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26/05/2010 | FRANCE | N°08/10758

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 26 mai 2010, 08/10758


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 26 Mai 2010



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10758



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Commerce - RG n° 07/01227





APPELANTE

SAS DAUCHEZ SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS,

P172 substitué par Me Anne FICHOT, avocate au barreau de PARIS,





INTIMÉS

Monsieur [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Georges GINIOUX, avocat au barreau des HAUTS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 Mai 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10758

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Commerce - RG n° 07/01227

APPELANTE

SAS DAUCHEZ SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, P172 substitué par Me Anne FICHOT, avocate au barreau de PARIS,

INTIMÉS

Monsieur [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Georges GINIOUX, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

SAS TELMMA venant aux droits de SAS ALTYS GESTION

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP SELNET BRAMI ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Sébastien CAP, avocat au barreau de PARIS, J105

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Pierrette BOISDEVOT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Immobilière France (IMFRA) a confié le 26 avril 1982 à la société Progestim la gestion de son immeuble de bureaux situé [Adresse 3].

Par lettre du 30 novembre 1989, la société Progestim a confirmé à M. [E] son engagement en qualité de gardien huissier à temps partiel de cet immeuble à compter du 18 novembre 1989.

A la suite de plusieurs opérations de cession absorption, la SA Dauchez administrateurs de biens est venue aux droits de la société Progestim.

Par lettre de mission du 14 janvier 2003, la SA Dauchez administrateurs de biens a confié à sa filiale, la SAS Dauchez services, l'entretien et le gardiennage de l'immeuble appartenant à la société IMFRA et la SAS Dauchez services est devenue l'employeur de M. [E].

Un mandat de gestion immobilière expirant le 31 décembre 2003 a été signé le 11 juin 2003 entre la société IMFRA et la SA Dauchez administrateurs de biens.

Ce mandat a ensuite été prorogé jusqu'au 1er juillet 2006, date à compter de laquelle le propriétaire a désigné la SAS Altys gestion, aux droits de laquelle est désormais la société Telmma, pour reprendre la gestion de son immeuble

La SA Dauchez administrateurs de biens a alors demandé à la société Altys gestion de reprendre les contrats de travail de cinq salariés affectés au gardiennage et à l'accueil de l'immeuble, dont celui de M. [E], sur le fondement de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail.

Par lettre du 23 juin 2006, la société Altys gestion a contesté l'application des dispositions de ce texte.

Le 11 juillet 2006, la SAS Dauchez services a convoqué M. [E] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour cause économique fixé au 20 juillet suivant.

A la suite de cet entretien, la SAS Dauchez services a notifié son licenciement à M. [E] par une lettre du 29 juillet 2006 aux termes de laquelle elle indiquait notamment:

'La réorganisation à laquelle nous sommes obligés de procéder du fait de la perte du mandat de gestion entraîne par conséquent la suppression de tous les postes sur le site du [Adresse 3] et nous a placé dans l'impossibilité de poursuivre votre contrat de travail, ne disposant pas de poste à pourvoir.

Nous avons donc recherché un éventuel reclassement auprès de nos interlocuteurs extérieurs habituels, toutefois nous n'avons malheureusement pas pu parvenir à votre reclassement'.

Le 2 février 2007, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de condamnation de la SAS Dauchez services pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par exploit d'huissier du 6 mars 2007, la SAS Dauchez services a fait citer en intervention forcée la société Altys gestion et a demandé sa condamnation à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation.

Par jugement du 24 juillet 2008, le conseil de prud'hommes a condamné la SAS Dauchez services à payer à M. [E] la somme de 15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a par ailleurs débouté la SAS Dauchez services de ses demandes à l'encontre de la SAS Altys gestion, rejeté les prétentions de la SAS Altys gestion et condamné la SAS Dauchez services aux dépens.

