Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 8 JUIN 2010
(n° 234, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15664
Décision déférée à la Cour :
sentence arbitrale rendue le 16 juillet 2008 par l'arbitre désigné par Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS n° 740/175564
DEMANDEURS AU RECOURS
Monsieur [S] [G] [R]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me Bernard CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
S.C.P.A. [R] agissant poursuites et diligences de son gérant
[Adresse 7]
[Localité 11]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bernard CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
DÉFENDERESSES AU RECOURS
Madame [Y] [T] VEUVE [M] agissant pour ses trois enfants mineurs [H] [M], né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 14], [D] [M] né le [Date naissance 6] 1998 et [P] [M], né le [Date naissance 6] 1998
[Adresse 4]
[Localité 12]
Mademoiselle [F] [M]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Mademoiselle [C] [M]
[Adresse 4]
[Localité 12]
représentés par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistés de Me Th. LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 223
SCPA GERARDIN LAUGIER
Me [E] [I] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de M. [M]
[Adresse 5]
[Localité 13]
représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Th. LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 223
SCPA GERARDIN LAUGIER
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Madame [U] [N] [O] ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de M. [A] [M]
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me Th. LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 223
SCPA GERARDIN LAUGIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 mars 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
Par acte sous seing privé du 8 juin 2007, M. [R] a cédé à [A] [M] les parts qu'il détenait dans la SCP d'avocats [R], représentant la totalité, pour le prix de 400 000 € et ses droits en compte courant dans les livres de ladite SCP pour 100 000 €, sommes effectivement payées comptant.
Le 19 octobre suivant, au motif que la situation comptable et financière de la SCP ne correspondait pas aux attentes de [A] [M], les parties sont entrées en conflit et sont convenues de la résolution de cette cession à effet du 11 juin entraînant la restitution du prix et prévoyant l'indemnisation de [A] [M] et la constitution de garanties pour restitution des sommes par M. [R] consistant dans la consignation entre les mains d'un mandataire ad hoc d'une partie de la somme d'octroi de sûretés réelles sur des immeubles lui appartenant et de transfert de titres qu'il détient dans une SCI.
Le fonds d'exercice libéral de la SCP a été cédé à [A] [M] par acte sous seing privé du 6 novembre 2007.
Ce dernier a réclamé le remboursement des sommes prévues à l'acte, intitulé 'transaction' du 19 octobre, soit 500 000 €, auxquels s'ajoutent les intérêts au taux légal et 123 000 €, montant de l'indemnité convenue et à défaut de constitution des garanties annoncées dans le délai prévu, et M. [R] a demandé l'annulation pure et simple de cet acte, de la cession du 6 novembre 2007 et du nantissement des parts de la SCI et la régularisation des comptes en résultant.
Par procès-verbal en date du 27 février 2008, ils ont saisi le bâtonnier du barreau de Paris de leur différend, celui-ci devant statuer en droit et à charge d'appel conformément aux articles 1447 à 1491 du code civil.
Par sentence arbitrale du 16 juillet 2008, le bâtonnier a :
validé l'acte du 19 octobre dénommé 'transaction', déboutant M. [R] de sa demande de nullité,
dit n'y avoir lieu à prononcer la caducité de l'acte de cession de la SCP du 6 novembre 2007,
condamné M. [R] à payer à [A] [M] la somme de 500 000 € au titre de la restitution du prix en application de la résolution convenue,
condamné M. [R] au paiement des intérêts de cette somme à compter du 1er décembre 2007 et prononcé leur capitalisation,
débouté [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts forfaitaires, soit la somme de 123 000 €
et fixé à 6 000 € hors taxe les frais d'arbitrage qu'il a partagés par moitié entre les parties.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de cette sentence par M. [R] et la SCP [R] en date du 31 juillet 2008,
Vu les constitutions de Mme [T], veuve de [A] [M], décédé le [Date décès 9] 2008, de ses trois enfants mineurs et de Mmes [F] et [C] [M], enfants majeurs, en date du 27 octobre 2008,
Vu les conclusions d'intervention volontaire de M. [I],mandataire à la liquidation judiciaire de M. [M], en date du 12 mars 2009,
Vu les dernières conclusions déposées le 26 février 2010 selon lesquelles M. [R] et la SCP [R] s'en rapportent à justice quant à la mise hors de cause des consorts [M], et, poursuivant la réformation de la sentence, demandent sa confirmation en ce qu'elle a débouté [A] [M] de ses demandes de condamnation à des dommages et intérêts et l'annulation de la transaction du 19 octobre 2007 et du nantissement consenti sur les parts d'une SCI [Adresse 15], le prononcé de la caducité de la cession du fonds, la validation de la seule cession du 8 juin 2007 avec tous ses effets, le débouté de M. [I] et sa condamnation, ès qualités, à leur payer 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 18 mars 2010 par lesquelles Mme [T], veuve [M], agissant également au nom de ses deux enfants mineurs [D] et [P], et Melles [F] et [C] [M] et M. [H] [M], M. [I], mandataire liquidateur de [A] [M] et Mme [N] [O], intervenante volontaire désignée comme administrateur provisoire de la succession de [A] [M], demandent la mise hors de cause de Mme [T], veuve de [A] [M], de ses deux enfants mineurs et de Melles [F] et [C] [M] et M. [H] [M], de donner acte à M. [I] et à Mme [N] [O] de leurs interventions volontaires, de déclarer irrecevables les demandes de M. [R] faute de production de sa créance à la liquidation, de confirmer la sentence pour le surplus et de condamner M. [R] au paiement de la somme de 123 000 € convenus, en y ajoutant les intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2007 et de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Sur la procédure :
Considérant tout d'abord que, [A] [M] étant décédé le [Date décès 9] 2008 et Mme [N] [O] ayant été désignée par ordonnance de référé du 19 mai 2009 pour représenter sa succession dans toutes les instances, il y a lieu de la déclarer recevable en son action et de mettre hors de cause Mme [T], veuve [M] à titre personnel et comme représentante de ses enfants mineurs [D] et [P] ainsi que Melles [F] et [C] [M] et M. [H] [M], enfants majeurs de [A] [M] ;
Considérant ensuite que [A] [M] a été déclaré en état de cessation des paiements à dater du 1er septembre 2008 et que par jugement du 16 octobre 2008 une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, M. [I] étant désigné comme liquidateur ; qu'il convient donc de déclarer M. [I] recevable en son action ;
Au fond :
Considérant que M. [R] et la SCP [R] font valoir les conditions de la cession et de la transaction au cours de laquelle [A] [M], qui avait déjà transféré l'activité du cabinet dans ses propres locaux, aurait abusé de l'âge et de la maladie de M. [R] pour obtenir de lui, outre la résolution motivée par le fait qu'il connaissait des difficultés financières, une indemnité et le nantissement de parts en garantie alors qu'il avait acquis la SCP pour 1 euro ; qu'ils considèrent que la transaction est entachée d'abus de faiblesse, de dol et qu'elle est dépourvue de cause puisqu'il n'y a jamais eu d'anomalies comptables ni financières ;
Considérant cependant que ces arguments sont ceux là même qui avaient été avancés, sans succès, devant le bâtonnier qui les a écartés par des motifs que la cour ne peut qu'approuver, M. [R] étant défaillant, comme alors, à rapporter la preuve de son état de faiblesse au moment de la signature de la transaction ou à démontrer des manoeuvres dolosives de la part de [A] [M], se limitant à des affirmations sans portée à ce sujet ;
Qu'il sera d'ailleurs souligné que la 'transaction' du 19 octobre était précédée d'un acte conclu le 17 portant 'résolution' de la vente des parts sociales et des droits en compte-courant, comportant les mêmes observations, dont M. [R] et la SCP [R] s'abstiennent de demander l'annulation alors même qu'elle porte expressément en son article 8 qu'il 'vaut... transaction ayant tous les effets prévus aux articles 2044 et suivants...', manifestant ainsi la volonté commune des parties, confirmée par une lettre du même jour adressée par M. [R] à [A] [M] dans laquelle il s'engage à accomplir tout ce qui était convenu et à constituer les garanties pour le remboursement des sommes ; qu'ils ne sauraient dans ces conditions, au vu de la réitération de la volonté de M.[R] en ce sens, soutenir un vice de consentement de sa part ;
