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16/06/2010 | FRANCE | N°08/22336

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 16 juin 2010, 08/22336


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 JUIN 2010



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22336



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/06986





APPELANTE



La société INFINITIF, S.A.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour

assistée de Me Victor CHAMPEY, avocat au barreau de Paris, toque R144







INTIMÉE



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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2010

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22336

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/06986

APPELANTE

La société INFINITIF, S.A.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour

assistée de Me Victor CHAMPEY, avocat au barreau de Paris, toque R144

INTIMÉE

La société COTY FRANCE, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour

assistée de Me François PONTHIEU, avocat au barreau de Marseille

substituant Me F. KLEIN, avocat au barreau de Marseille

plaidant pour KGA AVOCATS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT :- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l'appel relevé par la s.a. infinitif du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section, n° de RG : 06/6986), rendu le 5 novembre 2008 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante (26 février 2010) ;

Vu les dernières conclusions (29 septembre 2009) de la société coty france, intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 30 mars 2010 ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que, par contrat de licence de marque du 27 août 1993, la société infinitif a concédé à la société astor france la licence exclusive d'exploitation de plusieurs marques désignant des produits de parfumerie, de toilette et de cosmétique ; que les dispositions relatives à la durée du contrat ont été modifiées par avenant du 28 juillet 1994 ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 janvier 2005, la société coty france, venue aux droits de la société astor france, a notifié à la société infinitif la fin du contrat avec effet au 31 décembre 2005 ; que la société infinitif, en désaccord avec la société coty france sur le sens des dispositions contractuelles concernant la durée du contrat, et regardant la lettre du 24 janvier 2005 comme une résiliation tardive, a assigné la société coty france en paiement de dommages-intérêts sur ce fondement et sur celui d'un manquement de la société coty france à ses obligations contractuelles relatives aux dépenses de publicité ; que le tribunal, par le jugement dont appel, a débouté la demanderesse de ses prétentions ;

1. Sur la rupture :

Considérant que l'article 5 « Durée » du contrat du 27 août 1993 se décompose en un paragraphe 5.1, qui indique : « la présente convention prend effet du jour 1 », dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du 30 septembre 1994, date à retenir comme point de départ pour calculer, en comptant la durée telle que définie au paragraphe 5.2, la fin prévue des relations contractuelles ;

Considérant que ce paragraphe 5.2 est rédigé comme suit : 

« Le présent contrat de licence sera d'une durée de cinq ans et trois mois à compter du jour 1 et n'excédera pas le 31 décembre 1999.

La licence se renouvellera par tacite reconduction pour une durée de cinq ans sauf congé donné par la partie la plus diligente par lettre recommandée avec accusé de réception, avant le 31 décembre 1998 » ;

Considérant que, par lettre du 31 mai 1994, la société astor france a confirmé à la société infinitif son souhait de porter à 15 ans la durée du contrat, expliquant que ce temps supplémentaire lui était nécessaire pour envisager utilement le développement de certains produits ;

Que, répondant à cette préoccupation, les parties ont signé le 28 juillet 1994 un avenant dans les termes suivants :

« La durée initialement prévue est portée à dix ans.

En conséquence, au lieu de se terminer le 31 décembre 1999, le contrat se terminera le 31 décembre 2005 » ;

Considérant que les parties, en signant l'avenant dans ces termes, ont manifestement perdu de vue que le point de départ du contrat se situait, non pas au 31 décembre 1994, mais au 30 septembre 1994, ou que la « durée initialement prévue » n'était pas de cinq ans, mais de cinq ans plus trois mois, ce qui aurait dû les conduire, soit à fixer la nouvelle durée du contrat, non pas à dix ans, mais à dix ans plus trois mois, soit à fixer la fin du contrat, non pas au 31 décembre 2005, mais au 30 septembre 2005 ;

Considérant, quoiqu'il en soit, que la commune intention des parties était d'augmenter la durée du contrat pour donner au licencié le temps suffisant pour lancer une gamme de produits nouveaux ; que l'avenant prévoyait in fine : « Les dispositions contractuelles autres que celles mentionnées ci-dessus conservent leur plein et entier effet », qu'il y a lieu dès lors, sauf à priver de toute portée les nouvelles dispositions relatives à la durée du contrat voulues par les parties, de retenir, par une modification mécanique du second alinéa du paragraphe 5.2. de l'article 5 du contrat initial, que la licence se renouvellera par tacite reconduction pour une durée de cinq ans sauf congé donné par la partie la plus diligente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au plus tard un an avant le terme de la période contractuelle initiale, soit avant le 31 décembre 2004 (pour une fin de contrat reportée au 31 décembre 2005) au lieu du 31 décembre 1998 (pour une fin de contrat initialement prévue au 31 décembre 1999) ; qu'une autre lecture, possible s'il y avait lieu de tenir compte de l'erreur de rédaction précédemment décrite, consisterait à reporter la date de fin de contrat au 30 septembre 2005, et par conséquent la date limite de résiliation au 30 septembre 2004 ;

Considérant, en toute hypothèse, que la société coty france a laissé passer la date limite prévue pour renoncer à la tacite reconduction puisque celle-ci était nécessairement déjà dépassée le 24 janvier 2005, lorsqu'elle a cru pouvoir écrire à la société infinitif pour lui rappeler que, selon elle, le contrat se terminerait le 31 décembre 2005 ;

Que, la période de cinq ans commençant par l'effet de la tacite reconduction telle que prévue par la deuxième phrase de l'article 5.2 du contrat ayant déjà commencé à courir, le contrat devait en réalité se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2010 ;

Considérant que c'est dès lors à juste titre que la société infinitif soutient que la rupture du contrat notifiée avant le terme par la société coty france est fautive ; que le tribunal a retenu à tort que l'avenant avait entendu supprimer la possibilité de renouvellement qui n'était prévue dans le contrat initial que pour une durée de cinq ans, une telle suppression n'étant ni expressément formulée, ni implicitement contenue dans l'avenant, lequel précise au contraire que « les dispositions contractuelles autres que celles mentionnées ci-dessus conservent leur plein et entier effet. » ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé ;

2. Sur le préjudice :

Considérant que l'article 6 « Redevances » du contrat du 27 août 1993 comportait (paragraphe 6.1.) l'engagement de la société astor france de payer à la société infinitif, « durant l'exécution du présent contrat, une redevance de licence calculée sur le prix hors taxes, départ usine des produits fabriqués et vendus sous la marque », assorti de la garantie (paragraphe 6.5.) du « paiement de redevances minimales s'élevant pour chaque année à un million de francs (H.T). » ;

Considérant, aux termes de l'avenant du 28 juillet 1994, que ce minimum de redevance était maintenu pendant cinq ans mais que, « A compter de la sixième année, soit le 1er janvier 2000, elle sera indexée en fonction de l'indice INSEE, le calcul étant fait rétroactivement à compter du 1er janvier 1995 (Indice INSEE des prix à la consommation : Indice d'ensemble avril 94 = 109,5) » ;

Considérant que le tableau du chiffre d'affaires réalisé trimestre par trimestre pour chaque année de la période d'exécution du contrat établi par la société coty france, dont l'exactitude n'est pas discutée par la société infinitif, montre que la société coty france a dû compléter chaque année, dans des proportions toujours plus importantes, les redevances de licence pour que celles-ci atteignent le montant minimum garanti ; que ce tableau démontre que la société infinitif ne pouvait pas attendre d'une exécution du contrat jusqu'à son terme, soit pendant cinq années supplémentaires, une recette supérieure à celle correspondant à cinq fois le minimum annuel garanti de un million de francs, soit 762.224,86 euros, sauf l'application de la clause de revalorisation prévue par l'avenant du 28 juillet 1994 ;

Considérant que l'affaire sera renvoyée à la mise en état pour permettre aux parties de saisir la cour, le cas échéant, de conclusions relatives à l'effet de la clause de revalorisation sur le montant final que la société coty france devra payer à la société infinitif à ce titre ;

3. Sur les dépenses publicitaires :

Considérant que le contrat du 27 août 1993 comportait un article 8 « Publicité » dont le paragraphe 8.1. était ainsi conçu :

« astor france consacrera ses meilleurs efforts en vue d'atteindre le volume le plus important possible de vente des produits sous licence. A cet effet, elle s'engage à ce que se soit effectuée (sic) des dépenses publicitaires (presse, ou affichage, ou radio, ou cinéma, ou télévision) d'un montant au moins égal à 20 % du chiffre d'affaires net local annuel pour la période ci-après définie et d'un montant minimum de :

