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27/05/2010 | FRANCE | N°07/04888

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 27 mai 2010, 07/04888


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 27 MAI 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04888



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/09850





APPELANTES



SAS PART DIEU AUTOMOBILES venant aux droits de la SA des ETS CLAMAGIRAND

ayant son siège : [Adresse 1

]



représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christian BOURGEON plaidant pour la SCP THREARD - BOURGEON - MERESSE, avocat au barreau de ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 27 MAI 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04888

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/09850

APPELANTES

SAS PART DIEU AUTOMOBILES venant aux droits de la SA des ETS CLAMAGIRAND

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christian BOURGEON plaidant pour la SCP THREARD - BOURGEON - MERESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 166,

SAS AUTO FINANCE

ayant son siège : [Adresse 2]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Christian BOURGEON plaidant pour la SCP THREARD - BOURGEON - MERESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 166,

INTIMEE

SA HONDA MOTOR EUROPE (SOUTH) ci après H.M.E.(S)

ayant son siège : [Adresse 4]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Jean Marc LANDAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R 37,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, et Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, président

Madame Agnès MOUILLARD, conseiller

Monsieur Michel ROCHE, conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Etablissements Clamagirand était concessionnaire exclusif de la marque Honda, en vertu d'un contrat du 6 janvier 1997, à [Localité 3] Est d'abord, puis à [Localité 3] Ouest suivant avenant du 27 novembre 1998, enfin à [Localité 7] suivant avenant du 25 avril 2000.

Le contrat, conclu pour une durée indéterminée, pouvait être résilié par chacune des parties avec un préavis de deux ans, et par anticipation, par le concédant, sans indemnité, en cas, notamment, de non-réalisation par le concessionnaire de 75 % des objectifs de ventes contractuels pendant deux années consécutives (article 35.1.2).

Par lettre recommandée du 18 mars 2003, la société Honda Motor Europe (South), ci-après Honda, a notifié à Clamagirand la résiliation du contrat sans préavis, pour non-réalisation de 75 % des objectifs de vente pour les années 2001 et 2002.

Invoquant des modifications unilatérales, par Honda, des conditions contractuelles et contestant le bien-fondé de la résiliation, la société Part Dieu Automobiles, venant aux droits de Clamagirand par suite d'une fusion-absorption, et la société Auto-Finance, société holding de la première, l'ont assignée en réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subi par suite de ces agissements.

Honda a formé une demande reconventionnelle en paiement de factures et de dommages et intérêts.

Part Dieu Automobiles et Auto-Finance ont appelé en cause la Société Générale, qui avait cautionné Clamagirand envers Honda.

Par jugement du 20 février 2007, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris :

- a débouté Part Dieu Automobiles et Auto-Finance de leurs demandes,

- les a condamnées solidairement, avec la Société Générale, à verser à Honda la somme de 82 676,82 € avec les intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2004,

- a débouté Honda de ses demandes de dommages et intérêts,

- a condamné solidairement Part Dieu Automobiles et Auto-Finance à payer à Honda la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et 1500 € à la Société Générale,

LA COUR :

Vu l'appel de ce jugement interjeté par Part Dieu Automobiles et Auto-Finance le 19 mars 2007 ;

Vu l'ordonnance du 22 novembre 2007 par laquelle le conseiller de la mise en état a donné acte aux appelantes de leur désistement d'appel envers la Société Générale ;

Vu les conclusions signifiées le 26 mars 2010 par lesquelles les appelantes, qui indiquent avoir versé au titre de l'exécution provisoire 82 676,82 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2004, poursuivent l'infirmation du jugement et demandent à la cour :

- de juger que Honda a modifié unilatéralement et fautivement, à compter du mois de janvier 2000, les conditions d'exécution du contrat de concession à durée indéterminée qui la liait aux Etablissements Clamagirand depuis janvier 1997 et de condamner Honda en conséquence à payer à Part Dieu Automobiles, en réparation des préjudices subis en 2000, 2001, 2002, la somme de 235 771 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2003, date de l'assignation, à titre de complément de dommages et intérêts,

- de juger que Honda a résilié abusivement avec effet immédiat le contrat de concession et de condamner cette dernière à payer, à titre de dommages et intérêts,

. à Part Dieu Automobiles : 2 679 962 € en compensation de la perte de deux années de marge brute correspondant au délai de préavis de résiliation ordinaire, 93 936 € au titre des pertes sur les stocks de pièces de rechange neuves de la marque, 15 700 € au titre de la dépréciation de la valeur du droit au bail du site du [Adresse 5], lesdites sommes majorées des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2003, avec capitalisation, à titre de complément de dommages et intérêts,

. à Auto-Finance : 440 092 € au titre de l'anéantissement de la survaleur payée lors de l'acquisition des titres de la société Clamauto Finance en 1996, avec les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2003 et capitalisation à titre de complément de dommages et intérêts,

- de condamner Honda au paiement de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 3 février 2010 par lesquelles Honda poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il déboute Part Dieu Automobiles et Auto-Finance et les condamne solidairement à lui payer 82 676,82 € avec les intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2004 au titre de factures impayées, outre 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais son infirmation pour le surplus et demande à la cour de condamner Part Dieu Automobiles à lui payer 646 000 € à titre de dommages et intérêts outre, in solidum avec Auto-Finance, 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE :

Considérant que les appelantes ne contestent pas la condamnation au paiement au titre de factures impayées, qu'elles précisent expressément avoir réglées ;

Que restent en discussion les modifications unilatérales par Honda des primes, la rupture du contrat et la validité des objectifs de vente, et la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Honda ;

Considérant, sur les modifications unilatérales des contrats par Honda, que les appelantes font grief à Honda d'avoir réduit les primes d'objectifs et, partant, les marges qui commandaient la rentabilité de l'entreprise, en premier lieu par une circulaire du 29 décembre 1999, à effet du 1er janvier 2000, qui a baissé les marges de 12,5 % sur le modèle CRV et de 13 % sur le modèle HRV, soit une perte du 150 à 230 € par véhicule sur des modèles qui avaient représenté 56 % des ventes de la concession en 1999, en second lieu, par l'instauration d'objectifs trimestriels pour l'allocation de primes de volumes, sans possibilité de rattrapage annuel, alors que, selon la circulaire de Honda du 23 mars 1999, les primes assises sur les objectifs annuels rattrapables avaient représenté jusqu'alors 200 € en moyenne par véhicule ; qu'elles ajoutent que ces conditions d'attribution imposées à compter du 1er janvier 2000 étaient incompatibles avec la réglementation communautaire (article 4 du Règlement CE 1475/95) qui n'accorde l'exemption qu'aux objectifs déterminés annuellement, soulignant que c'est à tort que les premiers juges ont décidé que le contrat la liant à Honda échappait à ces dispositions car la part de marché du concédant n'atteignait pas 5 %, alors que Honda atteignait largement plus sur le sous-segment de marché des véhicules 4 x 4 de loisirs pour les modèles HRV, véhicules multi-usages et tout terrain, et sur le marché du service après-vente de la marque ;

Considérant, d'une part, que c'est par un raisonnement spécieux que les appelantes prétendent que, pour déterminer l'application du règlement invoqué, la part de marché de Honda doit être évaluée par référence au sous-segment de marché des véhicules 4 x 4 de loisirs et au marché du service après-vente de la marque, sur lesquelles elle excède le seuil de 5 % prévu en cas d'effet cumulatif, alors que les accords litigieux concernent la commercialisation d'une gamme complète de véhicules neufs, parmi lesquels figurent quelques modèles de loisirs, et non l'activité de vente de pièces de rechange et de prestation de services, qui en est distincte, peu important à cet égard que les deux activités soient visées dans un contrat unique ; qu'ainsi, la part de Honda ne dépassant pas, au cours de la période considérée, 5 % du marché des véhicules neufs, les accords en cause échappent à l'application de l'article 81 du Traité CE devenu l'article 101 du TFUE ; qu'au demeurant, les primes d'objectifs concédées trimestriellement par le concédant n'ont qu'un objet incitatif, peu important à cet égard qu'elles constituent un avantage financier apprécié du concessionnaire, et ne doivent pas être confondues avec la clause d'objectif annuel convenue entre les parties, telle que prévue au contrat, qui est expressément autorisée par l'article 4 du règlement et qui seule revêt un caractère contraignant puisque sa non-réalisation partielle peut conduire à la résiliation ; qu'elles ne contreviennent donc pas à la réglementation communautaire ;

