RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 20 mai 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10188
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau - section encadrement - RG n° 07/00114
APPELANTE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉ
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent THIERY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 236
INTIME
Monsieur [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Michel TALLENT, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ à l'encontre d'un jugement prononcé le 26 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU ayant statué sur le litige qui l'oppose à Monsieur [O] [Z] sur les demandes de ce dernier relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui a condamné la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ à payer à Monsieur [O] [Z] les sommes suivantes :
- 3 502 € à titre de rappel de solde de prime de treizième mois,
- 14 007 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
- 87 156 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
La S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ, appelante, demande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué les indemnités de rupture, de le confirmer pour le surplus et de débouter Monsieur [O] [Z] de son appel incident.
Monsieur [O] [Z], intimé et appelant incident, poursuit l'infirmation partielle du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ au paiement des sommes suivantes :
- 3 502 € à titre de solde de prime de treizième mois,
- 3 502 € à titre de solde de prime de résultat,
- 1 000 € à titre de congés payés,
- 14 007 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
- 87 156 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 46 690 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 21 avril 1988, Monsieur [O] [Z] a été engagé par la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ en qualité de responsable de secteur alimentaire. De 1998 à 2004, il a travaillé en Corée du sud, au Japon et en Chine. A son retour en France, il a effectué un stage de responsable secteur alimentaire puis a été affecté à l'hypermarché de [Localité 5] en qualité de responsable P.F.T (produits frais, traiteur).
Sa rémunération mensuelle était fixée en dernier lieu à la somme de 4 669 €.
Le 4 octobre 2006, la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ convoquait Monsieur [O] [Z] pour le 12 octobre 2006 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure était prononcée par lettre du 20 octobre 2006 pour faute grave se fondant sur un comportement volontairement laxiste, inadmissible pour un cadre de ce niveau, malgré les courriers de rappels qui lui ont été adressés dans le passé.
SUR CE
Sur la qualification du licenciement.
Il est produit (principalement par Monsieur [O] [Z]) des échanges de courriers entre les parties où elles exposent leurs conceptions réciproques de l'organisation du travail au sein de l'hypermarché et où elles s'adressent des reproches mutuels, rien ne permettant de départager ces points de vue totalement contradictoires. Ces courriers ne sauraient donc constituer des éléments objectifs propres à caractériser les fautes imputées à Monsieur [O] [Z].
La seule pièce versée utilement aux débats par la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ est le document "Réponses aux questions des délégués du personnel F.O. - Réunion du 5 septembre 2006" où :
- à la première question : "Est-il normal que le chef de secteur PFT ne porte pas la tenue encadrement (ex : la cravate), n'est-il pas là pour montrer l'exemple vis-à-vis du personnel '"
la direction a apporté la réponse suivante : "Cette situation est anormale et la direction a fait un rappel à l'ordre à Mr [Z]. Nous lui envoyons un nouveau rappel du respect du règlement intérieur" ;
- à la seconde question : "Le chef de secteur PFT fait des réflexions au personnel des PFT de se raser alors que cette même personne néglige son esthétique (rasage) est-ce normal '"
la réponse de la direction étant : "Idem question n° 1".
Cette interpellation des délégués du personnel est à rapprocher du courrier du 17 août 2006 dans lequel le directeur du magasin fait observer à Monsieur [O] [Z] que le jour même il s'est présenté à son poste de travail "dans une tenue plus que négligée, pas rasé, sans cravate".
Ces faits, et eux seuls, sont donc établis. Ils ne sauraient toutefois constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, et a fortiori une faute grave, dans la mesure où rien ne permet d'affirmer que le port de la cravate constitue une obligation impérieuse pour les cadres du magasin et plus spécialement pour Monsieur [O] [Z], qui plus est au milieu du mois d'août, et où un défaut de rasage peut procéder d'un oubli ou d'une maladresse ne portant pas à conséquence, ou encore résulter de la volonté de se laisser pousser la barbe, comme le soutient Monsieur [O] [Z], ce qui n'est pas récusable. Ces deux faits, qui sont manifestement restés isolés, sont ainsi insusceptibles de caractériser le laxisme volontaire reproché au salarié.
Il convient donc de déclarer le licenciement de Monsieur [O] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement.
Le licenciement prononcé pour faute grave étant en réalité dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [O] [Z] a droit aux réparations suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : il n'est pas contesté que Monsieur [O] [Z] doit bénéficier d'un préavis de trois mois, soit la somme de 14 007 €, outre les congés payés afférents.
- indemnité conventionnelle de licenciement : la convention collective applicable détermine pour Monsieur [O] [Z] une indemnité de 87 156 € dont le quantum n'est pas remis en cause par la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ.
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : au vu des pièces justificatives produites et des dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, il convient de fixer les dommages-intérêts à la somme de 35 000 €.
Sur le solde de congés payés, la prime de treizième mois et la prime de résultat.
Le conseil de prud'hommes a procédé sur ces demandes à une analyse pertinente des éléments du dossier qu'aucune pièce nouvelle ne remet en cause. Il convient de confirmer purement et simplement la décision de première instance de ce chef.
Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Monsieur [O] [Z] ayant plus de deux ans d'ancienneté et la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif au P LE EMPLOI des indemnités de chômage payées au salarié licencié pour une durée qu'il y a lieu de fixer au cas d'espèce à 4 mois.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Succombant en son recours, la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [O] [Z] peut être équitablement fixée à 1 500 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en ses dispositions sur la prime de treizième mois, la prime de résultat, le rappel de congés payés, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement, la nature et le point de départ des intérêts, les dépens et les frais non compris dans les dépens exposés en première instance.
Le réformant pour le surplus et y ajoutant,
Déclare le licenciement de Monsieur [O] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ à payer à Monsieur [O] [Z] la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Condamne la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ à rembourser au P LE EMPLOI les indemnités de chômage payées à Monsieur [O] [Z] pour une durée de 4 mois.
Condamne la S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉ aux dépens d'appel et à payer à Monsieur [O] [Z] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :