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10/06/2010 | FRANCE | N°09/12165

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 10 juin 2010, 09/12165


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 10 JUIN 2010



(n° 217 ,4 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12165



Décision déférée : ordonnance rendue le 27 Août 2004 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : Contradictoire



Nous, Jea

n-Jacques GILLAND, Vice - président placé à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fisc...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 10 JUIN 2010

(n° 217 ,4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12165

Décision déférée : ordonnance rendue le 27 Août 2004 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Jean-Jacques GILLAND, Vice - président placé à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 06 mai 2010 :

- La Société IBEX ENERGY BERMUDA LTD,

Prise en la personne de son représentant légal

Elisant domicile au Cabinet de la SELAFA CHAINTRIER& ssociés

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Maître Allain GUILLOUX, avocat plaidant pour la SELAFA CHAINTRIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : K 19

APPELANTE

et

- LE DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux,

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 06 mai 2010, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 10 Juin 2010 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

CIRCONSTANCES ENTOURANT LA PRÉSOMPTION DE FRAUDE

La société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited est une société intervenant, notamment, dans le secteur des services et de l'équipement, secteurs que, depuis l'année 2000, elle aurait confiés à la société de droit des îles Vierges britanniques Ibex Service & Equipement Limited, la partie opérationnelle étant confiée à la S.A.R.L. Ibex France, à laquelle, trimestriellement, elle reverserait des commissions.

Elle exerçait sur le territoire national une activité commerciale la rendant imposable à l'ensemble des impôts commerciaux.

ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

La direction nationale des enquêtes fiscales a présenté une requête au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, à fins de visites domiciliaires et saisies éventuelles dans les locaux et dépendances de cette société, situés dans son ressort.

CIRCONSTANCES DE LA VISITE ET DES SAISIES

Une visite domiciliaire et des saisies ont été faites le 31 août 2004 dans les locaux indiqués et des documents ont été saisis.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

La société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 27 août 2004 contre la direction nationale des enquêtes fiscales (direction générale des finances publiques).

L'appelante expose que l'ordonnance a été rendue en l'absence de présomption de fraude au sens de l'article L 16 B du livre de procédure fiscale, n'étant fondée que sur des présupposés, notamment en raison de la faiblesse de la discordance relevée entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires réalisé, différence ressortant uniquement de la déclaration d'impôts de la société et de l'attestation de l'inspecteur des impôts à l'origine de la requête, sans que ne soit produit les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait souscrite empêchant ainsi, selon elle, le magistrat de première instance de se livrer à une vérification concrète de l'existence de la discordance invoquée, celle-ci pouvant s'expliquer dans la différence entre les recettes imposables au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires taxable à l'impôt sur les sociétés.

Elle considère que l'autorisation accordée d'une visite domiciliaire est disproportionnée, compte tenu de l'atteinte faite au droit au respect de la vie privée et du domicile, par rapport à l'infraction présumée et ce au visa de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et que le magistrat de première instance n'a pas vérifié concrètement les éléments qui lui étaient soumis, signant simplement, dans les mêmes termes que le magistrat du tribunal de grande instance de Pontoise, une ordonnance pré-rédigée par l'Administration fiscale contenant la même erreur d'appréciation sur les agissements en France, par l'intermédiaire de la S.A.R.L. Ibex France, de la société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited, à défaut d'éléments probants produits, faisant naître un doute certain sur la présence en France d'une installation fixe d'affaires et d'une activité commerciale des sociétés Ibex Energy Bermuda Limited et Ibex Service & Equipement Limited.

Elle réclame l'annulation des saisies effectuées et qu'elles lui soient déclarées inopposables.

En réponse à son adversaire, la direction générale des finances publiques (direction nationale des enquêtes fiscales) demande, après avoir répondu point par point aux arguments de l'appelante, la confirmation de l'ordonnance déférée.

SUR CE

Considérant que, selon la jurisprudence tant nationale qu'européenne, la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, dès lors que l'ordonnance qui l'a autorisée est entourée de garanties suffisantes et susceptible de recours, comme le démontre, en l'espèce, le présent appel ; qu'en conséquence, la pétition de principe de l'appelante n'apparaît pas fondée ;

Considérant que l'ordonnance déférée est motivée sur plus de quatre pages, que l'adoption des motifs de la requérante, à la supposer avérée par la seule considération de l'identité des moyens développés entre la requête et la décision de justice, et par l'identité avec une autre ordonnance rendue en la même matière, le 30 août 2004 pour la même personne morale par un magistrat d'une autre juridiction, ne permet pas à l'appelante de présumer que le juge a fait l'économie de l'examen de la cause et des pièces qui ont été fournies, et ce quand bien même une même appréciation, qualifiée par l'appelante d'erronée s'y retrouve reproduite dans les mêmes termes ;

Considérant que l'appelante ne sait rien des conditions de temps ou de lieu dans lesquelles le juge des libertés et de la détention a délibéré avant de délivrer l'ordonnance qui lui était demandée le jour même ; que ce moyen est écarté ;

Considérant que l'article L 16 b du livre des procédures fiscales dispose que l'autorité judiciaire peut autoriser l'Administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire quand il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il est constant que le juge de l'autorisation n'est pas le juge de l'impôt et qu'il ne lui appartient pas de statuer, dans le cadre de sa saisine sur le bien fondé de l'imposition, dès lors que l'existence de présomptions justifie l'autorisation sollicitée ; que le magistrat doit rechercher s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de preuve sollicitée mais qu'il n'est pas tenu d'établir l'existence de ces agissements, de la résidence fiscale ou de l'exercice d'une activité professionnelle en France et que le défaut de souscription des déclarations fiscales constitue un indice de l'omission de passation des écritures comptables, agissement mentionné par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ; que ce manquement autorise la mise en oeuvre de la procédure actuellement contestée tout comme l'exercice occulte d'une activité professionnelle ;

Considérant que le magistrat d'appel, sans être tenu de s'expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu'il examine, doit apprécier l'existence ou non de simples présomptions de fraude pouvant même indiquer uniquement les soupçons d'agissements frauduleux dont la preuve doit être recherchée ;

Considérant qu'il résulte incontestablement des pièces de la cause et du dossier que la S.A.R.L. Ibex France a présenté pour la période correspondant à l'exercice clos le 30 juin 2002 une discordance de 28 191 euros entre ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et son chiffre d'affaires déclaré, ce qui permettait de présumer qu'une partie de son chiffre d'affaires n'avait pas été déclarée au titre de l'impôt sur les sociétés, présomptions fondées sur des éléments régulièrement constatés par l'administration fiscale et à l'encontre desquelles l'appelante n'apporte aucun élément permettant de les remettre en cause, se contentant d'échafauder des explications, sans en apporter le moindre commencement de preuve, la faible importance de la discordance relevée n'ayant aucune incidence sur la réalité de la présomption relevée, ne concernant pas le chiffrage de la fraude elle-même, mais uniquement un élément matériel de la présomption de fraude ; que les observations quant à l'origine de la différence d'exigibilité entre les recettes imposables au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaire taxable au titre de l'impôt sur les sociétés ont été prises en compte dans l'analyse de la discordance relevée et ne peuvent constituer un élément de fragilité de la présomption de fraude reprochée ; que ces moyens sont écartés ;

Considérant qu'en ce qui concerne les liens entre la S.A.R.L. Ibex France et les sociétés de droit bermudéen Ibex Energy Limited Bermuda et de droit des îles Vierges britanniques Ibex Service & Equipement Limited , il ressort du procès-verbal rédigé par l'inspecteur des impôts [Y] [N], que [M] [B], gérant de la S.A.R.L. Ibex France que celle-ci, tout comme la société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited, agissait depuis [Localité 4] pour le compte de la société de droit des îles Vierges britanniques Ibex Service & Equipement Limited, qui avait repris à son compte une partie de l'activité de la société bermudéenne se rapportant aux services et aux équipements ; que la société bermudéenne rétrocédait, tous les trimestres, à la S.A.R.L. Ibex France, les commissions sur les opérations effectuées, [M] [B] reconnaissant, de plus, le transport frauduleux d'un nombre de barils de pétrole supérieur à celui autorisé à au moins deux reprises, déclarations corroborées par la saisie de factures et de correspondances commerciales entre les différentes sociétés ; que ces divers documents faisaient, sans que cela ne soit véritablement contesté, apparaître pour la société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited et pour la société de droit des îles Vierges britanniques, en tant qu'adresse et coordonnées téléphoniques, celles de la S.A.R.L. Ibex France, ce qui permettait de présumer que ces deux sociétés étrangères disposaient en France d'une installation d'affaires fixe ; que ces pratiques dénotent une situation fiscale pour le moins atypique nécessitant des vérifications sérieuses ; que ce moyen est écarté ;

Considérant, qu'en conséquence, l'ensemble des griefs avancés sont écartés, et que le magistrat de première instance disposait des éléments suffisants pour présumer la fraude ; que l'ordonnance déférée est confirmée en toute ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 27 août 2004 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a autorisé une visite domiciliaire et des saisies de documents,

CONDAMNONS la société de droit bermudéen Ibex Energy Bermuda Limited aux entiers dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Jean-Jacques GILLAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/12165
Date de la décision : 10/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/12165 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-10;09.12165 ?
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