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16/04/2010 | FRANCE | N°08/15576

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 16 avril 2010, 08/15576


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 16 AVRIL 2010



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15576



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/00453





APPELANTE



MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

dont le siège est [Adresse 1], pr

ise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité



représentée par Me Jean-Yves CARETO, avoué à la Cour

assistée de Maître BOQUINEAU (SCP NABA), avo...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 16 AVRIL 2010

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15576

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/00453

APPELANTE

MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

représentée par Me Jean-Yves CARETO, avoué à la Cour

assistée de Maître BOQUINEAU (SCP NABA), avocat

INTIMES

S.A. AIR FRANCE

dont le siège est [Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour

assistée de Maître CASTON, avocat

Maître Maître [P] es qualité de liquidateur judiciaire de la Société SERC

dont le siège est [Adresse 5]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Maître Aude GUIZARD (Cab. VATIER), avocat

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES Assureur de SBE représentée par le Président de son Conseil d'Administration

SA dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

Société SMART BUILDING ENGENEERING

dont le siège est [Adresse 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

représentées par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistées de Maître HODÉ, avocat

S.A. AXIMA

dont le siège est [Adresse 7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

représentée par Me Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour

assistée de Maître de BENGY (Cab.LGH), avocat

S.A. AXA FRANCE IARD

dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

SOCOTEC

SA dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

représentées par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour

assistées de Maître DRAGHI-ALONSO, avocat

COMPOSITION DE LA COUR:

Rapport ayant été fait en application de l'article 785 du CPC et,

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur MAZIERES et Monsieur RICHARD, Magistrats chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur MAZIERES, Président

Monsieur RICHARD, Conseiller

Madame THEVENOT, Conseillère, appelée d'une autre chambre pour compléter la Cour

GREFFIER:

lors des débats:

Madame [M] [R]

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur MAZIERES, président et par Madame MONTAGNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Au cours de l'année 2001, la société anonyme AIR FRANCE, maître d'ouvrage, a fait procéder à la rénovation des installations de climatisation au sein de son centre informatique de [Localité 9], qui fonctionne en permanence dès lors qu'y est gérée l'intégralité de la billetterie et des réservations de la compagnie aérienne.

Les travaux comprenaient essentiellement le remplacement de la totalité des réseaux d'eau glacée en galerie technique et de ceux alimentant les salles informatiques du bâtiment 2 et le raccordement de la production frigorifique existante aux différentes sous-stations et aux équipements terminaux, l'ensemble des tuyauteries représentant un linéaire d'environ 4000 mètres.

Sont notamment intervenus aux opérations de construction:

-la société anonyme SMART BUILDING ENGENEERING (SBE), chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre suivant contrat du 12 février 2001, assurée auprès de la Société LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD,

-la société anonyme AXIMA, entrepreneur titulaire du lot 'réseaux d'eau glacée', assurée auprès de la SMABTP,

-la société à responsabilité limitée SERC, sous-traitant de la société AXIMA pour les travaux de calorifugeage des canalisations d'eau glacée et la pose du pare-vapeur enrobant le calorifuge et destiné à la protéger de l'humidité ambiante, suivant marché du 11 septembre 2001, placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Créteil du 12 janvier 2005, assurée auprès de la SMABTP,

-la société anonyme SOCOTEC, contrôleur technique, suivant contrat du 5 juin 2001, investie de missions relatives à la solidité des ouvrages et des existants et à la sécurité des personnes dans les bâtiments tertiaires et industriels, assurée auprès de la société anonyme AXA FRANCE IARD.

Au cours des travaux, alors qu'environ 300 mètres de réseau étaient calorifugés, la société SBE a émis une contestation sur la méthode de pose pratiquée par la société SERC, qui n'avait pas procédé au collage sur les canalisations des coquilles de mousse phénolique utilisées pour l'isolation des tuyauteries du réseau, malgré les dispositions du DTU 67.1.

Les travaux ont été suspendus suivant décision prise lors de la réunion de chantier du 27 novembre 2001; la poursuite des travaux sur le reste du réseau est intervenue le 15 janvier 2002 suivant un nouveau mode opératoire prévoyant l'encollage des coquilles sur la tuyauterie, les travaux déjà réalisés n'étant pas modifiés sauf à réaliser une troisième couche de pare-vapeur.

La réception des travaux a eu lieu le 25 juillet 2002, avec réserves, dont l'une concernait les 300 mètres de réseaux sur lesquels la mousse phénolique n'avait pas été collée.

Par attestations d'assurance délivrée le 22 octobre 2002, la SMABTP a confirmé l'application des garanties, suivant les conditions contractuelles, 'sans soulever d'exception quant à l'interprétation du DTU 67.1 en ce qui concerne en partie les colalges des joints longitudinaux et circonférentiels'.

La réserve a été levée suivant attestation du 15 janvier 2003.

Lors d'une visite en juillet 2003, des traces d'eau ont été constatées sur le pare-vapeur bitumeux noir enrobant le calorifuge. Un sondage a révélé qu'une quantité importante d'humidité était présente dans l'isolant du réseau.

La société AIR FRANCE a donc sollicité en référé la désignation d'un expert aux fins de déterminer l'origine et les causes du désordre et les travaux nécessaires pour y remédier; Monsieur [V] a été désigné en cette qualité suivant ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2003.

Le 28 septembre 2006, l'expert a déposé son rapport.

Par acte des 11,12 et 15 décembre 2003, la société AIR FRANCE a fait assigner la société SBE, les MMA, la société AXIMA, la société SOCOTEC et la SMABTP, en qualité d'assureur des sociétés AXIMA et SOCOTEC, aux fins de voir déclarer les constructeurs responsables des désordres, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale, et de voir condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme provisionnelle d'un million d'euros.

Par acte en date du 24 juin 2004, la société AXIMA et son assureur la SMABTP ont fait assigner la société SERC aux fins de garantie. La jonction entre les instances est intervenue le 29 mars 2007.

Suivant Jugement dont appel du 10 Juillet 2008 le Tribunal de Grande Instance de Paris s'est ainsi prononcé :

'1-Condamne in solidum la société anonyme SMART BUILDING ENGENEERING, la société anonyme AXIMA, la société les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD et la SMABTP, ès-qualités d'assureur de la société anonyme AXIMA et de la société à responsabilité limitée SERC, à payer à la société anonyme AIR FRANCE la somme de 1.434.051 € à titre de dommages-intérêts, avec revalorisation selon les variations de l'indice BT 01 entre le 14 avril 2005 et la date du présent jugement;

2-Dit que dans les rapports respectifs entre co-obligés, les responsabilités seront réparties comme suit:

*80% pour la SARL SERC (SMABTP)

*20% pour la société anonyme AXIMA

*0% pour la société anonyme SMART BUILDING ENGENEERING;

Condamne la société anonyme AXIMA et la SMABTP, ès-qualités d'assureur de la société anonyme AXIMA et de la société à responsabilité limitée SERC, à garantir la société anonyme SMART BUILDING ENGENEERING et son assureur, la société LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, et à se garantir réciproquement de la condamnation ci-dessus prononcée dans les limités susvisées et, pour l'assureur, dans les limites de sa garantie;

Fixe la créance de la société anonyme AXIMA au passif de la société à responsabilité limitée SERC, représentée par son liquidateur Maître [U] [P], à la somme de 1.147.240,80 €, avec revalorisation selon les variations de l'indice BT 01 entre le 14 avril 2005 et la date du présent jugement;

3-Condamne la SMABTP à garantir la société anonyme AXIMA de toutes les condamnations prononcées à son encontre aux termes du présent jugement, dans les limites de ses garanties contractuelles;

4-Condamne in solidum la société AXIMA et la société MUTUELLES D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, ès-qualités d'assureur de la société anonyme AXIMA et de la société à responsabilité limitée SERC, à payer à la société anonyme AIR FRANCE la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne in solidum la société AXIMA et la société MUTUELLES D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, ès-qualités d'assureur de la société anonyme AXIMA et de la société à responsabilité limitée SERC, à payer à la société anonyme SMART BUILDING ENGENEERING et à la société LES MUTUELELS DU MANS ASSURANCES IARD la somme totale de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que ces sommes seront réparties entre les intéressés comme pour les dépens.

Condamne la société anonyme AIR FRANCE à payer à la société anonyme SOCOTEC la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute l'ensemble des parties pour le surplus;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Fait masse des dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

Condamne in solidum la société anonyme AXIMA et la société MUTUELLES D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, ès-qualités d'assureur de la société anonyme AXIMA et de la société à responsabilité limitée SERC à supporter les dépens, partagés entre elles au prorata des responsabilités retenues.'

Vu les dernières écritures des parties

La SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS assureur de AXIMA et de SERC a conclu à l'infirmation du jugement, au débouté de AIR FRANCE notamment pour absence de désordre de nature décennale apparu dans le délai de garantie. Subsidiairement la SMABTP à conclu à sa garantie et à la réformation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause le BET SBE et la SOCOTEC.

La Société AXIMA a conclu à l'infirmation du jugement du fait de l'absence de preuve de la réalité des désordres et subsidiairement au caractère décennal de ceux ci et à l'application de la police SMABTP, plus subsidiairement au débouté d'AIR FRANCE et en tout état de cause à sa garantie par les autres intervenants

Maître [P] es qualité de mandataire judiciaire de la société SERC a conclu à l'infirmation du jugement

La Société SMART BUILDING ENGENEERING (SBE) et la Société MUTUTELLES DU MANS ASSURANCES ont conclu à l'infirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le caractère décennal des désordres et sinon à sa confirmation en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la SBE, subsidiairement à leur garantie intégrale.

La SOCOTEC et AXA son assureur ont conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de SOCOTEC et subsidiairement au rejet de toute demande à leur encontre, plus subsidiairement à garantie intégrale.

La Société AIR FRANCE a conclu à la confirmation du jugement sauf à retenir en outre, tant sur le fondement décennal que contractuel les responsabilités de la société SBE et de la SOCOTEC et la garantie de leurs assureurs.

SUR CE

Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt.

Considérant que les conclusions de M [V] sont les suivantes ' La difficulté du litige réside dans l'appréciation du caractère généralisé des désordres. La pénétration de vapeur dans l'isolant et ses conséquences (corrosion à moyen ou long terme des canalisations notamment ou perte d'efficacité de l'isolation) n'est pas visible à l'oeil nu sauf par des sondages destructifs systématiques, ce qui n'est pas envisageable tenu compte de la longueur du réseau.

Les sondages en nombre effectués laissent cependant un sérieux doute sur la pérennité de l'ouvrage et sa durée de vie.

Notre appréciation de la relation entre le rôle de chaque intervenant et la survenance des désordres est la suivante :

- la présence d'humidité dans l'isolant résulte de défauts d'exécution et à ce titre le rôle de la société SERC est majeur

- On ne peut exclure cependant le rôle de AXIMA d'une part dans son obligation de contrôle de son sous traitant, d'autre part en sa qualité de tuyauteur dans la mesure où, dans de nombreux cas l'espacement entre tuyauteries ne permettait pas à son calorifugeur, la société SERC, une exécution facile et soignée de l'enduit de finition.

Concernant le BET SBE, nous estimons que sa mission a été remplie dans le cadre du chantier lors des vérifications en cours des travaux attirant notamment l'attention sur la non conformité de la première pose du calorifuge. Il est de notre avis que les défauts d'exécution qui ont engendré les désordres ne sont pas forcément visibles, sauf à suivre pas à pas le calorifugeur, ce qui n'est pas du ressort du maître d'oeuvre mais d'un auto-contrôle de l'entreprise.

