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15/04/2010 | FRANCE | N°08/10686

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 15 avril 2010, 08/10686


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 15 AVRIL 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10686





Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 22 janvier 2008 emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (7ème Chambre section A) le 19 septembre 2006 rendu après un arrêt de la Cour de cassation pronon

cé le 29 avril 2003 emportant cassation totale d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 5 octobre 2000, sur appels joints de deux jugements rendu...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 15 AVRIL 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10686

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 22 janvier 2008 emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (7ème Chambre section A) le 19 septembre 2006 rendu après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 29 avril 2003 emportant cassation totale d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 5 octobre 2000, sur appels joints de deux jugements rendus les 2 avril 1997 et 30 mars 1994 par le Tribunal de commerce de Versailles,

DEMANDEURS A LA SAISINE

SARL de FOURVOIRIE

ayant son siège : [Adresse 5]

représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assistée de Me Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE,

Maître [G] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SARL ENTREPRISE [S]

demeurant : [Adresse 1]

représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE,

Maître [C] en qualité de représentant des créanciers de la SARL ENTREPRISE [S]

demeurant : [Adresse 2]

représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE,

DÉFENDEURS A LA SAISINE

SA ENGRENAGES ET REDUCTEURS CITROEN MESSIAN DURAND prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège : [Adresse 3],

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Luc GRELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : R259,

Compagnie ALLIANZ GLOBAL CORPORATE SPECIALITY venant aux droits de la compagnie AGF SA

ayant son siège : [Adresse 6]

[Localité 4],

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Me Sandra BARBOSA plaidant pour la SCP DELORMEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A 314,

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Colette PERRIN, Président et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant contrat en date du 25 janvier 1989 la société [S] a passé commande auprès de la société Engrenages et réducteurs Citroën Messian Durand (CMD) d'un ensemble hydraulique composé de quatre turbines moyennant le prix de 293 159,46 € TTC ;

Le 17 avril 1989 la SNC de Fourvoirie a été constituée pour exploiter cette centrale ;

Des essais devaient être effectués entre le 1er et le 30 octobre 1989 avec réception au plus tard le 1er novembre 1989 ;

La société de Fourvoirie s'est plaint de la défectuosité des turbines et a saisi le tribunal de commerce qui a ordonnée une expertise, désignant M. [U] ;

Par acte du 17 juillet 1992, la société de Fourvoirie a assigné la société CMD en résolution de la vente ; la société CMD a appelé en garantie son assureur la société AGF ;

Au fond, et après jugement avant dire droit du 30 mars 1994, ordonnant une nouvelle expertise confiée à M.[R], par jugement du 2 avril 1997, le tribunal de commerce de Versailles a :

- entériné les rapports d'expertise,

- prononcé la résolution de la vente aux torts et griefs de la société CMD,

- condamné la société CMD à rembourser à la SNC de Fourvoirie 429 112 F TTC,

- condamné la société CMD à lui verser la somme de 1 900 000 F à titre de dommages et intérêts pour les préjudices nés sur la période prenant fin au 31/12/1995,

- débouté la SNC de Fourvoirie de sa demande pour la période postérieure au 31/12/1995,

- autorisé la SNC de Fourvoirie à conserver la turbine encore en état de fonctionnement au plus tard jusqu'au 30 juin 1998 moyennant paiement d'une indemnité mensuelle d'immobilisation de 10000 F HT ;

A la suite de l'appel interjeté par la SNC de Fourvoirie, par arrêt en date du 5 octobre 2000, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement du 30 mars 1994,

- confirmé le jugement du 2 avril 1997 en ce qu'il a :

homologué les rapports d'expertise et retenu un manque de fiabilité intrinsèque des équipements ainsi qu'un déficit de rendement par rapport aux garanties contractuelles,

condamné la société CMD à payer à la SNC les sommes de 1 900 000 F à titre de dommages et intérêts et de 100 000 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la SNC de sa demande de dommages et intérêts au titre de la période postérieure au 31 décembre 1995,

et réformé pour le surplus :

donné acte à la SNC de sa renonciation à son action en résolution de la vente et de sa décision de conserver les équipements litigieux après les réparations et adaptations auxquelles elle a fait procéder,

dit la SNC fondée à obtenir en sus de dommages et intérêts le remboursement des travaux correspondants et condamné la société CMD à lui payer la somme de 646 165 FHT,

condamné la SNC à payer à la société CMD le solde du prix des équipements soit la somme de 1 037 006F avec intérêts à compter de l'arrêt,

sursis à statuer sur la garantie de la société AGF jusqu'à l'issue de l'instance pendante devant le tribunal de commerce,

condamné la société CMD à payer à la SNC une indemnité supplémentaire de 30 000 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le 29 avril 2003, la cour cassation a prononcé la cassation totale et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;