La SAS Dauchez services a régulièrement formé appel de ce jugement et déposé le 7 avril 2010 des conclusions qu'elle a soutenues oralement aux termes desquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau au visa de l'article L.1224-1 du code du travail, de :

- déclarer la société Altys gestion responsable de la rupture du contrat de travail de M. [E] et, en conséquence, la condamner à lui rembourser le montant des indemnités de rupture qu'elle a versées à M. [E], soit la somme de 17 260,74 euros bruts et débouter M. [E] de ses demandes à son encontre,

- subsidiairement, dire que le licenciement de M. [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, débouter M. [E] de sa demande de dommages-intérêts,

- en tout état de cause, déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la société Altys gestion, dire que la société Altys gestion sera solidairement tenue de toute condamnation prononcée à son encontre et condamner la société Altys gestion au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel :

- que les activités de gardiennage et de sécurité, auxquelles étaient dédiés cinq salariés sur l'immeuble, constituaient une entité économique autonome dont le transfert devait entraîner celui corrélatif des contrats de travail,

- que l'existence d'une entité économique autonome résulte de l'existence d'un personnel particulièrement stable, spécifiquement et exclusivement dédié au site, affecté à une tâche spécifique, à savoir le gardiennage et la sécurité de l'immeuble du [Adresse 3], ayant une organisation propre, avec des horaires, un encadrement et des moyens spécifiques,

- que le transfert de l'entité économique résulte de ce que la société Altys gestion a succédé 'à la société Dauchez' pour y exercer la même activité à savoir la gestion de l'immeuble englobant notamment la sécurité et le gardiennage dans les mêmes conditions que celles de 'la société Dauchez',

- que le refus réitéré et injustifié de la société Altys gestion de reprendre les contrats de travail l'a acculé à devoir rompre le contrat de M. [E],

- qu'elle a vainement recherché des postes au sein des entités de son groupe dont l'objet n'est pas de réaliser une activité de gardiennage des immeubles gérés, et a aussi recherché des postes en externe,

- que M. [E] a été licencié au titre de la réorganisation procédant des difficultés économiques générées par la perte du mandat de gestion de l'immeuble.

Intimé et appelant incident, M. [E] requiert la Cour, aux termes d'écritures déposées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2010, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a chiffré à 15 000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS Dauchez services à lui payer à ce titre la somme de 45 000 euros, de condamner également la SAS Dauchez services à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

A cet effet, M. [E] fait en substance valoir :

- qu'il dirige son action contre la société Dauchez services, indifféremment de l'application ou non de l'article L.1224-1 du code du travail,

- que si l'article L.1224-1 du code du travail s'applique, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque son contrat de travail devait se poursuivre avec le repreneur,

- que si l'article L.1224-1 ne s'applique pas, son licenciement s'avère également sans cause réelle et sérieuse dés lors que la lettre de licenciement ne mentionne aucun motif économique justifiant le licenciement et qu'aucune véritable tentative de reclassement n'a été faite,

- que la lourdeur du préjudice que lui a occasionné le licenciement justifie le montant des dommages-intérêts qu'il sollicite.

La société Telmma, aux droits de la société Altys gestion, a déposé le 7 avril 2010 des conclusions qu'elle a soutenues oralement aux termes desquelles elle prie la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la SAS Dauchez services à lui payer la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Elle soutient pour l'essentiel à cet effet :

- que la société Dauchez services n'était pas titulaire du mandat de gestion portant sur l'immeuble du [Adresse 3], mais un prestataire extérieur titulaire du marché des prestations d'entretien et de gardiennage,

- qu'il n'y a donc pas eu transfert du mandat de gestion de la société Dauchez services à la société Altys gestion,

- qu'elle a repris le mandat de gestion dans les mêmes termes que celui précédemment confié à la société Dauchez administrateurs de biens, et, partant, la mission de négocier de conclure et de résilier les contrats de service afférents à la fourniture des prestations d'accueil, d'entretien et de gardiennage de l'immeuble,

- que le changement de prestataire sur un marché ne réalise pas le transfert d'une entité économique,

- qu'elle n'est pas davantage que les sociétés Dauchez soumise à une convention collective organisant la reprise du personnel lors de la succession d'entreprises sur un même marché.

MOTIFS

Considérant que M. [E] dirige son action à l'encontre de la SAS Dauchez services, son employeur depuis le mois de janvier 2003 qui l'a licencié ;

Considérant qu'en défense, et à titre principal, la SAS Dauchez services soutient en définitive que la rupture du contrat de travail de M. [E] ne peut lui être imputée, dans la mesure où la société Altys gestion, désormais la société Telmma, en est responsable pour avoir, en violation des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, refusé de reprendre le contrat de travail de M. [E] à l'occasion du transfert de l'entité économique autonome que constitue l'activité de sécurité et de gardiennage de l'immeuble du [Adresse 3] ;

