Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FIANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 10 JUIN 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/12848
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 06 mars 2007, emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles le 16 juin 2005, RG n° 04/03205 sur appel d'un jugement rendu le 04 mars 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles, RG n°02/05221
DEMANDEURS:
S.A.R.L. ALWI
agissant en la personne de son Gérant
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [G] [O]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [N] [S]
es qualité d'Héritier de Monsieur M' [D] [S] décédé le [Date naissance 1].1994
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3] (MAROC)
Madame [A] [S]
es qualité d'Héritière de Monsieur [N] [S] décédé le [Date naissance 1]/1994
demeurant [Adresse 9]
[Adresse 9]
[H] ( MAROC)
représentés par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoué à la Cour
assistés de Maître Gérard GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque C 655
DÉFENDEURS:
SOCIÉTÉ UNITY BANK PLC venant aux droits de la SOCIÉTÉ INTERCITY BANK PLC
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 10]
ABUJA (REPUBLIQUE FEDERALE DU NIGERIA)
représentée par Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Maître Michel LAURET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1232
Monsieur [K] [V]
demeurant [Adresse 2]
DURBAN (AFRIQUE DU SUD)
assigné et défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Claude APELLE, Président
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller
Madame Caroline FEVRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- par défaut
-rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, comme elles ont été avisées de la date de prorogation du délibéré.
- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
La présente affaire revient devant cette Cour sur renvoi, après cassation en toutes ses dispositions d'un arrêt rendu par la Cour de Versailles en date du 16 juin 2005.
M.M. [G] [O] et la société Alwi sont appelants d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles en date du 4 mars 2004, qui a constaté que la société Tilas n'avait pas été régulièrement assignée ; à déclaré que le juge français était incompétent pour connaître de l'action à l'égard de la société Habibson Bank Ltd ; s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de M. [O] et de la société Alwi contre la société Intercity Bank PLC et M. [K] [V] ; a déclaré irrecevables lesdites demandes pour défaut d'intérêt à agir ; dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ; débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamné M. [G] [O] et la société Alwi à payer à chacune des sociétés Intercity Bank PLC et Habibsons Ltd la somme de mille deux cents euros (1.200 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamné M. [G] [O] et la société Alwi aux dépens.
Sur le plan des faits, M. [O] expose qu'il gère une société de conseil en gestion de fortunes.
Le 13 mars 2002, il a été contacté par e-mail par M. [K] [V], se présentant comme le fils de [T] [Y], chef de la rébellion angolaise Unita, tué au cours d'un affrontement avec les troupes gouvernementales en février précédent. M. [K] [V] cherchait à placer «'en toute sécurité'» auprès de la société Alwi une somme de quatre-vingts millions des dollars américains (80.000.000 U.S.$.), qui devait arriver dans une malle à l'aéroport de [8], en Afrique du Sud. La société Alwi devait percevoir pour le service une rémunération de 15% du montant de la somme à placer.
M. [O] s'est alors rendu en République sud-africaine, le 20 mars 2002 , en vue de dédouaner la malle.
À l'aéroport de [8], il s'est révélé que la sortie de douane nécessitait un certificat d'origine des fonds, garantissant qu'il ne provenait ni du trafic de drogue, ni du blanchiment d'argent. M. [Y] a prétexté avait perdu le document, mais il est apparu qu'il était possible d'obtenir un «'certificat de remplacement'», moyennant la somme de deux cent cinquante mille dollars (250.000 U.S.$.), outre trois mille dollars (3.000 U.S.$.) de cadeaux et commissions, destinés à corrompre des agents de l'administration, comme les appelants l'indiquent clairement dans leurs écritures.
M. [O] indique «'s'être laissé séduire'» et, comme il ne disposait pas des fonds nécessaires, s'être adressé à une cliente, Mme [E] [S], demeurant à Casablanca (Maroc), afin qu'elle transmette les fonds nécessaires sur le compte d'une banque britannique.
Le 26 mars 2002, Mme [S] a donné l'ordre à sa banque, l'Union de banques suisses-U.B.S. en Suisse, de virer la somme de trois cent dix-neuf mille huit cent quarante euros (319.840 €) auprès de la banque Habibsons Ltd à Londres. L'opération a été réalisée dans la journée et, dès le lendemain, M. [Y] a été tenu au courant de l'arrivée des fonds.
C'est alors que, par télécopie du 3 avril, M. [O] a été informé que le «'certificat de remplacement'» était prêt, mais qu'il ne serait délivré que contre paiement d'une taxe d'un montant de huit cent mille dollars (800.000 U.S.$.). M. [O] ne disposait pas d'une telle somme et aucune «'solution plus souple'» ne s'est avérée praticable.
Il s'est aperçu peu après qu'il avait été victime d'une «'escroquerie à la nigériane'», un type de malversations sophistiquées par l'intermédiaire de banques du Nigéria, qui, selon lui, font de nombreuses victimes dans les milieux financiers.
Il lui est apparu que le compte crédité par le virement enregistré le 26 mars 2002 était ouvert à la banque Habibsons Ltd au nom de la banque nigériane Intercity Bank Plc. Celle-ci a indiqué que le bénéficiaire final des fonds était une société Tilas, qui avait été créditée du virement le 5 avril 2002 et avait utilisé les fonds dans la journée. Il s'est révélé que cette société Tilas n'avait pas d'existence, qu'elle n'était pas enregistrée au Nigéria et que la destination réelle des fonds était inconnue.
La société Alwi et M. [G] [O] indiquent avoir obtenu d'un juge londonien le blocage provisoire de la somme de deux cent quatre-vingt mille dollars (280.000 U.S.$.) dans les livres de la banque Habibsons Ltd.
La société Unity Bank Plc, qui vient aux droits de la société Intercity Bank Plc, réplique qu'elle est absolument étrangère aux activités frauduleuses que M. [O] revendique, et que celui-ci est tout simplement l'auteur du prétendu dommage dont il excipe : dans le cadre d'une opération clandestine, il a demandé à une connaissance, Mme [S], d'effectuer le virement litigieux, sans vérifier le destinataire final de celui-ci, alors qu'il se livrait à des activités illégales et clandestines, totalement extérieures à la banque, qui n'a commis aucune faute.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 2 mars 2010, valant écritures récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, la société Alwi, M. [G] [O], Mme [A] [S] et M. [N] [S] demandent à la Cour de recevoir Mme [A] [S] et M. [N] [S], en tant qu'héritiers de M. [N] [S] et de Mme [Z] [S], elle-même héritière décédée de M. [N] [S], en leur intervention volontaire ; de constater que les comportements fautifs de M. [K] [V] et la société Intercity Bank sont à l'origine du préjudice subi ; de constater en particulier que la société Intercity Bank a manqué à son obligation de vérification du destinataire final du virement ; de condamner la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc, et M. [K] [V], in solidum, à payer à la société Alwi et M. [G] [O] les sommes de trois cent dix-neuf mille huit cent quarante euros (319.840 €), représentant le montant de la somme virée au bénéfice de l'entité fictive Tilas, de onze mille cinq cent quatre-vingts euros (11.580 €), représentant les cadeaux et commissions versées en Afrique du Sud, et de trois mille deux cent cent cinquante euros (3.250 €) au titre des frais de déplacement et séjour ; de les condamner à payer à [G] [O] la somme de cent mille euros (100.000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ; de les condamner à payer à Mme [A] [S] et M. [N] [S] la somme de cinquante mille euros (50.000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral ; de les condamner à payer à la société Alwi et M. [G] [O] la somme de cinquante-quatre mille euros (54.000 €) pour leurs frais documentaires et de gel de fonds à Londres ; de condamner M. [K] [V] et la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc, à payer à la société Alwi la somme de soixante-dix-huit mille cent euros (78.100 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à Mme [A] [S] et M. [N] [S] la somme de trois mille euros (3.000 €) au même titre ; de dire que la société Habibson Bank Ltd devra lui restituer la somme de trois cent dix-neuf mille huit cent quarante euros (319.840 €).
Au soutien de ses demandes, la société Alwi et M. [G] [O] font valoir les arguments qui seront résumés ainsi qu'il suit :
M.M. [O] souligne préliminairement qu'on lui a fait un procès d'intention, alors qu'il n'est qu'un petit entrepreneur victime de la «'criminalité nigériane'».
S'agissant de la compétence du juge français, les appelants font valoir qu'elle s'impose par application des articles 14 du Code civil et 42 du Code de procédure civile, la perte financière causée par la faute de la banque ayant été subie en France.
La loi de fond applicable est la loi française : peut importe la loi du lieu matériel du virement ; dès lors que les victimes des faits frauduleux sont françaises, le litige est régi par la loi française.
En ce qui concerne les consorts [S], ils ont donné mandat à M. [O] et à la société Alwi pour recouvrer les fonds correspondant au virement et ont ratifié la mise à disposition de ces fonds.
Ce mandat entre dans l'objet social de la société Alwi, qui est le conseil et la gestion de fortune.
La responsabilité de M. [K] [V] est incontestable, puisqu'il est l'organisateur d'une escroquerie à l'échelle internationale, dont les appelants ont été victimes. Sa faute est la cause directe du transfert indu de fonds à hauteur de la somme de trois cent dix-neuf mille huit cent quarante euros (319.840 €) et de la perte subie en conséquence.
Celle de la banque Intercity Bank l'est autant, puisque cet établissement financier a commis une faute en virant la somme de trois cent dix-neuf mille huit cent quarante euros (319.840 €) au profit d'une société Tilas, qui n'existait pas. La banque devait à tout le moins se renseigner, ce qui lui aurait permis de s'apercevoir de l'absence d'enregistrement au Nigéria de la société du titulaire du sous-compte, de bloquer les fonds et interroger l'expéditeur, qui lui aurait demandé de les retourner. Par sa carence, elle a causé la perte du montant du virement.
Suivant conclusions signifiées le 10 février 2010, valant écritures récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, susvisé, la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc, demande à la Cour, à titre principal de dire que le juge français est incompétent pour connaître de toutes les demandes faites à son égard ; subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société Alwi et M. [G] [O] à son encontre pour défaut d'intérêt à agir ; de dire qu'en tous cas, la loi anglaise est seule applicable au litige ; subsidiairement, de dire que le virement litigieux a été effectué conformément aux instructions du donneur d'ordre, de sorte que la banque n'a commis aucune faute ; de dire que M. [O] a causé à lui-même le dommage qu'il invoque, par des actes non seulement hasardeux, mais gravement illicites, sans lien avec le virement litigieux, d'une part, par son absence de vérification du destinataire final du virement, d'autre part.
Á titre principal, la société intimée fait valoir que le juge français est radicalement incompétent conformément à l'article 14 du Code civil, dès lors, d'une part, qu'elle n'a jamais contracté quelque obligation (au sens de l'article 14 : contrat, délit ou quasi délit) avec la société Alwi et M. [G] [O], d'autre part, que Mme [S], non française vivant hors de France, n'a effectué aucune opération bancaire en France.
En outre, l'article 46 du Code de procédure civile, en matière quasi délictuelle, attribue compétence alternative au juge du lieu du domicile du défendeur, du lieu du fait dommageable ou celle du lieu où le dommage a été subi.
Aucun des ces critères ne permet d'attribuer compétence au juge français.
La société Alwi et M. [G] [O] n'ont pas qualité à agir : les fonds ont été virés par Mme [S] et il n'est pas justifié que la société Alwi et M. [O] l'ait remboursée. L'attestation d'un expert-comptable au crédit du compte courant de
M. [O] ne prouve pas ce paiement : il n'y a eu qu'une simple écriture comptable.
M. [K] [V] a été assigné par voie diplomatique en République sud-africaine. Il n'a pas constitué avoué.
Il doit être constaté que la société Habibsons Bank Ltd, contre laquelle les appelants forment une demande de restitution, n'a pas été assignée devant cette Cour, pas plus qu'elle ne l'avait été devant la Cour d'appel de Versailles.
La Cour se reporte aux écritures récapitulatives des parties pour le détail de leurs arguments.
SUR CE,
1.- Sur l'intervention volontaire de la société Unity Bank PLC comme venant aux droits de la société Intercity Bank PLC :
Considérant que, suivant conclusions signifiées le 10 février 2010, la société Unity Bank Plc est intervenue volontairement à l'instance, comme venant aux droits de la société Intercity Bank Plc ;
Qu'il y a lieu de lui en donner acte ;
2.- Sur l'intervention volontaire de Mme [A] [S] et M. [N] [S] comme venant aux droits de la succession de M. [N] [S] et de celle de Mme [Z] [S], héritière décédée le [Date décès 6] 2007 :
Considérant qu'aux termes de leurs écritures signifiées le 2 mars 2010, Mme [A] [S] et M. [N] [S] sont intervenues volontairement en cause d'appel, déclarant venir aux droits de leur père décédé, M. [N] [S], dont les fonds provenant de la succession ont servi au virement des fonds, et de Mme [Z] [S], héritière de M. [N] [S] et décédée le [Date décès 6] 2007 ;
Qu'il échet de leur en donner acte ;
3.- Sur l'exception d'incompétence du juge français s'agissant de l'action de la société Alwi et M. [G] [O] contre la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc :
Considérant qu'en application de l'article 14 du Code civil, l'étranger, même non résidant en France, peut être cité devant les les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec des Français ; que le terme «'contactées'» s'entend également des obligations quasi délictuelles ;
Considérant qu'il est constant que la société Alwi et M. [G] [O] n'ont aucun lien contractuel avec la société Intercity Bank ;
Considérant en outre que la société Alwi et M. [G] [O] ne peuvent prétendre être subrogés dans les droits de Mme [E] [C] épouse [S], dont il est justifié qu'elle a effectué le virement à la banque Habibsons Ltd ; qu'ils arguent que les consorts [S], par acte enregistré le 5 août 2004, leur ont donné mandat de recouvrer la somme virée, mais qu'un tel mandat ne peut en aucun cas leur avoir transféré la propriété des sommes ; qu'ils ne justifient pas davantage que leur responsabilité a été engagée par les consorts [S], a fortiori qu'ils leur aient réglé le montant du virement ;
Considérant que, devant ces données relevées avec pertinence par les précédents juges, les appelants évoquent désormais un prêt de Mme [E] [S] à M. [O], suivi d'un prêt de M. [O] à la société Alawi, mais que ces allégations ne sont démontrées par aucune pièce versée aux débats ; qu'en effet, il est produit exclusivement un extrait de pièces comptables faisant état d'une passation au compte courant de
M. [O] dans les livres de la société Alwi ; qu'un tel document, qui n'a pas date certaine, est en complète contradiction avec les documents bancaires, qui démontrent un virement effectué par Mme [E] [S] d'un compte en Suisse en direction de la société Habibsons Bank Ltd à Londres, virement dont M. [O] ne pouvait être en aucun cas bénéficiaire ce qui exclut le prêt allégué ;
Considérant qu'enfin, les «'cadeaux'» et «'commissions'», dont M. [G] [O] dit avoir supporté le coût pour recueillir dans un aéroport sud-africain une malle de billets, outre leur caractère manifestement frauduleux, sont dépourvus de tout lien avec le crédit passé par la société Intercity Bank Plc au profit d'un sous-compte et ne sont évidemment pas susceptibles de déterminer le rattachement au territoire français ;
Considérant qu'il se déduit de ces constatations que les appelants ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 14 susvisé, d'où il suit que le litige échappe à la juridiction française ;
4.- Sur l'exception d'incompétence du juge français s'agissant de l'action de Mme [A] [S] et M. [N] [S] à l'encontre de la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc :
Considérant que les documents versés aux débats démontrent que le virement litigieux a été ordonné par Mme [E] [C] épouse [S], gérante d'une société dénommée «'La Maison du Sauna'» ; que Mme [E] [S] était de nationalité marocaine et résidait à Casablanca (Maroc), tandis que la société «'La Maison du Sauna'» était inscrite au registre du commerce et des sociétés de cette ville ; que le virement a été effectué à partir du compte d'une banque suisse sur le territoire de la Confédération helvétique à destination d'une banque londonienne, qui en a transféré le montant à un sous-compte figurant dans ses livres ;
Considérant qu'en l'état de ces constatations, le litige échappe nécessairement à la compétence du juge français, conformément à l'article 14 du Code civil ;
5.- Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Alwi et M. [G] [O] contre la société Habibson Bank Ltd :
Considérant que la société Habibson Banl Ltd n'a jamais été appelée en cause d'appel, que ce soit devant la Cour d'appel de Versailles ou devant cette Cour, les appelants n'ayant jamais cru bon de lui faire délivrer une assignation ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de déclarer la demande de
restitution de la société Alwi et M. [G] [O] contre la société Habibson
Bank Ltd irrecevable par application de l'article 908 du Code de procédure civile ;
6.- Sur les demandes de M. [G] [O] et la société Alwi contre M. [K] [V] :
Considérant que le juge ne peut soulever d'office l'incompétence de la juridiction française, sauf circonstances particulières d'ordre public, absentes en l'espèce ;
Considérant qu'en application de l'article 1315 du Code civil, il appartient à celui qui invoque une obligation de rapporter la preuve de son existence ; qu'en application de l'article 9 du Code de procédure civile, toute partie est tenue de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Considérant qu'aucun élément produit aux débats ne démontre de manière certaine que M. [K] [V] ait réellement pris contact contact avec M. [O] ou la société Alwi ; que l'e-mail produit est un texte en anglais émanant de «'Prince [K] [V]'», avec la référence à une adresse électronique (« @hotmal.com'»), qui correspond à la messagerie gratuite de Microsoft ; qu'il résulte de ce document que la correspondance alléguée était destinée à plusieurs personnes, et pas seulement à
M. [O] ; que rien ne permet de certifier l'expéditeur réel de ce document, ni même ne démontre qu'il ait été réellement adressé à M. [O], la pièce n° 1 produite étant un tirage qui peut être réalisé avec tout ordinateur et une imprimante ; que les faits qui se seraient déroulés à [8], sur le territoire de la République sud-africaine, ne procèdent que des seules allégations des appelants, qui ne sont étayées par aucun élément de preuve produit aux débats ; que, de même, rien n'établit que M. [K] [V] ait un lien quelconque avec l'entité nigériane titulaire du sous-compte, au profit de laquelle les fonds litigieux auraient été virés ;
Qu'à ce sujet, la Cour constate formellement que, parmi les très nombreuses pièces produites par les appelants, qui concernent des malversations imputées de manière générale à des banques ou citoyens de la République fédérale du Nigéria, l'action du mouvement de rébellion «'Unita'» et une procédure conservatoire diligentée à Londres, aucune n'établit un contact effectif des appelants avec M. [K] [V], dont il n'est démontré ni qu'il existe, ni qu'il ait été en relation avec les appelants, a fortiori un fait fautif quelconque de sa part ou une convention qu'il puisse avoir passée ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter M. [G] [O] et la société Alwi de leurs demandes en paiement contre M. [K] [V];
7.- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire comme à la durée des instances nécessaires, il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc, les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer ; que l'équité impose également de ne pas mettre de condamnation au titre des frais irrépétibles à la charge de Mme [A] [S] et de
M. [N] [S] ; que la société Alwi et M. [G] [O] seront condamnés à payer à la société Unity Bank PLC, venant aux droits de la société Intercity Bank, la somme de cinq mille euros (5.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Considérant que la société Alwi et M. [G] [O], du fait de leur succombance, doivent être déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
8.- Sur les dépens :
Considérant que la société Alwi et M. [G] [O], parties succombantes, doivent être condamnés aux dépens ;
9.- Sur la communication de la procédure au ministère public :
Considérant qu'aux termes de ses écritures, M. [G] [O] se targue d'avoir tenté de récupérer en République sud-africaine une malle contenant quatre-vingt-millions de dollars américains (80.000.000 U.S.$.), provenant du trésor de guerre' du chef d'un mouvement de rébellion en Angola, État reconnu par la France ; que M. [G] [O] et la société Alwi soutiennent même dans leurs conclusions récapitulatives du 2 mars 2010 que cette activité entrait dans l'objet social de l'entreprise le conseil en gestion de fortunes ; que, s'il est plausible que ces faits, manifestement frauduleux, soient prescrits et s'il n'est pas certain qu'ils relèvent de la compétence des juridictions pénales françaises, il n'en demeure pas moins que la revendication par une société ayant son siège sur le territoire français de telles activités, manifestement contraires à l'ordre public français comme à celui d'États reconnus dans l'ordre international, impose la communication du dossier au ministère public, pour qu'il avise, notamment en vue de saisir les administrations compétentes ;
Considérant qu'il échet de dire que le présent arrêt et le dossier de la procédure seront transmis à M. le Procureur général ;
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement entrepris,
Donne acte à Mme [A] [S] et de M. [N] [S] de qu'ils interviennent en cause d'appel comme venant aux droits de la succession de M. [N] [S] et de Mme [Z] [S], héritière décédée.
Donne acte à la société Unity Bank Plc de ce qu'elle intervient à l'instance comme venant aux droits de droits de la société Intercity Bank Plc.
Déclare que le juge français est incompétent pour connaître des demandes de la société Alwi et de M. [G] [O], de Mme [A] [S] et de M. [N] [S] à l'encontre de la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc.
Déclare irrecevables les demandes de la société Alwi et de M. [G] [O], de Mme [A] [S] et de M. [N] [S] à l'encontre de la société Habibson Banl Ltd.
Déboute la société Alwi, M. [G] [O], Mme [A] [S] et
M. [N] [S] de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [K] [V].
Condamne la société Alwi et M. [G] [O], solidairement, à payer à la société Unity Bank Plc, venant aux droits de la société Intercity Bank Plc, la somme de cinq mille euros (5.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.
Ordonne la communication d'un présent arrêt et du dossier de la procédure à
M. le Procureur général, pour qu'il avise ainsi qu'il lui appartiendra.
Condamne la société Alwi et M. [G] [O], solidairement, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à ceux de l'arrêt cassé, avec, s'agissant de ceux afférents à l'instance d'appel, bénéfice pour Me Olivier, avoué, de recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT