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15/06/2010 | FRANCE | N°08/12160

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 15 juin 2010, 08/12160


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 juin 2010



(n° 7 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/12160



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 07/06606





APPELANT



M. [N] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Max BARDET, avocat au barr

eau de BORDEAUX, toque : 155







INTIMÉE



SA SOCIÉTÉ GECI INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Violaine CLEMENT GRANDCOURT, avocate au barreau de PARIS, toque : E...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 juin 2010

(n° 7 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/12160

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 07/06606

APPELANT

M. [N] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Max BARDET, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 155

INTIMÉE

SA SOCIÉTÉ GECI INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Violaine CLEMENT GRANDCOURT, avocate au barreau de PARIS, toque : E 373

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement formé par M. [X] à l'encontre du jugement rendu le 02 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, qui l'a débouté de ses demandes contre la SA GECI International et cette dernière, de sa demande en paiement par le salarié d'une indemnité de préavis,

Vu les conclusions du 03 février 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. [X] qui demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de :

* dire le contrat de travail l'ayant lié à la SA GECI International rompu par sa prise d'acte du 07 juin 2007 et l'imputer à son employeur,

* ordonner à la SA GECI International de lui remettre une solde de tout compte, un certificat de travail, une attestation Assédic datée du 07 juin 2007 avec la mention 'licenciement sans cause réelle et sérieuse',

* condamner l'intimée à lui payer les sommes de 27 693 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, 2 769,30 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement, 75 621,15 euros à titre d'indemnité conventionnelle de rupture, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance quant à sa rémunération variable, 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement de condamner à tout le moins la société intimée au paiement de ces deux dernières sommes et rejeter ses demandes reconventionnelles,

Vu les conclusions d'appel incident du 03 février 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de la SA GECI International qui demande à la cour de confirmer le rejet des prétentions de M. [X] mais, infirmant partiellement le jugement, de dire la rupture suivant courrier du 07 juin 2007 constitutive d'une démission et condamner l'appelant à lui payer les sommes de 27 693 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 5 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les notes adressées par les conseils des parties à la cour pendant son délibéré, sur autorisation de la juridiction, les 04 février, 23 février et 04 mars 2010,

Les faits

A la suite de négociations à l'automne 2006, la SA GECI International et M. [X] qui était salarié de la société Sogerma - Groupe EADS - en qualité de secrétaire général, en poste à [Localité 6], sur la conclusion d'un contrat de travail entre eux, M. [X] faisait retour par lettre recommandée avec avis de réception du 30 novembre 2006 à la SA GECI International sur demande de celle-ci en date du 30 octobre précédent d'un contrat de travail à effet du 02 janvier 2007, date à laquelle il devait être libéré de son obligation de non concurrence à l'égard de la Sogerma.

M. [X] était engagé par la SA GECI International en qualité de directeur du développement, catégorie cadre, position 3.3 - coefficient 270 de la convention collective Syntec, sans période d'essai, avec une rémunération brute globale fixe de 120 000 euros, soit un salaire mensuel forfaitaire de 9 231 euros outre un treizième mois versé par moitié au prorata temporis les 30 juin et 31 décembre.

Il était prévu au contrat la perception également par M. [X] d'une rémunération variable annuelle en fonction du plan de rémunération variable en vigueur dans l'entreprise, celle-ci étant fixé par une annexe au montant de 30 000 euros, les objectifs 'liés' à cette rémunération variable devant être fixés annuellement.

L'article 15 du contrat intitulé 'rupture du contrat de travail' prévoyait un délai de préavis à la charge de l'une ou l'autre des parties en cas de rupture.

Cette clause ne reprenait pas les conditions prévues par un autre courrier en date du

30 octobre 2006 de la SA GECI International en cas de rupture du contrat par l'employeur prévoyant d'une part qu'en ce cas pendant les trois premières années de collaboration, sauf faute grave ou lourde du salarié, celui-ci bénéficierait d'une indemnité de départ égale à un an de salaire fixe calculée sur les mois d'activité au sein de la société dans la limite des 12 derniers mois, moins les trois mois de préavis légaux, les indemnités de congés payés et de R.T.T. dues à la date du départ du salarié, l'indemnité légale et conventionnelle (1/3 de mois par année d'ancienneté à partir de 2 ans selon la convention Syntec, et prévoyant d'autre part un préavis de rupture de 3 mois à la charge du salarié en cas de démission.

Selon trois autres courriers de la société du 30 octobre 2006, les frais de déménagement de M. [X] depuis [Localité 4] en région parisienne devaient lui être remboursés, à auteur de 50% du devis le moins élevé fourni par M. [X] dans la limite de 2 000 euros, une voiture de fonction lui être attribuée ainsi que 10 000 actions définitivement acquises au terme d'une période de trois années de collaboration au sein du groupe.

Selon présentation du groupe sur internet le 22 mai 2007, M. [X] avait, au titre de la 'gouvernance', 'pour responsabilité le développement des axes de diversification et le lancement du programme Skylander', celui-ci relevant du projet de construction et de commercialisation d'un avion léger.

Il était membre du comité exécutif.

°

° °

Par mail du 24 mars 2007 à M. [B], président du conseil d'administration de la SA GECI International, M. [X] faisait le point sur sa situation depuis son arrivée dans la société, en invoquant notamment la nécessité d'une reprise en main du projet Skylander, 'les perspectives de succès de l'opération au Portugal s'avérant faibles'. Il déclarait embarrassantes les annonces faites en 2006 et demandait des moyens pour remplir sa mission et orienter le projet 'sur la piste de [Localité 3]' (mandat d'une banque d'affaire pour l'ingénierie financière et coordination des actions vers le fonds d'investissement ; budget dédié ; équipe projet ; rapatriement de celle en place au Portugal sur [Localité 3]) ;

M. [B] lui répondait le lendemain en lui indiquant qu'il n'avait pas eu le temps depuis son arrivée de voir tous les dossiers et avoir 'le recul en France', tout devant être 'remis sur le table : pb finances..., pb industriel..., pb commercial... pb lié à l'innovation...'.

Par mail du 03 avril 2007, M. [B] rappelait à M. [X] les priorités de l'entreprise : l'augmentation du capital de la société ; le rachat de [Localité 8], Aviations ; les relations avec les partenaires industriels et 'le commercial Skylander'.

Il déclarait reprendre le dossier du Portugal et les relations avec les avocats de l'entreprise, lui demandait de ne plus intervenir auprès de 'ses amis de Bruxelles'.

Le 13 avril 2007 en réponse à un mail de M. [X], M. [B] s'opposait au traitement d'une option canadienne du projet 'Sky' dans l'immédiat, la phase financière n'étant pas achevée. Il émettait toutefois une réserve quant à ce choix au motif de l'absence de 'preuve d'un dispositif industriel compétent et expérimenté', ce qui avait été reproché à l'entreprise. M. [X] prenait acte de cette décision mais disait craindre qu'en laissant passer cette opportunité soit perdue 'la fameuse dynamique des premiers contrats'.

°

° °

Par mail du 23 avril 2007 à M. [B], M. [X] faisait état, notamment, du fait que malgré ses demandes verbales et finalement écrites sur les moyens qui devaient lui être procurés (budget dédié et équipe) 'il n'avait toujours rien', que le dossier Skylander au Portugal lui était retiré, et de même le dossier de reprise de Reims Aviation 'désormais piloté par le directeur financier et [le] conseiller financier', qu'il ne pouvait faire avancer le programme de [Localité 3] faute d'actualisation du business plan, qu'il était tenu dans l'ignorance de ce qui se passait.

Il faisait valoir qu' 'il se retrouvait au bout de 4 mois déchargé de la quasi totalité de ses responsabilités initiales, sans moyens, sans équipe, et sans être impliqué dans les décisions importantes', que son contrat était vidé de sa substance, qu'il avait 'été recruté pour s'occuper du développement économique de la société [mais qu']à ce jour il ne s'occupait d'aucun projet concret complet,' ceux-ci étant confiés à d'autres.

Il demandait une entrevue.

Par mail du 26 avril 2007 M. [X] prenait acte que la société 'n'avait pas besoin de lui pour le traitement de ses dossiers', demandait 'une issue rapide à la situation d'autant plus que l'échéance [d'une] augmentation du capital de la société était très proche', précisait que la finalisation d'un accord étant de l'intérêt de tous, indiquait que les modalités de rupture de leur contrat de travail étaient prévues par celui-ci, formalisait un protocole d'accord transactionnel lui allouant une indemnité de rupture de 120 000 euros.

Par mail en réponse du 03 mai 2007, M. [B] avançait que M. [X] avait eu purement et simplement l'intention de fermer le bureau de Lisbonne et se disait troublé par la proposition d'accord avancée pas le salarié.

Par mail du 13 mai 2007, M. [B] répondait point par point au mail du 23 avril de

M. [X] sur les dossiers Skylander au Portugal, Reims Aviation, celui-ci confié à une autre personne, les projets Chine et Corée pour lesquels il faisait appel à des consultants extérieurs mais lui renouvelait sa confiance.

En réponse, M. [X] indiquait le 16 mai 2007 que si M. [B] n'avait pas envisagé de rompre son contrat, il avait fait en sorte d'en modifier son contenu, raison pour laquelle sa rupture devait lui être imputée. Il rappelait ne pas avoir été recruté pour ce qu'il faisait.

Les 23 et 27 mai 2007, M. [X] était informé par mail qu'il devait présenter au conseil d'administration 'l'état d'avancement de ses travaux sur la stratégie du groupe (orientations du marché, évolutions souhaitables pour GECI) et premières propositions de stratégie', ce dont il s'étonnait le 29 mai, n'étant pas en charge de la stratégie du Groupe, une directrice de la stratégie, membre du comité de direction occupant ces fonctions. Il indiquait préparer cependant une intervention sur les axes de développement retenus à son arrivée et repris dans les différents écrits du président :

- lancement du programme Skylander ,.. évidemment le sujet de loin le plus dimensionnant et important,

- synergies entre Skylander et activités de services,

- acquisition de [Localité 8] Aviation,

- développement Chine, Corée, Turquie, Afrique du Sud, Inde,

- diversification de l'activité services hors de l'aéronautique : spatial, naval, offshore, énergie

[et accompagnement d'un collègue concernant la présentation de la prospection commerciale).

Le 1er juin 2007, M. [B] informait M. [X] que les commissaires aux comptes ne seraient pas présents, lors de sa présentation et que celle-ci se ferait en marge du conseil d'administration.

Par mail et par lettre recommandée avec avis de réception datée du 06 juin 2007 mais déposée le 07, distribuée le 11, M. [X] faisant état du fait que M. [B] 'n'avait pas souhaité modifier ses orientations, les différents projets dont il était censé s'occuper étant toujours confiés à d'autres voire traités directement par [M. [B]]', du 'regret qu'ils en soient arrivés là malgré toutes ses démarches', disait qu' 'il ne lui restait plus qu'à prendre acte de la rupture de son contrat de travail et saisir le conseil de prud'hommes de Paris pour imputer [à la société] cette rupture'.

M. [X] saisissait la juridiction prud'homale le 11 juin 2007 aux fins de voir constater la rupture à la date du 07 juin 2007, imputer celle-ci à la société GECI International, obtenir ses documents de rupture, le paiement de son indemnité de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par courrier du même jour, la société GECI International contestait auprès de M. [X] le fait que ne lui auraient pas été confiées les fonctions correspondant à ses fonctions de directeur de développement, se référait au mail de M. [Z] du 13 mai à ce sujet, l'accusait d'avoir voulu quitter la société sans assumer les effets d'une démission qui le priverait de l'indemnité 'parachute' prévue à son contrat de travail, et d'avoir changé de stratégie après avoir proposé un protocole compte tenu du refus de la société de le signer. Elle rappelait à M. [X] qu'il était tenu par un préavis de 3 mois et lui demandait de l'effectuer.

Par requête du 25 juillet 2007, M. [X] demandait à la formation de référé du conseil de prud'hommes d'ordonner à la société GECI International de dire la rupture intervenue le 06 juin 2007 et ordonner à la société la remise sous astreinte de ses documents de rupture.

Par ordonnance rendue après débat du 10 septembre 2007, la formation de référé ordonnait à la société GECI International de remettre à M. [X] une attestation Assédic mentionnant une prise d'acte de la rupture au 06 juin 2007 et à payer une indemnité de procédure au demandeur, et dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

SUR QUOI

Sur la prise d'acte de la rupture

Attendu que dans son courrier du 06 juin 2007 à M. [B] et la société GECI International de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, M. [X] articule les motifs suivants:

'... malgré mes courriers les plus récents dont celui du 16 mai dernier, vous n'avez pas souhaité modifier vos orientations, les différents projets dont je suis censé m'occuper étant toujours confiés à d'autres, voire traités directement par vos soins.