Considérant, d'autre part, que la réduction de primes d'objectifs sur deux modèles, seraient-ce les deux modèles phares de la marque, et la modulation d'une prime annuelle en tranches trimestrielles ne suffisent pas à caractériser un abus de la part du concédant, qui demeure libre d'ajuster ses incitations financières à la stratégie commerciale qu'il détermine, n'ayant contracté aucune obligation durable envers le concessionnaire à cet égard ; qu'en effet, le contrat prévoit seulement que les prix sont fixés par le concédant, qui les communique au concessionnaire, avec un prix indicatif de vente, que celui-ci demeure libre de fixer, cependant que les autres documents produits, notamment contemporains du démarrage des relations contractuelles, s'ils font état d'engagements ponctuels de Honda relatifs à des primes, sont limités à deux ou trois années, en vue du lancement de l'entreprise ; qu'aucune force obligatoire ne saurait être tirée d'un simple document d'information remis à l'intention de candidats concessionnaires en 1997, dont il n'est même pas établi que Clamagirand ait été destinataire avant de signer et qui, au demeurant, se borne à faire état d'une marge moyenne, purement indicative ; qu'en l'espèce, les appelantes ne démontrent pas que les modifications reprochées auraient déséquilibré l'économie du contrat, les évaluations qu'elles produisent révélant que Clamagirand aurait subi un manque à gagner de 50 000 € en moyenne en 2001 et 2002, pour une marge globale supérieure à 1,3 millions €, la cour observant d'ailleurs, ainsi que l'y invite Honda en se fondant sur des données fournies par Part Dieu Automobiles, que si la somme globalement versée à ce titre pour 2000 a diminué sévèrement (208 550 € en 1998, 206 000 € en 1999, 69 240 € en 2000, 85 647 € en 2001 et 95 878 € en 2002), c'est en raison des faibles performances de Clamagirand à cette époque, le montant moyen des primes par véhicule vendu n'ayant pas diminué significativement en 2000, même s'il a fortement augmenté par la suite (585 € en 1999, 501 € en 2000, 815 € en 2001, 1141 € en 2002) ; que ces modifications ne revêtent donc pas le caractère essentiel que les appelantes invoquent et qui seul aurait pu engager la responsabilité du concédant ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il rejette la demande de Part Dieu Automobiles de ce chef ;

Considérant, sur la résiliation du contrat, que les appelantes font valoir que le contrat ne pouvait être résilié avec effet immédiat le 18 mars 2003 dès lors que les conditions d'application de l'article 35.1.2 n'étaient pas réunies, faute d'objectif convenu pour 2001, que de toute façon les chiffres prévus pour 2001 et 2002 n'étaient ni objectifs ni équitables, les réalisations de Clamagirand en 2001 étant satisfactoires à cet égard, que cette dernière n'a pas manqué à ses obligations de moyens pour réaliser les objectifs, ses ventes ayant diminué de 50 % quand celles de la marque avaient reculé de 48 % dans le même temps, que c'est Honda qui a manqué à ses propres obligations d'importateur ;

Considérant que l'article 12 du contrat 'OBJECTIF DE VENTE' est ainsi rédigé :

'Le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire et au titre de chaque année civile, un nombre limité de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers expert en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de ventes pour le territoire et au niveau national. L'expert sera choisi d'un commun accord. A défaut d'accord, il sera désigné par le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé à la requête de la partie la plus diligente. L'avis du tiers expert liera les parties et ne sera susceptible d'aucun recours...' ;

Considérant qu'il s'évince de ces stipulations que les parties ont expressément envisagé une situation de blocage et prévu les modalités pour en sortir, ces modalités s'imposant à elles sans qu'elles puissent y déroger sauf nouvel accord ;

Qu'en l'espèce, il est constant que les parties n'ont pu trouver un accord ni sur un objectif pour 2001, ni sur une expertise, un nom ayant certes été retenu mais Clamagirand n'ayant pas donné de suite à la proposition transmise par Honda en novembre 2001, au motif fourni ultérieurement qu'elle n'envisageait pas d'en supporter le coût, fût-ce par moitié ; que, dès le 4 janvier 2002, Clamagirand faisait valoir à Honda l'inutilité de poursuivre la procédure, l'année étant écoulée, ce à quoi le concédant s'est rallié le 8 janvier suivant ; qu'en agissant ainsi, sans faire preuve de la diligence exigée par cette clause, c'est à dire sans mener la procédure conventionnelle à son terme, Honda a renoncé à la fixation d'un objectif contractuel et, ce faisant, à la faculté de prononcer la résiliation prévue à l'article 35.1.2 dont cet objectif constitue l'une des conditions ; qu'elle ne pouvait en effet résilier le contrat en se fondant sur un objectif qui n'avait pas été déterminé régulièrement ;