Parallèlement, par acte du 25 septembre 1996, la société CMD a assigné en garantie son assureur, la société AGF ;

Par jugement du 22 mars 2002, le tribunal a déclaré la demande de la société CMD prescrite ;

La société CMD a interjeté appel de ce jugement et le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Paris ; par ordonnance du 5 juin 2006, les deux procédures ont été jointes ;

Par arrêt du 19 septembre 2006 la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement du 30 mars 1994,

- réformé le jugement du 2 avril 1997,

- constaté l'abandon par la SNC de Fourvoirie de sa demande en résolution du contrat de vente,

- déclaré la CMD responsable des désordres,

- infirmé le jugement du 22 mars 2002

- dit la société AGF tenue de garantir la société CMD des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice immatériel de la SNC de Fourvoirie,

- accueilli la SNC en son action directe à l'encontre de la société AGF,

- condamné un solidum la société CMD et la société AGF à payer à la société de Fourvoirie, au titre de la perte de son chiffre d'affaires, les sommes de 384 859,30 euros pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1996 et de 110 390 euros pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 et de 17 144,80 euros pour la période du 1er janvier 1997 au 2 avril 1997 condamné la SNC de Fourvoirie à payer à la société Engrenages et Réducteurs Citroën Messian Durand la somme de 158 090 euros au titre du solde du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1998,

- condamné la société CMD à payer à la société de Fourvoirie la somme de

15 0000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Par arrêt en date du 22 janvier 2008, la Cour de cassation a prononcé la cassation de l'arrêt mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum la société Engrenages et Réducteurs Citroën Messian Durand et la société AGF à payer à la société de Fourvoirie au titre de la perte de son chiffre d'affaires les sommes de 384 859,30 euros pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1996, de 110 390 euros pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 et de 17 144,80 euros pour la période du 1er janvier 1997 au 2 avril 1997, condamné la SNC de Fourvoirie à payer à la société Engrenages et Réducteurs Citroën Messian Durand la somme de 158 090 euros au titre du solde du prix de vente avec intérêts au taux légal à compte du 15 décembre 1998 et débouté la société de Fourvoirie du surplus de ses demandes ; elle a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

LA COUR

Vu la déclaration de saisine déposée le 21 mai 2008,

Vu les conclusions signifiées le 17 février 2010 par lesquelles la SNC de Fourvoirie conclut que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a autorité de la chose jugée, sauf en ce qui concerne sa demande en réfaction de prix et en ce qu'il a condamné in solidum la compagnie AGF à régler avec la société CMD les préjudices mis à sa charge, sans tenir compte des termes et limites de la police d'assurance souscrite notamment l'application de la franchise et demande à la cour :

- de fixer à 314 065,45 € le montant de la réfaction du prix applicable au prix de vente de l'installation défectueuse,

- en conséquence de fixer à 36 355,26 € le prix du contrat révisé vu l'acompte versé de 173 791,87 €,

- subsidiairement de dire que la société CMD est au mieux fondée à réclamer paiement du solde du prix au plus tôt à compter du 5 octobre 2000,

- de condamner la société CMD au paiement :

- de la somme de 384 853,42 € en réparation du préjudice résultant de la perte du chiffre d'affaires au 31 décembre 1995,

- de la somme de 133 128,32 € TTC en réparation du préjudice résultant de la perte du chiffre d'affaires du 1er janvier au 31 décembre 1996,

- de la somme de 133 128, 32 € TTC en réparation du préjudice résultant de la perte du chiffre d'affaires du 1er janvier au 31 décembre 1997,

- de la somme de 66 654,16 € TTC en réparation du préjudice résultant de la perte du chiffre d'affaires du 1er janvier au 30 juin 1998,

au profit de la SNC Fourvoirie à défaut de la SARL [S],

- de commettre M.[R] afin de déterminer le préjudice résultant de la perte du chiffre d'affaires du 1er janvier 1996 au 30 juin 1998 , outre le préjudice résultant du surcoût de frais financiers,

- de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a fixé le préjudice résultant des frais financiers induits par la perte de chiffre d'affaires à 57 625,72€ ( 378 000F) outre 29 117,76.€ ( 191 000F) représentant les coûts d'intervention des sociétés AIF et [X] [H],

- de condamner CMD à lui régler la somme de 833 849,09 € correspondant à la perte de chiffre d'affaires attendu sur les trois années à venir,

- de condamner in solidum la société AGF au paiement de l'ensemble des demandes, fins conclusions et prétentions indemnitaires dirigées contre CMD dans les termes et limites de la franchise contractuelle prévue au contrat d'assurance,

- de condamner CMD à lui régler la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 17 février 2010 par lesquelles la société CMD conclut à ce qu'il soit statué sur les demandes de la société de Fourvoirie de 1 676 € au titre des factures de l'AIF et 27 440 € de [X] [H], et demande à la cour de constater que la société de Fourvoirie ne demande pas la condamnation de CMD au paiement du coût de la remise en état des turbines qu'elle a effectuée en 1997 et 1998,

de réformer le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 2 avril 1997 et de débouter la société de Fourvoirie de sa demande de réfaction du prix de vente des turbines,

de confirmer le jugement en ce qu'il a limité la perte d'exploitation de la société de Fourvoirie au 31 décembre 1995 à la somme de 202 452 €, et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de condamnation de la CMD au titre de ses pertes d'exploitation à compter du 1er janvier 1996,

de débouter la société de Fourvoirie de ses demandes au titre des pertes de chiffre d'affaires sur les 13 années restant à courir et de sa demande au titre des frais financiers,

de condamner la société de Fourvoirie à lui payer la somme de 158 090 € avec intérêts de droit à compter du 14 mars 1990,

de donner acte à la compagnie Allianz Global Corporate Speciality venant aux droits des AGF de ce qu'elle ne soutient plus que la demande en garantie de CMD serait prescrite et serait irrecevable en vertu de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 septembre 2006,

de déclarer inopposable à CMD la clause d'exclusion C3 du chapitre V des conditions particulières de la police AGF,

de condamner la compagnie Allianz Global Corporate Speciality à garantir la société CMD de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société de Fourvoirie et /ou de la SARL [S] notamment au titre de la réfaction du prix de vente et sous déduction de la franchise applicable,

de condamner in solidum la compagnie Allianz Global Corporate Speciality, la société de Fourvoirie et la SARL [S] à lui verser la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 10 février 2010 par lesquelles la compagnie Allianz Global Corporaty Speciality France(AGCS), venant aux droits de la compagnie AGF, demande à la cour de dire que le préjudice subi par la société de Fourvoirie est définitivement fixé, de constater que le litige soumis à la cour est exclusivement limité au montant de la réfaction du prix de vente auquel la société de Fourvoirie peut prétendre et aux limites de la garantie de la société AGF,

de dire que la police d'assurance ne garantit pas la réfaction du prix, que la compagnie AGCS n'est pas tenue à garantir la société CMD des conséquences de la réfaction du prix de vente, de condamner in solidum CMD et la société de Fourvoirie à payer à la compagnie AGCS la somme de 76 267 € au titre de la franchise avec intérêts à compter du 12 décembre 2006 et capitalisation, à titre subsidiaire de dire que les conséquences de la réfaction sont exclues de la police, de débouter CMD et la société de Fourvoirie de l'ensemble de leurs demandes, de condamner in solidum CMD et la société de Fourvoirie à payer à la compagnie AGCS la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner in solidum CMD, la société de Fourvoirie, la SARL [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise ;

SUR CE

SUR LA PORTÉE DE LA CASSATION

Considérant que par l'effet de la cassation partielle, subsistent les dispositions du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de 19 septembre 2006 en ce qu'il :

- confirme le jugement du 30 mars 1994, (jugement avant dire droit ordonnant une expertise),

