RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 10 Juin 2010
(n° 10 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10343
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section commerce RG n° 06/01570
APPELANT
Monsieur [Y] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Lionel PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 372
INTIMÉE
SARL F.L.J.
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine BOURSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0001 substitué par Me Laurence NOYE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle BRONGNIART, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- contradictoires
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Evelyne MUDRY, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Le 10 mars 1993, M. [M] a été engagé par la société FLJ, par contrat à durée indéterminée à effet au 15 suivant, en qualité de technicien aux conditions générales de la convention collective du commerce électronique, radio télévision et équipement ménager.
Le 23 février 2006, par lettre remise en main propre, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 mars et le 13 mars 2006, il a été licencié pour faute grave.
La cour statue sur l'appel interjeté le 15 septembre 2008 par M. [M] du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Bobigny le 21 février 2008 notifié par lettre datée du 4 septembre qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en le condamnant aux éventuels dépens et en déboutant la société FLJ de sa demande reconventionnelle.
Vu les conclusions du 12 mai 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles M. [M] demande à la cour
- d'infirmer le jugement entrepris,
et statuant à nouveau, de
- de condamner la société FLJ à lui payer
. 5418,02 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 541,80 € au titre des congés payés afférents,
. 3521,70 € à titre d'indemnité de licenciement,
. 48762,18 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 12 mai 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société FLJ demande à la cour de
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater que M. [M] a été licencié pour des motifs constitutifs d'une faute grave,
- le débouter de toutes ses demandes,
- condamner M. [M] à lui verser la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. [M] d'avoir 'persist(é) à ne pas respecter la discipline de l'entreprise en ne respectant (ses) horaires de travail' à savoir 'du lundi au jeudi inclus de 7h30 à 12h et de 14h30 à 18h, le vendredi de 8h30 à 12h et de 14h30 à 18h', 'horaires d'arrivée et de départ de chez le client' et ce, en dépit de plusieurs notifications ; qu'il lui est encore reproché 'des propos déplacés et irrespectueux vis-à-vis de (son) supérieur hiérarchique, M. [F], lorsque celui-ci veut (lui) faire respecter la discipline dans l'entreprise' et suit des exemples d'insultes 'dites devant plusieurs salariés de l'entreprise dans le but de remettre en cause l'autorité de' ce supérieur ;
Considérant que s'agissant des horaires de travail, M. [M] conteste le motif tiré du non respect des horaires en soutenant que le changement d'horaires annoncé le 4 septembre pour le 6 septembre 2004 est intervenu à l'initiative de l'employeur, qu'il allonge son temps de pause de la mi-journée, que le temps de trajet domicile-client n'est pas rémunéré ; que la société FLJ réplique que comme prévu au contrat de travail, les horaires prévus fixaient l'heure d'arrivée chez le client et l'heure de départ de chez le client et non pas de l'entreprise ;
Considérant que dans le contrat de travail, il est indiqué que M. [M] exercera 'pour le compte de la société dans le cadre de son établissement sis à [Localité 3] (...adresse)' et que les horaires auxquels il devra se conformer sont '8h30 à 12h et 14h à 18h30' outre 'une permanence technique à assurer le samedi à raison de deux samedis par mois' rémunérée par une prime exceptionnelle de fin d'année ('les horaires auxquels vous voudrez bien vous conformez sont : ...') ;
Qu'il été encore prévu que M. [M] 'pourr(ait) utiliser pour l'exercice de ses fonctions un véhicule dans les conditions en vigueur au sein de la société et précisées par note de service' ; qu'au moment de la signature du contrat de travail, aucune note de service n'était remise à M. [M] sur les conditions d'utilisation du véhicule ;
Que la société FLJ verse une note de service du 12 avril 1993 dont il ressort qu'en 1993, tous les salariés n'avaient pas les mêmes horaires ('ces horaires ont été calculés selon les situations géographiques de chacun sachant que vous commencez votre première intervention entre 6h30 et 7h30') ; que l'horaire mentionné au contrat était donc l'horaire personnel de M. [M] et non pas une information sur un horaire collectif de travail applicable dans l'entreprise ;
Qu'en conséquence, la société FLJ est mal fondée à soutenir que dès le départ le contrat de travail de M. [M] prévoyait des horaires d'embauche et de débauche chez le client ; que le fait que le contrat de travail, à partir d'avril 1993 et jusqu'en 2004, ait été exécuté sur la base d'horaire d'arrivée et de départ chez le client ne vaut pas acceptation par le salarié et renonciation à contester une telle pratique contraire aux clauses expresses du contrat de travail ;
Qu'il est constant que M. [M] n'a pas accepté le changement d'horaires que l'employeur lui a imposé à partir de septembre 2004 de sorte que les retards constatés à partir de cette date ne peuvent pas lui être reprochés ;
Considérant que s'agissant des propos déplacés et irrespectueux reprochés à M. [M] qui les contestent, la société FLJ verse une attestation de Mme [J] qui ne relate pas les injures visées dans la lettre de licenciement mais des faits qui ne sont pas visés dans la lettre de licenciement (volonté de M. [M] de se faire licencier et de faire payer la société) ; qu'elle verse encore une attestation, non datée, de Mlle [I] qui ne précise pas son lien de parenté ou de subordination à l'égard de l'employeur alors que M. [M] soutient qu'elle est la fille de la gérante ; que cette attestation mentionne d'autres injures que celles reprochées dans la lettre de licenciement ; qu'elle n'est pas circonstanciée dans le temps ('il est arrivé plusieurs fois ...') ; qu'elle n'est corroborée par aucune autre attestation et notamment pas par une attestation de M. [F], le supérieur hiérarchique qui aurait été insulté ;
Qu'en l'état de ces éléments, la société FLJ, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas les propos déplacés et irrespectueux que M. [M] aurait proférés à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. [F] ;
Qu'en conséquence, le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé ;
Sur les conséquences
Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise (plus de 10 salariés), de l'ancienneté et de l'âge du salarié (né en mars 1958) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail ancien devenu L 1235-3, une somme de 33000 € à titre de dommages-intérêts ;
Que, sur la base d'un salaire moyen mensuel de 2709,01 €, il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice du préavis augmentée des congés payés afférents et à celle relative à l'indemnité de licenciement ;
Considérant qu'en vertu l'article L 122-14-4 alinéa 2 du code du travail ancien (devenu L 1235-4) dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la société FLJ, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement entrepris,
et statuant à nouveau
DECLARE le licenciement de M. [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société FLJ à payer à M. [M], avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
. 5418,02 € à titre d'indemnité compensatrice du préavis et 541,80 € au titre des congés payés afférents,
. 3521,70 € à titre d'indemnité de licenciement,
CONDAMNE la société FLJ à payer à M. [M], avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, 33000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société FLJ à payer à M. [M], 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE, dans les limites de l'article L 122-14-4 alinéa 2 ancien, devenu L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société FLJ à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [M],
CONDAMNE la société FLJ aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,