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16/06/2010 | FRANCE | N°07/17621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 16 juin 2010, 07/17621


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 16 JUIN 2010



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17621



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 8ème chambre 2ème section - RG n° 04/18840





APPELANTS ET INTIMES



SAS ARANUI GESTION, anciennement dénommée NATION-TRONE

elle-même venant aux droits de la SCI NATION TRONE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 8]



représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

a...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 16 JUIN 2010

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17621

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 8ème chambre 2ème section - RG n° 04/18840

APPELANTS ET INTIMES

SAS ARANUI GESTION, anciennement dénommée NATION-TRONE elle-même venant aux droits de la SCI NATION TRONE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 8]

représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

assistée de Maître CALLIGE avocat

Monsieur [D] [T]

Madame [G] [U] épouse [T]

demeurant tous deux [Adresse 4]

représentés par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour

assistés de Maître BRAULT avocat

INTIMES AU PRINCIPAL

APPELANTS INCIDEMMENT

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES [Adresse 4]

pris en la personne de son Syndic la société MODERN'IMM

ayant son siège [Adresse 6]

représenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour

assisté de Maître KALANTARIAN (SCP BOUYEURE) avocat

SA CDB GESTION

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 1]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Maître HANOUNE avocat

INTIMEES

SOCIETE ARTEXIA anciennement CABINET D'ARCHITECTURE [J] UNIACK ARCHITECTES ASSOCIES

prise en la personne de son gérant et tous représentants légaux

ayant son siège [Adresse 5]

représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assistée de Maître TOURNIER avocat

SAS FRANCE QUICK

prise en la personne de son Président et tous représentants légaux

ayant son siège [Adresse 9]

SNC QUICK INVEST FRANCE

prise en la personne de son gérant

ayant son siège [Adresse 9]

représentées par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistées de Maître DUPICHOT (SELARL PEISSE DUPICHOT ZIRAH) avocat

SA LOCINDUS, aux droits de LOCINDUS CREDIT BAIL

prise en la personne de son Président du conseil d' Administration et tous représentants légaux

ayant son siège [Adresse 3]

S.A.R.L. SCRIBE BAIL

prise en la personne de son gérant

ayant son siège [Adresse 3]

représentées par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

ayant Maître BOISSEAU pour avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel ZAVARO, président

Madame Marie-José THEVENOT, conseillère

Madame Dominique BEAUSSIER, conseillère

qui en ont délibéré.

rapport fait conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur ZAVARO, président et par Madame ROULLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Les époux [T] ont relevé appel du jugement du 27 septembre 2007 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :

autorisé LOCINDUS SA à exécuter les travaux de déplacement de la cheminée d'extraction du lot n° 135 de la copropriété selon les plans de [C] et les devis établis par les sociétés SIRA et SERVII avec la garantie des sociétés SIRA et QUICK et l'installation d'une horloge pour le fonctionnement de l'extracteur

condamné in solidum la SCI QUICK invest France aux droits de la SNC QUICK INVEST France, la SA QUICK, la SA LOCINDUS, la SARL SCRIBE BAIL, la société CDB GESTION et la société ARUANI GESTION aux droits de la SCI NATION TRÔNE à leur payer 26.873,03 € en réparation de leur trouble de jouissance, 15.000 € en réparation de la dépréciation de leur appartement et 50.000 € à titre de dommages intérêts ainsi que 10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils demandent

la condamnation solidaire des sociétés QUICK INVEST France et France QUICK à faire démolir sous astreinte le conduit construit dans le prolongement de la cheminée maçonnée de l'immeuble

la condamnation solidaire des sociétés QUICK INVEST France, France QUICK, CDB GESTION et ARANUI GESTION à leur payer :

118.767,29 € en réparation de leur trouble de jouissance plus 150 € par jour jusqu'à l'arrêt total des nuisances

25.233,44 € en réparation de la dépréciation de leur appartement en cas de construction de la cheminée

340.000 € en réparation de leurs autres préjudices

Les frais d'expertise, 10.000 € pour les frais irrépétibles de première instance et 20.000 € pour les frais irrépétibles d'appel

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] conclut de même à la condamnation des sociétés QUICK à démolir sous astreinte le conduit construit dans le prolongement de la cheminée maçonnée desservant le local commercial. Elle conclut en outre au débouté de la demande d'autorisation judiciaire d'effectuer des travaux de dévoiement de la partie supérieure de la cheminée maçonnée commune et à leur condamnation à lui payer 500.000 € à titre de dommages intérêts ainsi que 20.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS France QUICK et la SNC QUICK INVEST France subrogée aux droits de la société LOCINDUS aux termes de l'acte authentique de vente du 19 décembre 2008, sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il les autorise sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 à réaliser les travaux de déplacement de la cheminée d'extraction du lot n° 135 et déboute les copropriétaires de leur demande en démolition. A titre subsidiaire, elles demandent qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive des juridictions administratives sur l'arrêté d'opposition du 23 février 2009 à la déclaration des travaux déposée le 3 décembre 2008.

