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10/06/2010 | FRANCE | N°08/08411

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 10 juin 2010, 08/08411


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 JUIN 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/08411



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2004072268





APPELANTE:



Mademoiselle [B] [H] [T] [W]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]-(RÉPUBLIQUE DE PANAMA

) et dont l'adresse postale est [Adresse 7]

[Localité 4] (ETATS UNIS)



représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoué à la Cour

assistée de Maître Karine ABBOU, avocat au barreau de PARIS,...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 10 JUIN 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/08411

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2004072268

APPELANTE:

Mademoiselle [B] [H] [T] [W]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]-(RÉPUBLIQUE DE PANAMA) et dont l'adresse postale est [Adresse 7]

[Localité 4] (ETATS UNIS)

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoué à la Cour

assistée de Maître Karine ABBOU, avocat au barreau de PARIS, toque E 1226 et Maître Elisabeth ABBOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E 677

INTIMÉE:

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour

assistée de Maître Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, P 470, plaidant pour la SCP DUFFOUR ET ASSOCIÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

-rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, comme elles ont été avisées de la date de prorogation du délibéré.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 13 décembre1995, Mme [B] [W] a conclu avec la société de droit suisse U.F.I.P. les contrats suivants :

- une demande d'ouverture de compte, qui se verra attribuer le n° [XXXXXXXXXX05] ;

- un mandat de gestion de ses avoirs ;

- un mandat spécial opération de change à échéances fixes ;

- un acte de nantissement de tous ses avoirs déposés en garantie de toutes les créances d'U.F.I.P. sur elle-même et MM. [S] et [K], dirigeants d'U.F.I.P., à hauteur de 350.000 francs suisses (1.490.000 F.F.).

Elle a établi à la même date un chèque de 400.000 F à l'ordre de son mandataire.

Elle a confié ensuite à l'U.F.I.P. :

- le 19 décembre 1995, un chèque de 2.340.800 F libellé à son ordre, tiré sur la Société Générale par la société Maaf Vie Gestion Vie, représentant le montant d'une assurance vie souscrite à son profit par son père ;

- le 16 avril 1996, un chèque de 600.000 F établi à l'ordre du mandataire ;

- en mai 1996, un chèque d'un montant de 3.097.895 F tiré sur la banque La Hénin aux droits de laquelle ont succédé à la suite d'opérations de fusion et d'apport d'activité, les sociétés Comptoirs des Entrepreneurs, puis Entenial, Crédit Foncier et enfin la Banque Palatine.

Le 28 juin 2006 Mme [W] a signé un document intitulé «'Confirmation écrite d'instruction verbale'» concernant cinq transferts opérés de son compte n° [XXXXXXXXXX05] à l'U.F.I.P. en faveur d'une société de droit anglais Charles Street Ltd.

À la même date, elle a confirmé un ordre téléphonique du 16 mai 1996 pour un transfert de fonds au profit du compte ouvert à la banque Barclays par une société Comet.

Le montant global de ces transactions s'est élevé à 482.500 £, soit 3.860.000 F.F.

Le 18 juillet 1996, l'assemblée générale extraordinaire de l'U.F.I.P. a décidé de sa mise en liquidation judiciaire. Le tribunal de Genève a prononcé un jugement de faillite le 25 avril 1997.

Mme [W] a déclaré sa créance à hauteur de 2.577.895 francs suisses.

Les liquidateurs judiciaires l'ont admise à hauteur de 78.720 francs suisses, soit 314.880 francs français, correspondant au solde de son compte, déduction faite des sommes transférées aux sociétés Charles Street Ltd et Comet et du montant du nantissement réalisé au profit de MM. [K] et [S].

Faisant valoir qu'elle appris, courant 1997, d'une part, que le dirigeant de la société Charles Street Ltd s'était approprié les fonds de la société, d'autre part, que cette dernière avait déposé son bilan, Mme [W] a déposé plainte à [Localité 8] le 27 février 2001 contre les dirigeants de la société U.F.I.P.

Par ailleurs, une information a été ouverte relativement à des malversations commises dans le cadre de l'U.F.I.P. auprès d'un juge d'instruction de Genève.

Mme [W] a mis en demeure la Société Générale de lui payer le montant du chèque, en faisant valoir qu'elle avait méconnu les règles interdisant de payer un chèque revêtu de plusieurs endos à toute autre personne que le bénéficiaire porté au recto. La banque a rejeté la réclamation de Mme [W].

Mme [W] l'a alors assignée en responsabilité devant le Tribunal de commerce de Paris par exploit du 2 septembre 2004.

Par jugement du 14 février 2007, le Tribunal de commerce de Paris a débouté Mme [W] de ses demandes et l'a condamnée à payer à la Société Générale une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 25 avril 2008, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 25 août 2008, valant écritures récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, Mme [W] demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la Société Générale à lui payer les sommes de 356.852,66 €, correspondant au montant du chèque indûment payé, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1995, 100.000 € au titre de la perte d'investissement subie, 30.000 € au titre du préjudice moral. Elle a demandé en outre la condamnation de la Société Générale à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions signifiées le 22 janvier 2010, valant écritures récapitulatives au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 22 janvier 2010, la Société Générale demande à la Cour de déclarer nulle la déclaration d'appel de Mme [W] et, subsidiairement, ses conclusions ; de confirmer le jugement déféré ; de condamner Mme [W] à lui payer la somme de deux mille euros (2.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; de la condamner aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

1.- Sur la demande de nullité de la déclaration d'appel et des conclusions formée par la Société Générale :

Considérant qu'à l'appui de ses demandes de nullité, la Société Générale fait valoir qu'après avoir indiqué une adresse à [Localité 8] (Alpes-Maritimes) dans son exploit introductif d'instance, Mme [W] a fait état, dans ses dernières conclusions de première instance, de l'adresse d'une boîte postale à [Localité 9] (États-Unis), reprise dans ses conclusions d'appel, tout en précisant, dans sa déclaration d'appel du 25 avril 2008, vivre en République de Panama ;

Que de telles contradictions affectent la régularité de la déclaration d'appel et des conclusions, la Société Générale observant en outre que la société de domiciliation est de droit panaméen, qu'il n'est pas justifié de son activité aux États-Unis et que Mme [W] ne produit aucun document à même de démontrer qu'elle reçoit le courrier à cette adresse ;

Mais considérant que Mme [W] a indiqué son adresse effective, soit [Adresse 2], République de Panama, dans sa déclaration d'appel ; que la réalité de ce domicile est attestée par le certificat d'inscription au registre des français établis hors de France délivré par l'ambassade de France ; que le consul de France atteste, dans un courriel du 9 décembre 2009, que l'absence de distribution de courrier à l'adresse des résidents en République de Panama leur impose de louer des boîtes postales, le cas échéant dans d'autres pays ;

Considérant qu'il se déduit de ces constatations que la précision, dans les conclusions de l'appelante, d'une domiciliation aux États-Unis, où elle justifie recevoir effectivement son courrier, ne saurait constituer une dissimulation du domicile ou de la résidence de l'appelante affectant la recevabilité des actes ;

Considérant qu'il échet de débouter la Société Générale de ses demandes de nullité ;

2.- Sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme [W] :

Considérant que Mme [W] fonde son action sur l'article 38 du décret-loi du 30 octobre 1935 applicable à la date du paiement du chèque, devenu L. 131-45 du Code monétaire et financier ; que cet article dispose qu'un chèque à barrement général ne peut être payé par le tiré qu'à un banquier, qu'un banquier ne peut acquérir un chèque barré que d'un de ses clients et que le tiré ou le banquier qui méconnaît ces dispositions est responsable du préjudice jusqu'à concurrence du montant du chèque' ;

Considérant qu'elle en déduit que la banque du Gothard, présentatrice, dont elle n'était pas la cliente, ne pouvait encaisser le chèque litigieux émis à son ordre et que la Société Générale a commis une faute en payant un chèque barré, portant la mention «'non endossable sauf au profit d'une banque ou d'un organisme visé par la loi'», revêtu de quatre endos différents, distincts du nom du bénéficiaire, l'un d'eux émanant en outre d'une société de gestion privée et non d'une banque ;

