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17/06/2010 | FRANCE | N°08/14511

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 17 juin 2010, 08/14511


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 17 JUIN 2010



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14511



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00165





APPELANTE



SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

dont le siège est [Adresse 1],

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité



représentée par Me Jean-Yves CARETO, avoué à la Cour

assistée de Maître Georges MORER, avocat
...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 17 JUIN 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14511

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00165

APPELANTE

SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

représentée par Me Jean-Yves CARETO, avoué à la Cour

assistée de Maître Georges MORER, avocat

INTIME

Maître Maître [M] [V] Mandataire Judiciaire pris en qualité de Liquidateur Judiciaire de la SOCIETE FINANCIERE ET INDUSTRIELLE DU PELOUX

demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour

assisté de Maître Georges TROY, avocat

COMPOSITION DE LA COUR:

Rapport ayant été fait en application de l'article 785 du CPC et,

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur MAZIERES et Monsieur RICHARD, Magistrats chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur MAZIERES, Président

Monsieur RICHARD, Conseiller

Madame THEVENOT, Conseillère, appelée d'une autre chambre pour compléter la Cour

GREFFIER:

lors des débats:

Madame Annie MONTAGNE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur MAZIERES, président et par Madame MONTAGNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Société FINANCIERE ET INDUSTRIELLE DU PELOUX dite SFIP, laquelle venait aux droits de la Société PLASTEUROP a été le fabricant de panneaux sandwichs isolants utilisés pour des chambres isothermes notamment dans l'industrie agro-alimentaire et plus particulièrement par les industries fromagères. Mis en oeuvre à la fin des années 80, ces panneaux ont été le siège de désordres en série à l'origine de très nombreux procès qui ont mis à jour un vice de fabrication provoquant une déformation de l'âme du panneau et un décollement des parements. Des dizaines de milliers de mètres carrés de panneaux ont du être remplacés, mettant à contribution les assureurs successifs de PLASTEUROP-SFIP, dont le SMABTP. Le fabricant avait souscrit auprès de ses assureurs successifs une 'assurance responsabilité civile des fabricants et assimilés des matériaux de construction', police comportant différents volets: responsabilité décennale au titre des EPERS, responsabilité civile au titre du droit commun de la vente et garantie facultatives.

La SMABTP ayant refusé de considérer les panneaux isolants PLASTEUROP comme des EPERS a refusé sa garantie au titre des dommages matériels. Il s'en est suivi des instances en série qui ont connu leur aboutissement dans un arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 26 janvier 2007 qui a jugé définitivement que le panneau fabriqué et livré par la société PLATEUROPE était un EPERS.

Entre temps, le 4 août 2003 la SFIP déclarait la cessation de ses paiements et le Tribunal de Commerce de Nanterre prononçait la liquidation judiciaire de la société par jugement du 21 août 2003 désignant Me [M] en qualité de liquidateur judiciaire.

Sur assignation de Me [M] le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu le 12 juin 2008 le Jugement réputé contradictoire dont appel suivant :

-Condamne la SMABTP à verser à Maître [M] ès qualité la somme de 2.269.563 €,

-Rejette en l'état la demande indéterminée relative au remboursement des primes d'assurance,

-Avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés,

Désigne en qualité d'expert: Monsieur [E] [U] [Adresse 3], avec mission de:

* convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,

* se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, entendre tout sachant utile,

*donner tous éléments pour évaluer la perte de bénéfice subie par la société PLASTEUROP PANNEAUX ISOTHERMES et la perte de valeur du fonds d'industrie de cette société résultant de la faute de la SMABTP,

*donner tous éléments techniques et de fait utiles à la solution du litige, de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues et s'il y a lieu les préjudices subis,

*donner son avis sur les comptes présentés s'il y a lieu par les parties,

*entendre les parties et répondre à leur dires éventuels sur l'objet de sa mission.

-Disons que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de ce Tribunal avant le 30 novembre 2008, le délai de rigueur sauf prorogation expressément accordée par le juge chargé du contrôle de l'expertise,

-Fixons à 2500 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée à la R2gie du tribunal de grande instance de Paris (Contrôle des expertises) avant le 30 jullet 2008,

-Condamne la SMABTP à payer à Maître [M] ès qualité la somme de 2500 ~sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil,

-Renvoi à la mise en état,

-Condamne la SMABTP aux dépens.

