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02/06/2010 | FRANCE | N°09/04148

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 juin 2010, 09/04148


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 02 Juin 2010

(n° 12 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04148-CR



Décision déférée à la Cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 19 décembre 2007

suite à l'arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 02 juin 2006 concernant un jugement rendu le 25 Février 2005 par le conseil de prud'hommes de CHARTRES section Encadrement RG n° 03/00449



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APPELANT

Monsieur [W] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E706







INTIMÉE

S.A. MONOP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 02 Juin 2010

(n° 12 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04148-CR

Décision déférée à la Cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 19 décembre 2007

suite à l'arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 02 juin 2006 concernant un jugement rendu le 25 Février 2005 par le conseil de prud'hommes de CHARTRES section Encadrement RG n° 03/00449

APPELANT

Monsieur [W] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E706

INTIMÉE

S.A. MONOPOL

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Hervé PROUST, avocat au barreau d'AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CHAUVET, Président

Madame Anne-Marie LEMARINIER, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par arrêt du 02 juin 2006 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, la cour d'appel de Versailles, statuant sur l'appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de CHARTRES du 25 février 2005 qui a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, condamné la SA MONOPOL à régler à Monsieur [S] la somme de 943,49 euros au titre des frais professionnels engagés par ce dernier, et rejeté le surplus des demandes, a :

infirmé partiellement le jugement rendu le 25 février 2005 par le Conseil de prud'hommes de Chartres,

statuant de nouveau,

dit le licenciement de [W] [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la société MONOPOL à verser à [W] [S] les sommes suivantes :

* 3201,43 euros à titre de rappel de salaire concernant la mise à pied,

* 320,14 euros pour les congés payés afférents,

* 14406,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1440,64 euros pour les congés payés afférents,

* 17863,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 38000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

ordonné à la société MONOPOL de remettre à [W] [S] une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes,

ordonné le remboursement par la société MONOPOL aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à concurrence de 2 mois,

confirmé pour le surplus les dispositions non contraires du jugement déféré,

condamné la société MONOPOL aux dépens.

La Société MONOPOL SA formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 19 décembre 2007, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt du 2 juin 2006 rendu entre les parties, mais seulement en ce qu'il a déclaré le licenciement de Monsieur [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse, remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour faire être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, au motif « qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressort du constat d'huissier, et notamment des listes de fichiers qui y sont annexées, qu'un certain nombre de fichiers de la Société Fiba ont été copiés par le salarié, la cour d'appel, en dénaturant le constat d'huissier du 21 avril 2004, a violé l'article susvisé. »

L'affaire inscrite au rôle a été radiée par ordonnance du 6 mai 2009 puis rétablie à l'audience du 30 mars 2010.

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 mai 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de leurs moyens et arguments, aux termes desquelles Monsieur [W] [S] demande à la cour de :

dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

condamner la SA MONOPOL à lui verser les sommes suivantes :

* 3201,43 euros à titre de rappel de salaire concernant la mise à pied,

* 320,14 euros pour les congés payés y correspondant,

* 14406,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1440,64 euros pour les congés payés y afférents,

* 17863,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 86438,52 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2683,44 euros à titre de remboursement de frais, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2003, date de la mise en demeure délivrée par lui, en application de l'article 1153 du code civil,

condamner la SA MONOPOL à lui verser la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SA MONOPOL aux éventuels dépens de l'instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 mai 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de leurs moyens et arguments, aux termes desquelles la Société MONOPOL SA demande à la cour de :

à titre principal ,

Vu les articles L 1232-6, L 1235-1 et suivants du code du travail,

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Valence du 30 mars 2004,

Vu l'arrêt de la chambre Sociale de la Cour de Cassation du 9 juillet 2008 , n° 06-45800,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

condamner Monsieur [S] au paiement d'une indemnité de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens.

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

La Cour de Cassation ayant renvoyé la cause et les parties devant cette cour « dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt » (arrêt de la cour d'appel de Versailles), il y a lieu de statuer sur le bien fondé du licenciement et notamment d'examiner si les motifs invoqués à l'appui du licenciement étaient constitutifs d'une faute grave ou à tout le moins d'une cause réelle et sérieuse.

Monsieur [W] [S], engagé par la Société MONOPOL en qualité d'attaché de direction par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 1997, a été licencié pour faute grave par lettre du 31 octobre 2003 en ces termes :

« Nous avons découvert que vous avez adressé une proposition de prix à Monsieur [Z], société Provence Peinture Diffusion, alors que vous aviez reçu par ailleurs pour instruction de n'envoyer aucune offre de prix à un client sans que celle-ci ait été validée préalablement soit par le responsable commercial de Monopol, soit par moi-même et alors que, circonstance aggravante, je m'étais opposé à votre proposition tarifaire.

Dans le même temps, nous avons également découvert que vous aviez copié, sans autorisation en utilisant la clé informatique personnelle de Monsieur [O] pour un usage que nous ignorons et sur lequel vous ne vous êtes toujours pas expliqué à ce jour, les fichiers informatiques de la Société FIBA.

Ces faits caractérisent à nos yeux non seulement votre insubordination mais également un manquement grave à votre obligation de loyauté vis à vis de notre entreprise.(...) »

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits , imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur. Il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise .

Il ressort de la lettre de licenciement que deux griefs principaux sont invoqués à l'appui du licenciement:

le non respect des instructions en matière tarifaire notamment à l'égard d'un client : la société Provence Peinture Diffusion

la copie sans autorisation des fichiers informatiques de la société Fiba .

Sur le premier grief, s'il résulte de l'article 5 du contrat de travail que Monsieur [S] devait se conformer au barème de prix et aux conditions générales de vente établis par la société, laquelle se réservait la possibilité de les modifier à tout moment, avec la précision que toute opération dérogeant à ces conditions devrait avoir été préalablement autorisée par elle, cette clause ne prévoyait cependant pas que les propositions tarifaires faites par Monsieur [S] devaient faire l'objet d'un accord préalable ou d'une validation préalable par le responsable commercial de la société MONOPOL ou par le responsable de l'entreprise.

En l'espèce, la Société MONOPOL n'établit nullement que Monsieur [S] ne s'est pas conformé au barème de prix et aux conditions générales de vente en vigueur dans la société. Elle n'établit pas davantage que le salarié a fait à la société Provence Peinture Diffusion des conditions de vente dérogatoires aux barèmes et aux conditions générales de ventes, sans accord ou validation préalable de la société MONOPOL, ou encore qu'il n'aurait pas, sur ces conditions dérogatoires, agi sans suivre les instructions données.

Dans ces conditions, le grief tiré d'une absence de validation préalable par le responsable commercial de la société MONOPOL ou par le responsable de l'entreprise d'une proposition de prix faite à une société cliente, ne peut donc être retenu comme faute grave, ni même comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur le second grief (copie sans autorisation de fichiers de la société Fiba), il résulte des pièces versées aux débats que par ordonnance du 30 mars 2004, rendue sur requête de la SA MONOPOL, le Président du Tribunal de Grande Instance de Valence a désigné un huissier de justice afin de se faire remettre l'ordinateur portable affecté à Monsieur [S], de prendre connaissance des données inscrites sur le disque dur, de dresser un état des fichiers contenus dans ce disque, de procéder à toute constatation utile à la manifestation de la vérité concernant les motifs de la lettre de licenciement, avec possibilité de se faire assister par l'expert en informatique Monsieur [T] [Y].

Il ressort du constat de l'huissier désigné et de la liste des fichiers annexés à ce constat, qu'un certain nombre de fichiers de la Société FIBA, ont été copiés par Monsieur [S] le 13 octobre 2003. Cette copie ne pouvait avoir été effectuée par le salarié qu'en utilisant irrégulièrement le mot de passe d'une autre personne puisqu'il résulte de l'attestation du Directeur Informatique de la société (Monsieur [L]) que [W] [S] s'était vu retirer ses droits d'accès au réseau depuis le 16 septembre 2003. Ces fichiers contenaient des informations sur les clients de la Société Fiba, ses formules de fabrication, ses statistiques de vente, et ses conditions tarifaires.

Les faits invoqués par la SA MONOPOL sont établis et le salarié ne prouve nullement la manipulation des fichiers qu'il invoque, son ordinateur ayant été remis le 14 octobre 2003 et les derniers fichiers copiés remontant au 13 octobre 2003. Aucune opération n'a été faite postérieurement à la remise par Monsieur [S] de son ordinateur. Il en résulte que le salarié a eu accès à des documents confidentiels auxquels il ne pouvait plus avoir accès directement . Ces faits sur lesquels le salarié ne s'explique pas autrement qu'en invoquant la manipulation de son ordinateur portable, constituent une faute grave caractérisée établissant son insubordination et le défaut de loyauté à l'égard de son employeur. Ils rendaient en tout cas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Dans ce contexte, la cour ne peut que confirmer la décision des premiers juges qui ont considéré que le licenciement de Monsieur [S] reposait bien sur une faute grave. Ce dernier sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes relatives au remboursement des salaires pendant la mise à pied avec congés payés afférents, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de remboursement de frais

Monsieur [W] [S] sollicite le paiement d'une somme de 2683,44 euros correspondant selon lui à des frais professionnels qui ne nécessitaient nullement un accord préalable et exprès de la société MONOPOL, cet accord préalable n'étant exigé selon l'article 8 du contrat que pour les frais importants et exceptionnels .

L'article 8 du contrat de travail prévoyait effectivement que Monsieur [S] serait remboursé de ses frais professionnels selon justificatifs selon les barèmes en vigueur dans la société. Il précisait que des frais importants ou exceptionnels pourraient être engagés par lui, « avec accord préalablement express de la société, ce type de frais devant être « budgété dans la programmation d'activité hebdomadaire ».

Selon le décompte fourni par Monsieur [S], les frais dont il réclame le remboursement se décomposent comme suit :

date

objet

montant

9 mai 2003

Déménageurs Bretons

1660,05 euros

20 mai 2003

Invitation TDF

251,18 euros

30 mai 2003

Norton antivirus

119,90 euros

31 mai 2003

Carte Ibis

155,00 euros

05 août 2003

Hôtel remboursement partiel (144,72- 80 )

64,72 euros

10 octobre 2003

Facture Midas pneu C5

239,44 euros

14 octobre 2003

Note frais octobre 2003

193, 15 euros

Total

2683,44 euros

Il ressort des pièces produites que Monsieur [S] ne justifie pas d'une autorisation préalable de la Société pour les frais des Déménageurs Bretons qui ne peuvent être considérés comme des frais professionnels ordinaires ; qu'il lui a par ailleurs été signifié un refus de prise en charge pour les frais d'antivirus Norton ; que les autres frais réclamés entrent bien dans la catégorie des frais professionnels devant être remboursés.

Il y a donc lieu dans ces conditions, d'infirmer partiellement la décision de première instance en condamnant la SA MONOPOL à verser à Monsieur [S] la somme de 903,49 euros au titre du remboursement des frais professionnels, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2004, date de renvoi devant le bureau de jugement.

La Société MONOPOL qui succombe supportera les dépens, chaque partie supportant la charge des frais exposés en appel.

*

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement déféré

Condamne la SA MONOPOL à verser à Monsieur [W] [S] la somme de 903,43 euros en remboursement de frais professionnels,

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SA MONOPOL aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/04148
Date de la décision : 02/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°09/04148 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-02;09.04148 ?
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