Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 23 JUIN 2010
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23474
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 02/06898
APPELANTES
SARL PHARMACIE MIRABEAU, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 7]
Madame [E] [L] épouse [A]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentées par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistées de Me Gilles THONON, avocat au barreau de , toque : A 241
INTIMEES
SARL LE LOGIS IDEAL
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Denis THEILLAC, avocat au barreau de PARIS, toque : A 550
SARL CABINET REVIRON
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Me Michel PIALOUX plaidant pour la SCP M. PIALOUX - M.AUSSEDAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 136
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller
Madame PORCHER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
Madame BARTHOLIN ayant préalablement été entendue en son rapport.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Suivant acte reçu par Me [P] [X] notaire à [Localité 7] le 13 décembre 1927, l'assistance publique de [Localité 7], propriétaire de plusieurs terrains sis à [Adresse 4] a consenti à la société Le logis idéal un bail emphytheotique portant sur ces terrains, à charge pour elle d'y édifier des constructions appelées en fin de jouissance à devenir la propriété de la bailleresse sans indemnité. ; le bail emphytheotique a commencé à courir le 1° octobre 1927 pour se terminer le 1° avril 2002 ;
Les locaux construits ont fait l'objet de sous locations ; c'est dans ces conditions qu'un local commercial dépendant de l'immeuble situé [Adresse 4] composé d'une boutique, arrière-boutique et d'un sous sol a été donné à bail ;
Le dernier renouvellement a eu lieu au profit de monsieur [C] à effet du 1° janvier 1992 avec pour destination ' pharmacie, herboristerie , articles d'hygiène .. ' ; le rédacteur du bail était la société Reviron, administrateur de biens , mandataire de la société Le Logis idéal ;
Monsieur [C] a cédé son bail à la société Pharmacie Mirabeau pour le temps restant à courir ainsi que son fonds de commerce, suivant acte notarié des 6 mai et 1° juin 1992 ;
Le bail emphytheotique est venu à expiration le 1° avril 2002 et la société Pharmacie Mirabeau a vu son bail venu à terme pour cette date ;
Invoquant avoir ignoré la qualité de bailleresse emphytheotique de la société Le logis idéal jusqu'à une date proche de la fin du bail, la société Pharmacie Mirabeau a engagé des procédures judiciaires ayant abouti à deux jugements, l'un du 30 novembre 2000 qui a débouté, en l'état de la procédure, la pharmacie Mirabeau de ses demandes et un autre du 1 avril 2003 ;
Par arrêt du 12 octobre 2005, statuant sur l'appel formé contre ces deux décisions, cette cour a :
-confirmé le jugement du 30 novembre 2000 sauf en ce qui concerne les dépens , dit que chaque partie supportera ses dépens , et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,
-Confirmé le jugement du 1° avril 2003 en ce qu'il a déclaré la sarl Le logis Ideal et de la société Reviron responsables in solidum du préjudice subi par la société Pharmacie Mirabeau et les a dit tenues de lui verser une indemnité en réparation de son préjudice ,
Infirmant le jugement et statuant à nouveau, a condamné la société Cabinet Reviron à garantir la société Le Logis Idéal à concurrence de moitié du montant de l'indemnisation à verser à la société Pharmacie Mirabeau, confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société Pharmacie Mirabeau de ses demandes formées contre Monsieur [D] [C], dit en conséquence sans objet l'appel en garantie qu'il a formé à l'encontre de la scp [Y] [K] [Z], [J] ,
Confirmé le jugement déféré en ce qu'il a désigné Madame [V] [H] en qualité d'expert avec mission de rechercher tous éléments de nature à déterminer le montant du préjudice résultant de l'expulsion de la société Pharmacie Mirabeau, dit n'y avoir lieu à évocation, en conséquence, renvoyé la cause et les parties devant la 18° chambre 1° section du tribunal de grande instance de PARIS aux fins de voir statuer en ouverture du rapport qui a été déposé ,
Condamné la société Le Logis Idéal à verser à la société Pharmacie Mirabeau une somme de 4 600 euros au titre de ses frais irrépetibles , débouté les autres parties de leur demande sur ce fondement et condamné la société Le Logis Idéal aux dépens de première instance et d'appel .
Par jugement en date du 16 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
-condamné in solidum la sarl Le logis Ideal et la sa Reviron à payer à la sarl Pharmacie Mirabeau la somme de 50 300 euros à titre d'indemnité en réparation de son préjudice , avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ,
-dit que la société Reviron devra garantir la sarl le logis idéal dans les termes de l'arrêt ,
-dit que la somme de 11 044, 96 euros due à la société Le logis idéal par la sarl Pharmacie Mirabeau devra s'imputer sur la somme de 50300 euros ,
-rejeté le surplus des demandes,
-condamné in solidum la sarl Le logis ideal et la société Reviron à payer à la sarl Pharmacie Mirabeau la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire du présent jugement et condamné la sarl Le logis ideal et la société Cabinet Reviron aux dépens .