On peut cependant lui reprocher de ne pas avoir été suffisamment précis dans la rédaction du CCTP, qui reste muet sur le problème d'encollage des coquilles, ce qui aurait évité toute difficulté d'interprétation du DTU et les problèmes rencontrés sur les 300 premiers mètres de tuyauteries.

Concernant SOCOTEC de même que pour le maître d'oeuvre il n'appartient pas à mon avis au Contrôleur technique de suivre pas à pas le calorifugeur pour s'assurer de la bonne exécution.'

Considérant que dans le corps de son rapport M [V] rappelle que '11sondages ont été effectués à différents endroits du réseau le 20 octobre 2003 puis une deuxième série le 1er décembre, le nombre des sondages a été jugé suffisant, notamment par AXIMA, pour avoir une vision suffisante des désordres permettant de mettre en doute la bonne exécution du calorifuge. Il est certain que, tenu compte de la longueur du réseau, certaines portions de tuyauteries peuvent ne pas présenter, actuellement, de désordres, et cela a d'ailleurs été constaté. Cependant le défaut d'encollage et de jointoiement des coquilles autorise la propagation de l'humidité au delà du point même du défaut. Aucune méthode d'investigation fiable ne permet de distinguer les zones saines des zones dégradées.

Ces constatations permettent d'affirmer que le calorifugeage présente des malfaçons:

- défaut de collage continu et au niveau des jointoiements des coquilles de mousse phénolique

- une insuffisance d'épaisseur de l'enduit de finition, voire absence d'enduit, enduite qui constitue la barrière à la migration de vapeur d'eau

- non respect des écartements minimum entre tuyauteries permettant la bonne exécution de la finition de l'enduit.'

Considérant que l'expert poursuit en ces termes ' Il est évident qu'une vérification totale n'est pas envisageable, mais nous considérons que le nombre des sondages effectués contradictoirement est suffisamment révélateur, sans compter les investigations non contradictoires mentionnées dans le rapport de M [J].

Nous estimons de ce fait que la pérennité de l'installation n'est pas garantie. Il est évident que le danger de percement de la tuyauterie par corrosion n'est pas immédiat notamment pour les canalisations de diamètre important; tenu compte de l'épaisseur des parois du tube, bien que l'expérience montre que la vitesse de corrosion est parfois surprenante.

La présence d'eau dans l'isolant est également préjudiciable thermiquement parlant, du fait de la diminution du coefficient d'isolation du complexe, bien que cela reste marginal au niveau de l'exploitation. Mais au delà des garanties légales il n'est pas sans intérêt de rappeler les durées de vie prévisibles de ce type d'ouvrage... de 20 à 30 ans pour les canalisations, vannes, compensateurs, de 15 à 20 ans pour le calorifuge. Tenu compte des observations effectuées on peut raisonnablement penser que la durée de vie du réseau qui nous occupe sera écourtée. Il n'est pas non plus exclu que des percements par corrosion surviennent à moyen ou long terme'

Considérant que dans la suite de son rapport M [V] chiffre le montant des travaux réparatoires.

Considérant que la réception a été prononcée le 25 juillet 2002 avec des réserves qui, en aucun cas ne concernent les désordres apparus, mais clairement la question portant sur le mode de pose des 300 premiers mètres de l'installation, que ces réserves ont été levées au regard de la production de l'attestation de la SMABTP dont l'interprétation est claire : il s'agit d'accorder sa garantie nonobstant les difficultés d'interprétation du DTU 67-1 à propos de ces trois cent mètres, mais sans à l'évidence renoncer aux autres conditions de sa garantie et notamment à celle de l'existence d'un vice caché à la réception.

Considérant que contrairement à ce que soutiennent certaines parties le rapport de M [V] est tout à fait clair et convaincant, les sondages réalisés l'ont été en présence de toutes les parties et c'est avec leur accord qu'ils se sont limités au nombre effectué, ils permettent de conclure à l'existence de malfaçons et non façons parfaitement caractérisées.

Considérant que par contre rien dans les termes, très prudents mais très précis des conclusions et observations de l'expert, plus haut rappelées intégralement, n'autorisent de retenir que les désordres revêtent un caractère décennal.

Considérant qu' à la date du dépôt de son rapport en septembre 2006 M [V] ne constate aucune trace de corrosion, ne peut affirmer que la corrosion aura en effet destructif dans le délai de la garantie décennale, ne conclut à l'existence d'un risque raisonnable de réduction de la pérennité de l'ouvrage qu'en considération de périodes de temps nettement supérieures au délai de garantie de dix ans, constate qu'à l'heure de son examen il n'existe pas de conséquences au niveau de l'exploitation, qu'il n'est pas possible dans ces conditions de conclure ni à une atteinte à la solidité de l'ouvrage ni même à une impropriété à la destination établie dans le délai de garantie.

Considérant que le Tribunal a d'ailleurs fort bien reconnu dans sa motivation, cette situation : '

' Attendu que si les conclusions de Monsieur [V], en ce qu'elles indiquent que 'on peut raisonnablement penser que la durée de vie du réseau qui nous occupe sera écourtée ' et ' qu'il n'est pas non plus exclu que des percements par corrosion surviennent à moyen ou long terme', alors que la durée de vie prévisionnelle de réseaux en galerie technique s'étend de 15 à 30 ans, ne peuvent suffire à établir que le percement se révélera de façon certaine pendant le délai d'épreuve de dix ans et qu'il est de ce fait indemnisable sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, il n'en demeure pas moins que l'expert a conclu que la présence d'eau dans l'isolant est préjudiciable thermiquement parlant, du fait de la diminution du coefficient d'isolation du complexe, bien que cela reste marginal au niveau de l'exploitation.

Considérant que les Premiers Juges ont ensuite cependant conclu au caractère décennal par ces motifs :

'Or, il résulte expressément des dispositions du CCTP, qui a valeur contractuelle entre les parties au marché de travaux, que la rénovation des installations de conditionnement d'air était destinée à ' augmenter la fiabilité technique des installations (essentiellement pour les salles informatiques), optimiser les coûts d'exploitation (maintenance/énergie consommée), améliorer le confort thermique des occupants'.

Bien que n'ayant pas eu, au jour de l'expertise, un caractère généralisé à l'ensemble du réseau d'air glacé, le désordre affecte ce dernier en plusieurs points et migre vers d'autres points; de ce fait, le désordre est suffisamment grave pour que l'ouvrage ne puisse pas répondre à son usage tel que précisé par les parties et ne soit, par conséquent, pas conforme à la destination telle que connue et convenue entre les partie au marché de construction.'

Considérant que l'impropriété à la destination ainsi retenue par référence à l'intention supposée des parties au moment de la conclusion du contrat ne présente pas le caractère d'objectivité nécessaire pour entraîner l'application de la garantie décennale alors que rien n'autorisait, à la date du dépôt du rapport, 4 ans après les faits, de constater que l'ouvrage ne rendait pas effectivement les services de climatisation que l'on en attendait, et que rien dans le rapport n'autorise de conclure que ces services seront certainement et évidemment non remplis dans le délai de garantie.

Considérant que la Cour ne peut que constater, qu'au moment où elle statue, soit près de 8 ans après la réception, aucune information factuelle n'est versée aux débats qui permet de penser qu'une aggravation en rapport avec les malfaçons constatées s'est produite effectivement qui ait eu la moindre incidence sur le fonctionnement de l'installation, 'sa fiabilité, son coût d'exploitation, le confort thermique', qu'il est notable qu'AIR FRANCE a arrêté son argumentation à la date du dépôt du rapport, et ne fournit aucun élément de renseignement à propos du fonctionnement de l'installation depuis septembre 2006, soit depuis près de 4 ans, et alors qu'aucun travaux de reprise n'est indiqué avoir été entrepris.

Considérant que le jugement sera réformé en ce qu'il a reconnu le caractère décennal des désordres avec les conséquences qui s'imposent en ce qui concerne la SMABTP dont les polices garantissent uniquement ses sociétaires - AXIMA et SERC- au titre des dommages présentant un caractère décennal, que de même l'absence de présomption de responsabilité sur le fondement décennal commande d'infirmer la condamnation in solidum de la société SMART BUILDING ENGEENIRING et de son assureur les MUTUELLES DU MANS.

Considérant que subsidiairement la Société AIR FRANCE agit contre SBE, AXIMA et SOCOTEC sur le fondement contractuel, parfaitement recevable dès lors que les réserves émises à la réception ne concernaient aucunement l'ensemble de l'installation mais seulement la question qui avait été soulevée à propos du défaut d'encollage des trois cent premiers mètres de l'installation lesquels ne sont pas en cause dans la mesure où les malfaçons constatées, différentes, concernent tout l'ensemble de l'installation, que les incidents survenus en cours de chantier ou les quelques réserves relatives à un phénomènes de condensation, réglés, n'autorisent nullement de considérer que les malfaçons et non façons retenues par l'expert, qui n'ont pu être révélés que par des sondages destructifs, étaient ou devaient être connus du mâitre de l'ouvrage au moment de la réception.

Considérant que l'expertise ne laisse aucun doute quant à l'existence des manquements aux règles de l'art commis par la société SERC, que sur la question des fautes commises par les intervenants - sauf l'exception ci après développée de la société AXIMA- il n'y a rien à ajouter aux motivations circonstanciées des premiers juges qui s'inspirent des observations et propositions parfaitement détaillées de M [V] rappelées plus haut, l'ensemble répondant précisément aux argumentaires respectifs des parties, tels qu'à nouveau développés devant la Cour, qu'ainsi il n'y a pas lieu de modifier la décision du Tribunal en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SERC, mis hors de cause la SOCOTEC, et rejeté toute responsabilité imputable à la société SBE, que seule demeure contestable à ce niveau la décision du Tribunal de retenir la responsabilité d'AXIMA à hauteur de 20%.

Considérant que l'obligation de contrôle de l'entreprise générale, pas plus que celle du maître d'oeuvre, ne va nullement jusqu'à un suivi pas à pas de l'entreprise sous-traitante, notamment lorsque, comme en l'espèce, elle est réputée compétente dans sa spécialité, et que l'expertise a démontré que les malfaçons ou non façons n'étaient pas visibles une fois le calorifugeage effectué, que d'autre part le fait, relevé par l'expert, que l'écartement des tuyauteries a rendu délicate l'opération de calorifugeage, apparaît insuffisamment caractérisé pour considérer comme établie une relation de causalité certaine et directe avec les malfaçons, alors qu'il ne résulte aucunement de l'expertise et des comptes rendus de chantier que le défaut d'écartement incriminé devait nécessairement avoir pour résultat une impossibilité de calorifuger, que la condamnation de la société AXIMA, qui plus est in solidum avec la société SERC, ne peut résulter du seul constat de la gêne apportée, que le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré comme parfaitement rapportée la preuve d'une faute de la Société AXIMA en lien de causalité directe avec les malfaçons constatées.

Considérant qu'il n'y a à l'évidence pas lieu à la fixation d'une créance de la société AXIMA sur la liquidation judiciaire de la société SERC.

Considérant qu' AIR FRANCE n'ayant pas demandé la fixation de sa créance à la liquidation de la société SERC et les désordres n'étant pas qualifiés de décennaux la SMABTP assureur de SERC se trouvant dès lors mise hors de cause, les demandes D'AIR FRANCE ne peuvent qu'être rejetées dans leur totalité.

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties, tant en première instance qu'en appel, la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

REFORME LE JUGEMENT entrepris.

STATUE A NOUVEAU,

DEBOUTE la société AIR FRANCE de ses demandes.

REJETTE toute autres demandes des parties.

CONDAMNE la société AIR FRANCE aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et d'appel avec distraction au profit des avoués de la cause.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/15576
Date de la décision : 16/04/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°08/15576 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-16;08.15576 ?
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