La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2010 | FRANCE | N°09/14324

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 20 mai 2010, 09/14324


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 20 MAI 2010



(n° 193 ,5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14324



Décision déférée : ordonnance rendue le 16 Juin 2009 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : contradictoire



Nous, Evelyne DELBE

S, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 20 MAI 2010

(n° 193 ,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14324

Décision déférée : ordonnance rendue le 16 Juin 2009 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Evelyne DELBES, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier présente lors des débats ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 11 mars 2010 :

- La SARL [Adresse 6] société liquidée

prise en la personne de son liquidateur Monsieur [C] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 7]

LUXEMBOURG

représentée par MaîtreEdouard MILHAC, avocat plaidant pour la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de Nanterre

APPELANTE

et

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Maître Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 11 mars 2010, l'avocat de l'appelante et l'avocate de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 20 mai 2010 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-dessous :

Vu l'ordonnance rendue le 16 juin 2009 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris qui, au visa de l'article L 16B du Livre des procédures fiscales, a autorisé les agents de la Direction générale des finances publiques à procéder à des visites et saisies, notamment, dans les locaux et dépendances situés [Adresse 3], susceptibles d'être occupés par la société Aareal Bank France et la société Aareal Participations France, et [Adresse 1], susceptibles d'être occupés par la Sarl HRO France et/ou la société de droit luxembourgeois [Adresse 6] et/ou la société de droit luxembourgeois Comala Défense, ces deux dernières étant présumées exercer une activité commerciale de promotion immobilière sur le terrtoire français sans y souscrire toutes les déclarations fiscales correspondantes, omettre ainsi de passer les écritures comptables afférentes et se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA ;

Vu l'appel interjeté le 8 juillet 2009 par la société [Adresse 6] contre cette ordonnance ;

Vu les conclusions du 9 mars 2010, développées oralement par l'avocat de l'appelante tendant, au visa des articles L 16B du livre des procédures fiscales et 6 § 1 et § 3, 8 et 13 et suivants de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés (CEDH), à voir annuler l'ordonnance visée et interdire à l'administration fiscale de lui opposer les informations recueillies lors des visites du 18 juin 2009 dans les locaux des sociétés HRO France, Aareal Bank France et Aareal Participations France et à voir condamner la Direction générale des finances publiques à payer la somme de 20 000 euros à M. [C] [O], son liquidateur, ès qualités, au titre de l'article 700 du code procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 25 février 2010 et développées oralement à l'audience par l'avocat du Directeur général des finances publiques représenté par le chef des Services fiscaux chargé de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, tendant au rejet des prétentions de l'appelante, à la confirmation de l'ordonnance du juge des liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Paris et à la condamnation de la société [Adresse 6] au paiement de la somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

Attendu que la société [Adresse 6] soutient qu'aucune des pièces soumises par l'administration au juge des libertés et de la détention ne permettait d'établir une présomption de fraude à sa charge ;

Attendu que le juge doit seulement apprécier l'existence de présomptions d'agissements justifiant la mesure autorisée et non pas établir l'existence de ces agissements ;