Qu'il est contant qu'aucune des garanties annoncées dans l'acte de cession du 8 juin 2007 n'a jamais été fournie par M. [R] et qu'il ne démontre pas s'être acquitté d'aucune des obligations auxquelles il avait souscrit, notamment quant à la constitution de garanties ou à la présentation de la clientèle, ayant été absent de [Localité 16] durant la quasi-totalité de la période au cours de laquelle elle devait avoir lieu ;
Que c'est dans ces conditions qu'a été signé le document intitulé 'transaction' qui, outre sa dénomination, en comporte tous les éléments, visant les articles 2044 et suivants du code civil et les signatures étant précédées des mentions manuscrites adéquates, relate le contentieux opposant les signataires, consistant en la découverte par [A] [M] de la situation réelle de trésorerie de la SCP sans commune mesure avec ce qui était annoncé dans la cession et, alors, non contestée par M. [R] qui l'admet par sa signature, et comporte des concessions réciproques puisqu'elle vise à remettre les parties dans leur état antérieur à la cession, [A] [M] restituant les parts de la SCP et M. [R] le prix ; qu'il résulte de ce rappel que la transaction a bien une cause consistant pour chacune des parties en l'exécution par l'autre des restitutions auxquelles elle s'est engagée ; que M. [R], au delà d'assertions non étayées sur la précarité de la situation de [A] [M] ou sur les effets du déménagement ou encore sur son désintérêt du cabinet, ne démontre pas que les motifs indiqués dans les actes de transaction et de résolution de la vente pour les justifier sont inexistants alors qu'ils attestent, au mieux, d'un laisser aller et, au pire, de malversations de sa part, les quelques pièces versées étant pour partie établies par lui ou sans valeur au regard des termes du litige ;
Que pour ces motifs, la décision du bâtonnier ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a donné pleine force à cette transaction et condamné M. [R] à payer à [A] [M] la somme de 500 000 € au titre de la restitution du prix en application de la résolution convenue et au paiement des intérêts de cette somme à compter du 1er décembre 2007 et prononcé leur capitalisation ;
Considérant en revanche que rien ne s'oppose à ce qu'elle soit appliquée dans son intégralité, comme il est de règle en cette matière, en condamnant également M. [R] au paiement de l'indemnité de 123 000 € qui y est incluse et qui y est précisément décrite dans chacune de ses composantes auxquelles M. [R] a adhéré, ainsi que l'énonce l'article 6 dudit acte ; que contrairement à ce que le bâtonnier a statué, si l'article 8 renvoie à l'article 6 pour indiquer que la présentation de clientèle pourra être l'un des modes de l'indemnisation envisagée, encore fallait-il que cette obligation de M. [R] soit respectée alors que, comme il a été dit ci-avant, cette présentation n'a, en pratique, pas eu lieu ; qu'en conséquence la décision du bâtonnier sera infirmée en ce qu'elle a débouté [A] [M] de sa demande portant sur cette somme ;
Considérant que M. [R] et la SCP [R] soutiennent encore que la cession de la SCP est caduque puisqu'elle n'a jamais eu l'aval du conseil de l'ordre des avocats, non sollicité ;
Que le bâtonnier, devant qui cet argument était également invoqué, y a pertinemment répondu sans qu'ils apportent aujourd'hui d'éléments nouveaux à son appui ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. [I], mandataire liquidateur de [A] [M] et Mme [N] [O], ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de [A] [M], d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Donne acte à Mme [N] [O] et M. [I] de leur intervention volontaire,
Met hors de cause Mme [T], veuve [M] à titre personnel et comme représentante de ses enfants mineurs [D] et [P] ainsi que Melles [F] et [C] [M] et M. [H] [M], enfants majeurs de [A] [M],
Confirme la sentence en ce qu'elle a validé la transaction du 19 octobre 2007 et, en conséquence, condamné M. [R] et la SCP [R] à payer à [A] [M], la somme de 500 000 € au titre de la restitution du prix, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2007 et dit que ces intérêts produiront eux mêmes intérêt dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute M. [R] et la SCP [R] de toutes leurs demandes,
Condamne M. [R] et la SCP [R] à payer à Mme [N] [O], ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de [A] [M] et à M. [I], ès qualités de mandataire liquidateur de [A] [M], la somme supplémentaire de 123 000 € (cent vingt trois mille euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2007,
Les condamne à leur payer la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT