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18/05/2010 | FRANCE | N°09/07031

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 mai 2010, 09/07031


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 mai 2010



(n° 32 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07031



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris chambre 5 section commerce RG n° 08/03234







APPELANTE



SOCIÉTÉ NC NUMERICABLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me F

lorence BACHELET, avocate au barreau de BORDEAUX







INTIMÉ



M. [S] [B] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Aicha CONDE, avocate au barreau de PARIS,

toque : E 028


...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 mai 2010

(n° 32 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07031

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris chambre 5 section commerce RG n° 08/03234

APPELANTE

SOCIÉTÉ NC NUMERICABLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence BACHELET, avocate au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ

M. [S] [B] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Aicha CONDE, avocate au barreau de PARIS,

toque : E 028

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 janvier 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement formé par la SAS Numéricable du jugement rendu le

04 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section commerce - qui l'a condamnée à payer à M. [U] les sommes de 6 114 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche et se déclarant compétent, celle de 1 242,72 euros à titre de perte de revenus liée au taux de cotisations sociales, ainsi que celle de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et lui a ordonné de remettre au demandeur une attestation Assédic et des bulletins de paie conformes, M. [U] étant débouté du surplus de ses prétentions et notamment de sa demande d'astreinte et de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

Vu les conclusions du 05 janvier 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de la SAS Numéricable qui demande à la cour, par réformation partielle du jugement déféré, de renvoyer devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la question déterminant l'assiette des cotisations sociales et partant 'tarder à statuer' sur les demandes de M. [U] jusqu'au jugement de ce tribunal ; subsidiairement, débouter

M. [U] à ce titre ; et rejeter également les demandes de ce dernier au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ; plus subsidiairement, limiter le montant des dommages et intérêts alloués ; en tout état de cause, de condamner M. [U] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 05 janvier 2010 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. [U] qui demande à la cour, réformant le jugement et y ajoutant, de déclarer son licenciement nul et ordonner sa réintégration, condamner la société Numéricable à lui payer les sommes dues jusqu'à sa réintégration effective sur la base d'un salaire de 1 612,04 euros par mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter du délai de 8 jours de la notification de l'arrêt, la somme de 3 820 euros en remboursement de ses frais kilométriques, 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale, ainsi que celle de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement sur la rupture, condamner la société Numéricable à lui payer la somme de 9 172,26 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 9 172,26 à titre d'indemnité de travail dissimulé, 1 242,72 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de revenus de substitution au titre du chômage, ordonner à l'appelante la remise de documents conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les notes adressées les 25 janvier et 1er février 2010 à la cour par le conseil des parties au cours de son délibéré,

Attendu que M. [U] a été engagée le 13 février 2006 par la SAS Numéricable en qualité de conseiller commercial - statut agent de maîtrise, T.S.M. - groupe D de la convention collective nationale des télécommunications avec une rémunération mensuelle brute de base pour 151,57 heures en dernier lieu de 1 253,48 euros, outre rémunération variable en fonction des 'ventes raccordées', d'une prime d'objectif individuelle, d'une prime d'équipe ; que par courrier du 30 mars 2007 la société Numéricable faisait grief à M. [U] de résultats commerciaux insuffisants, emportant de ce fait l'absence de paiement de sa rémunération variable ;

Que par courrier du 13 juin 2007 la société Numéricable convoquait M. [U] à un entretien préalable à son licenciement fixé au 22 juin 2007 puis le licenciait par lettre du 24 octobre 2007 au motif d'une 'grande insuffisance de ses résultats commerciaux' (en décembre 2006 55 ventes brutes et 14 'raccordées' ; en janvier 2007 respectivement 30 et 27 ; février 36 et 24 ; mars 53 et 17 ; avril 62 et 31 ; mai 54 et 31 ; juin 54 et 42 ; juillet 11 et 9 ; août 0 et 2 ; septembre 41 et 11 ; au 17 octobre 18 et 9), les résultats étant nettement inférieurs aux engagements pris lors de la signature de son contrat de travail', malgré plan d'actions mis en place lors d'un entretien du 22 juin 2007, n'étant 'pas en ligne avec les potentialités offertes par le marché', et dénotant 'un manque d'implication personnelle évident' ; que M. [U] saisissait le 20 mars 2008 la juridiction prud'homale ;

Sur l'absence de visite médicale d'embauche

Attendu que M. [U] n'a jamais bénéficié d'une visite médicale, même lors de son embauche ;

Que cette violation notamment des dispositions de l'article R.4624.10 du code du travail a occasionné un préjudice à M. [U] dont l'indemnité à hauteur de 500 euros doit être confirmée au regard des éléments d'appréciation en la cause ;

Sur l'abattement de 30% de frais professionnels sur l'assiette des cotisations sociales

Attendu sur l'exception d'incompétence au titre de l'abattement de 30% de frais professionnels sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale au bénéfice du tribunal des affaires de sécurité sociale, que la SAS Numéricable se prévaut des dispositions combinées des articles L.1411.1 et 1411.4 du code du travail d'une part et de l'article L.142.1 du code de la sécurité sociale, d'autre part, pour soutenir que la juridiction prud'homale n'a pas compétence pour vérifier les conditions permettant à l'employeur de déduire une somme au titre des frais professionnels du montant du salaire soumis à cotisations de l'article L.242.1 du code de la sécurité sociale ;

Qu'elle rappelle que cet article L.242.1 n'admet la déduction des frais professionnels de l'assiette des cotisations sociales que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel, en l'espèce un arrêté du 20 décembre 2002, lequel fait partie intégrante du dispositif du code de la sécurité sociale et relève de la compétence en conséquence du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

Mais attendu que les demandes de M. [U] au titre du travail dissimulé et de la perte de revenus de substitution ont pour fondement la qualification des sommes servies en exécution du contrat de travail, sans être prises en compte dans l'assiette de calcul de cotisations sociales, mais non les conditions et limites réglementaires de la déduction des frais professionnels ainsi qualifiés ;

Que l'exécution d'incompétence, au regard de ce qui ne constitue qu'un moyen sur la nature des sommes servies, n'est pas fondée ;

Attendu sur la qualification des sommes déduites par la SAS Numéricable, que M. [U], embauché en qualité de conseiller commercial, ne bénéficie pas du statut de V.R.P. ;

Que sa rémunération était composée lors de son embauche d'un fixe de 1 217,88 euros augmenté d'une part variable sur objectifs ;

Qu'aucune part de cette rémunération composée au titre de remboursements des frais n'est contractuellement définie tant dans le contrat initial que dans l'avenant ultérieur de rémunération du 1er mars 2007 ;

Qu'en conséquence, l'abattement auquel a procédé unilatéralement la société Numéricable relève de fait d'une déduction salariale de 30% mais non de frais professionnels évalués forfaitairement ;

Attendu que M. [U] justifie de la perte de revenus de substitution au titre du chômage qu'il a subi et de l'aide au retour à l'emploi ; qu'une indemnité compensatrice de 1 242,72 euros, au regard des bordereaux Assédic qu'il produit et du calcul des allocations qui auraient dû lui être versées, doit lui être allouée ; qu'en effet peu importe le moindre paiement des cotisations salariales et d'impôts par l'intéressé, le préjudice résultant de la perte de revenus de substitution ;

Que la disposition du jugement à ce titre doit être confirmée ;

Attendu qu'en procédant à un abattement systématique du montant des salaires servant l'assiette de calcul aux cotisations sociales lors de l'établissement des bulletins de paie de M. [U] et des déclarations URSSAF, la société Numéricable a dissimulé intentionnellement auprès de cet organisme partie de l'activité salariée de l'intéressé ;

Que la demande d'indemnité fondée sur l'article L.8223.1 du code du travail doit être accueillie et la somme de 9 172,26 euros correspondant à six mois de salaire être allouée à M. [U] ;

Sur les frais kilométriques

Attendu qu'aux termes de la lettre d'embauche du 13 février 2006 M. [U] devait 'utiliser pour ses déplacements professionnels, notamment pour visiter la clientèle' son véhicule personnel, en justifiant trimestriellement avoir souscrit une assurance couvrant de façon illimitée sa responsabilité à ce titre ;

Qu'en vertu de l'article 499 de la convention collective des Télécommunications, les déplacements professionnels ne peuvent constituer une charge supplémentaire pour le salarié ou une diminution du salaire ;

Que M. [U] dont l'activité s'exerçait en clientèle sans disposer d'un véhicule de fonctions, a ainsi engagé des frais kilométriques ;

Que la demande calculée sur cette base pour la durée d'emploi est justifiée en ses principe et montant de 3 820 euros (soit 191€ multiplié par 20 mois) ;

Sur la rupture

Attendu sur la validité du licenciement, qu'aux termes de l'article L.227.6 du code du commerce la société par actions simplifiées est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions fixées par les statuts, ceux-ci pouvant prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier ;

Qu'en l'espèce M. [U] se prévaut de la nullité de son licenciement au motif que la lettre de licenciement n'a pas été signée par le président de la SAS mais par une personne ne justifiant pas avoir reçu délégation à cet effet ;

Mais attendu en l'espèce, que le signataire de la lettre de licenciement, Mme [Y] [C], directrice des ressources humaines n'est autre que la signataire, le 13 février 2006, de la lettre d'embauche de M. [U], de l'avenant de rémunération du 1er mars 2007, et de la lettre de rappel adressée au salarié le 30 mars 2007 ;

Que M. [U], certes tiers au contrat de société n'a jamais contesté le pouvoir de Mme [C] d'engager la société et la validité de son contrat de travail pour défaut de délégation de la directrice des ressources humaines, laquelle était à tout le moins délégataire apparente pour l'administration de celles-ci ;

Que le moyen tiré du défaut de publicité des délégations opérées n'est donc pas fondé,

M. [U] exécutant depuis plusieurs mois un contrat de travail à lui consenti par Mme [C] ;

Que la société Numéricable au demeurant produit un acte selon lequel Mme [C] en tant que directrice des ressources humaines avait reçu mandat le 1er septembre 2006 du directeur général de la société M. [L], lui-même délégué avec possibilité de subdélégation du président, M. [K], conformément à l'article 11.4 des statuts donnant à ce dernier cette faculté, pour présider en son absence notamment les réunions des instances sociales de la société, signer tout acte relatif au recrutement au recrutement du personnel et à l'exercice du pouvoir disciplinaire, représenter la société en justice dans les procédures relevant du droit social ;

Que dans ces conditions, le moyen tiré de la nullité du licenciement pour défaut de qualité de la signataire de la lettre de rupture n'est pas fondé, M. [U] n'apportant pas la preuve d'un détournement des pouvoirs du président de la S.A.S. ;

Que les demandes de réintégration et de rattrapage de salaires doivent être rejetées ;

Attendu sur les motifs du licenciement, que la société Numéricable pour fonder l'insuffisance des résultats de M. [U] expose que les vendeurs à domicile de l'entreprise ont tous les mêmes objectifs de vente, c'est à dire la conclusion de contrats de prestation sur le net, qu'il leur est attribué à tous un nombre 'de portes d'habitation' à démarcher identique, que la vente n'est considérée comme conclue et devant donner lieu à commissionnement qu'avec le raccordement donnant lieu à facturation, que les ventes n'aboutissant pas à ce raccordement ne sont qu'artificiellement contractées ;

Qu'elle produit un état des ventes 'raccordées' de M. [U] de décembre 2006 à octobre 2007 ainsi qu'un tableau de la moyenne des résultats des commerciaux d'Ile de France ;

Que cependant l'état des ventes raccordées n'est pas contradictoire ; que la moyenne avancée est présentée sans précision sur le nombre de commerciaux concernés et la nature de leur secteur de la clientèle contactée par chacun ;

Que la grille de rémunération variable détermine un seuil d'ouverture des droits de 35 ventes raccordées par mois pour le raccordement de la télévision et de 45 par mois pour le raccordement combiné de la télévision et d'internet ; que pour autant, aucun élément ne vient déterminer que les conditions de travail et de vente de M. [U] pouvaient lui permettre d'atteindre un tel seuil habituellement ni que l'absence de raccordement, alors que le nombre de ventes brutes est important, soit de son fait ;

Que le nombre de vente invoqué par la société Numéricable dans la lettre de licenciement révèle qu'ont été prises en compte les congés payés, les arrêts maladie, la période creuse des vacances d'été ;

Que la société Numéricable ne produit pas le plan d'action qu'elle dit avoir soumis à

M. [U] ;

Que celui-ci produit pour sa part des mails des 04 et 09 octobre 2007 faisant état des difficultés qu'il rencontrait les semaines avant son licenciement du fait de la concurrence d'un autre vendeur qui le précédait dans ses prospections ;

Que dès le 19 octobre 2007, M. [U] n'a plus continué à démarcher de façon effective comme le révèle son courrier à l'entreprise du 19 octobre 2007 ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments et des circonstances révélées par les dossiers et les débats la cour a la conviction au sens de l'article L.1235.1 du code du travail que le

licenciement pour les motifs articulés dans la lettre de rupture ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. [U] justifie par la production de relevés de situation du Pôle Emploi (Assédic de l'Est Francilien - antenne de Noisy) d'une période de chômage jusqu'en septembre 2008 ;

Que l'indemnisation retenue par les premiers juges au regard des éléments ainsi fournis doit être confirmée ;

Attendu que la demande de documents, compte tenu de l'ensemble des motifs qui précèdent est justifiée ;

Qu'il n'y a pas lieu cependant au regard des circonstances de prononcer une astreinte ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré compétente la juridiction prud'homale sur l'ensemble des demandes,

Condamne la SAS Numéricable à payer à M. [U] la somme de 9 172,26 euros pour travail dissimulé ;

Confirme les autres dispositions du jugement et y ajoutant,

Condamne le SAS Numéricable à payer à M. [U] la somme de 3 820 euros à titre de remboursement de ses frais kilométriques,

Déboute M. [U] de ses demandes de réintégration et de rattrapage salarial,

Condamne la société Numéricable aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. [U] la somme complémentaire de 1 000 euros.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/07031
Date de la décision : 18/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°09/07031 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-18;09.07031 ?
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