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20/05/2010 | FRANCE | N°08/13420

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 20 mai 2010, 08/13420


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 MAI 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13420



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005088527





APPELANTES:



SELAFA MJA

agissant en la personne de Maître [O] [I] es - qualités de mandataire judiciaire et de liquid

ateur judiciaire à la liquidation judiciaire des Sociétés BOUCHERIE COQUILLIERE et ETABLISSEMENTS BORRINI

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]





Maître [O] [I]

(Intervena...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 MAI 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13420

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005088527

APPELANTES:

SELAFA MJA

agissant en la personne de Maître [O] [I] es - qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire des Sociétés BOUCHERIE COQUILLIERE et ETABLISSEMENTS BORRINI

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

Maître [O] [I]

(Intervenante Volontaire et comme telle appelante)

agissant en sa qualité de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire des Sociétés BOUCHERIE COQUILLIERE et ETABLISSEMENTS BORRINI

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représentées par la SCP PETIT LESENECHAL, avoué à la Cour

assistées de Maître Anne BOURIEZ-BRUNET, avocat au barreau de PARIS, toque P 311, plaidant pour la SCP HYEST & ASSOCIÉS

INTIMÉE:

S.A BNP PARIBAS

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP GUIZARD, avoué à la Cour

assistée de Maître Bertrand MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque P 121, plaidant pour B. MOREAU AVOCATS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 19 août 1992, la BNP octroyait à la société Boucherie Coquillière, qui avait pour activité le commerce de demi-gros et détail de viande de boucherie, un prêt de 2.000.000 de francs , afin de lui permettre de mettre ses outils de production en conformité avec les normes d'un arrêté ministériel de mars 1992. Ce prêt était stipulé remboursable sur une durée de cinq ans au moyen de mensualités de 100.000 francs, ce crédit étant garanti par l'engagement de caution solidaire des époux [J], une inscription de nantissement sur un fonds de commerce de boucherie exploité par la société, une promesse d'hypothèque consentie par la société , outre l'adhésion de M. [J] gérant de la société et de son épouse à une assurance groupe.

Un prêt complémentaire de 750.000 francs a été conclu et apporté en compte courant.

Enfin, la BNP , qui avait accordé à la société une autorisation de découvert de 1.000.000 de francs en 1991, a conclu en février 1992 une convention cadre de cession de créances professionnelles

Suite à une dégradation de la situation financière de la société, la BNP rompait les concours accordés par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2004. soit l'autorisation de découvert accordée , à effet au 9 janvier 1995 et du crédit de trésorerie garanti par les cessions de créances Dailly.

Cette rupture était toutefois prorogée par la suite au 27 février 1995 dans l'attente de la présentation par la société d'un plan de restructuration ..

Etait alors signé entre la banque et la société un protocole d'accord aux termes duquel la BNP, à raison des promesses de M. [J] de céder rapidement les fonds de commerce et du plan de restructuration prévoyant une réduction des charges d'exploitation , comme d'effectuer des apports en fonds propres, prenait acte des mesures ainsi envisagées et dont la réalisation devait avoir lieu dans les trois mois à venir , et maintenait en contrepartie ses concours soit un découvert de 5.100.000 francs et un encours Dailly de 3,9 millions defrancs avec cautionnements de M. et Mme [J] à hauteur de 2,5 millions de francs.

Par la suite, suite à de nouvelles difficultés, un protocole de règlement amiable a été signé le 13 mars 1996 et homologué le 21 mars 1996. Aux termes de ce protocole, la BNP abandonnait une somme de 2,4 millions de francs avec clause de retour à meilleure fortune. et acceptait le règlement du solde de sa dette en 83 mensualités pour la somme de 3.000.000 de francs.

Le 3 avril 1997, la société était placée en liquidation judiciaire.

La BNP a alors attrait devant le Tribunal de commerce de Paris M. et Mme [J] en leurs qualités de caution. Ces derniers ont soulevé la responsabilité de la Banque pour octroi disproportionné de crédit.

Le Tribunal de commerce de Paris a, le 10 septembre 2003, débouté M. et Mme [J] de leur demande, jugement qui a été confirmé par la Cour d'appel de Paris le 25 novembre 2004. Cette décision est aujourd'hui définitive, le pourvoi de M. et Mme [J] ayant été rejeté.