Attendu que l'administration fiscale avait connaissance que le siège social au Luxembourg de la société [Adresse 6] était celui de quelques 170 autres sociétés et que l'intéressée partageait son numéro de téléphone avec plusieurs autres entités ; que l'appelante était devenue propriétaire en 2005 d'un immeuble sis [Adresse 9] et [Adresse 10], pour le prix de 14 000 0000 euros HT ; qu'elle avait obtenu le transfert à son profit des permis de démolir et de reconstruire existants ; qu'elle avait déclaré qu'elle entendait soumettre ladite vente au régime de la TVA immobilière en application de l'article 257-7 du code général des impôts ; que l'analyse des factures produites par elle à l'appui de sa demande de remboursement de crédit de TVA au titre du 1er semestre 2006 confirmait qu'elle avait réalisé d'importants travaux de démolition et de construction d'un ensemble immobilier de bureaux ; que le 14 décembre 2006, elle avait vendu à la société Gecina le terrain et les construction inachevées pour le prix de 321 186 909 euros HT, en déclarant que sa résidence fiscale était au Luxembourg et ne pas être, en conséquence, redevable du prélèvement du tiers prévu à l'article 244 bis du code général des impôts conformément aux dispositions de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ; que le 15 décembre 2006, ses associés avaient décidé sa dissolution ; que dans son dossier de demande de remboursement de crédit de TVA, figurait une facture d'un montant de 800 000 euros HT au titre de 'management fees' pour la période du 16 mars au 15 juin 2006, émise par la société HRO France, ayant pour activité toutes opérations de gestion, d'administration ou d'exploitation de biens immobiliers situés en France, toutes missions d'études techniques, économiques, commerciales, financières, juridiques et immobilières se rapportant à tous marchés ou projets de restructuration immobilière et/ou d'acquisition de biens et droits immobiliers situés en France et exploitant un fonds de commerce de gestion et de transactions immobilières ; que la société [Adresse 6] avait adressé au service des impôts, sous la signature de Mme [V], contrôleur financier au sein de la société HRO France, par fax du 31 juillet 2006, copie d'un mandat de commercialisation de l'immeuble ; que sur plusieurs sites internet, ladite société était présentée comme le promoteur de l'opération immobilière, sans mention de la société [Adresse 6] ; que celle-ci avait réalisé une plus value de 177 millions d'euros ; qu'elle n'était pas immatriculée auprès du services des impôts des entreprises compétent ; que la société de droit luxembourgeois Comala Défense, ayant le même siège social et les mêmes gérants que la société [Adresse 6], avait mené une opération d'achat et de vente après démolition portant sur un immeuble sis à [Localité 8], dans les mêmes conditions et avec les mêmes intervenants et opéré une plus value de 25 millions d'euros ;

Attendu que l'ensemble de ces éléments, destinés à établir, non la preuve d'une fraude, mais une simple présomption, permettait au premier juge de suspecter, à l'instar de l'administration des impôts, que le siège de la société [Adresse 6] n'était qu'une domiciliation où elle ne disposait pas de moyens matériels lui permettant d'exercer une activité commerciale conforme à son objet social ; qu'elle avait mené, grâce aux moyens matériels et humains mis à sa disposition par la société HRO France, une activité de promotion immobilière sur le territoire français, taxable au titre de l'impôt sur les bénéfices réalisés, sans souscrire la totalité de ses déclarations fiscales et ainsi omis de passer les écritures comptables correspondantes ;

Attendu que la société [Adresse 6] ne nie pas qu'elle partageait le 8ème étage de l'immeuble à l'adresse de son siège avec plusieurs autres sociétés et une ligne téléphonique avec certaines d'entre elles ; que le souci d'économie dont elle argue pour expliquer la situation n'est pas un argument recevable au regard de l'ampleur de ses investissements en France ;

Attendu que l'appelante fait valoir que le recours à des intervenants, entreprises, architectes, prestataires de services français de notoriété internationale n'a rien d'anormal, les fonctions d'exécution de son projet immobilier ne pouvant être réalisées qu'au lieu de situation de l'immeuble et non par elle-même, mais par des professionnels ; qu'en revanche, toutes les décisions d'achat, de financement et de revente, qui constituaient son activité, ont été prises par elle depuis son siège au Luxembourg ;

Attendu que la société [Adresse 6] indique qu'elle avait confié à la société HRO France une mission de suivi de projet qui a amené l'intéressée à être en relation, notamment, avec les banques qui finançaient l'opération ; que cette argumentation n'explique, cependant, pas la situation qui a vu la société HRO France se présenter publiquement comme le promoteur de l'opération et aussi comme le cocontractant de l'acheteur, la société Gecina ; que le juge des libertés et de la détention n'a pas à établir l'existence de la fraude mais sa présomption ; qu'il n'avait pas à rechercher s'il était établi que la société HRO France n'agissait pas seulement en qualité de sous-traitant ; que les pièces fournies au juge par l'administration montrent que la société HRO France a été destinataire d'un fax de la société Aareal Bank concernant le prêt relatif à l'opération et que son contrôleur financier, Mme [V], ne mentionne pas sa qualité dans un courrier à destination de l'administration des impôts, dans le cadre de la demande de remboursement de crédit de TVA de la société [Adresse 6], rédigé comme s'il émanait de celle-ci, désignée par le signataire comme 'notre société'; que ces éléments constituaient des présomptions suffisantes que, le siège de l'appelante au Luxembourg étant présumé être une simple domiciliation, les moyens de réalisation de son opération de promotion lui avaient été fournis par la société HRO France ;

Attendu que la discussion selon laquelle seules les sociétés luxembourgeoises disposant d'un établissement stable en France sont imposables dans ce pays, quelles que soient leurs activités, relève de la compétence du juge de l'impôt, étant observé que l'administration fiscale n'a jamais prétendu que l'appelante serait présumée avoir un établissement stable en France;

Attendu que le grief d'absence de présomptions suffisantes doit être écarté ;

Attendu que la société [Adresse 6] argue encore de l'absence de preuve de son intention frauduleuse ;

Mais attendu que le défaut de déclaration fiscale implique nécessairement une soustraction intentionnelle ;

Attendu que l'appelante conteste la proportionnalité de la mesure, laquelle n'était pas nécessaire, un contrôle fiscal ou un recours au droit de communication pouvant permettre à l'administration d'obtenir tous renseignements utiles ;

Attendu que la saisine du juge des libertés et de la détention n'est pas subordonnée au recours préalable à d'autres procédures possibles ; que les moyens mis en oeuvre étaient justifiés, visant une société étrangère et tendant à des recherches simultanées en plusieurs lieux ;

Que le grief de disproportion doit être écarté ;

Attendu que la société [Adresse 6] argue de l'absence d'examen in concreto et de motivation de la part du juge des libertés et de la détention ; qu'elle fait valoir que des ordonnances ont été rendues sur la base des mêmes présomptions et dans des termes identiques par les juges des libertés et de la détention de Nanterre et de Grasse ce dont il se déduit que les magistrats n'ont pas rédigé eux-mêmes la motivation de leurs décisions ;

Attendu que l'adoption des motifs du requérant ou l'identité typographique de l'ordonnance dont appel avec celles d'autres juges des libertés et de la détention rendues à la même date et pour les mêmes faits ne permet pas à l'appelante de présumer que le magistrat ait fait l'économie de l'examen de la cause et des pièces qui lui étaient fournies et n'ait pas motivé lui-même sa décision ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention a rendu sa décision après un délibéré de sept jours ; que relevant parmi les pièces présentées par l'administration, comme il a été vu ci-dessus, un faisceau d'indices permettant de présumer la fraude alléguée, il n'avait pas à traquer les incohérences éventuelles de la requête ni à peser les éléments à charge et à décharge, n'étant pas juge de l'impôt ;

Que ce grief doit être aussi écarté ;

Attendu que la société [Adresse 6] argue enfin de la violation des articles 6 § 1 et § 3, 8 et 13 de la CEDH, l'administration n'ayant pas permis au juge des libertés et de la détention de se prononcer en toute impartialité et la société HRO France et ses avocats ayant été dans l'impossibilité, pendant la visite domiciliaire, de saisir de façon autonome le juge, faute d'indication de ses coordonnées dans l'ordonnance ;

Attendu qu'il a été dit que les éléments de preuve soumis à l'appréciation du juge mettaient en évidence des présomptions suffisantes au regard des dispositions de l'article L 16B ; que les griefs de présentation de pièces non pertinente, incohérentes ou uniquement à charge et de disproportion ont déjà été écartés ;

Attendu que la critique tenant à l'impossibilité pour la société HRO France, occupante des lieux visités, de saisir de façon autonome le juge des libertés et de la détention concerne la régularité du déroulement des opérations de visite sur lequel ne porte pas la présente procédure d'appel ; qu'en toute hypothèse, l'ordonnance indique le nom du juge qui l'a rendue et la juridiction à laquelle il appartient, ce qui assurait au justiciable un accès effectif à l'intéressé ;

Attendu qu'aucun grief n'étant caractérisé, la demande d'annulation doit être rejetée et l'ordonnance confirmée ;

Attendu que l'appelante indemnisera la Direction générale des finances publiques pour ses frais de procédure à hauteur de 1 500 euros ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en date du 16 juin 2009 en ce qu'elle vise la société [Adresse 6] ;

CONDAMNONS la société [Adresse 6] à payer à la Direction générale des finances publiques (Direction nationale d'enquêtes fiscales) la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société [Adresse 6] aux dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LA DELEGUEE DU PREMIER PRESIDENT

Evelyne DELBES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/14324
Date de la décision : 20/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/14324 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-20;09.14324 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award