Je vais d'abord revenir sur vos derniers mails, qui visent depuis quelques jours à me trouver des occupations, mais qui malheureusement ne font guère illusion:

- vous m'avez demandé un document de synthèse sur les marques d'intérêts commerciales pour vos investisseurs ; j'ai aidé [D] [E] à le finaliser.

- vous m'avez demandé de regarder la proposition de M. [P] ; je vous ai fait part immédiatement de mes commentaires et souhaiterais pouvoir reformuler une proposition avec votre fils mais vous discutez depuis le sujet en direct avec lui.

Je continue de faire du suivi commercial mais vous admettez que je n'ai pas été recruté pour ne faire que cela. Vous avez pris soin de me dire néanmoins que ma présence au salon de Genève de mai n'était pas nécessaire et vous préférez y envoyer votre fils, juriste stagiaire chez GECI...

Sur le reste:

Vous maintenez des contacts exclusifs avec 'investisseurs', banques, conseils et avocats alors qu'il me revient logiquement de coordonner leurs actions ...; c'était d'ailleurs bien le coeur du travail de [M] [L] à Lisbonne que j'étais effectivement censé reprendre...

De ce point de vue, les dernières informations concrètes en ma possession sur la situation au Portugal remontent aux derniers mémos de [M] [L] de mars ; depuis je n'ai plus rien...

Me demander dans ce contexte de proposer moi-même un plan de marche ou de préparer des négociations, alors que je n'ai accès à aucune information ni à aucun interlocuteur et que je n'ai pas été autorisé à me rendre une seule fois à Lisbonne depuis mon arrivée, est très surprenant puisque la situation sur le fond n'a pas évolué.

J'énumère une fois encore de nombreux faits qui parlent d'eux-mêmes ...:

- vous n'avez toujours pas organisé un seul comité de direction depuis février; quel est donc votre plan de marche, quelles sont vos orientations, qui fait quoi'

- l'équipe qui devait me rejoindre est un leurre et elle n'est constituée aujourd'hui que d'un seul collaborateur, qui consacre d'ailleurs 50% de son temps à des missions confiées par d'autres directions en direct, dont vous même,

- je n'ai pas de délégation de pouvoir,

- les projets Chine et Corée, pourtant prioritaires, sont toujours traités en direct par vous-même et vos collaborateurs, que je vois de temps à autre dans les couloirs!

- le dossier d'acquisition de Reims Aviation a été confié au CFO dès février.

- le processus d'augmentation de capital est justifié par des projets de développement mais vous m'en tenez pourtant écarté...

- vous pilotez en direct toutes les démarches au Portugal et me demandez de temps en temps de préparer quelques documents mais dont je ne connais jamais le destin ni le retour,

- les réunions prévoyant des actions commerciales majeures sont préparées par vous mais sans moi, en particulier celles au plus haut niveau d'Airbus.

Vous entretenez la plus grande opacité dans vos actions et aucun écrit ou réunion ne fait état de vos réunions ou de vos souhaits de plan de marche.

Le plus grand salon aéronautique du monde - [Localité 5] - a lieu dans 10 jours et je ne sais rien de vos intentions. Aujourd'hui, je viens d'apprendre en fait par hasard que des délégations chinoises, coréennes, portugaises sont déjà organisées par vous ainsi que d'autres réunions et je n'en sais officiellement strictement rien.

Comment voulez-vous que tout ceci soit compatible avec le rôle que je suis censé tenir - membre du comité exécutif, directeur du développement - un rôle de quasi n°2 '

C'est humiliant.

... Je n'ai jamais eu un agenda aussi vide en 12 années de carrière! Je n'ai effectué aucun déplacement professionnel depuis mon arrivée en janvier...

Mais, je m'interroge toujours sur les raisons de mon recrutement...

Je me demande également ce qui justifie une telle attitude de mise à l'écart, manifeste depuis mars dernier...

Aujourd'hui vous supprimez mais A/R à [Localité 3] que GECI payait depuis le début conformément à notre accord ainsi que mon appartement à [Localité 7]...

Vous m'avez demander de préparer une présentation qui devrait être inscrite à l'ordre du jour du prochain conseil.

Je vous ai transmis cet exposé par courrier électronique dès vendredi dernier et vous n'avez pas fait de remarques ni demandé de modifier quoique ce soit. Mon exposé est clair sur mes attributions : je n'ai peu ou prou pas de responsabilités.

... Vous ne retournez même plus mes appels téléphoniques. Je n'ai donc plus l'opportunité de vous voir ou de vous en parler!

Et pour finir... ma présentation ne fait même plus partie de l'ordre du jour mais s'est transformée en 'simple' réunion en marge de ce conseil sans les commissaires aux comptes.

Je ne sais où vous voulez en venir.

Venir exposez maintenant au conseil d'administration, avec votre assentiment sur le contenu, que je suis un Directeur du Développement (recruté auprès d'EADS avec 12 années d'expérience internationale et la publicité que l'on sait) responsable de rien et spectateur impuissant de cette situation que vous avez organisée depuis mars dernier, est une humiliation supplémentaire que je n'ai pas envie d'accepter.

...

Je suis dans l'obligation de tirer les conséquences de votre attitude.

...

Je vous laisse le choix de faire la même publicité de mon départ que pour mon arrivée sur le site internet de la société...';

Qu'en cours de procédure, M. [X] a fait état également du défaut d'attribution de sa rémunération variable faute de fixation d'objectifs par la société GECI International, condition préalable ;

Attendu que la société GECI International soutient qu'en réalité M. [X] a pris la décision de quitter l'entreprise dès le mois d'avril 2007, qu'elle n'a pas cédé et refusé le protocole proposé par M. [X], que celui-ci a alors changé de stratégie, qu'il regrettait sans doute de s'être éloigné de sa famille à [Localité 3] n'ayant pu acquérir le pavillon en région parisienne pour lequel il avait signé une promesse de vente, à moins qu'il ait été déçu de ne pouvoir développer Skylander en Aquitaine, à moins qu'il ait souhaité fonder un GIE avec deux de ses anciens collègues d'EADS Sogerma, à moins qu'il n'ait eu en fait que des préoccupations financières ;

Qu'elle fait valoir que M. [B] le 13 mai 2007 a répondu point par point aux griefs de M. [X], en lui indiquant par ailleurs qu'il était graduellement chargé de responsabilités de façon à lui laisser le temps de comprendre l'ensemble du groupe, que son poste était un poste créé, qu'il était attendu de lui qu'il prenne le temps de s'acclimater à la société et d'en mesurer les objectifs, 'en cessant de s'opposer systématiquement aux décisions du groupe et en veillant au contraire à ... apporter des conseils éclairés sur ses développements futurs et des actions énergiques concernant [les] projets actuels', mais que M. [X] a alors rompu le contrat pour des motifs fallacieux, qu'il a focalisé son argumentation sur quelques éléments qui en toute hypothèse ne devaient pas constituer l'essentiel de son travail, qu'il n'avait pas qu'à s'occuper du projet Skylander, qu'il n'avait pas à diriger une équipe, qu'il collaborait cependant avec M. [E] et M. [G] [B], juriste, en charge des contrats commerciaux, qu'il a refusé qu'une autre salariée, Madame [O] rejoigne son équipe, qu'il n'a jamais été envisagé de lui accorder une délégation de pouvoir, que le 13 mai 2007 M. [B] lui a renouvelé sa confiance et lui a rappelé qu'il avait été convié à toutes les réunions du comité de direction, celles du Business Review, celles des directeurs d'unité et celles sur le projet Skylander, qu'il a été désigné sur tous les contrats de consulting, NDA et business développement comme contact unique de la société, qu'il s'est abstenu de se rendre au conseil d'administration pour présenter ses activités et même refusé de s'y rendre, que si la société a pu émettre quelques hésitations à lui confier la poursuite des négociations de Lisbonne qui duraient depuis 4 ans, c'est parce qu'il s'est déclaré en faveur d'une solution Aquitaine et plus particulièrement à [Localité 3], que l'entreprise souhaitait son aide du fait de sa longue expérience chez EADS, non sa critique d'emblée d'éventuels dysfonctionnement, qu'elle lui a laissé cependant traiter et importants projets avec la Chine et notamment la société GAIG, qu'elle ne lui a jamais retiré ses responsabilités ;

Attendu qu'il s'évince de la fiche de poste de M. [X] en date du 07 septembre 2006, que l'intéressé a donc pris en considération avant d'accepter son embauche par la société GECI International, que sa position devait être celle de directeur, responsable du développement de l'entreprise, dépendant du 'CEO' et travaillant en étroite collaboration avec les 'COO' des divisions 'services' et 'produits' ainsi qu'avec le secrétaire général, le directeur financier, la direction de la communication et de la stratégie, qu'il s'agissait d'une création de poste alors que 'GECI était en plein développement pour son secteur 'services' et en réorganisation stratégique pour intégrer la naissance de la division 'Skylander', que M. [X] devait être un 'véritable conseil' en stratégie commerciale avec 'plusieurs pôles de responsabilités :

- développement commercial / coaching de la division 'services',

- développement commercial / coaching de la division 'produits',

- relations 'très grands comptes' au niveau national et international,

- recherches de partenariat et d'alliances stratégiques au niveau national et international,

- projets internationaux,

- diversification de l'activité - rachat de sociétés,

- recherches d'investisseurs avec le Directeur Financier'.

Qu'il est avéré également que M. [X] après son embauche a eu en charge le projet Skylander ;

Qu'il s'évince des courriers électroniques échangés entre M. [X] et M. [B] qu'aussitôt après les remarques faites par le salarié le 24 mars 2007 sur la nécessité de reprendre en main le projet Skylander et l'écart entre la communication de l'entreprise et la pertinence du projet du Portugal plutôt qu'un projet à [Localité 3], et sa réclamation de moyens pour mener à bien ses fonctions, un processus de mise à l'écart du salarié a été mis en place ;

Que M. [X] prouve que dès le 03 avril 2007, M. [B] décidait de lui reprendre le dossier du Portugal en lui demandant de ne pas intervenir auprès de ses amis de Bruxelles, que le 13 avril M. [B] lui interdisait d'agir sur le Canada, qu'ultérieurement devrait lui être retiré le dossier de reprise de Reims Aviation, qu'aucun projet concret ne lui était confié ;

Que M. [B] a lui-même reconnu que le dossier Reims Aviation avait été confié à un autre salarié, que les projets Chine et Corée avaient été confiés à des consultants extérieurs ;

Que si M. [B] dans son courriel du 13 mai 2007 renouvelait sa confiance à M. [X], pour autant il lui demandait quelques jours après de venir présenter l'avancement de ses travaux sur la stratégie du groupe alors qu'il était en charge du développement économique ;

Que suite à la réaction de M. [X], seule une restitution 'en marge' du conseil d'administration devait être envisagée ;

Attendu que par l'ensemble des éléments produits M. [X] établit que quelques semaines après son embauche, il n'avait plus aucune responsabilité réelle, aucune activité de 'gouvernance' malgré l'annonce figurant sur le site de l'entreprise, qu'il était mis à l'écart, aucun moyen sérieux pour agir ne lui étant procuré ;

Que la rupture générée par un dernier comportement de M. [B], vexatoire puisque demandant en fait au directeur du développement de rendre compte sans répondre pour autant à ses demandes sur les conditions d'exécution de son contrat de travail, procède d'une divergence de vue puis de manquements graves et récurrents de la société GECI International qui plutôt que de licencier M. [X] pour ce motif de divergence sur la politique de développement de l'entreprise a vidé de tout substance son poste, le poussant ainsi à prendre acte de la rupture ;

Que cette rupture provoquée par la violation par l'employeur de son obligation de fournir un travail conforme aux fonctions contractuelles, son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, comme de servir l'intégralité de la rémunération du salarié, et s'abstenant de lui servir sa rémunération variable faute de définition d'objectifs, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que peu importe l'initiative antérieure de M. [X] en vue d'un accord ; que les procès d'intention opposés à M. [X] ne sont pas sérieux et sans effet sur l'imputabilité de la rupture ;

Attendu sur l'indemnité de préavis, qu'aux termes de l'article 15 de la convention collective Syntec, sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis est de 3 mois quelle que soit la partie qui dénonce le contrat ; que la rupture produisant les effets d'un licenciement, de surcroît sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés incidents sont dues au salarié ;

Attendu sur l'indemnité contractuelle de rupture, que la société GECI International s'est expressément engagée par lettre du 30 octobre 2006 à servir au salarié en cas de rupture de son contrat de travail, sauf faute grave ou lourde de sa part, durant les trois premières années de collaboration, une indemnité de départ égale à un an de salaire fixe calculée sur les mois d'activité au sein de la société, dans la limite des douze derniers mois, moins trois mois de préavis, les congés payés et les R.T.T., l'indemnité légale et conventionnelle (à partir de 2 ans d''ancienneté);

Que le moyen de l'intimé articulé en cours de délibéré après la clôture des débats au titre d'un vice de consentement est irrecevable et au demeurant inopérant, l'engagement provenant de l'employeur lui-même qui n'établit par un dol ou la violence au regard des circonstances ;

Que la rupture étant imputable à la faute de l'employeur, le droit de M. [X] au bénéfice de cette clause est ouvert ;

Que contrairement, en effet, à ce que soutient la société GECI International, aucune condition d'ancienneté d'un an n'est requise par cette clause, la référence 'aux mois d'activités au sein de la société' étant intégrée dans la définition de l'assiette de calcul de l'indemnité, à savoir durant les trois premières années de collaboration, une indemnité de départ 'égale à un an de salaire fixe calculée sur les mois d'activité au sein de la société dans la limite des douze derniers mois, moins...';

Que M. [X] a calculé cette indemnité sur un an de salaire dont il a déduit le montant de son préavis et des congés payés incidents, soit à hauteur de 75 621,15 euros ;

Attendu au regard des circonstances, de la durée d'exécution du contrat de travail, cette somme est manifestement excessive et doit être modérée en vertu de l'article 1152 alinéa 2 ;

Qu'une somme de 10 000 euros doit être allouée au salarié;

Attendu sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que du fait de la rupture de son contrat de travail dans les conditions vexatoires précitées, alors que le salarié avait quitté le groupe EADS et s'était séparé de sa famille pour venir travailler au bénéfice de la société GECI International, des conséquences de la perte d'emploi subi, du préjudice de carrière généré, de la situation de chômage vécue pendant un an par l'intéressé, de la baisse de revenus subie ensuite de plus de 50%, dont il est justifié, la réparation allouée à

M. [X] au titre de son préjudice financier et moral doit être fixé à 50 000 euros;

Attendu sur la perte de chance d'une rémunération variable, que la société GECI International s'est abstenue de fixer les objectifs de M. [X], se dégageant ainsi de son obligation de verser à l'intéressé la rémunération variable annuelle convenue ; que l'engagement du 30 octobre 2006 de la société GECI International comme le contrat de travail ne conditionnent pas le paiement de cette rémunération variable à la présence du salarié au 31 décembre 2007 et ne soumet pas l'ouverture de droit à paiement à une condition d'ancienneté ;

Qu'en tout état de cause, la rupture étant imputable à l'employeur, le moyen de la société intimée pour s'opposer à la demande au titre de la perte d'une chance n'est pas fondée ;

Qu'il est avéré que la société GECI International n'a fixé aucun objectif à M. [X] ;

Que celui-ci a subi par suite un préjudice du fait de la non exécution par ce biais par l'employeur de son obligation à paiement ;

Que cette rémunération variable étant fixée forfaitairement à 30 000 euros pour l'année, la perte du fait de la rupture du contrat de travail en cours d'année, imputable à l'employeur, par M. [X] de son droit à recevoir paiement de cette somme de M. [X] est avérée ;

Que la demande est fondée en son principe ; qu'elle doit être accueillie en son montant dans les limites de la demande ;

Attendu que les créances à caractère salarial s'entendent toujours en brut et les créances indemnitaires en net ;

Attendu que les demandes de documents de rupture est fondée au regard des motifs qui précédent sauf concernant le reçu pour solde de tout compte qui doit émaner du salarié ;

Attendu que pour l'ensemble des motifs qui précèdent également, les demandes reconventionnelles au titre d'un préavis de démission, pour brusque rupture ou résistance abusive ne sont pas fondées ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré,

Dit que la prise d'acte de la rupture par M. [X] en date du 07 juin 2007 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société GECI International à payer à M. [X] avec intérêts de droit, les sommes suivantes:

- 27 693 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 763,30 euros au titre des congés payés incidents,

- 10 000 euros à titre d'indemnité contractuelle de départ,

- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000 euros au titre de la perte de son droit à paiement d'une rémunération variable,

Ordonne à la société GECI International de remettre à M. [X] une attestation Assédic portant la mention 'prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 07 juin 2006" et un certificat de travail,

Rejette la demande d'établissement d'un reçu pour solde de tout compte,

Déboute la société GECI International de ses demandes reconventionnelles,

La condamne aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile la condamne au paiement de la somme de

2 500 euros à ce titre.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/12160
Date de la décision : 15/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°08/12160 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-15;08.12160 ?
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