Me [I] es qualités a alors assigné la BNP devant le Tribunal de commerce de Paris , pour manquement à son obligation de vigilance et soutien abusif..

Par jugement en date du 5 mai 2008, le Tribunal de commerce de Paris a débouté

Me [I] es qualités de ses demandes et l'a condamnée à payer à BNP Paribas la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal de commerce de Paris a notamment souligné que BNP Paribas a accompagné le développement de la société quand les affaires de celles ci étaient satisfaisantes, qu'elle a adopté son attitude quant la société s'est trouvée aux prises avec des difficultés financières et qu'elle a ensuite veillé, après la signature du protocole, à ce que les engagements de crédit n'excèdent pas ceux prévus dans le protocole et en a conclu qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la BNP.

Me [I] es qualités a interjeté appel de ladite décision.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 25 février 2010, Me [I] es qualités a demandé à la Cour de:

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner la BNP à réparer le préjudice subi par la société Boucherie Coquillère qui s'élève à la somme de 790.361,13 euros,

- condamner la BNP à lui payer es qualités la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la BNP de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la BNP aux dépens.

Au soutien de ses demandes, Me [I] es qualités fait valoir les éléments suivants:

La BNP a soutenu abusivement la société Boucherie Coquillière pendant au moins 16 mois. En effet, l'examen des états financiers de la société Boucherie Coquillière révèle que dès l'exercice clos le 30 septembre 1992 l'exploitation de la société était systématiquement déficitaire. Au 30 septembre 1993, les dettes vis à vis des établissements de crédit s'élevaient à la somme de 6.657.375 francs. Au 31 décembre 1994, elles s'élevaient à 9.988.850 francs pour atteindre un an plus tard 11.476.490 francs. Le découvert bancaire de la société a été multiplié par cinq entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994.. La BNP , malgré cette dégradation de la situation financière, a continué à accorder à la société des concours complémentaires et ce malgré la violation par la société et leurs dirigeants de leurs engagements

Par conclusions responsives signifiées le 4 mars 2010, BNP Paribas a demandé à la Cour de:

- constater que Me [I] es qualités n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait soutenu la société en connaissance d'une situation irrémédiablement compromise,

- dire qu'en conséquence aucune faute ne saurait être retenue contre elle,

- constater qu'en tout cas Me [I] ne justifie pas d'une aggravation d'actif et qu'ainsi aucun préjudice ne peut être établi,

- débouter en conséquence Me [I] es qualités de ses demandes,

- condamner Me [I] es qualités à lui payer la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens.

Elle expose:

- que la situation de la société n'a jamais été irrémédiablement comprise,

- que la convention cadre de cession de créances professionnelles se justifiait par les délais d'encaissement des factures alors que la société devait faire face à des règlements à très court terme,

- que les dirigeants de la société, avec l'assistance de leurs conseils juridiques et financiers, n'ont pas cessé de l'entretenir dans la croyance du succès de leur entreprise,

- que le Tribunal de commerce a même encouragé les efforts des dirigeants en acceptant une poursuite d'activité avec le concours de la banque ; que cela s'est poursuivi jusqu'à ce que la persistance d'une conjoncture défavorable ne permette plus d'espérer une activité rentable au regard de la structure de la société,

- qu'aux termes du rapport d'expertise, il découle que les difficultés de l'entreprise résultent en grande partie des investissements mis en place pour réadapter les locaux aux exigences européennes et par l'augmentation des charges de structure que cela a engendrés, d'une part et d'autre part de l'impact de la crise sur la ' vache folle'qui a entraîné une diminution complémentaire de l'activité ainsi qu'une dégradation de la marge commerciale, la situation irrémédiablement compromise ne s'étant manifestée que postérieurement à la crise de la vache folle.

