Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 25 MAI 2010
(n ° 204, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14333
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 07/02982
APPELANT
Monsieur [F] [I]
Chez Madame [N] [M]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Me B. DRYE, avocat au barreau de SENLIS
SCP DRYE- de BAILLIENCOURT et ASSOCIES
INTIME
Maître [O] [O] notaire Associé membre de la Société Civile Professionnelle '[O] notaires Associés' Société titulaire d'un office notarial
[Adresse 4]
[Adresse 10]
[Localité 8]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me François de MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90
Cabinet KUHN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 mars 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
Maître [O] [O], notaire associé à [Localité 13], membre de la société civile professionnelle [O], chargé du règlement de la succession de [T] [I], décédé le [Date décès 5] 1998 à [Localité 11], a établi le 19 novembre 1998 un acte de notoriété, sur la base duquel, ayant constaté que les deux enfants légitimes du défunt, issus de son union avec Mme [W] [L], dont il était séparé de corps, [A] et [Z] [I] étaient prédécédés respectivement le [Date décès 2] 1990 et le [Date décès 6] 1993 et qu'[Z] [I] était divorcée de M. [B] [G], avec lequel elle avait eu deux enfants, [H] et [X] [G], il n' a appelé que les mineurs [G] aux opérations de succession, alors sous l'administration légale de leur père, lesquels ont reçu dans le cadre du partage successoral chacun la somme de 482 383, 25 Frs soit
73 538, 85 €.
Or M. [A] [I] avait eu avec Mme [M] [N] un enfant, [F] [I], né le [Date naissance 3] 1983, reconnu à la naissance par ses deux parents, dont le grand-père maternel, M. [O] [N], lorsqu'il a appris seulement en 2004 le décès de [T] [I], a entrepris vainement des démarches auprès des consorts [G] pour voir reconnaître les droits de [F] [I].
Par actes des 8 et 21 juin 2007, M. [F] [I] a saisi le tribunal de grande instance de Melun pour demander d'une part, dans le cadre d'une action en pétition d'hérédité, la condamnation in solidum des consorts [G] à lui payer la somme de 73 538, 85 € avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 5] 1998 et capitalisation desdits intérêts, d'autre part, en raison des fautes commises par le notaire dans l'établissement de l'acte de notoriété et dans l'évaluation de l'immeuble, vendu en 1999, et dépendant de la succession, la condamnation de Maître [O] à lui payer la somme de 50 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, la somme de 124 947, 86 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux intérêts qu'il n'a pas perçus sur la part d'héritage à laquelle il prétend ainsi qu'à la décote sur la vente de l'immeuble et aux intérêts correspondants, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert avec mission de déterminer la valeur au 28 juin 1999 du bien immobilier sis à [Adresse 16], avec condamnation in solidum des consorts [G] et de Maître [O] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 24 juin 2008, le tribunal a :
-condamné in solidum les consorts [H] et [X] [G] à payer à M. [F] [I] la somme de 73 538, 85 € avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 5] 1998 et capitalisation des intérêts,
-débouté M. [F] [I] de ses autres demandes,
-condamnés in solidum les consorts [H] et [X] [G] à payer à M. [F] [I] la somme de 2000 € et condamné M. [F] [I] à payer à Maître [O] [O] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-partagé les dépens par moitié entre M. [F] [I] et les consorts [H] et [X] [G].
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 16 juillet 2008 par M. [F] [I] à l'encontre de Maître [O],
Vu les conclusions déposées le 2 février 2010 par l'appelant qui demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à l'encontre du notaire, statuant à nouveau, de condamner Maître [O] à lui payer la somme de 182 643, 93 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, la somme de 20 000 € à titre de préjudice moral, la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, avant dire droit, la désignation d'un expert avec mission de déterminer la valeur au 28 juin 1999 du bien immobilier sis à [Adresse 16], avec condamnation de Maître [O] en tous les dépens,
Vu les conclusions déposées le 5 mars 2010 par Maître [O] qui demande la confirmation du jugement et la condamnation de M. [F] [I] à lui payer la somme de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.