- 1er sept. 1994 - 1er sept. 1995 : 8 MF

- 1er sept. 1995 - 1er sept. 1996 : 8 MF

- 1er sept. 1996 - 1er sept. 1997 : 8 MF » ;

Considérant que la société coty france, qui explique (page 12 de ses dernières écritures) qu'elle se trouve « dans l'impossibilité, plus de 13 ans plus tard, de justifier de l'ensemble des dépenses publicitaires effectuées », ne conteste pas les données produites à ce sujet par la société infinitif, d'où il résulte que les dépenses publicitaires se sont élevées à 8 MF en 1994, 1995 et 1996 mais qu'elles ont été nulles de 1998 à 2005 ;

Considérant que la société infinitif fait valoir que, en dépit d'une maladresse de rédaction, la clause ci-dessus reproduite ne peut s'interpréter comme une limitation aux trois premières années du contrat de l'obligation de publicité à la charge du licencié, mais comporte une obligation persistant au contraire pendant toute la durée du contrat, les dépenses devant s'élever chaque année à au moins à 20 % du chiffre d'affaires, et en tout cas à au moins 8 MF pour chacune des trois premières années, la fixation d'un minimum en valeur absolue, et non pas en pourcentage du chiffre d'affaires, étant rendue nécessaire par l'incertitude du succès commercial en période de lancement des produits de la marque ;

Considérant que la société coty france soutient au contraire que le minimum de dépenses publicitaires prévu ne se justifie que pour la période de lancement des produits, soit pour les premières années du contrat, et qu'aucune obligation contractuelle ne pesait sur elle au delà de 1998 ;

Mais considérant que cette interprétation défendue par l'intimée n'est pas compatible avec le sens général de l'article 8.1, par lequel la société astor france s'est obligée à consacrer, sans restriction de durée, « ses meilleurs efforts en vue d'atteindre le volume le plus important possible de vente des produits sous licence » ;

Considérant que la société coty france ne peut soutenir qu'elle s'est libérée de cette obligation alors qu'il est acquis au débat qu'elle a cessé tout investissement publicitaire pour les produits visés au contrat à partir de 1998, en dépit des vains rappels, versés au débat, que la société infinitif lui a adressés le 4 novembre 1998, les 14 octobre et 19 novembre 1999, les 18 avril 2000, 17 avril 2001 et 5 juillet 2001 ;

Considérant que cette absence de toute action de promotion publicitaire n'est certainement pas sans lien avec les résultats décevants de l'exploitation commerciale des produits vendus sous les marques infinitif que la société coty france met en avant pour sa propre défense ;

Considérant, dès lors, que la société infinitif fait valoir à juste titre que l'absence de publicité a généré un manque à gagner certain et une atteinte à l'image de la marque, que les éléments du débat sont suffisant pour permettre à la cour d'évaluer à 100.000 euros le préjudice total résultant du manquement de la société coty france à ses obligations contractuelles au titre des dépenses de publicité ;

4. Sur les autres demandes :

Considérant que la créance indemnitaire de la société infinitif ne peut produire d'intérêts moratoires qu'à compter du présent arrêt qui la constate ; qu'il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande de l'appelante tendant à voir fixer le point de départ des intérêts moratoires au 21 février 2006, date de l'assignation introductive d'instance ;

Considérant que rien ne s'oppose à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil présentée par la société infinitif ;

* *

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société coty france à payer à la s.a. infinitif :

1°) au titre de la rupture anticipée du contrat :762.224,86 euros, sauf l'application de la clause de revalorisation prévue par l'avenant du 28 juillet 1994 ;

RENVOIE sur ce seul point l'affaire à la mise en état pour permettre aux parties de saisir la cour, le cas échéant, de conclusions relatives à l'effet de cette clause de revalorisation sur le montant final que la société coty france devra payer à la société infinitif à ce titre ;

DIT qu'à défaut de conclusions déposées et signifiées dans le mois suivant le prononcé de l'arrêt, l'affaire sera définitivement radiée ;

2°) au titre du manquement de la société coty france à ses obligations contractuelles de dépenses publicitaires : 100.000 euros,

DIT que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil conformément à la demande de la société infinitif,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires à la motivation,

CONDAMNE la société coty france aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à payer à la s.a. infinitif 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/22336
Date de la décision : 16/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°08/22336 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-16;08.22336 ?
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