Qu'elle soutient que le chèque émis ne pouvait comporter que son endos ou celui de banques ou établissements de crédit, qualités dont la Société Générale devait s'assurer avant de se dessaisir des fonds ; que, dans le doute, la banque devait faire opposition au chèque ;

Considérant que la Société Générale expose que le chèque ne présentait aucune irrégularité apparente ; qu'il comportait l'endos de la bénéficiaire apposée sous le numéro de compte «'[XXXXXXXXXX05]'», celui d'une société U.F.I.P., dont elle n'avait pas à apprécier le statut, dès lors que l'ordre de paiement émanait d'une banque suisse, la Banque du Gothard, qui y avait apposé la mention : «'Pay to the order of any bank, banker or trust company, prior endorsements guaranteed'» et qu'il lui avait été transmis par le Crédit Commercial de France, correspondant français de la banque suisse, la banque française ayant apposé la mention : «'Payez à l'ordre de toute banque valeur en compte'» ;

Qu'elle ajoute que Mme [W] n'établit pas l'irrégularité de l'endos de la société U.F.I.P. au regard de la législation suisse ;

Considérant qu'il résulte de la plaquette d'information émise par l'U.F.I.P., destinée à ses clients et décrivant les modalités de fonctionnement des comptes confiés à sa gestion que deux options étaient offertes à ses cocontractants : soit ouvrir un compte directement dans ses livres, les avoirs étant alors déposés par ses soins dans l'une des plus grandes banques de la place, au nombre desquelles figurait la Banque du Gothard ; soit ouvrir directement un compte dans une des banques de la place ;

Considérant qu'il est démontré que Mme [W] a opté pour la première solution, de sorte que son compte était ouvert dans les seuls livres de la société U.F.I.P., ce compte interne étant un compte numérique [XXXXXXXXXX05], la société de gestion financière déposant ensuite les montants correspondants sur son compte général à la Banque du Gothard;

Considérant que les principes fondamentaux du droit international privé interdisent de contester des opérations relatives à un chèque réalisées sur le territoire d'un État étranger conformément au droit de ce pays, dès lors que la règle appliquée n'est pas contraire à l'ordre public français ;

Considérant que le chèque a été déposé en exécution d'un contrat de gestion liant Mme [W] à la société U.F.I.P., société de droit suisse, et que tous les documents contractuels stipulent que les relations entre les parties sont soumises au droit suisse ; que le droit de la Confédération helvétique est donc applicable à tous les actes concernant le chèque antérieurement à l'intervention de la banque tirée française ; que les endossements pratiqués en l'espèce sont autorisés par le droit de la Confédération helvétique ; que ces dispositions de la loi étrangère ne sont en rien contraires à l'ordre public français ;

Considérant qu'en procédant au paiement du chèque, qui portait au verso la mention de la Banque du Gothard, établissement bancaire suisse : «'prior endorsments guaranteed'», garantissant la régularité des endossements précédents au regard du droit suisse, la Société Générale, qui n'avait aucune raison de mettre en doute la légalité des contrôles ainsi opérés par l'établissement bancaire étranger, n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité civile ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il, échet de débouter Mme [B] [W] de sa demande de dommages-intérêts et de confirmer en conséquence le jugement entrepris ;

3.- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :

Considérant que l'équité commande de condamner Mme [B] [W] à payer à la Société Générale une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la somme allouée au titre des frais irrépétibles exposés en première instance étant par ailleurs confirmée ;

Considérant que Mme [W], partie succombante, doit être déboutée de sa demande à ce titre ;

4.- Sur les dépens :

Considérant que Mme [W], partie succombante, doit être condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Condamne Mme [B] [W] à payer à la Société Générale la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés encause d'appel.

Déboute les partie de leurs demandes autres ou plus amples.

Condamne Mme [B] [W] aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice pour Me Hardouin, avoué, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/08411
Date de la décision : 10/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/08411 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-10;08.08411 ?
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