RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 20 Mai 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09454
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2008 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - RG n° 07/00760
APPELANTE
Madame [S] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me DEMMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D461
INTIMEE
SARL BEAUPRE (AGENCE KEOPS)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Aline CHEMSSY, avocat au barreau d'EVRY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Mars 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Danièle PAVARD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 26 septembre 2006, Madame [S] [J] a été engagée par la SARL BEAUPRE en qualité de négociatrice immobilier salariée VRP.
Par courrier recommandé, avec accusé de réception, en date du 16 avril 2007, Madame [S] [J] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement. Madame [S] [J] ne s'est pas présentée à l'entretien fixé au 27 avril 2007.
Par courrier recommandé, en date du 5 mai 2007, Madame [S] [J] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [S] [J] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Évry le 10 juin 2008, qui après avoir dit que son licenciement était fondé sur une insuffisance professionnelle, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes. La SARL BEAUPRE a également été déboutée de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.
Vu les conclusions en date du 18 mars 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [S] [J] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré, et, statuant à nouveau:
' de condamner la SARL BEAUPRE à lui payer les sommes suivantes:
* 8'216,04 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* 10'000 € en réparation du harcèlement moral subi,
* 2 220,97 € au titre de commissions arriérées avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2007,
* 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépenses.
Vu les conclusions en date du 18 mars 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SARL BEAUPRE demande à la cour :
' de confirmer le jugement rendu le 10 juin 2008 par le conseil de prud'hommes d'Évry,
y ajoutant :
' de condamner Madame [S] [J] à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE :
Sur le licenciement :
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce ;
Que l'employeur reproche à Madame [S] [J] son insuffisance professionnelle en l'illustrant de 13 exemples ;
Considérant que Madame [S] [J] prétend que les motifs articulés par les premiers juges reprennent, sans les discuter, ceux de l'employeur, alors qu'elle produit des documents et témoignages allant à leur encontre ;
Considérant que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi du salarié relèvent du pouvoir de l'employeur; que cependant, l'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et se manifester dans des répercussions en tant qu'elles perturbent la bonne marche de l'entreprise;
Considérant que contrairement à ce que soutient la salariée, la lettre de licenciement est circonstanciée en visant 13 exemples tendant tous à caractériser l'insuffisance professionnelle ; que par ailleurs, il suffit à l'employeur d'invoquer ce grief, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre de licenciement soit dûment motivée ;
Considérant, en l'espèce, que Madame [S] [J] a été recrutée en qualité de négociatrice immobilier salariée VRP le 26 septembre 2006 ;
Que pendant les 7 mois d'activité pour le compte de la SARL BEAUPRE (Madame [S] [J] ayant été placée en arrêt de travail à compter du 5 avril 2007), l'employeur a écrit à la salariée pour lui faire part des dysfonctionnements constatés ;
Qu'ainsi, le 1er février 2007, la SARL BEAUPRE écrivait à Madame [S] [J] : ' en ce qui concerne la vente d'un terrain et d'une maison à [Localité 6], propriété de monsieur et madame [H] (SCI YASMINE) pour mémoire, lorsque que vous m'avez mis au courant de ce dossier, je n'ai pas signé le mandat en raison d'un manque de précisions et de renseignements (titre de propriété incomplet, renseignements diffus, informations imprécises...) Ce que je me suis empressé de vous faire savoir puisque le mandat n'a pas été enregistré... Je vous rappelle que les contraintes de notre métier de négociateur immobilier: juridiques, fiscales, administratives, urbanistiques, organisationnelles sont rigoureuses... Il faut impérativement, quand un dossier vous dépasse, vous référer à moi et respecter le cadre de travail que je vous ai donné... Je pense que vous vous dispersez, imaginez des choses des situations qui ne sont pas réelles, cela me met dans l'embarras, vis-à-vis des vendeurs, des clients acquéreurs et m'amène à croire que vous ne saisissez pas l'importance de votre rôle avec sérieux ...' ;
Que ce même courrier fait par ailleurs référence à un non-respect des procédures en matière de fixation des prix des ventes et un défaut de classement du suivi de l'activité ;
Considérant que, par courrier du 10 mars 2007, l'employeur fait grief à Madame [S] [J] de ne pas avoir respecté la procédure, en exigeant un chèque de dépôt de garantie, dans une vente LAGRANGE ; qu'il fait également grief à la salariée d'avoir omis, en ce qui concerne la vente de l'appartement de M. [N], de vérifier que l'appartement était loué et que le congé n'avait pas été donné aux locataires ;
Que ce courrier réitère la demande de classement du suivi des activités exprimée dans le courrier du 1er février 2007 ;
Considérant que par courrier du 16 mars 2007, l'employeur fait grief à la salariée de ne pouvoir avoir de visibilité sur son activité et lui reproche également un défaut d'information à l' occasion de la vente RAFIK ;
Considérant que pour combattre les illustrations de son insuffisance professionnelle, Madame [S] [J] verse aux débats l'attestation de M. [F] [H] indiquant d'une part que son bien a été vendu par une agence concurrente sur une offre supérieure et d'autre part l'excellent souvenir qu'il garde de Madame [S] [J] ;
Que cette attestation n'est pas de nature à contredire les griefs reprochés à la salariée et qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation ;
Que Madame [S] [J] produit également une attestation d'une collègue, Madame [P], qui n'atteste d'aucun fait précis de nature à contredire l'insuffisance professionnelle reprochée ;que cette attestation fait état de propos insultants proférés par l'employeur à l'encontre de Madame [S] [J] mais d'une manière générale et non circonstanciée qui ne permet pas à la cour de vérifier la matérialité de l'allégation ;
Que par ailleurs, Madame [S] [J] ,à qui il est reproché un défaut de compte-rendu de son activité, ne produit aucun élément à l'appui de sa contestation du grief illustrant son insuffisance professionnelle ;
Considérant enfin, que les attestations produites par Madame [S] [J], ne contredisent pas les insuffisances professionnelles visées à la lettre de licenciement ; qu'il est donc établi que cette dernière n'a pas rectifié son comportement professionnel ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [S] [J] de ce chef de demande ;
Sur le harcèlement moral :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1du Code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en l'espèce, Madame [S] [J] soutient que le comportement de son employeur a été à l'origine d'une très grave dépression nerveuse et produit des certificats médicaux en ce sens ;
Considérant cependant, que pour étayer sa demande, la salariée se base sur les courriers de rappels à l'ordre justifiés des 1er février, 10 mars et 16 mars 2007, examinés ci-dessus, qui ne font qu'inviter la salariée à changer ses méthodes de travail ; que ces courriers ne contiennent aucun élément laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
Considérant que les mains courantes déposées auprès du Commissariat de [Localité 5] les 9 avril et 16 avril 2007 sont contemporaines de la convocation à l'entretien préalable en vue de licenciement ;
Que la fiche d'aptitude de la médecine du travail en date du 30 janvier 2007, déclare la salariée apte au travail ; que s'agissant des éléments à caractère médical, contemporains du licenciement, il est produit deux certificats médicaux du docteur [W] en date des 5 mai 2007, 12 mai 2007 qui, au titre des éléments médicaux justifiant l'arrêt de travail, mentionnent un déséquilibre diabétique à la suite à un harcèlement moral ;
Que le docteur [W] a fait l'objet, aux termes d'une décision du conseil départemental de l'ordre des médecins de l'ESSONNE en date du 7 décembre 2009, confirmant la décision de la chambre disciplinaire de première instance en date du 8 septembre 2009, d'un blâme pour des infractions multiples ; que la décision du conseil départemental, ainsi confirmée, mentionne que le praticien a méconnu les dispositions du code de déontologie qui interdisent au médecin de délivrer des rapports tendancieux ou des certificats de complaisance et de chercher à procurer à ses patients un avantage matériel injustifié ; que la décision ajoute que la circonstance que le médecin aurait été abusé par sa patiente, qui ne l'aurait pas informé de l'existence de la procédure de licenciement dont elle faisait l'objet, n'est pas de nature à l'exonérer du respect du code de déontologie ;
Que, surabondamment, la cour estime devoir écarter les certificats établis par le docteur [W], compte tenu d'un courrier adressé par ce praticien à M. [Y] [U] gérant de la SARL BEAUPRE le 8 juin 2008, qui mentionne : ' comme convenu vendredi, je vous communique mes coordonnées afin que nous puissions collaborer pour stopper et éviter les dégâts de cette triste et regrettable affaire. Sachez que vous pouvez compter sur moi et j'espère pouvoir compter sur vous. Restant à votre attente, recevez l'expression de mon estime et de sympathie de 'CHTI' et de 'LIONS' à bientôt';
Qu'outre les certificats du docteur [W], Madame [S] [J] produit essentiellement des éléments médicaux postérieurs à son licenciement, pour certains établis plus de deux ans après le licenciement et qui ne peuvent étayer un quelconque harcèlement ;
Que par ailleurs, Madame [S] [J] verse elle-même aux débats l'expertise du docteur [D], psychiatre, en date du 30 mars 2008 , réalisée dans le cadre d'un dossier tendant à la reconnaissance d'une maladie professionnelle, à la suite d'un harcèlement, visant expressément le certificat médical établi par le docteur [W] le 31 mai 2007 ; que ce praticien énonce que l'examen clinique est rendu difficile par le théâtralisme voire l'histrionisme de l'intéressée et que l'examen montre un état général satisfaisant en dehors du diabète ; que s'agissant d'un syndrome post-traumatique relatif à une pathologie liée à un harcèlement moral en milieu professionnel, le médecin expert relève que la question de l'imputabilité mérite d'être examinée ;
Considérant, en conséquence, qu'aucun élément ne permet de présumer de l'existence du harcèlement moral reproché à l'employeur et qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur ce chef de demande ;
Sur l'absence de demande d'attestation d'habilitation:
Considérant que Madame [S] [J] fait grief à son employeur de ne pas avoir régularisé une demande de carte professionnelle auprès de la préfecture de l'Essonne, carte nécessaire à son exercice professionnel; qu'elle fait grief à son employeur de l'avoir employée pendant plusieurs mois sans régulariser sa situation ;
Considérant cependant que Madame [S] [J] ne justifie d'aucun préjudice, dans l'exercice de son activité de négociatrice immobilière VRP, lié à la délivrance tardive du document administratif considéré ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande ;
Sur les commissions réclamées par Madame [S] [J] :
Considérant, qu'au soutien de sa demande d'un paiement d'arriéré de 2220,97 €, Madame [S] [J] ne présente aucun décompte précis des sommes réclamées faisant référence aux mandats auxquels correspondrait le reliquat sollicité ; qu'à l'inverse, l'employeur verse aux débats un décompte arrêté au 1er septembre 2007 selon lequel, à cette date, il était créditeur au titre d'avance sur commissions d'un solde de 2824,31 € ; qu'il convient donc, faute pour Madame [S] [J] de rapporter la preuve des commissions dues, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;
Considérant que ni l'équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
Y ajoutant :
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [S] [J] aux entiers dépens d'appel,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,