Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 10 JUIN 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/03002
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2008 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 206F00600
APPELANT
Monsieur [B] [X] exerçant sous l'enseigne TRANSPORTS [X] [B]
demeurant : [Adresse 2]
représenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assisté de Me Romuald SAYAGH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0022 qui a déposé son dossier,
INTIMEE
S.A.R.L. DIFFUSION TECHNOLOGIE DITEC
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
assistée de Me Alain PAUTRE, avocat au barreau de l'ESSONNE plaidant pour la SELARL ATTLAN PAUTRE qui a déposé son dossier,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, président
Madame Agnès MOUILLARD, conseiller
Monsieur Michel ROCHE, conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les 7 juin, 20 juin, 6 juillet et 15 juillet 2005, la société de droit italien Ditec SPA a confié à la société italienne Assocam International, le transport de marchandises vers sa filiale française Ditec à [Localité 3] dans l'Essonne ;
La société Assocam International a sous-traité ce transport à M. [B] [X], transporteur individuel ; les commandes respectivement de 1570 €, 1570 €, 1510 € et 1510 € représentant un total de 6 160 €, ont été livrées par la société Transport [X] [B] les 8 juin, 21 juin, 6 juillet et 20 juillet 2005 ;
La société Assocam, qui a été payée par la société Ditec SPA, n'a cependant pas payé M. [B] [X] ; en effet, faisant état de difficultés financières, la société Assocam International a proposé par courrier du 20 octobre 2005 à la société Transports [X] [B], de ne régler que la moitié de sa dette dont elle reconnaît être débitrice ;
Considérant que la dette était due en totalité, la société Transports [X] [B] a refusé cette proposition et a adressé à la société Assocam International une mise en demeure en date du 27 octobre 2005, suivie d'une relance de paiement du 23 novembre 2005, avec copie à la société Ditec SPA et à Ditec ;
La société Assocam International a été mise en liquidation judiciaire et a déposé le bilan sans avoir réglé M. [B] [X] ;
Les 27 avril et 1er juin 2006, la société Transports [X] [B] a mis en demeure la société Ditec d'avoir à lui régler ces créances, en application des dispositions de la loi dite « Gayssot » ;
En l'absence de paiement, la société Transports [X] [B] a alors déposé, le 21 juin 2006, une requête en injonction de payer auprès du tribunal de commerce d'Evry ;
Par ordonnance du 28 juillet 2006, le président du tribunal de commerce d'Evry a enjoint à la société Ditec de payer à la société Transports [X] [B], en derniers ou quittances valables, la somme de 6 160 € TTC en principal avec intérêts légaux, outre 12,99 € pour frais accessoires ainsi que les dépens ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2006, la société Ditec a formé opposition de cette ordonnance ;
Par jugement rendu le 15 janvier 2008, le tribunal de commerce d'Evry a :
- dit recevable en la forme l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer formée par la SARL Diffusion Technologie Ditec,
- dit que le jugement se substitue à l'ordonnance entreprise,
- dit l'opposition bien fondée,
- en conséquence, mis à néant l'ordonnance rendue le 28 juillet 2006,
- débouté la société Transports [X] [B] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Transports [X] [B] à payer à la SARL Diffusion Technologie Ditec la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [B] [X] a interjeté appel de ce jugement le 12 février 2008 ;
LA COUR,
Vu les conclusions signifiées le 12 février 2008 par lesquelles M. [B] [X] demande à la cour, aux visas des articles 1 et 32 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises du 19 mai 1956, dite « CMR », les articles L 132-8 et L 133-6 du code de commerce et l'article 1382 du Code civil, de :
- dire et juger que l'opposition à l'ordonnance du 26 juillet 2006, était mal fondée et abusive,
- en conséquence, dire et juger que c'est à tort que la 6ème chambre du tribunal de commerce a fait droit à l'opposition formée par l'intimé,
- infirmer le jugement entrepris le 15 janvier 2008 en ce qu'il a fait droit à l'opposition ci-dessus énoncée,
- condamner la société Ditec à payer la somme de 6 375,43 € avec intérêt légal à compter du 21 juin 2006,
- ordonner la capitalisation des intérêts a sens de l'article 1159 du code civil,
- condamner la société Ditec au paiement de la somme de 2000 € à Transports [X] [B], sur le fondement de l'abus de droit dans l'exercice de cette opposition manifestement infondée,
- condamner la société Ditec à payer à Transports [X] [B] la somme de 3 000 € en indemnité telle que prévue à l'article 700 du code de procédure civile, outre l'intégralité des dépens.
Et par conclusions signifiées le 27 février 2009, la société Diffusion Technologie Ditec demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures, l'y déclarer bien fondée,
- dire l'entreprise Transports [X] [B] mal fondée en son appel ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter purement et simplement,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement entrepris et entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société Ditec, condamner l'entreprise Transports [X] [B] au paiement de la somme de 6 375,43 € et ordonner la compensation entre les créances respectives,
- à titre plus subsidiaire et toujours dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement entrepris et entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société Ditec, condamner l'entreprise Transports [X] [B] au paiement de la somme de 3 187,71 € et ordonner la compensation entre les créances respectives,
- en tout état de cause,
- condamner l'entreprise Transports [X] [B] au paiement de la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- donner acte à la société Ditec de ce qu'elle sollicite d'ores et déjà le débouté de tous moyens et prétentions contraires aux présentes écritures et de toutes demandes additionnelles qui pourraient être ultérieurement développés par tout contestant,
- condamner l'entreprise Transports [X] [B] aux entiers dépens.
