement de la Société Editrice du Monde n'est pas fondée sur la non conformité d'un texte à une norme supérieure, pas plus d'ailleurs que sur la requalification d'un fait par une juridiction ; qu'est à son origine une nouvelle interprétation combinée de l'arrêté du 26 mars 1987 et des lois successives prévoyant le déplafonnement des cotisations et contributions; que cette Société avait la possibilité de contester l'ancienne interprétation dès l'adoption des premières lois de déplafonnement; qu'ainsi le cours de la prescription n'a été ni suspendu ni interrompu jusqu'à la formulation de la demande en remboursement; que les cotisations visées par ce remboursement sont donc prescrites ;

Considérant que par des motifs également pertinents les premiers juges ont débouté la Société Editrice du Monde de sa demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code Civil; qu'il suffit de souligner que le recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale repose sur un système déclaratif; qu'ainsi il appartient à chaque employeur et travailleur indépendant inscrit auprès de l'U.R.S.S.A.F. de déterminer le montant des cotisations et d'en effectuer le versement avant la date d'exigibilité sans même attendre les documents préétablis par l'U.R.S.S.A.F; que le principe était ainsi que les déclarations sont établies sous la seule responsabilité de l'employeur les organismes de recouvrement peuvent faciliter la tâche des cotisants en leur fournissant les éléments dont ils ont connaissance, notamment par l'indication des taux de cotisation; que cependant, ces organismes ne connaissant pas la structure de l'entreprise ni sa population il incombe toujours à l'employeur de vérifier que ces taux sont adaptés à la situation concrète des salariés ; que s'ils sont erronés celui-ci a la possibilité voire l'obligation de les corriger; que d'après l'article R.243-13 du Code de la Sécurité Sociale chaque versement de cotisations est obligatoirement accompagné d'un bordereau daté et signé de l'employeur indiquant d'une part le nombre de salariés de l'établissement ou de l'entreprise, d'autre part l'assiette et le montant des cotisations dues; qu'aucune sanction n'est prévue pour le cas où l'employeur n'utiliserait pas les bordereaux préétablis par l'organisme de recouvrement; qu'aucune sanction n'est davantage encourue si l'employeur, suivant une pratique relevant apparemment des habitudes de la Société Editrice du Monde elle même, modifie ou complète le bordereau adressé par l'U.R.S.S.A.F.; qu'ainsi le principe déclaratif, qui constitue la règle, induit le contrôle a posteriori; que dans ce cadre l'U.R.S.S.A.F. ne manque pas à ses obligations de conseil en ne vérifiant pas les informations contenues sur les éléments déclaratifs; qu'il est de la responsabilité propre des employeurs de s'informer précisément sur leurs droits et obligations concernant les cotisations, a fortiori puisque s'agissant en la matière d'une législation complexe et en perpétuelle évolution ; que l'article R.112-2 ne concerne que l'information générale des assurés sociaux, qualité que n'a pas la Société Editrice du Monde; que de même la Charte du cotisant diffusée fin 1990 et destinée à informer chaque cotisant quel que soit son statut, est un document rédigé en des termes très généraux, qui ne peut être totalement exhaustif, et qui ne comporte aucun élément susceptible d'établir que l'U.R.S.S.A.F. aurait failli à son devoir d'information; qu'enfin l'article L242-3 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale dispose qu'en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs ou assimilés définis par arrêté ministériel travaillant régulièrement et simultanément pour le compte de deux ou plusieurs employeurs, le montant des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales incombant à chacun des employeurs peut être déterminé en appliquant aux taux de cotisations un abattement forfaitaire; que l'arrêté du 26 mars 1987 fixe l'abattement applicable aux taux de cotisations dues par les agences ou entreprises de presse au titre de l'emploi de journalistes professionnels et assimilés visés à l'article L.311-3-16° du Code de la Sécurité Sociale; que ce texte prévoit en son article 1er que les cotisations de Sécurité Sociale sont calculées en appliquant au taux de droit commun un abattement de 20 %, et en son article 2 que cet abattement est appliqué par chaque employeur aux cotisations calculées dans la limite du plafond sur les rémunérations qu'il verse aux intéressés; que l'application stricte de ces textes a conduit naturellement la branche recouvrement à considérer que ledit abattement ne pouvait plus être appliqué pour les journalistes professionnels et assimilés dès lors que la cotisation faisait l'objet d'un déplafonnement et puisque la volonté du législateur avait été de tenir compte de la situation des salariés à employeurs multiples pour limiter les cotisations dues sur des bases déplafonnées ; puis dans les arrêts opposant des entreprises tiers aux U.R.S.S.A.F. intervenus les 11 Avril 2002 et 17 Octobre 2002 à l'occasion des litiges portant exclusivement sur les cotisations accident du travail la Cour de Cassation s'est bornée à donner une interprétation de la règle de droit ; que le raisonnement de la Cour de Cassation a été ensuite étendu à l'ensemble des cotisations déplafonnées par instruction ministérielle du 30 Octobre 2002 reprise par circulaire A.C.O.S.S. n°2003-057 du 15 Avril 2003, le Ministère des Affaires Sociales ayant rapidement tiré les conséquences de la jurisprudence et défini de nouvelles orientations ; que de surcroît il apparaît que l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] après avoir eu connaissance de l'arrêt du 11 Avril 2002 s'appliquant uniquement aux cotisations accident du travail a pris l'initiative avant même que le Ministère ne se prononce sur ce point par cette lettre du 30 Octobre 2002 d'appliquer par analogie la position adoptée par le juge suprême aux cotisations d'allocations familiales, vieillesse et versement transport déplafonnées après 1987 et ce avant même que le Ministère eût pris position; qu'il s'ensuit qu'il ne peut être considéré qu'antérieurement au 30 Octobre 2002 la Société Editrice du Monde ait acquitté indûment les cotisations en cause; qu'en tant que de besoin la Cour ajoutera que les instructions ministérielles et circulaires A.C.O.S.S. sont dépourvues de force obligatoire et ne sont pas créatrices de droit; que de surcroît la lettre ministérielle du 30 Octobre 2002 et la circulaire A.C.O.S.S. du 15 Avril 2003 ne valent en tout état de cause que pour l'avenir et précisent bien que les remboursements de cotisations ne peuvent intervenir que dans la limite de deux ans prévu par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale dans sa rédaction alors applicable; qu'en conséquence, le préjudice, s'il en existe, ne saurait être évalué au montant des cotisations prétendument réglées au titre des années 1990 à 1997 dont l'exactitude n'a jamais pû être vérifiée en l'absence d'une évaluation détaillée de la part de la Société EDITRICE qu'il n'existe donc pas de faute susceptible d'ouvrir droit à réparation ;

Considérant de surcroît que la possible rétroactivité de la jurisprudence serait de nature à déterminer l'insécurité juridique; qu'en l'espèce l'U.R.S.S.A.F. de PARIS soutenait jusqu'aux arrêts Comité de gestion du Figaro et U.R.S.S.A.F. de PARIS/Société GAMMA qu'il convenait de ne pas déplafonner les cotisations accident du travail et à plus forte raison de l'étendre aux autres cotisations de Sécurité Sociale en application d'une lettre ministérielle du 30 Octobre 2002; que ces arrêts ont donné un nouvel éclairage au texte jusqu'alors appliqué par l'ensemble des auteurs sociaux dans un sens contraire à la jurisprudence; qu'il s'agit de rechercher les anticipations légitimes qui ont pu être celles des justiciables pour limiter les cotisations dues sur des bases plafonnées ; que par ailleurs, lorsque la rédaction de textes applicables à une situation donnée suscite une controverse doctrinale et jurisprudentielle l'organisme qui fixe les cotisations conformément aux directives du Ministère compétent et aux décisions de l'autorité de tutelle ne commet pas de faute; qu'il ne saurait donc être fait grief à l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] d'avoir relayé l'information diffusée par la C.N.A.M.T.S.; que cet organisme n'avait pas davantage à avertir individuellement chaque entreprise de presse de ce que la Cour de Cassation avait rendu en 1998 et en 2002 des arrêts susceptibles de modifier l'assiette des cotisations de Sécurité Sociale des journalistes; qu'en définitive l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] n'a fait que tirer les conséquences d'une analyse littérale des textes applicables aux cotisations des journalistes professionnels; que la Cour de Cassation interprétant les dispositions litigieuses a pour sa part estimée que la Loi du 23 Janvier 1990 en supprimant le plafonnement de l'assiette des cotisations accident du travail n'avait pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 Mars 1987, de telle sorte que l'abattement demeurait toujours valable; que la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la Cour de Cassation en faveur de la thèse défendue par les débiteurs de cotisations n'est pas constitutive d'une faute à la charge des organismes de Sécurité Sociale susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard des cotisants; que l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] n'a donc commis aucune faute en refusant d'admettre l'application de l'abattement de 20% avant l'arrêt précité; que concernant en tant que de besoin le préjudice il convient de souligner que la Cour de Cassation s'est bornée à donner une interprétation de la règle de droit; que l'arrêt rendu le 14 Mars 2008 (C.R.A.M.I.F./Société de gestion du Figaro) ne visant que les taux accident du travail applicable aux journalistes professionnels était donc sans influence sur les autres cotisations, d'autant que l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] n'était pas partie au procès; qu'il a fallu attendre la lettre ministérielle du 30 Octobre 2002 diffusée par circulaire A.C.O.S.S. du 15 Avril 2003 pour généraliser le déplafonnement à l'ensemble des cotisations de Sécurité Sociale; que lorsque cet arrêt a été connu, la Société Editrice du Monde qui connaissait les textes et le revirement de jurisprudence qui venait de s'opérer ne s'est aucunement manifestée auprès de l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6]; que bien au contraire elle a attendu jusqu'au 30 juillet 2003 pour solliciter le remboursement des cotisations qu'elle estime avoir acquittées à tort alors même qu'elle savait sa demande prescrite; que la Société Editrice du Monde n'était pas dans l'incapacité d'agir; que l'incertitude juridique n'est pas génératrice de dommages et intérêts; que l'application sereine pendant des années des taux prévus par l'arrêté du 26 Mars 1987 aux rémunérations versées aux journalistes ne saurait rétroactivement être remise en cause par un arrêt du 11 Avril 2002 et une lettre ministérielle du 30 Octobre 2002 ne valant que pour l'avenir en raison du principe de sécurité juridique; qu'en tout état de cause, même à en faire une application rétroactive, la prescription édictée par l'article L.243-6 du Code de la Sécurité Sociale tiendrait en échec tout remboursement;

Considérant qu'en conséquence la décision déférée ne peut qu'être confirmée ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pas plus au profit de la Société Editrice du Monde, partie succombant à l'instance qu'à celui de l'U.R.S.S.A.F. de [Localité 6] ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare la S.A. SOCIETE EDITRICE DU MONDE venant aux droits de la S.A. SOCIÉTÉ LE MONDE recevable mais mal fondée en son appel; l'en déboute ainsi que de l'ensemble de ses demandes ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute l'Union pour le Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de PARIS de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Dispense la Société appelante du paiement du droit d'appel prévu par l'article R.144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.

Le Greffier, Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 07/00815
Date de la décision : 24/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°07/00815 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-24;07.00815 ?
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