Considérant cependant que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

Considérant qu'en l'espèce, la SA Dauchez administrateurs de biens, et non la SAS Dauchez services sa filiale, était en charge du mandat de gestion de l'immeuble dont s'agit jusqu'au 1er juillet 2006, date à laquelle ce marché a été attribué à la société Altys gestion; que ce mandat de gestion n'était pas circonscrit à l'entretien et au gardiennage de l'immeuble; qu'en témoigne l'article 1er de la convention passée le 11 juin 2003 énonçant les missions confiées à la SA Dauchez administrateurs de biens : 'la gestion locative de l'immeuble, la gestion technique et notamment l'entretien et la conservation de l'immeuble, la gestion administrative de l'immeuble, la gestion financière et comptable de l'immeuble, le cas échéant, la prise en compte des obligations résultant d'un contrat de prêt conclu par le mandant dans le cadre d'un financement de tout ou partie de l'immeuble ou de travaux'; qu'il est acquis au débat que la SA Dauchez administrateurs de biens a perdu ce marché qui a été attribué à un concurrent, la société Altys gestion; que la société Telmma observe ainsi avec pertinence que la société Altys gestion n'a pas succédé à la SAS Dauchez services, mais à la SA Dauchez administrateurs de biens, laquelle n'est pas partie à l'instance ; que la SAS Dauchez services ne peut donc utilement soutenir que la société Altys gestion a repris son 'activité d'entretien et de gardiennage' ;

Et considérant en définitive que la SA Dauchez administrateurs de biens a exploité le marché dont elle était titulaire en faisant le choix de confier à l'une de ses filiales, la SAS Dauchez services, ayant pour activité 'la formation, le recrutement et d'une manière générale la gestion du personnel d'entretien et de gardiennage d'immeubles ou ensembles immobiliers ainsi que les abords et dépendances', la fourniture du personnel nécessaire pour assurer les prestations de gardiennage et d'entretien de l'immeuble ; que, contractuellement chargée à l'instar de son prédécesseur de 'négocier, de conclure et de résilier les contrats de services afférents à la fourniture des prestations d'accueil, d'entretien et de gardiennage de l'immeuble', la société Altys gestion a pu décider d'exploiter ce marché à l'aide de moyens différents que ceux dont usait la SA Dauchez administrateurs de biens, en s'adressant à la société Pénélope s'agissant de l'activité d'accueil et à la société Aft s'agissant de celle de gardiennage ;

Considérant que le moyen pris de l'application de l'article L.1224-1 du code du travail n'est ainsi pas fondé ;

Considérant que la SAS Dauchez services prétend combattre le moyen pris de ce que la lettre de rupture est insuffisamment motivée ;

Mais considérant que la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner celle des raisons économiques prévues par la loi invoquée par l'employeur et son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié; qu'à défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Et considérant en l'espèce que la lettre de licenciement n'énonce aucune des raisons économiques prévues par la loi, l'employeur se bornant à faire état de la nécessité de procéder à une réorganisation du fait de la perte du mandat de gestion et de la suppression corrélative de tous les postes sur le site du [Adresse 3] ;

Considérant qu'en application de l'article 1232-6 du code du travail, il s'ensuit que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la SAS Dauchez services employait habituellement dix salariés au moment du licenciement de M. [E] ;

Considérant qu'eu égard à l'ancienneté de M. [E] dans l'entreprise (près de dix sept années) et à son âge (47 ans) lors du licenciement, à la circonstance qu'il n'a pu retrouver un emploi stable malgré ses démarches , notamment de formations, aux conséquences financières en résultant nécessairement pour lui, également au préjudice moral résultant de la remise en cause de sa situation sociale, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera indemnisé par l'allocation de la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail ;

Que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;

Considérant que l'équité commande d'indemniser M. [E] de ses frais irrépétibles en cause d'appel par l'allocation d'une somme de 2 000 euros ;

Considérant que la SAS Dauchez services, dont l'action dirigée contre la société Telmman est déclarée infondée, supportera la charge des frais irrépétibles supportés par cette dernière à l'occasion de cette procédure à concurrence de la somme de 2 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a chiffré à la somme de 15 000 euros l'indemnité allouée à M. [E] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'INFIRMANT de ce chef, statuant à nouveau, et y ajoutant :

CONDAMNE la SAS Dauchez services à payer à M. [E] la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que celle de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel,

CONDAMNE par ailleurs la SAS Dauchez services à indemniser la société Telmma, aux droits de la société Altys gestion, de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel à concurrence de la somme de 2 000 euros,

CONDAMNE la SAS Dauchez services aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 08/10758
Date de la décision : 26/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°08/10758 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-26;08.10758 ?
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