SUR CEÂ :
Considérant que le jugement entrepris le 15 janvier 2008 a fait droit à l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 28 juillet 2006 formée par la société Ditec, qu'il ressort de l'état de la procédure que l'opposition a été formée dans le délai légal, qu'elle est recevable en la forme ; que la société Ditec était tout à fait fondée, en présence d'une contestation sérieuse, à user de son droit d'opposition à l'encontre de cette décision, qu'elle n'a commis aucun abus en exerçant ce recours ; qu'il y a lieu de dire recevable en la forme l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer formée par la SARL Diffusion Technologie Ditec, que le jugement des premiers juges doit être confirmé de ce chef ;
Considérant que Ditec n'a commis aucun abus en contestant en justice l'ordonnance d'injonction de payer, qu'il convient de rejeter la demande indemnitaire de M. [B] [X] à ce titre ;
Considérant que M. [B] [X] fait valoir qu'il a effectué diverses opérations de transport pour le compte de la société Assocam, au profit de la société Ditec, que n'ayant pas été payé par la société Assocam qui s'est trouvée en liquidation judiciaire, il entend se retourner vers la société Diffusion Technologie Ditec ;
Considérant que M. [X] prétend bénéficier de l'action directe du voiturier à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire prévue par l'article L 132-8 du code de commerce et d'une prescription rallongée au titre de la CMR ;
Considérant que la société Diffusion Technologie Ditec fait valoir, d'une part, que l'action directe prévue par les dispositions de l'article L 132-8 du code de commerce est prescrite et, d'autre part, que la prescription rallongée et les causes d'interruption de la prescription énoncées dans la CMR ne s'appliquent pas à l'action directe du transporteur telle que prévue par l'article L 132-8 du code de commerce ;
Considérant que M. [B] [X] fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1 et 32 de la convention de Genève dite CMR du 19 mai 1956 et sur l'article L 132-8 du code de commerce ; que la CMR est applicable aux opérations de transport international, que les opérations de transport dont le paiement est réclamé s'effectuaient entre l'Italie et les locaux de la société Ditec à [Localité 3], qu'il s'agit bien d'opérations de transport international auxquelles s'appliquent les dispositions de la CMR ;
Considérant cependant que les dispositions des articles 1 et 32 de la convention de Genève dite CMR ne prévoient aucune action directe du transporteur à l'encontre du destinataire lui permettant de garantir au voiturier le paiement du prix du transport par le destinataire ; que les dispositions concernant le délai de prescription des actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la convention CMR ne sont pas applicables à l'action directe uniquement prévue par l'article L 132-8 du code de commerce et inexistante dans le cadre de la CMR ; que seules les dispositions du code de commerce prévoyant cette action sont applicables au cas d'espèce, qu'il y a lieu de confirmer le jugement des premiers juges et de débouter M. [B] [X] de ses demandes de rallongement du délai de prescription à ce titre ;
Considérant que l'article L 132-8 du code de commerce dispose : 'la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier ; le voiturier a ainsi une action en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport; toute clause contraire est réputée non écrite' ; que l'article L 133-6 énonçant que toutes les actions entre les parties au contrat de transport se prescrivent dans le délai d'un an est applicable à l'action directe prévue à l'article L 132-8 du code de commerce ;
Considérant que les commandes des opérations de transport ont été passées les 7 juin, 20 juin et 15 juillet 2005, que les livraisons correspondantes sont en date des 8 juin, 21 juin, 6 juillet et 20 juillet 2005 ; que la prescription ne s'arrête que par une citation en justice signifiée par le créancier au débiteur dans le délai de un an, que le dépôt de la requête en injonction de payer du 21 juin 2006 ne saurait être assimilé à une citation en justice signifiée par le créancier au débiteur dès lors que le premier acte signifié par le transporteur [B] [X] à la société Ditec est la signification de l'ordonnance d'injonction de payer ; que ladite signification n'est intervenue que le 28 juillet 2006, soit plus d'un an après la date de la dernière livraison, point de départ du délai de prescription ; qu'il y a lieu de constater la prescription de l'action de M. [B] [X] , que la décision des premiers juges rejetant l'ensemble des demandes de M. [B] [X], à ce titre, mérite confirmation ;
Et considérant que la société Ditec a engagé des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de M. [B] [X] à ce titre ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau :
Déboute M. [B] [X] de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Ditec sur le fondement de l'abus de droit dans l'exercice de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer,
Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne M. [B] [X] à payer à la société Ditec la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] [X] aux entiers dépens dont le montant sera recouvré conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le Greffier
A. BOISNARD
Le Président
C. PERRIN