SUR CE

Considérant qu'il convient de mettre hors de cause la Selafa MJA, Me [I] ayant été désignée en ses lieu et place es qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire des sociétés Boucherie Coquillière et Etablissements Borrifi;

Considérant que, dans ses dernières conclusions, Me [I] es qualités soutient que la situation de la société Boucheries Coquillière s'est trouvée irrémédiablement compromise en 1994 soit à la date à laquelle la BNP a dénoncé ses concours pour la première fois;

Considérant que les premières pertes de la société sont en effet apparues en 1994

Que, toutefois, c'est sur présentation par la société d'un plan de restructuration que la BNP a accepté de différer les effets de sa décision de dénonciation de ses concours; que ce plan de restructuration prévoyait diverses mesures commerciales telles que recentrage sur un site unique de découpe, financières telles que réduction des charges d'exploitation et des frais de direction ou réalisation de matériels non indispensables à l'exploitation, qu'elle s'est engagée par exemple à comprimer ses charges d'exploitation et en particulier celles afférentes aux loyers, charges d'entretien et masse salariale concernant les effectifs et à opérer une réduction drastique des frais de direction comme à la cession de certains véhicules non absolument indispensables à l'exploitation; que, par ailleurs, elle s'est engagée, dans le projet de restructuration, à finaliser la cession d'un de ses fonds de commerce pour un montant de l'ordre de 2.000.000 de francs et un autre pour un montant de 2.000.000 à 2.500.000 francs, des négociations avec plusieurs acquéreurs potentiels étant en cours, ainsi qu'un autre fonds de commerce pour un montant de 500.000 francs; qu'elle avait prévu affecter l'intégralité des prix de cession des fonds de commerce au renforcement de ses fonds propres , à l'exception d'une somme évaluée forfaitairement à 100.000 francs lui permettant de faire face aux frais de déménagement et de réinstallation; que M. et Mme [J], cautions, s'étaient engagés à vendre dans un délai de 8 mois leur appartement à [Localité 7] ainsi qu'un studio à [Localité 8] , ces prix de cession devant venir en renforcement des fonds propres de la société;

Considérant que dès lors la Banque n'est pas revenue sur sa dénonciation de découvert pour accorder d'autres découverts sans garantie mais a rappelé que la réalisation des opérations de cessions et d'apports en fonds propres s'imputeraient en priorité sur le découvert et pour le reliquat éventuel en remboursement anticipé du solde résiduel du crédit à moyen terme;

qu'il n'y a donc pas eu octroi abusif de crédit ou soutien abusif de crédit en 1994, la situation n'étant pas alors irrémédiablement compromise;

Considérant qu'en décembre 1995, une procédure de conciliation a été suivie par les parties; qu'il est apparu que, suite aux précédents engagements, deux fonds de commerce faisaient l'objet de négociations pour cessions et que les biens immobiliers des époux [J] étaient mis en vente; Il a été alors préconisé, face à l'ensemble des concours bancaires qui hypothéquaient la société de supprimer son déséquilibre financier par un abandon par la BNP d'une partie des sommes dues entre le découvert et le solde sur crédit soit un total de 5.900.000 francs, un plan de remboursement sur huit ans pouvant être alors supportable par la société

Considérant que, suite à cette conciliation, un protocole amiable a été signé entre les parties en mars 1996, protocole aux termes duquel sous couvert de la cession ou de l'arrêt d'exploitation des autres fonds de commerce ainsi que de l'apport par M. et Mme [J] de la somme de 1.000.000 de francs en deux versements, la BNP a accepté d'abandonner , avec clause de retour à meilleure fortune, la somme de 2,4 millions de francs et a accordé un remboursement échelonné des découverts sur sept ans; que ce protocole a été homologué par le Tribunal le 21 mars 1996; qu'à cette date, il ne peut être retenu un octroi abusif de crédit ou un soutien abusif, les accords ayant au contraire pour but de réduire l'endettement de la société; que la situation de la société n'était pas alors irrémédiablement compromise;

Considérant qu'il convient, par voie de conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Me [O] [I] es qualités de sa demande tendant à voir condamner la BNP pour dommages intérêts;

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la BNP les fais irrépétibles qu'elle a supportés pour l'ensemble de la procédure;

Que le jugement sera infirmé de ce chef;

Considérant que Me [I] es qualités , partie succombante, doit être condamnée aux dépens;

PAR CES MOTIFS

Met hors de cause la Selafa MJA es qualités.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Me [O] [I] es qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire des sociétés Boucherie Coquillière et Etablissements Borrini de sa demande tendant à voir condamner la BNP pour dommages intérêts;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Me [O] [I] es qualités de mandataire judiciaire et de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire des sociétés Boucherie Coquillière et Etablissements Borrini aux dépens dont distraction au profit de la SCP Michel Guizard conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/13420
Date de la décision : 20/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/13420 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-20;08.13420 ?
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