En toute hypothèse, les sociétés QUICK concluent à l'infirmation du jugement déféré qui les condamne à payer diverses sommes aux époux [T], à l'annulation de la résolution n° 9 de l'assemblée générale du 15 juin 2004 autorisant le syndic à engager une procédure judiciaire à l'encontre de LOCINDUS en démolition de la cheminée. Elles demandent la condamnation du cabinet d'architecture [J] UNIACK et de la copropriété à leur payer 50.000 € à titre de dommages intérêts et tous succombants 20.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, à titre subsidiaire, elles demandent que la société ARANUI GESTION la société CDB Gestion et le syndicat des copropriétaires soient condamnés à les relever et garantir de toute condamnation qui seraient prononcées contre elles et qu'il leur soit donné acte de ce qu'elles se réservent de solliciter l'indemnisation de leur entier préjudice par la copropriété et la société ARANUI GESTION.

La société LOCINDUS aux droits de LOCINDUS CREDIT BAIL et la SARL SCRIBE BAIL sollicitent leur mise hors de cause en l'état de l'acte du 19 décembre 2008 par lequel la société QUICK INVEST France a levé l'option prévue dans le contrat de crédit bail et déclaré faire son affaire personnelle de la présente procédure. Elles demandent la condamnation de tout succombant à leur payer 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire elles concluent comme les sociétés QUICK et appellent en garantie les sociétés ARANUI GESTION et QUICK INVEST France.

Le syndic de la copropriété, le cabinet CDB Gestion a également relevé appel du jugement déféré. Il conclut à son infirmation en ce qu'il le condamne in solidum avec les sociétés QUICK à payer diverses sommes aux époux [T]. Il conclut en outre au débouté des sociétés QUICK des fins de leurs appels en garantie à leur encontre et sollicite 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société ARANUI GESTION aux droits de la SCI NATION-TRONE a relevé appel incident. Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré qui la condamne avec d'autres au paiement de diverses sommes aux époux [T], au débouté des demandes qui seraient formées à son encontre et sollicite 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société ARTEXIA, architecte conseil de la copropriété, conclut à la confirmation du jugement déféré qui a rejeté toute demande de dommages intérêts à son encontre et sollicite 3.200 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les faits :

France QUICK SA exploite depuis le 25 décembre 1996 une activité de restauration rapide sous l'enseigne QUICK dans le lot 135. Ce local est desservi par une cheminée d'extraction de la cuisine qui débouche à moins de 8 mètres des fenêtres de l'appartement que les époux [T] ont acquis en l'état futur d'achèvement le 27 septembre 1995.

Les époux [T] se sont plaints de nuisances sonores et olfactives ainsi que de retombées graisseuses condamnant l'usage des terrasses dont ils ont la jouissance et perturbant plus particulièrement l'utilisation d'une chambre et du séjour. La société QUICK a fait rehausser de 8 mètres la cheminée en juillet 1997 ; Elle a déposé la déclaration de travaux correspondante le 14 novembre 1997. La ville de Paris s'y est opposée conformément à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. La procédure d'annulation de l'opposition n'a pas abouti.

Les époux [T] ont fait désigner un expert en septembre 1997. Il est apparu possible de mettre un terme aux troubles dont ils souffrent en dévoyant la cheminée d'extraction le long du toit pour écarter la sortie de la terrasse et des fenêtres de l'appartement des époux [T] conformément à une proposition faite par la société SIRA. L'autorisation d'effectuer ces travaux a été refusée par l'assemblée générale de la copropriété le 28 mars 2002.

La copropriété et France QUICK ont désigné des experts amiables Messieurs [S] et [O] qui ont déposé leur rapport le 30 octobre 2003. L'expert judiciaire, [N] a déposé son rapport le 24 février 2004. Les uns et les autres préconisent la mise en place de la solution proposée par la société SIRA.

LOCINDUS a demandé l'autorisation de faire exécuter les travaux prescrits par les experts. La copropriété, dans sa délibération du 15 juin 2004 n'a pas statué sur cette demande mais a autorisé le syndic à engager une procédure judiciaire à l'encontre de LOCINDUS en démolition de la cheminée.

Les premiers juges ont autorisé la société propriétaire à réaliser ces travaux sur le fondement de l'article 30, alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965. La déclaration de travaux déposée à la ville de [Localité 10] le 3 décembre 2008 s'est heurtée au refus de l'administration. Cette décision fait actuellement l'objet d'un recours.

Sur la mise hors de cause des sociétés LOCINDUS et SCRIBE BAIL :

La SCI Nation Trône aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui ARANUI GESTION a vendu le 15 mai 1996 à la SNC QUICK INVEST France en l'état futur d'achèvement le lot 135 de la copropriété du [Adresse 4].

La société QUICK INVEST France a revendu le local à la société LOCINDUS CREDIT BAIL le 17 décembre 1996. Celle-ci a consenti le même jour un crédit bail portant sur ce lot à la société SCRIBE BAIL qui a loué le local correspondant à la société QUICK INVEST France. Cette dernière a sous-loué le local à la société France QUICK SA.

Par acte notarié du 19 décembre 2008, QUICK INVEST France a levé l'option qui lui était ouverte par le crédit-bail et elle est redevenue propriétaire du lot n° 135 de la copropriété [Adresse 4]. L'acte stipule que la société QUICK INVEST France, informée des procédures en cours, s'oblige à en faire son affaire personnelle et la subroge dans les droits et obligations du vendeur.

Les sociétés LOCINDUS et SCRIBE BAIL sont intervenues dans le cadre des modalités de financement de l'achat par la société QUINCK INVEST France du lot 135 de la copropriété du [Adresse 4]. Elles n'ont commis aucune faute et n'encourent aucune responsabilité objective de ce chef. Il n'est d'ailleurs formé de demande à leur encontre ni par les époux [T], ni par la copropriété qui concluent qu'il soit statué ce que de droit sur leur demande de mise hors de cause.

Il convient donc de les mettre hors de cause.

Sur la construction d'un nouvel ouvrage :

La société propriétaire et son locataire commercial demandent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a autorisé la SA LOCINDUS aux droits de laquelle elles sont, de procéder aux travaux de dévoiement de la cheminée d'extraction du lot n° 135. A titre subsidiaire, elles demandent qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive des juridictions administratives sur l'arrêté d'opposition du 23 février 2009 à la déclaration de travaux du 3 décembre 2008 et la décision expresse de rejet du recours gracieux.

La demande a été formée dans les délais, l'absence de délibération lors de l'assemblée générale du 15 juin 2004 étant assimilable à un refus explicite.

Il est constant que les travaux demandés sont conformes à la destination de l'immeuble : le règlement de copropriété stipule que le lot n° 135 est à usage commercial, notamment de restauration. Cet usage implique les systèmes d'extraction d'air permettant le fonctionnement d'une cuisine. La gaine maçonnée abritant les conduits d'extraction débouche à moins de 8 mètres des ouvertures. Il en résulte que les travaux demandés constituent une amélioration de l'existant pour les sociétés QUICK. Ils ne peuvent être refusés que s'ils portent atteinte aux droits des copropriétaires et notamment, s'ils perpétuent une quelconque gène pour les époux [T] dans la jouissance de leurs parties privatives.

Le rapport de l'expert [N] permet de penser que cette gène sera insignifiante, sous réserve que les travaux soient exécutés conformément à ses prescriptions. Il convient donc de désigner à nouveau l'expert à l'effet de vérifier la conformité et l'efficacité des travaux réalisés et de prescrire la surveillance de l'installation par un bureau de contrôle.

Cette construction implique la démolition de l'existant. Toutefois ces travaux restent incertains en l'état de la procédure administrative en cours pour l'annulation de l'opposition de l'administration à ces travaux. Il convient donc de statuer spécialement sur la démolition demandée tant par la copropriété que par les époux [T].

Sur la démolition de l'existant :

Les sociétés QUICK concluent à l'annulation de la délibération de l'assemblée générale ayant habilité le syndic à ester en justice en avançant un abus de majorité et une tentative de modification des modalités de jouissance de leurs parties communes. Elles concluent au fond que le rehaussement de l'exutoire a été réalisé pour satisfaire au règlement sanitaire de la ville de [Localité 10] et que la copropriété ne pourrait s'y opposer en l'état du règlement de copropriété qui prévoit que l'exécution de tout règlement d'hygiène de ville et de police est obligatoire pour tous.

Il est incontestable que la cheminée d'extraction de la cuisine telle qu'elle a été livrée par le constructeur n'est pas conforme au règlement sanitaire municipal. Cette circonstance ne caractérise cependant pas un vice de construction au sens de l'article 14 de la loi de 1965. En effet, le syndicat qui n'est pas partie aux actes de vente des lots, n'a pas à assurer la conformité de l'ouvrage avec le descriptif de l'immeuble. Il n'est donc pas responsable de la non conformité de la cheminée d'extraction.

Il est incontestable que des travaux ont été exécutés sur les parties communes sans autorisation préalable de la copropriété. Cette circonstance, indépendamment de toute considération esthétique dont l'importance s'apprécie en contemplant les photos jointes au rapport de l'expert, page 22, justifie leur démolition sans que l'auteur de cette infraction puisse contester le droit de la copropriété d'agir en justice pour faire respecter son autorité sur la gestion et la conservation des parties communes. L'objet de la demande exclut que la délibération soit sans intérêt réel pour la collectivité. Il convient d'ajouter que les sociétés QUICK ne démontrent pas que la délibération n'ait pas été pris dans un intérêt collectif ou qu'elle ait été commandée par l'intention de nuire.

Il convient donc de condamner les sociétés QUICK à la démolition du rehaussement de la cheminée dans un délai raisonnable et d'assortir l'exécution de leur obligation d'une astreinte d'un montant suffisant pour en assurer le respect.

Sur l'indemnisation du préjudice subi par les époux [T] :

Il résulte des constatations de l'expert judiciaire que la situation a généré pour les époux [T] un préjudice caractérisé par des bruits, des odeurs et des retombées graisseuses qui a évolué au cours des 14 années passées en fonction des travaux réalisés et de l'augmentation du temps d'ouverture de l'établissement. Les époux [T] distinguent 4 périodes marquées par la surélévation de la cheminée, le traitement des bruits solidiens et l'augmentation des temps d'ouverture jusqu'en 2009.

Les premiers juges ont limité l'indemnisation au 15 juin 2004 au motif que la copropriété a refusé à cette date les travaux de dévoiement. Leur décision doit cependant être infirmée. Il n'apparaît en effet pas que la société QUICK aurait, à cette date, obtenu les autorisations nécessaires à l'exécution des travaux projetés. La cour fixe l'indemnisation du trouble de jouissance subi au jour du prononcé de sa décision à la somme de 100.000 € et à la somme de 100 € par jour le trouble à venir jusqu'à la réception des travaux autorisés ou l'arrêt de l'exploitation de l'établissement.

Les époux [T] ne justifient d'aucun autre préjudice. Ils n'établissent pas que le dévoiement de la cheminée serait de nature à leur provoquer une diminution de la valeur de leur appartement.

Sur la responsabilité de la société ARANUI GESTION aux droits de la SCI Nation Trône :

Les sociétés QUICK recherchent la responsabilité de leur vendeur sur le fondement des articles 1792 et à titre subsidiaire, 1134,1625, 1626 et 1641 du Code civil, le défaut de conformité étant invoqué sur le même plan que le désordre décennal. Celui ci réplique à titre principal que l'installation de l'extracteur appartenait à l'entreprise et à titre subsidiaire, que l'insuffisance de l'installation existante était apparente pour un professionnel de la restauration rapide censé connaître la législation applicable à son activité.

Le cahier des charges stipulait que le vendeur livrera une gaine rectangulaire débouchant dans le commerce à l'emplacement désigné et que l'acquéreur pourra installer en toiture une tourelle d'extraction permettant un débit de 12.000 mètres cubes heure pour assurer l'extraction des fumées. L'acte de vente indiquait de son côté que le propriétaire du local commercial pourra utiliser le local technique en toiture pour l'implantation des appareillages nécessaires et fera son affaire personnelle des aménagements notamment extérieurs nécessaires à l'exploitation du commerce, les travaux devant faire l'objet de toutes les autorisations administratives nécessaires.

Enfin, l'expertise établit que QUICK a fait les travaux d'aménagement et d'équipement technique de son commerce avec son architecte. L'extraction des fumées s'est avérée immédiatement insuffisante sans que cette circonstance puisse être mise à la charge des constructeurs dont l'ouvrage aurait pu abriter une autre activité commerciale.

Il en résulte démonstration suffisante que les parties entendaient laisser à l'acheteur le soin d'adapter l'immeuble aux contraintes de son activité. QUICK est par ailleurs une chaîne de magasins consacrés à la restauration rapide en milieu urbain. Les sociétés QUICK connaissent nécessairement les contraintes techniques de leur activité. Elles ne se sont émues ni de l'insuffisance des installations existantes ni de la difficulté de les mettre en conformité avec la réglementation existante. Elles ont acheté le fonds de commerce par un acte du 15 mai 1996. Il n'est pas contesté que l'action en réparation des désordres et non conformité apparents serait prescrite depuis longtemps lorsqu'elles ont formé leur demande à l'encontre du vendeur si elle n'était mal fondée.

Les époux [T] recherchent également la responsabilité de leur vendeur. Celui-ci n'était pas tenu de livrer à QUICK un équipement lui permettant de faire de la restauration rapide. Il n'est pas non plus responsable des travaux réalisés sans autorisation par QUICK.

Sur les autres demandes:

La surélévation par QUICK de la cheminée sans autorisation préalable, a nécessairement causé à la copropriété un préjudice qui sera réparé par l'allocation de 20.000 € à titre de dommages intérêts.

Les modalités d'extraction des fumées de la cuisine du QUICK constituent un problème technique délicat dont la solution doit préserver tant l'aspect architectural d'une zone classée que la tranquillité des copropriétaires. On ne saurait donc imputer à faute de la copropriété ses tergiversations, notamment lors de l'assemblée générale de 2002 qui ont conduit, d'accord avec la société QUICK à mettre en 'uvre un collègue de deux experts, ou de l'assemblée de 2004 qui a donné mandat au syndic d'ester en justice. QUICK sera donc déboutée des fins de sa demande en dommages intérêts.

QUICK est en désaccord avec les conclusions du cabinet [J] ' UNIACK consulté en 2004 par la copropriété sur les projets de dévoiements de la cheminée. Elle n'établit pas d'erreur flagrante susceptible de constituer la faute engageant la responsabilité délictuelle de l'architecte.

CDB Gestion a commis une erreur d'appréciation en écrivant le 4 juillet 1997 au président du conseil syndical qu'il n'appartenait pas à la copropriété de se prononcer officiellement sur le rehaussement de la cheminée. Cette erreur apparaît cependant sans conséquence dommageable. D'une part, le syndic n'a pas autorisé QUICK à rehausser la cheminée; d'autre part, les époux [T] avaient déjà saisi le juge des référés d'une demande en démolition, l'inertie du syndic a été sans conséquence pour eux. Il convient donc de le mettre hors de cause.

Par ces motifs

Confirme le jugement déféré en ce qu'il autorise la société LOCINDUS SA à exécuter les travaux de déplacement de la cheminée du lot n° 13,

Dit que les sociétés France QUICK et QUICK Invest France devront procéder à ces travaux conformément au projet de dévoiement de la société SIRA approuvé par l'expert,

Désigne l'expert Monsieur [V] [N], demeurant [Adresse 7], à l'effet d'abord de vérifier que les travaux sont conduits conformément à ses préconisations après obtention des autorisations administratives nécessaires et ensuite de vérifier si l'installation laisse subsister des nuisances de quelque nature que ce soit au préjudice des époux [T],

Ordonne la consignation de la somme de 10.000 euros au régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'Appel de Paris, [Adresse 2] à valoir sur la rémunération de l'expert par les sociétés QUICK dans le délai de un mois à compter du prononcé de l'arrêt,

Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les douze mois du paiement de la consignation,

Infirme le jugement déféré sur les autres points,

Met hors de cause les sociétés LOCINDUS aux droits de LOCINDUS CREDIT BAIL et de la société SCRIBE BAIL,

Condamne les sociétés France QUICK et QUICK Invest France à payer 100.000 € en réparation du trouble de jouissance subi à ce jour plus 150 € par jour jusqu'à l'arrêt de l'exploitation ou à la constatation par l'expert de l'exécution de travaux de dévoiement mettant fin aux troubles

Condamne les sociétés France QUICK et QUICK Invest France à payer à la copropriété 20.000 € à titre de dommages intérêts

Condamne les sociétés FRANCE QUICK et QUICK INVEST à supprimer le rehaussement de la cheminée d'extraction des fumées de la cuisine soit par le dévoiement du conduit soit par sa suppression pure et simple dans les neuf mois de la signification du présent arrêt sous peine d'astreintes de 1.000 € par jour de retard au profit de la copropriété et des époux [T].

Condamne France QUICK et QUICK Invest France à payer au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel:

aux époux [T]: 10.000 €

à la copropriété: 3.000 €

à CDB GESTION: 3.000 €

à ARANUI GESTION: 3.000 €

à ARTEXIA: 3.000 €

à LOCINDUS: 3.000 €

Condamne France QUICK et Quick INVEST France aux entiers dépens d'expertise, de première instance et d'appel exposés à ce jour dont distraction au profit des avoués aux offres de droit,

Dit que l'affaire reviendra à l'audience de mise en état du 28 juin 2011 à 13 heures.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 07/17621
Date de la décision : 16/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°07/17621 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-16;07.17621 ?
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