SUR CE :
Sur la faute du notaire lors de l'établissement de l'acte de notoriété :
Considérant que l'appelant soutient que le notaire n'a pas opéré les vérifications nécessaires lors de l'établissement de l'acte de notoriété, n'ayant en particulier pas respecté les dispositions de l'article 730 et suivants du code civil ; que l'acte n'a pas été rédigé à la demande d'un ayant-droit, que le notaire, se tenant aux déclarations des témoins sur des procurations préétablies comportant des mentions relatives à la prétendue absence de postérité de [A] [I], a rédigé l'acte après simple comparution devant lui de deux de ses secrétaires qui avaient reçu préalablement mandat de Mme [R] demeurant à [Localité 12] et de M. [U], demeurant à [Localité 14] à la même adresse que Mme [L], laquelle avait renoncé à la succession et a volontairement caché son existence, sans s'assurer que ces témoins avaient une connaissance réelle et complète de la situation du de cujus ; qu'il ajoute qu'il était connu de tous, produit une attestation de Mme [V] [D] selon laquelle il voyait très souvent son grand-père et que le notaire pouvait d'autant moins ignorer son existence qu'il avait assisté les membres de sa famille et plus particulièrement le défunt à plusieurs reprises, en particulier pour l'établissement de testaments olographes de ses parents, d'actes de notoriété dressés les 19 mai 1989 et 21 septembre 1990, pour la vente d'une propriété familiale puis pour l'acquisition du bien habité lors de son décès ;
Considérant que le notaire conteste la faute au regard des obligations qui étaient les siennes selon la législation applicable en 1998, c'est à dire que si désormais les héritiers interviennent obligatoirement à l'acte et les témoins si nécessaire, avec la précision que ' toute personne dont les dires paraîtraient utiles peut être appelée à l'acte' c'est un renversement au regard de la situation alors applicable ; que dès lors qu'il ignorait l'existence de M. [K] [I] et que son intervention ponctuelle dans d'autres actes notariés à la demande de [T] [I] ne lui donnait pas connaissance de toute sa descendance ou de sa vie privée, il n'avait aucun moyen de soupçonner l'existence d'un autre héritier et qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas mené de plus amples investigations, dès lors que la propre famille de l'appelant ignorait son existence, en particulier M. [B] [G] qui l'a écrit dans une lettre du 25 mai 2005 adressée à Maître [Y] ; qu'il fait encore valoir que Mme [L], la seule personne qui ait délibérément caché l'existence d'un autre héritier qu'elle connaissait, a écrit qu'elle ignorait qu'il ait fait l'objet d'un acte de reconnaissance, que l'état civil n'était d'aucun secours puisque les reconnaissances volontaires ou judiciaires de paternité ou de maternité ne font l'objet d'aucune mention en marge de l'acte de naissance de l'auteur ; qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas choisi les témoins ni de ne pas les avoir entendus directement, ce qui relève de la pratique habituelle ; qu'enfin rien ne prouve que l'audition de ces témoins aurait révélé l'existence d'un enfant naturel dès lors que les liens entre [K] [I] et son grand-père étaient très distendus ;
Considérant que le notaire qui établit une acte de notoriété qui se révèle ultérieurement erroné n'engage sa responsabilité que lorsqu'il dispose d'éléments de nature à le faire douter de la véracité des énonciations dont il lui est demandé de faire état ;
Considérant qu'en l'espèce, aucun élément ne permet d'affirmer que [T] [I] ait été lui-même informé de l'existence de son petit-fils [K] ; qu'à ce propos, les termes de l'attestation rédigée par Mme [D], établie en date du 12 février 2008, viennent infirmer les dires de l'appelant, selon lequel il voyait souvent son grand-père ; que Mme [D], qui ne donne aucune précision sur ses propres liens avec le défunt, relate simplement que le père de [K] lui avait présenté l'enfant à son domicile, alors très jeune dans sa poussette et qu'elle l'avait par la suite, lors de courses, rencontré à [Localité 8] à nouveau, toujours avec son père ; que l'absence de toute autre indication quant aux relations qui pouvaient exister entre Mme [D] et le de cujus ne permet donc aucunement à l'appelant de soutenir qu' il était connu de tous ; que Maître [O], même dans le cadre de la réception d'actes familiaux concernant la génération des parents du défunt ou d'actes de vente ou d'acquisition pour ce client lui-même, ne pouvait donc disposer d'aucune information sur la descendance de ce dernier, dont il convient d'observer qu'il est décédé ab intestat ; que le fait d'autre part de ne pas entendre les témoins directement, s'il constitue à l'évidence un recours à une pratique moins sûre que l' audition directe desdits témoins, n'est pas en lui-même constitutif d'une faute lorsque l'éloignement géographique légitime amplement le recours à des mandataires et qu' aucun élément de soupçon particulier ne peut se faire jour à ce propos dans l'esprit du notaire ; que dès lors qu'aucune autre circonstance n'était en l'espèce de nature à inciter le notaire à procéder, de son propre chef, à de plus amples investigations, sa responsabilité ne saurait être engagée ; que pour ces motifs s'ajoutant aux motifs pertinents du jugement que la cour adopte, ce dernier sera confirmé ;
Sur l'évaluation de l'immeuble :
Considérant que l'appelant soutient encore que le notaire a commis une faute en délivrant un avis de valeur à 700 000 Frs du pavillon dépendant de la succession de [T] [I] sis à [Localité 15], c'est à dire en région parisienne, montant qui serait manifestement inférieur à sa valeur réelle, au regard de l'évolution du marché immobilier, dès lors que le bien avait été acquis 7 ans plus tôt au prix de 750 000 Frs ; que toutefois, comme l'a retenu pertinemment le jugement déféré, d'une part la vente a été autorisée pour le compte des mineurs [G] par ordonnance du juge des tutelles d'[Localité 9] du 31 mai 1999, auquel avait été produites diverses pièces justificatives, et non pas seulement une évaluation du notaire, et l'appelant ne justifie pas de son côté de la pertinence de ses dires, se contentant d'affirmations sur une évolution générale du marché immobilier qui ne saurait s'appliquer systématiquement pour un bien précis, alors que l'avis de valeur fait état d'un pavillon en mauvais état nécessitant d'importants travaux de remise aux normes d'habitabilité ;
Considérant en conséquence que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; que l'équité commande que l'appelant qui succombe en toutes ses prétentions soit condamné à payer à l'intimé pour ses frais irrépétibles en appel la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il supporte la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne M. [K] [I] à payer à Maître [O] la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [I] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT