RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 25 mai 2010
(n° 17 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08027
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 juin 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 07/11347
APPELANT
M. [O] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Xavier GERBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1890
INTIMÉE
PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : A 686
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 mars 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Madame Michèle MARTINEZ, conseillère
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
M.[O] [S] a été embauchée, par contrat à durée indéterminée, par le groupe Peugeot le 4 décembre 1996 en qualité de cadre position II. Le salarié a occupé plusieurs postes de 1996 à 2005.
Au mois de décembre 2005, l'employeur a proposé à M.[S] d'effectuer une mission de 6 mois à [Localité 7] en qualité de responsable satisfaction clients. Cette mission a ensuite été prorogée du fait du congé parental de l'ancienne responsable.
Cette mission ayant pris fin au mois de juin 2007, en raison d'une réorganisation interne du groupe Peugeot, l'entreprise a reclassé le salarié au poste de chef de projet Peugeot Perspectives situé à [Localité 8].
M.[S] est toujours en poste.
Estimant que sa nouvelle affectation constitue une placardisation, et après plusieurs courriers adressés à son employeur restés infructueux, M.[S] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de sommes dues en conséquence de cette résiliation. la société Peugeot Citroên Automobiles (PCA) a conclu au débouté du salarié et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M.[S] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de prononcer la résiliation de son contrat de travail, aux torts de l'employeur, cette résiliation devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ajoute avoir fait l'objet de harcèlement moral de la part de son employeur dont il sollicite la condamnation à lui payer les sommes suivantes :
- 116 800 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 17 520 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 1 752 € au titre des congés payés afférents
- 30 884 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 70 080 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 35 046 € à titre de prime d'installation
- 10 760 € à titre de prime de mobilité, pour une mutation à [Localité 8]
- 19 796 € à titre de prime de mobilité pour une mutation à [Localité 7]
- 2 000 € au titre des frais de déménagement
- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Il demande en outre de voir ordonner à la société Peugeot Citroên Automobiles la remise des documents sociaux conformes, les intérêts au taux légal et la condamnation aux dépens de la société Peugeot Citroên Automobiles.
La société Peugeot Citroên Automobiles conclut à l'irrecevabilité et en tout cas au débouté de M.[S]. Elle sollicite, en conséquence, la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M.[S] à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Motivation
La demande de M.[S] est à juste titre, dirigée contre la société PCA. Elle est recevable.
L'article L 1222-1 du code du travail (ancien article L 120-4) prescrit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La résiliation judiciaire prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En outre, en application des articles L1252-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'
Enfin, en cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.
En l'espèce, M.[S] fait valoir qu'après une carrière d'une durée d'environ 10ans qui s'est déroulée normalement dans l'entreprise, il a fait, à compter de juillet 2007, l'objet d'une mise au placard et d'un harcèlement moral de la part de son employeur ayant entraîné une dégradation alarmante de son état de santé.
Sur le déclassement, M.[S] explique, qu'après la suppression de la direction régionale de [Localité 7] à laquelle il était en poste, il a été reclassé en qualité de chef de projet offre de fidélisation, à [Localité 5] en région parisienne. Il précise que ce nouveau poste, qu'il a rejoint, constitue un déclassement structurel parce que habituellement réservé à des junior, mais également un déclassement hiérarchique se situant non plus à N-2 mais à N-4 du directeur du commerce France Peugeot. Il ajoute que réduit à n'exercer que des tâches subalternes, n'exerçant plus aucune fonction d'encadrement, ce nouveau poste, de surcroît coupé de tout contact avec la clientèle, entraîne pour lui une perte de responsabilité, outre que sa rémunération a été diminuée (retrait du véhicule de fonction remplacé par une indemnité globale de 4 564 € versée sur 20 mois) et que ses conditions matérielles de travail se sont dégradées : il ne dispose plus de téléphone portable, ni d'ordinateur portable, ni de carte de crédit affaire ; il a quitté un bureau de 20 m2 pour un 'open space' de 4 m2. Il estime avoir été reclassé dans des conditions déplorables dans un poste qui ne correspond pas la description qui en avait été faite dans la fiche de poste.
Il conclut que l'ensemble de ces éléments constituent des agissements répétés de harcèlement moral auxquels s'ajoutent encore notamment une très forte pression de la part de sa hiérarchie, des critiques régulières de son travail constamment dévalorisé, des moqueries, des colportages, des objectifs irréalisables, des ordres contradictoires, des promesses non tenues.
Rappelant le déroulement de la carrière de M.[S] au sein de l'entreprise, la société Peugeot Citroên Automobiles explique qu'au mois de juin 2007 il a été mis fin à sa mission au sein de la direction régionale de [Localité 7], celle-ci étant supprimée et regroupée avec la direction de [Localité 6], ce de manière concomitante avec la mise en place par la société PCA à compter du mois d'avril 2007 du plan de redéploiement des compétences. Elle ajoute que c'est dans ce contexte particulier que doit s'examiner le reclassement de M.[S] .
la société Peugeot Citroên Automobiles conteste le déclassement reproché en faisant valoir que M.[S] a conservé un niveau, une qualification et une rémunération conformes à ce dont il bénéficiait antérieurement, le nouveau poste ne modifie pas son contrat de travail.
Elle ajoute que le harcèlement allégué n'est pas établi, compte tenu de la loi en vigueur et de la jurisprudence. Elle précise que le harcèlement ne doit pas être confondu avec l'exercice normal de son pouvoir disciplinaire de l'employeur.
Sur le déclassement
Il ressort des débats que le déclassement hiérarchique invoqué par M.[S] n'est pas établi par les pièces soumises à l'examen de la cour. En effet, si selon le document produit par M.[S] et qu'il a annoté, sa position hiérarchique serait passée de N-2 à N-4 par rapport au directeur du commerce France Peugeot, l'organigramme produit par l'employeur montre un positionnement du poste de chef de projet Offres de fidélisation à N-3 identique à celui du poste de responsable satisfaction clients occupé précédemment par le salarié à [Localité 7]. Par ailleurs la distinction des fonctions respectives attachées à ces deux postes, tous deux liés à la fidélisation de la clientèle, repose sur le fait que le poste fixé à [Localité 7] recouvrait une dimension 'd'animation d'équipe' que n'a pas le poste parisien.
Dans les deux cas, il n'est pas contesté, ainsi que le montrent les bulletins de salaire produits aux débats, que M.[S] occupe un poste d'ingénieur cadre, conforme à son contrat de travail et bénéficie d'une rémunération qui n'a pas diminué avec son changement d'affectation.
Les autres éléments produits aux débats, constitués essentiellement d'échange de mails entre le salarié et sa hiérarchie, montrent que M.[S] se plaint régulièrement du caractère 'basique' des tâches confiées, récrimination constamment contestée par sa hiérarchie qui lui oppose son manque de bonne volonté et d'adaptabilité à son nouveau poste.
Les photographies de son bureau que produit M.[S] n'établissent pas une carence particulière de la part de l'employeur. Par ailleurs, les reproches fondés sur la disparition, avec la nouvelle affectation, d'une prime de mobilité et d'un véhicule de service ne sauraient en soi suffire pour caractériser un manquement de l'employeur alors que ces avantages sont consentis aux salariés, non en fonction de leur positionnement hiérarchique mais selon les modalités particulières d'exercice de leurs fonctions. En l'espèce, M.[S] ne démontre pas lesdites modalités le concernant lui ouvraient droit aux avantages réclamés.
Aucun autre élément objectif n'est produit qui permette une comparaison sérieuse entre les deux postes occupés permettant de dégager que le second poste constitue un déclassement par rapport au précédent.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que le grief de déclassement formulé par le salarié à l'encontre de son employeur n'est pas établi.
Sur le harcèlement
Les innombrables échanges de mails produits aux débats par le salarié témoignent en premier lieu de la vie de l'entreprise sur la période qu'ils couvrent. Ils ne recèlent aucun propos constitutifs de harcèlement. Sur la période qui suit le reclassement de M.[S] et en particulier sur l'année 2009 et le début de l'année 2010, ils montrent que les relations se tendent entre le salarié et son employeur sans toutefois que l'origine de cette tension puisse être imputée à un comportement fautif de la part de l'employeur.
Les attestations produites par M.[S] , à les supposer pertinentes, ne respectent pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile. Elles ne pourront donc pas être retenues. Pas plus au demeurant que les attestations produites par l'employeur, qui émanant des supérieurs hiérarchiques de M.[S] , assimilables donc à l'employeur et en conséquence à l'une des parties.
Aucun élément n'est produit aux débats par le salarié sur les critiques systématiques, les moqueries, les colportages, les ordres contradictoires, et les promesses non tenues qu'il allègue.
Le salarié n'apporte pas plus d'éléments sur le caractère prétendûment irréalisable des objectifs fixés par son employeur si ce n'est des mails, insuffisants, au plan probatoire, dans lesquels il oppose ce grief à son employeur.
Il résulte des débats, qu'en réalité le reclassement de M.[S] a été réalisé, sans modifier son contrat de travail, dans le contexte difficile d'une réduction des moyens décidée par la société Peugeot Citroên Automobiles en lien avec la crise traversée par le secteur de l'automobile. Le reclassement de M.[S] s'est doublée d'une autre difficulté tenant à la personnalité de celui-ci, vivant mal la déception causée pour n'avoir pas obtenu un poste d'encadrement à [Localité 6] auquel il aspirait mais à l'attribution duquel contre-indiquaient les multiples évaluations du salarié mettant en exergue, depuis plusieurs années, ses difficultés relationnelles. Cette situation a incontestablement entraîné une dégradation de son état de santé, sans lien cependant avec un quelconque harcèlement de la part de l'employeur.
Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que le harcèlement allégué n'est pas établi, pas plus que les manquements argués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail.
Il convient donc de débouter M.[S] de l'intégralité de ses demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Par ces motifs, la cour,
- dit l'appel recevable
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
- condamne M.[O] [S] aux dépens
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M.[O] [S] à payer à la société Peugeot Citroên Automobiles la somme de 1 000 €.
- le déboute de sa demande de ce chef.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE