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15/06/2010 | FRANCE | N°08/11169

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 juin 2010, 08/11169


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 Juin 2010

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11169



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section activités diverses RG n° 07/00248





APPELANTE



SOCIETE EURO DISNEY ASSOCIES SCA

Immeubles Administratifs

[Adresse 3]

[Localité 1]

représe

ntée par Me Alain SEGERS, avocat au barreau de MEAUX







INTIME



Monsieur [P] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Karine ROUSSELOT, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 Juin 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11169

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section activités diverses RG n° 07/00248

APPELANTE

SOCIETE EURO DISNEY ASSOCIES SCA

Immeubles Administratifs

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Alain SEGERS, avocat au barreau de MEAUX

INTIME

Monsieur [P] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Karine ROUSSELOT, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Denise JAFFUEL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA du jugement du Conseil de prud'hommes de Meaux section activités diverses, en date du 15 septembre 2008, qui a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation du préjudice moral médical, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à payer à M. [X] les sommes suivantes :

- 57.900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement moral et sexuel,

- 850 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation,

débouté les parties de leurs autres demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

M. [X] a été engagé par la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA à compter du 11 avril 2002, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'artiste interprète cascadeur (formé) coefficient 280, statut assimilé cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4650 euros à compter du 11 juillet 2002.

Il a fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 4 décembre 2003 pour ' avoir tenu des propos déplacés en date du 22 novembre 2003" et d'un avertissement le 17 août 2006 pour des faits de juillet 2006 indiquant '...il vous appartient de conserver votre sang-froid en toutes circonstances et de cesser de vous sentir visé systématiquement...'

Il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 29 novembre 2006 et licencié pour faute le 5 décembre 2006 au motif d'un comportement violent, agressif, dénigrant et injurieux le 20 novembre 2006.

L'entreprise comptait plus de onze salariés à l'époque du licenciement.

La société EURO DISNEY ASSOCIES SCA demande d'infirmer le jugement, de débouter M. [X] de ses prétentions, d'ordonner la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire et de le condamner à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. [X] demande de confirmer le jugement sauf pour ce qui concerne le quantum des sommes accordées et de condamner la société EURO DISNEY à lui payer les sommes suivantes :

- 86.850 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 120.000 euros à titre de préjudice moral notamment lié au harcèlement moral et sexuel,

- intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,

- 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;

Sur le licenciement

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué une indemnité de ce chef à M. [X] ;

En effet, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi que suit:'...Le lundi 20 novembre 2006, vous vous êtes présenté au bureau. Deux de vos collègues présents à ce moment là vous ont demandé la raison de votre présence. Vous avez alors consulté le planning et vous vous êtes aperçu que vous n'étiez pas planifié ce jour là. Vous avez alors demandé à vos collègues si l'un d'entre eux souhaitait prendre un jour de repos le jour même afin de vous permettre de rester travailler. L'un et l'autre ayant refusé votre proposition, vous vous êtes alors violemment emporté en criant que vous en aviez 'assez de travailler avec une équipe de merde et de faire un boulot de merde avec des plannings de merde'. Avant de sortir du bureau, vous avez donné un coup de poing sur le bureau et donné un grand coup de pied dans une cloison en sortant du bureau. La porte du bureau étant ouverte, certains membres de l'équipe ont entendu vos propos et pu observé votre comportement. Vous vous êtes alors dirigé vers les vestiaires pour prendre vos affaires personnelles. Vous avez donné des coups de pieds et des coups de poing dans votre casier alors même que des cascadeurs étaient en train de se changer à proximité. De même vous avez précisé que vous 'bossiez avec des cons qui ne voulaient pas changer leur jour de repos' ...'en qualité de chef d'équipe il vous appartient de conserver votre sang froid en toutes circonstances tant vis à vis de vos collègues que des cascadeurs du spectacle' ... Il est à noter que vous aviez fait l'objet d'un avertissement écrit le 17 août dernier...'

Les faits du 20 novembre 2006, reprochés à M. [X] dans la lettre de licenciement, sont établis par les témoignages versés aux débats de M. [C], de M. [M] et de M. [K], ses collègues qui étaient présents au moment des faits ;

Ce comportement violent et les injures proférées à l'égard de ses collègues justifient le licenciement pour faute de M. [X] ;

M. [X] ne peut pas valablement soutenir que les faits reprochés auraient fait l'objet d'un avertissement et ne pourraient être sanctionnés deux fois alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que les faits ayant donné lieu à l'avertissement du 17 août 2006 ne sont pas les mêmes que ceux motivant son licenciement, l'avertissement portant sur des faits de juillet 2006 et le licenciement sur les faits du 20 novembre 2006 précités ;

M. [X] ne peut pas non plus utilement soutenir que le témoignage de M. [C] ne serait pas objectif dans la narration des faits au motif qu'il aurait entretenu des relations intimes avec la supérieure hiérarchique [G] [T] alors qu'il n'est pas contesté que M. [C], présent sur les lieux le 20 novembre 2006, a été un témoin direct des faits qu'il relate, ces faits étant corroborés par les attestations concordantes de M. [M] et de M. [K] ;

Enfin, M. [X] ne peut soutenir que son comportement du 20 novembre 2006 s'expliquerait par un emploi du temps systématiquement modifié à la dernière minute, changements de planning devenus pour lui insupportables, alors qu'il est constant que c'est à la suite d'une erreur de sa part que M. [X] s'est rendu à tort sur son lieu de travail le jour des faits litigieux, le planning prévoyant qu'il était de repos ce jour-là sans avoir fait l'objet d'une modification ; la preuve n'est au demeurant pas rapportée, contrairement à ce que soutient M. [X], qu'en cas de changement de planning le salarié n'était pas averti deux semaines à l'avance, comme le prévoient les dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise versées aux débats ;

Dans ces conditions, le licenciement de M. [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, M. [X] sera débouté de sa demande d'indemnité de ce chef ;

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'absence de mise en place de règles élémentaires de sécurité, harcèlement moral et sexuel

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté, comme étant irrecevable, la demande d'indemnisation du préjudice moral médical ;

En effet, M. [X] sollicite l'allocation de dommages et intérêts globaux pour absence de mise en place par l'employeur de règles élémentaires de sécurité, en lien avec ses accidents du travail, pour qu'il exerce sa fonction de cascadeur sans prendre de risque pour son intégrité physique ainsi que pour harcèlement moral et sexuel de la part de sa supérieure hiérarchique Mme [T] ;

Pour ce qui concerne l'indemnisation d'un préjudice moral consécutif aux différents accidents du travail qu'il allègue, M. [X] se devait de saisir la juridiction de sécurité sociale compétente ; au demeurant, il ne rapporte pas la preuve du lien direct entre une faute imputable à l'employeur au titre du non respect de règles de sécurité et le préjudice dont il se prévaut ; sa demande de ce chef ne peut donc prospérer ;

Pour ce qui concerne le harcèlement moral, en application de l'article L.1152-1 du Code du travail, il nécessite des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, avec une volonté de nuire ;

Pour ce qui concerne le harcèlement sexuel, en application de l'article L.1153-1 du Code du travail, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits ;

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [X] a fait, en date du 21 septembre 2006, une déclaration de main courante dans laquelle il déclare:'...il y a quelques jours des photos de moi me trouvant torse nu ont commencé à circuler sur mon lieu de travail. Sur le moment je n'ai rien dit et je suis parti en vacances mais à mon retour les photos sont devenues de plus en plus nombreuses à circuler dans le service et ces dernières portaient des inscriptions homophobes et des seringues avaient été rajoutées au niveau de mes bras avec des dessins de sexe sur la tête. Je sais que ma responsable Mme [T] [G] n'a rien fait pour interrompre ces choses et de plus elle possédait une de ces propres affiches dans son bureau...' suivie d'une plainte le 28 décembre 2006 dans laquelle il précise :'...Au mois d'août 2006, j'ai constaté que des photos de moi torse nu étaient affichées dans les locaux du Stunt show et également dans le bureau de la directrice Mme [T]... A cette époque, je n'ai pas prêté plus d'attention à cette affiche, je pensais que cela partait d'un esprit bon enfant et que ma responsable allait faire le nécessaire pour faire disparaître ces photos. Le 30 août, après un congé, j'ai constaté qu'il y en avait toujours autant avec en plus des annotations déplaisantes :' PD, 3615 PRENDS MOI LE CUL, 3615 DOUCE TARLOUZE, [E]' et des dessins de sexe sur le front... je suis parti en congé et à mon retour le 12 septembre 2006, il restait encore quelques photos dans les douches, dans la salle de repos, dans l'atelier et deux dans le bureau d'[G]... j'ai pris contact avec M. [I] [U], responsable hiérarchique de Mme [T], qui s'est chargé personnellement du retrait de la totalité des photos...'

Les faits ci-dessus mentionnés par M. [X] dans sa déclaration de main courante et sa plainte sont établis par les photos et attestations versées aux débats sans toutefois que soit identifié l'auteur ou les auteurs des annotations portées sur les photos ;

Le harcèlement sexuel et moral sont établis en l'absence de réaction de la responsable hiérarchique, qui aurait dû ne pas participer aux faits et faire procéder plus rapidement au retrait desdites photos portant des annotations de mauvais goût et blessantes pour l'intéressé et en rechercher les auteurs, et sont constitutifs d'une faute ayant directement entraîné pour M. [X] un préjudice que la Cour évalue, au vu des éléments produits, à la somme de 15000 euros, en relation avec la durée d'atteinte à sa dignité à laquelle l'employeur a mis fin lorsqu'il a été alerté par M. [X].

Il sera donc alloué à M. [X] la somme de 15 000 euros pour ces préjudices avec les intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA tendant à voir ordonner en tant que de besoin la restitution des condamnations versées dans le cadre de l'exécution provisoire, cette restitution étant de droit comme découlant de l'arrêt sans avoir à être prononcée ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sur les dispositions relatives au préjudice médical ;

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA à payer à M. [X] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et sexuel avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Dit que la restitution de toute somme trop versée découle naturellement de l'arrêt partiellement infirmatif ;

Condamne la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA aux entiers dépens et à payer à M. [X] la somme de 1500 euros pour les entiers frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 08/11169
Date de la décision : 15/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°08/11169 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-15;08.11169 ?
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