Le Tribunal a jugé que c'était à tort que la SMABTP avait refusé sa garantie à son assuré, que l'abus de droit était constitué et constaté par la Cour de Cassation qui avait jugé que le pourvoi de la SMABTP était abusif et que cet assureur avait fait une utilisation systématique des voies de recours, que cette faute était à l'origine du préjudice invoqué par la SFIP et en premier lieu le déboursé d'une somme de 2.269.563 euros au titre des frais de procédure, que s'agissant du préjudice résultant de la perte de bénéfice et de la valeur du fonds, les premiers juges ont ordonné une expertise, qu'enfin ils ont rejeté la demande du liquidateur en remboursement du montant des primes d'assurances versées comme indéterminée.

Vu les dernières écritures des parties

La SMABTP a conclu à l'infirmation totale du jugement et à sa mise hors de cause

Me [M] es qualité a conclu en reprenant ses demandes formulées en première instance soit la condamnation de la SMABTP à lui payer sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou subsidiairement de celle délictuelle.

- 2.023.950,45 euros au titre du montant des frais de défense exposés par la société PLASTEUROPE- SFIP

- 25.780.287 euros au titre du préjudice de la société avec confirmation de la désignation de l'expert nommé par le Tribunal

- le montant des primes d'assurances versées au titre de la police soit la somme de 193.346,28 euros.

SUR CE

Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt.

Considérant que la société PLASTEUROPE exploitait un fonds de commerce et d'industrie de fabrication d'éléments de constructions préfabriqués permettant de réaliser des chambres isothermes utilisées dans l'industrie alimentaire, qu'à compter de 1993 la société fut confrontée à des réclamations de ses clients, sa production ayant présenté des désordres (décollements, boursouflures, vieillissement prématuré... nécessitant la dépose et le remplacement des panneaux fabriqués par elle, qu'il a existé plus de 100 réclamations amiables ou judiciaires dans toute la France pour un sinistre sériel estimé à environ 150 millions d'euros.

Considérant que la SMABTP, assureur de la société, a soutenu devant toutes les juridictions que les panneaux produits par PLASTEUROPE ne constituaient pas des EPERS au sens de l'article 1792-4 du Code Civil et a refusé de garantir la responsabilité de son assuré.

Considérant que Me [M] es qualité recense 17 décisions judiciaires ayant retenu la qualification d'EPERS avant le jugement du 21 août 2003 prononçant la liquidation judiciaire de la SFIP, soit 13 jugements et deux arrêts de Cour outre deux ordonnances de référé, qu'après le jugement de liquidation sont encore intervenus 4 arrêts de différentes Cours et deux jugements de tribunaux avant que n'intervienne l'arrêt de la l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 26 janvier 2007 qui a jugé définitivement que le panneau préfabriqué et livré par la société PLASTEUROPE était un EPERS, que 10 arrêts du 25 avril 2007 de la 3è chambre Civile de la Cour de Cassation ont confirmé la position de l'Assemblée Plénière, que par ailleurs la SMABTP ayant invoqué la réticence intentionnelle lors de la déclaration du risque par PLASTEUROPE et la nullité de la police, l'argumentation de l'assureur a été rejetée par un jugement du 15 février 2000 du TG1 de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, que le pourvoir formé par la SMABTP a été rejeté par un arrêt du 13 janvier 2004 de la Cour de Cassation jugeant le pourvoi de la SMABTP abusif et prononçant une amende civile de 1500 euros.

Considérant que, quelque soit le fondement invoqué, la cause directe, adéquate et sine qua non des frais de défense engagés, de la mise en liquidation judiciaire de la société SFIP et de la perte de valeur de son fonds, tient aux malfaçons dont était affectée la production de cette société dans les années 1990 à 1992, et non directement au refus de garantie opposé par son assureur, que l'ampleur des sommes en jeu et le nombre des procédures ne tient pas au refus de la SMABTP d'accorder sa garantie, mais à l'importance de la clientèle de la société et à la généralisation des désordres à toute sa production, que c'est à l'évidence le retentissement de ce sinistre dans le milieu de la construction et de l'industrie alimentaire qui a détourné la clientèle du produit fabriqué par PLASTEUROPE et conduit au dépôt de bilan, les clients de la société étant directement et en tout premier lieu intéressés à recevoir un produit indemne de tout désordre, avant que d'être préoccupés de la garantie de l'assureur du fabriquant, qu'à l'évidence, assurance ou pas, la clientèle ne pouvait que se détourner d'un produit défectueux.

Considérant que si le litige a donné lieu à des procédures lourdes et complexes mettant en cause de nombreux intervenants ce n'est aucunement du seul fait de la résistance de la SMABTP, que le refus de considérer les panneaux litigieux n'était pas le fait exclusif de la SMABTP mais un argument soutenu par d'autres assureurs de la société comme les MMA, que l'on constate la présence d'un pool d'assureurs, dont des sociétés belges, qu'il s'en est suivi la nécessité de mettre en cause la totalité des assureurs de la société, que c'est ainsi qu'environ 40 sinistres ont été du ressort de la MUTUELLE DU MANS et du GAN, que les assureurs belges ont soulevé l'incompétence des juridictions françaises et la nullité de leur contrat, que certains litiges ont fait l'objet de sursis à statuer dans l'attente de connaître la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes avant que la Cour de Cassation statue en faveur du rejet de l'exception d'incompétence.

Considérant qu'un certain nombre de juridictions, Tribunaux ou Cour d'appel - dont Paris, Montpellier et Besançon-, donnant raison à la SMABTP ont écarté la qualification d'EPERS , qu'il a fallu l'arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 26 janvier 2007 pour trancher le litige, que la 3è Chambre de la Cour de Cassation a d'ailleurs, encore après cet arrêt rendu une décision rejetant un pourvoi à l'encontre de la décision rendue par la Cour de Besançon.

Considérant que l'arrêt de la Cour de Cassation du 13 janvier 2004 déclarant le pourvoi de la SMABTP abusif ne concerne que le litige ayant opposé les parties sous l'angle de la nullité de la procédure et aucunement sous celui de la qualification d'EPERS, qu'en tout état de cause l'arrêt n'autorise de considérer comme abusif que le seul pourvoi formé à son occasion et sûrement pas d'en tirer des conclusions générales sur le caractère abusif de l'ensemble de ladite procédure et encore moins des procédure nées du refus de l'assureur d'accorder sa garantie pour d'autres motifs.

Considérant que le caractère abusif du comportement de la SMABTP ne pouvait être invoqué et jugé qu'à l'occasion de chacune des instances auxquelles le litige a donné lieu, que soit la demande n'a pas été formulée à l'époque, et ne peut plus l'être, soit elle a été écartée par les décisions déjà rendues, soit même, s'il y a été fait droit, les décisions sont dès lors définitives y compris quant au préjudice qui en a été déduit, que c'est à tort que Me [M] prétend, par le moyen d' une seule instance nouvelle, mais s'appuyant sur toutes celles intervenues précédemment, faire juger, de manière globale et par principe, du caractère abusif de la résistance de l'assureur.

Considérant que de même chacune des décisions rendues a eu à se prononcer sur les dépens et les frais irrépétibles engagés par les parties concernées, que des condamnations définitives sont intervenues à ces propos.

Considérant que c'est à raison que le TRIBUNAL a rejeté la demande de remboursement des primes versées par PLASTEUROP et SFIP non seulement pour les motifs invoqués d'indétermination de la demande, mais aussi parce que la SMABTP ayant exécuté les décisions de justice rendues - le contraire n'est aucunement soutenu et le chiffre de 60 millions d'euros indiqué par la SMABTP n'est pas contesté de manière sérieuse- elle a ainsi rempli ses obligations en ce qui concerne chacun des dossiers dépendant de sa période de garantie.

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles tant de première instance que d'appel

PAR CES MOTIFS

REFORME le jugement entrepris.

STATUANT A NOUVEAU,

DÉBOUTE Me [M] es qualité de liquidateur de la société SFIP de toutes ses demandes.

REJETTE toutes autres demandes des parties.

CONDAMNE Me [M] aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit des avoués de la cause.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/14511
Date de la décision : 17/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°08/14511 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-17;08.14511 ?
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