La sarl Pharmacie Mirabeau d'une part et Madame [A] d'autre part qui était intervenue volontairement en première instance ont interjeté appel de cette décision ; les deux appels ont été enrôlés sous les n° 08/23 474 et 10/ 4698 ; ils ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction des deux procédures .
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2010,
La société Pharmacie Mirabeau a sollicité par conclusions de procédure signifiées le 12 mai, avant l'audience, la révocation de l'ordonnance de clôture pour cause grave au visa des conclusions de la société Le Logis Idéal du 4 mai 2010 et celles de la société Reviron du 5 mai 2010 et du respect du principe du contradictoire .
La société Reviron s'est associée à cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture mais en demandant, si la cour y faisait droit, de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour pouvoir répondre aux conclusions de la société Pharmacie Mirabeau et de Madame [A] postérieures à la clôture .
La société Le Logis Ideal s'est associée à cette demande .
Or la société Pharmacie Mirabeau n'invoque pas que les conclusions de la société Le Logis Idéal du 4 mai 2010 contiennent des demandes nouvelles ou des moyens nouveaux auxquels elle n'a pu répondre ; c'est au contraire Madame [A] qui jusqu'aux conclusions du 3 mai 2010 n'avait formé aucune demande pour elle-même, qui a sollicité des dommages- intérêts au titre de son propre préjudice , ce qui a entraîné des conclusions en réponse sur ce point de la sarl Reviron du 5 mai 2010 ;
Il n'existe ainsi aucune violation du contradictoire dont la société Pharmacie Mirabeau serait fondée à se plaindre ni aucune autre cause grave justifiant que l'ordonnance de clôture soit révoquée et que l'affaire soit renvoyée alors que les parties ont été régulièrement avisées dés le 25 janvier 2010 de la date de l'audience et de celle de la clôture, reportée du 7 avril au 5 mai à leur demande, qu'elles n'ont sollicité la révocation de la clôture que sous la condition d'un renvoi qui n'est pas de droit , étant précisé que l'appel de la société Pharmacie Mirabeau a été enrôlé le 12 décembre 2008 soit plus de dix huit mois avant la date de l'audience
La sarl Pharmacie Mirabeau et Madame [A] ont signifié le 5 mai 2010 des conclusions dans lesquelles la sarl Pharmacie MIRABEAU demande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les intimés à lui payer la somme de 50300 euros au titre des frais de réinstallation mais l'infirmer en ce qu'il a limité le préjudice à cette somme en principal et statuant à nouveau, et homologuant le rapport d'expertise du 23 décembre 2004, condamner la société Le logis Ideal sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et la société Cabinet Reviron sur le fondement de l'article 1382 du code civil à payer à la sarl Pharmacie Mirabeau :
-une indemnité égale à la valeur du fonds perdu soit 395 000 euros ,
-des frais bancaires sur le financement de l'acquisition du fonds perdu : 22 653 euros,
avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
Elle demande de lui donner acte de ce qu'elle renonce à l'indemnité de remploi chiffrée par l'expert à la somme de 57 400 euros, de lui donner acte de ce que, selon l'avis du service séquestre du barreau de Paris en date du 4 novembre 2008 , le montant des sommes séquestrées est de 7 924, 42 euros au titre des loyers qui lui ont été remboursées et qu'il est possible que certains paiements aient été mal affectés , ce sur quoi les parties devront faire la lumière ;
Elle sollicite condamnation in solidum de la sarl Le logis ideal et de la société Reviron à lui payer la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens comprenant les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Fisselier Chiloux Boulay avoués .
Madame [A] demande de la dire recevable et fondée en ses moyens et demandes et de condamner in solidum la société Le Logis Idéal et la société cabinet Reviron à lui payer sur le fondement de l'article 1382 du code civil une somme de 15 000 euros à titre de dommages- intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2008 en réparation de son préjudice propre et de condamner la société Le logis ideal et la société Cabinet Reviron aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Fisselier Chiloux Boulay Avoués .
La société le logis ideal par conclusions signifiées le 4 mai 2010 demande de dire la société Pharmacie Mirabeau irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel et de l'en débouter , de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ,
Subsidiairement , au cas ou la cour déciderait de fixer les dommages -intérêts dans le cadre d'une perte de chance sur la base de l'indemnisation totale du fonds de commerce, de limiter le montant à la somme de 158 400 euros ;
En tout cas, elle demande de constater que la société le logis idéal a effectué le règlement des sommes auxquelles elle a été condamnée , à hauteur de celles non garanties par la société Cabinet Reviron et de condamner la société Pharmacie Mirabeau à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'appel dont droit de recouvrement direct au profit de Me Huygues avoué .
La société Reviron par conclusions signifiées le 5 mai 2010 demande de dire et juger Madame [A] irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes et de l'en débouter , de débouter la sarl Pharmacie Mirabeau de toutes ses demandes ,de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 2300 euros le montant des frais de déménagement de ladite société ,
Statuant à nouveau, elle demande de ramener à la somme de 118 euros le préjudice au titre des frais de déménagement ,
Elle demande condamnation de la société Pharmacie Mirabeau aux dépens avec droit de recouvrement au profit de la scp Grapotte Benetreau Jumel avoués et de la condamner à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 5 mai 2010 pour la société Pharmacie Mirabeau et Madame [A] ( les conclusions signifiées le 10 mai 2010 postérieurement à l'ordonnance de clôture étant irrecevables ), le 4 mai pour la société Le Logis Idéal et le 5 mai 2010 pour la sarl Reviron. Leurs moyens seront examinés au cours de la discussion .
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes de Madame [A] :
La sarl Reviron fait valoir que Madame [A] partie intervenante au jugement de première instance n'est pas partie en cause d'appel , n'ayant pas interjeté appel du jugement et n'étant pas intimée sur l'appel de la société Pharmacie Mirabeau .
Or Madame [A] a formé appel du jugement déféré par acte du 3 mars 2010, intimant sur son appel tant la société Le Logis Ideal que la sarl Reviron ;
Si la jonction de deux appels n'a pas pour effet de créer à elle seule de lien de droit entre les parties en cause, il en va différemment en l'espèce ou les deux appels de la société Pharmacie Mirabeau d'une part, de Madame [A] d'autre part qui ont été joints portent sur une même décision à laquelle Madame [A] était partie de sorte que le lien de procédure entre cette derniére et les sociétés intimées ne résulte pas de la jonction .
Au surplus, Madame [A] est recevable à invoquer sur un fondement quasi délictuel le préjudice que lui cause personnellement les agissements fautifs des sociétés Logis Idéal et Reviron dans leurs rapports avec la société Pharmacie Mirabeau .
Il s'ensuit que les demandes de Madame [A] sont recevables .
Sur l'indemnisation de la société Pharmacie Mirabeau :
Madame [A] es qualités de dirigeante de la société Pharmacie Mirabeau a obtenu par décision préfectorale du 28 novembre 2002 le transfert de son officine de pharmacie du [Adresse 4] .
La société Pharmacie Mirabeau soutient que cette autorisation de transfert de l'officine est un acte administratif , qu'il s'agit uniquement du transfert de la licence de pharmacie et non du transfert du fonds au sens économique du terme, que le fonds d'officine a disparu du fait de l'expiration du bail emphytheotique et que le préjudice résultant de l'expulsion de la société est bien la disparition du fonds ;
Elle fait encore valoir 'qu'il serait contraire aux règles d'indemnisation du préjudice que la juste indemnisation du préjudice subi résultant de la perte du fonds soit refusée en considération de la création d'un nouveau fonds' .
Et ' qu'elle aurait du pouvoir céder son fonds et en toucher le prix ,que le fonds représente une valeur patrimoniale qui aurait pu être liquidée comme n'importe quel élément d'actif , que l'impossibilité de réaliser la valeur du fonds constitue le préjudice subi '
L'expert a justement relevé qu' une officine de pharmacie n'est pas un fonds de commerce comme un autre et que son transfert entraîne la perte de la clientèle de proximité qui y est attachée .
Toutefois, d'une part le transfert d'une officine n'est autorisé que s'il existe dans le secteur concerné un besoin de la population en pharmacie qui n'est pas parfaitement satisfait et qu'il existe ainsi une clientèle potentielle ;
La décision de transfert accordée en l'espèce rappelle bien que le transfert doit permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de la future officine conformément aux dispositions de l'article L 5125-3 du code de la santé publique et que le préfet a, dans ce cadre, une faculté d'imposer une distance minimum entre l'emplacement prévu pour la future officine et l'officine existante la plus proche et que au cas d'espèce, le transfert projeté se situe à une distance correcte des officines les plus proches ;
D'autre part le transfert n'a lieu que si le fonds n'a pas disparu ; ainsi , et à titre de comparaison ,comme le fait valoir justement la société Le Logis Idéal , dans le cas comparable d'expropriation, l'indemnité d'éviction ne répare que la perte du droit au bail et non le rachat du fonds transféré . .
Ainsi et contrairement à ce que soutient la société Pharmacie Mirabeau, la fin du bail emphytheotique n'a eu pour effet que de mettre un terme au bail liant la société Pharmacie Mirabeau à la société Logis Ideal et non de faire disparaître le fonds qui a pu être transféré en un autre lieu .
Le préjudice qu'invoque l'appelante ne peut en conséquence être constitué par la perte du fonds et l'impossibilité corrélative de pouvoir le céder à sa valeur patrimoniale alors qu'elle est toujours en possession de cet élément d'actif que constitue l'officine, même transféré, et qu'elle n'invoque pas que sa valeur actuelle en a été diminuée du fait de ce transfert .
Les chiffres d'affaires comparés révèlent au contraire que le fonds n'a fait que prospérer, passant de chiffres d'affaires de 540 400 euros en 2000, 607 261 euros en 2001 et 604 568 euros en 2002 dans les locaux [Adresse 3] à 676 580 euros en 2004 et 805 568 euros en 2005 dans les locaux [Adresse 6] .
L'expert avait d'ailleurs souligné que la pharmacie était anciennement située dans une artère de commercialité modeste, que la configuration des locaux était médiocre et n'offrait aucune perspective de développement , faute d'espace et de linéaire suffisant d'exposition et en présence d'agencements désuets et ce malgré le niveau d'achat élevé des habitants du secteur ; le chiffre d'affaires était lui-même à un seuil critique en deça duquel l'exploitation devient vulnérable.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité représentant la valeur du fonds sans qu'il y ait lieu d'examiner au surplus les moyens des intimés relatifs d'une part à l'incidence de l'offre faite à la société Pharmacie Mirabeau de se maintenir dans les locaux et d'autre part à la possibilité pour celle-ci de transférer son fonds dans le quartier , étant surabondamment observé qu'il a été définitivement jugé que les sociétés Logis idéal et Reviron sont responsables in solidum du préjudice subi par la société Pharmacie Mirabeau et tenues de l'indemniser et qu'elles ne contestent pas au demeurant les indemnités allouées par le tribunal ( à l'exception marginale des frais de déménagement pour la société Reviron) et que l'expert judiciaire a indiqué sans être contredit sur ce point que l'implantation dans le quartier aurait été difficile, compte tenu de la densité des pharmacies existantes ;
La société Pharmacie Mirabeau ne sollicite pas, par ailleurs, l'indemnisation de son préjudice résultant de la valeur du droit au bail ; elle ne réclame, en outre des sommes qui lui ont été allouées par le jugement, qu'une indemnité représentant des frais bancaires 'exposés à l'occasion de l'acquisition du fonds perdu' soit la somme de 22 653 euros ;
La société Pharmacie Mirabeau expose à cet égard qu'elle a souscrit deux emprunts pour financer ses frais d'installation : l'un auprès de l'UBP d'un montant de 100 000 euros à effet du 10 juillet 2003 et jusqu'au 1° juillet 2005, date à laquelle cet emprunt aurait été remplacé par un autre souscrit pour un montant de 150 000 euros auprès de la Société générale pour une durée de 7 ans, remboursable par échéances mensuelles de 2068 euros.
S'agissant du premier prêt, il a été consenti pour une durée initiale d'un an remboursable à échéance et dont l'objet est le 'financement de l'installation dans les nouveaux locaux', la société Pharmacie Mirabeau indiquant que cet emprunt était destiné à financer les frais d'installation (travaux et achat de matériel).
Or le tribunal a alloué à la société Pharmacie Mirabeau, sur le fondement du rapport d'expertise, une somme de 31 500 euros représentant le transfert et l'adaptation de mobilier aux cotes du nouveau local sur présentation d'une facture du 30 juin 2003 pour un montant de 26 025, 10 euros ht, le déplacement de l'enseigne pour 1 497, 68 euros ht, le coût de fournitures diverses et la quote-part des honoraires d'architecte pour un montant de 4000 euros ; en revanche, l'expert a exclu le coût des travaux immobiliers qui sont à la charge de la sci propriétaire et celui du mobilier, vétuste et amorti et qui devait être renouvelé à brève échéance ;
La société Pharmacie Mirabeau qui ne produit au soutien de sa demande d'indemnisation des frais financiers aucune autre facture que celles visées par l'expert n'apporte aucune contradiction à l'avis de l'expert concernant l'exclusion des travaux immobiliers et de renouvellement de mobilier ;
Faute de justifier en conséquence de l'objet précis de l'emprunt contracté en juillet 2003 et de ce que cet objet correspond à des frais qu'elle a du supporter du seul fait du transfert de l'officine, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande en remboursement des frais financiers relatifs au premier emprunt de juillet 2003;
S'agissant du second emprunt, il a été contracté en juillet 2005, soit plus de deux ans après l'installation de l'officine dans ses nouveaux locaux et la société Pharmacie Mirabeau s'abstient de produire le contrat y afférent de sorte que la société Pharmacie Mirabeau ne justifie pas du lien entre ce prêt et le transfert du fonds .
Il ne peut davantage être fait droit à la demande de remboursement des frais financiers afférent à ce second emprunt .
La société Reviron demande enfin que les frais de déménagement alloués par le tribunal pour un montant de 2300 euros soient réduits à la somme de 118 euros représentant le coût de la location du véhicule utilitaire dés lors que la société Pharmacie Mirabeau aurait fait l'aveu en cours d'expertise qu'elle n'avait pas fait appel à une entreprise de déménagement ;
Or l'expert a retenu que la facture de location du véhicule était sans lien apparent avec le déménagement ; à supposer que la société Pharmacie Mirabeau ait procédé au déménagement sans faire appel à une entreprise , la dépense ne représente pas seulement le coût de la location d'un véhicule mais également celui du temps passé et des frais de personnel ; il s'ensuit que c'est de manière justifiée que le tribunal a accordé pour ce chef de préjudice une somme de 2300 euros .
En ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Le Logis Ideal et Reviron à payer à la société Pharmacie Mirabeau la somme de 50 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement , celui-ci sera confirmé ;
Sur la demande d'indemnisation personnelle de Madame [A] :
Madame [A] fait observer que la procédure ouverte le 19 avril 2002 l'a placée dans une situation de tension et d'angoisse qui a duré plusieurs années et que le premier juge a omis de statuer sur sa demande d'indemnisation personnelle .
En réalité, le tribunal a considéré dans ses motifs que Madame [A] ne justifiait pas de son préjudice personnel et a dans son dispositif rejeté le surplus des demandes ( dont celle de Madame [A] ) ;
Or Madame [A] ne produit strictement aucun élement permettant à la cour d'apprécier l'existence et l'étendue du préjudice personnel qu'elle invoque ; il y lieu de la débouter de cette demande .
Sur la demande reconventionnelle de la société Logis Idéal :
La société Logis Idéal produit un décompte locatif des sommes dues par la société Pharmacie Mirabeau pour un montant de 11 044, 96 euros pour la période du 1° avril 2001 au 31 mars 2002 ;
Se prévalant de ce qu'elle a été autorisée par décision judiciaire à séquestrer les sommes dues au titre des loyers auprès du batonnier de l'Ordre des avocats et de ce que ce compte ne représenterait qu'une somme de 7924, 42 euros , elle demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il est possible que certains règlements aient été mal affectés et qu'il conviendra que toute la lumiére soit faite sur ce point .
Or il appartient à la société Pharmacie Mirabeau, en présence du décompte clair des sommes dues au titre des loyers et charges, de faire la preuve de ce qu'elle s'est libérée entre les mains du séquestre de sommes d'un montant supérieur à celui résultant du décompte du service séquestre, ce qu'elle ne fait pas de sorte que la cour confirmera sa condamnation à payer à la société Logis Idéal la somme de 11 044, 96 euros sans qu'il y ait lieu de lui donner acte de ses réserves sur les sommes séquestrées, cette demande étant d'ailleurs sans portée juridique ;
Sur les autres demandes :
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge des sociétés Logis idéal et Reviron et les a condamnées in solidum à payer à la société Pharmacie Mirabeau la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
La société Pharmacie Mirabeau supportera les dépens d'appel et paiera à chacun des intimés une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 5 mai 2010 et à renvoi de l'affaire à une date ultérieure ;
Rejette en conséquence les conclusions de la société Pharmacie Mirabeau et de Madame [A] du 10 mai 2010 postérieures à l'ordonnance de clôture ;
Recevant la société Pharmacie Mirabeau et Madame [A] en leurs demandes,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions .
Déboute Madame [A] de sa demande d'indemnisation personnelle .
Condamne la société Pharmacie Mirabeau aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de Me Huygues et de la scp Grapotte Benetreau Jumel avoués et la condamne à payer à la société le Logis Idéal d'une part , la société Reviron d'autre part une somme de 2000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,