Considérant que Honda ne saurait davantage justifier la résiliation sans préavis, a posteriori, par des manquements essentiels de Clamagirand à ses obligations contractuelles, notamment à son obligation de moyens pour parvenir à la vente de suffisamment de produits, dès lors que cette hypothèse est également prévue par l'article 35.1.1, qui prévoit qu'en cas de manquement à une obligation essentielle, la résiliation ne peut intervenir que trente jours après une mise en demeure infructueuse ; que les manquements reprochés à Clamagirand, qui duraient depuis plusieurs mois, ne revêtaient pas une gravité ou une soudaineté telles que le maintien du contrat serait devenu impossible et que Honda aurait été fondée à s'affranchir des formalités expressément prévues en ce cas ; qu'il suit de là que la résiliation dénoncée le 18 mars 2002 sans préavis est irrégulière ;

Considérant, toutefois, que ce constat ne conduit pas nécessairement à considérer que le préjudice de Clamagirand serait constitué par la perte de deux années d'activité, comme si le concédant avait procédé à une résiliation avec préavis ; qu'en effet, dans cette espèce où la dégradation des relations avec Honda était patente et où le concédant avait de nombreux griefs à faire valoir, ce dernier, dès lors qu'il estimait avoir de justes motifs de rompre le contrat, même si, formellement, il ne pouvait invoquer la clause d'objectif conventionnelle, aurait dû délivrer à Clamagirand une mise en demeure visant les manquements reprochés et lui donnant la possibilité d'y remédier dans un délai de trente jours ; qu'en ne l'ayant pas fait, Honda a privé Clamagirand de la chance de poursuivre les relations, au moins pour deux nouvelles années, à l'issue du délai contractuel d'un mois ; que le préjudice de Clamagirand consiste donc, non seulement dans la privation du mois supplémentaire d'activité qui lui aurait été accordé en ce cas, mais aussi dans la perte de la chance de percevoir les fruits du contrat pendant deux nouvelles années à l'expiration des trente jours contractuels ; qu'il appartient donc à la cour d'apprécier la probabilité de cette chance ;

Considérant qu'à cet égard, même si la marque Honda a connu un net recul, admis d'ailleurs, en 2000, les performances de Clamagirand, qui détenait une concession majeure sur le territoire français ont connu un effondrement bien supérieur à la même époque ; qu'ainsi, Honda produit les chiffres des ventes dont il résulte que la moyenne des concessions a reculé en 2000 de 38,74 % quand Clamagirand subissait une diminution de 60,80 %, passant de la 6ème place à la 14ème place parmi les concessionnaires français ; que, de même, en 2001, Clamagirand enregistrait encore une chute de 23,91 % contre 11,76 % pour l'ensemble des concessions, cependant qu'en 2002, alors que la marque connaissait un redressement qui se traduisait par une reprise de 20 % pour l'ensemble des concessions, Clamagirand chutait encore de 20 % et passait en 26ème place ;

Que Clamagirand, qui ne conteste pas ne pas avoir atteint l'objectif contractuel de 195 qu'elle avait accepté pour 2002, n'ayant réalisé que 84 ventes (soit 43,1 %), admet elle-même qu'elle ne l'aurait pas atteint non plus en 2001 ; qu'elle estime en effet qu'il aurait été raisonnable de fixer l'objectif pour cet exercice à 158, alors qu'elle n'a vendu que 107 véhicules, ce qui n'en représente que 68 % (page 39 de ses écritures) ; qu'ainsi, ses performances se situaient bien en-deçà du seuil de 75 % fixé par le contrat, et autorisaient Clamagirand à douter sérieusement de son implication, d'autant qu'il résulte encore des pièces produites, notamment d'un rapport de visite du 28 février 2002 que le chef de région qui s'était rendu sur place avait relevé le peu de véhicules en stock (que Clamagirand a expliqué par la nécessité de financer les travaux de la [Adresse 1] qu'elle promettait à Honda depuis le début de leurs relations, et qu'elle n'a jamais réalisés), l'insuffisance du personnel dédié (un directeur de concession commun à plusieurs marques et non présent sur place, 3 vendeurs dont un seul travaillait réellement, les deux autres étant soit en apprentissage soit insuffisamment qualifié, étant préparateur), en contradiction d'ailleurs avec l'article 20.1 du contrat et les demandes réitérées du concédant, l'auteur du rapport concluant en ces termes :

'J'ai vraiment l'impression qu'ils n'ont plus envie, les résultats sont très mauvais, les immatriculations en Civic sont des véhicules de démonstration ! Et aucune immatriculation en CRV depuis le 1er janvier.

Dans ce contexte, les engagements ne seront évidemment pas faits ni les objectifs de vente d'ailleurs. ça se dégrade de plus en plus ! Même les courriers n'y font rien.' (Pièce 43 de Honda) ;

Qu'en outre, les documents comptables de Clamagirand révèlent qu'alors qu'elle en avait expressément contracté l'obligation (article 10), elle a réduit sévèrement ses dépenses de publicité au cours de la période considérée, passant de 1 278 396 € en 1999, à 548 435 € en 2000(-57,10 %) puis à 412 958 € en 2001 (- 24,70 %) pour remonter à 572 152 € en 2002 (+ 38,55 %), bien en dessous de ce qu'elle avait consenti en 1999 ; que, dans ces conditions, il n'est pas surprenant que son taux de pénétration du marché en 2002 soit nettement inférieur à celui de la marque en France et même dans la région : 0,20 % pour [Localité 3]-[Localité 6] contre 0,39 % dans la région et 0,30 % en France, alors qu'il en était très proche en 1999 et 2000 ;

Considérant qu'en l'état de cette dégradation de la situation commerciale de Clamagirand en moment de la notification, traduisant un manquement avéré à son obligation de moyens, la probabilité était faible qu'elle soit en mesure de redresser la concession dans un délai de trente jours, à supposer qu'elle en ait eu envie d'ailleurs, Honda soutenant que c'est délibérément qu'elle a choisi de la délaisser, au profit des nombreuses autres marques exploitées par le groupe, notamment Hyundai (le 16 mars 2001, M. [C], dirigeant du groupe, avait écrit à Hyundai qu'il était possible qu'il arrête la concession Honda, et 3 constats dressés courant 2001 à la requête de Honda révèlent que Clamagirand exposait des véhicules de cette marque devant sa propre concession) ; que, dès lors, la cour estime que le préjudice subi par Clamagirand sera justement réparé par l'allocation d'une somme globale de 25 000 € ;

Considérant, sur la réclamation de Auto-Finance, que cette dernière, qui réclame la 'survaleur' qu'elle a payée en 1996 en faisant l'acquisition des parts de Clamagirand auprès de la société Clamautos Finances, se plaint en réalité de la moins-value constatée ultérieurement ; que ce préjudice ne saurait être indemnisé dès lors qu'il est purement éventuel en l'absence de cession effective, et qu'il n'est que la conséquence indirecte de l'atteinte portée au patrimoine de Clamagirand, lequel au surplus est restauré par la réparation qui vient de lui être allouée ; qu'au demeurant, cette perte de valeur secondaire serait insignifiante en l'état du préjudice imputé à Honda ;

Considérant, sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de Honda, que celle-ci réclame 388 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par suite des piètres performances de Clamagirand, qui a délaissé l'exploitation de la marque pendant deux voire trois années consécutives, et 258 000 € pour le manque à gagner subi pendant le délai de deux ans qui lui a été nécessaire, après la rupture, pour installer un nouveau concessionnaire ;

Mais considérant qu'il convient de relever l'inertie du concédant qui, confronté à la mauvaise volonté de son concessionnaire, dont il avait pris la mesure, n'a pas mis en oeuvre les moyens coercitifs dont il disposait pour le stimuler ou le mettre en garde, et qui n'a pas résilié le contrat aussitôt ; que, de même, Honda est elle-même fautive pour ne pas avoir anticipé la rupture des relations commerciales, qu'elle était en mesure de prévoir ; qu'en outre, à la même époque, la marque connaissait des problèmes de modèles, de motorisation et de fabrication, qui l'ont mise en difficulté, tout comme ses concessionnaires, ce que Clamagirand a invoqué à plusieurs reprises d'ailleurs pour expliquer sa démotivation ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a débouté Honda de sa demande de dommages et intérêts ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Donne acte aux sociétés Part Dieu Automobiles et Auto-Finance de ce qu'elles ne contestent pas la condamnation, au titre de factures impayées, au paiement de la somme de 82 676,82 € en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2004, qu'elles précisent avoir réglée,

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il déboute les sociétés Part Dieu Automobiles et Auto-Finance de leur demande de dommages et intérêts pour modifications du contrat, et, par substitution de motifs, en ce qu'il déboute la société Auto-Finance de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de concession, enfin en ce qu'il déboute la société Honda Motor Europe (South) de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

L'INFIRME en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de la société Part Dieu Automobiles pour résiliation abusive du contrat,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la société Honda Motor Europe (South) a rompu irrégulièrement le 18 mars 2003 le contrat de concession qui la liait à la société Etablissements Clamagirand depuis le 6 janvier 1997,

La condamne en conséquence à verser à la société Part Dieu Automobiles, venant aux droits de la société Etablissements Clamagirand, la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts,

Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Honda Motor Europe (South) aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 

Le Greffier

A. BOISNARD

Le Président

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 07/04888
Date de la décision : 27/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°07/04888 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-27;07.04888 ?
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