- réforme le jugement du 2 avril 1997,

- constate l'abandon par la SNC de Fourvoirie de sa demande en résolution du contrat de vente,

- déclare la CMD responsable des désordres,

- infirme le jugement du 22 mars 2002 (constatant la prescription de l'appel en garantie D'AGCS par CMD),

- dit la société AGF tenue de garantir la société CMD des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice immatériel de la SNC de Fourvoirie ;

Considérant que par l'effet de l'annulation du chef du dispositif comportant l'évaluation le montant des préjudices( 384 859,30 €, 110 390 € et 17 144,80 € pour la période comprise entre le 1er janvier 1990 et le 2 avril 1997), la cause et les parties ont été remises de ce chef tout entier dans le même état où elles se trouvaient avant l'arrêt déféré ;

SUR LES DEMANDES DE LA SOCIETE DE FOURVOIRIE :

Considérant qu'à la suite de la cassation totale de l'arrêt rendu le 5 octobre 2000 par la cour d'appel de Versailles et la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 septembre 2006, les parties sont partiellement dans l'état où elles se trouvaient après le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 2 avril 1997 sauf en ce que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 octobre 2006 a autorité de la chose jugée en qu'il a été donné acte par la SNC de Fourvoirie de l'abandon de sa demande en résolution de la vente et en ce que la CMD a été déclarée responsable des désordres ;

Considérant que la cour de céans est saisie dès lors d'une part de la réfaction du prix de vente, d'autre part de la fixation des dommages intérêts au titre des désordres ;

Sur la demande en réfaction du prix de vente :

Considérant que la société de Fourvoirie fait valoir que, si les non conformités affectant l'installation livrée par CMD ont justifié par leur importance et leur gravité la résolution du contrat, elle a dû renoncer à cette option par suite des obstructions de CMD, de l'abandon par cette dernière de la fabrication de groupes de turbines elle ajoute qu'elle a été contrainte de réaliser des travaux, sans pour autant procéder à une conformité identitaire de l'installation avec celle prévue; qu'elle évalue à 314 065,45 euros le montant total des coûts à prendre en considération selon le détail suivant :

- travaux de remises en marche des turbines pour un montant de 118 799,70 € pour les trois turbines,

- perte découlant des insuffisances de rendement, fixée à 30% par les experts,

- frais découlant de la destruction des turbines lors des essais, de la modification décidée unilatéralement par la société CMD de certains éléments constitutifs des groupes turbines ce qui l'a obligée à procéder à des graissages hebdomadaires ainsi qu'à des arrêts fréquents pour procéder à l'enlèvement des graisses solidifiées et a généré un préjudice estimé à la somme de 30 000 €,

- coût des interventions d'entreprises tierces, notamment pour des opérations de levage en accompagnement des travaux de remise, soit un montant de 73 887,81€ ;

Considérant que la SNC de Fourvoirie a communiqué le 4 mai 1999 des factures de remise en état des turbines 1, 2 et 3 effectuée en 1997 et 1998 pour un montant global de 118 799,70 € TTC dont elle ne demande pas le paiement mais leur prise en compte au titre de la réfaction du prix de vente ; que CMD fait valoir que ces interventions ont été décidées par la SNC sans qu'elle ne soit invitée à constater l'état des turbines, et sans qu'il soit possible, à défaut d'expertise, de déterminer s'il s'est agit de remédier à un défaut de conformité ou de travaux d'entretien ;

Considérant que l'action en réduction de prix en raison de la moindre valeur de la chose reçue au regard de celle livrée a un objet distinct de celle tendant à l'allocation de dommages et intérêts réparant les conséquences dommageables de la non conformité de la chose vendue ;

Considérant qu'il est établi que dès la mise en place des turbines, la SNC de Fourvoirie s'est trouvée confrontée à des dysfonctionnements (incidents de paliers,vibrations) nécessitant le retour des matériels en usine durant le premier trimestre 1990 au cours duquel le système de lubrification à huile contractuellement prévu a été remplacé par un système d'utilisation de graisses classiques, malgré l'opposition de la SNC de Fourvoirie en raison des contraintes devant en résulter, et par un nouveau système de roulements pour au moins deux turbines ;

Considérant que, malgré cette opération, l'expert M. [R] a conclu que les turbines avaient un rendement inférieur au rendement contractuellement prévu, celui-ci observant que l'installation 'n'a jamais permis d'obtenir les valeurs de puissance définies contractuellement quand les trois turbines sont en fonctionnement' ;

Considérant qu'outre ce défaut de rendement permanent, les experts ont relevé des défaillances techniques récurrentes qui n'ont cessé d'augmenter dans le temps ; que par un rapport d'expertise complémentaire déposé le 28 janvier 1997, l'expert a dressé un tableau récapitulatif des jours d'arrêt pour cause mécanique (211 en 1990, 27 en 1991, 154 en 1992, 451 en 1994-1995, 570 en 1996-1997) ;

Considérant que les factures versées pour des travaux réalisés sur les turbines en 1997 et 1998 mettent en évidence, la réalisation de travaux autres que ceux découlant d'un simple entretien (changement des roulements , modification de la pivoterie) et ne font que conforter les conclusions antérieures des experts sur la persistance des défaillances techniques ;

Mais considérant que les demandes chiffrées de la SNC de Fourvoirie, à l'exception de celle de défaut de rendement , correspondent aux conséquences des défaillances relevées par les experts ; que dès lors, même si celle-ci n'en demande pas paiement au titre de son préjudice matériel, elles ne peuvent donner lieu à une diminution correspondante du prix de vente, la réfaction du prix était destinée à réduire le prix en raison de la moindre valeur de la chose reçue au regard de celle commandée et livrée ; que ces données confortent les conclusions des deux experts et renseignent la cour sur les défauts de la marchandise livrée ;

Considérant que la cour , au vu des expertises effectuées et des pièces fournies, constate que CMD a été dès l'origine défaillante dans son obligation de délivrance conforme en raison de défauts mécaniques et d'une conception telle que le fonctionnement parallèle des trois turbines faisait obstacle à l'obtention du rendement prévu au contrat ; que la prétention de la SNC en réfaction du prix sera accueillie, la cour compte tenu des éléments en sa possession fixera le montant de la réfaction à la somme de 100 000 € ;

Considérant que le prix de vente 293 159,46 € HT soit 350 618,71 € TTC compte tenu de la réfaction du prix s'élevant à 100 000 € , ressort à 250 618,71 € ; que la société de Fourvoirie ayant versé un acompte de 173 791,87 €, la somme restant à verser sera de 76 826,84 € ;

sur les demandes en dommages et intérêts :

- Au titre de la période arrêtée au 31/12/1995 :

Considérant que la responsabilité de la société CMD au titre des désordres présentés par les turbines jugé par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 19 septembre 2006 a été irrévocablement tranchée, la cassation remettant la cause et les parties dans la situation antérieure en ce qui concerne l'appréciation du montant des préjudices en résultant ;

Considérant que par jugement du 2 avril 1997, le tribunal de commerce de Versailles a :

- entériné les rapports d'expertise,

- condamné la société CMD à verser à la SNC la somme de 1 900 000 F à titre de dommages et intérêts pour les préjudices nés sur la période prenant fin au 31/12/1995,

- débouté la SNC de Fourvoirie de sa demande pour la période postérieure au 31/12/1995 ;

Que le jugement a retenu la somme de 1 900 000 F arrêtée au 31/12/1995 se décomposant de la manière suivante :

- une perte de chiffre d'affaires de 1 328 000 F

- des frais financiers induits de 378 000 F

- le coût de l'intervention AIF et des frais facturés par [X] [H] 191 000 F ;

Considérant qu'au titre de la perte de chiffre d'affaires, la SNC de Fourvoirie demande à la cour de fixer son préjudice à la somme retenue par l'expert [R] soit 384 853,30 € (2 524 473 F) ;

Considérant que les premiers juges ont repris le chiffre de l'expert mais ont procédé à des abattements déjà pris en compte ou injustifiés ;

Considérant que l'expert a réalisé une étude précise et approfondie des pertes de chiffre d'affaires de la SNC de Fourvoirie pour la période arrêtée au 31/12/1995, a pris en compte la production théoriquement attendue et celle réellement obtenue, a procédé à un abattement pour tenir compte des aléas normaux d'une exploitation, tout particulièrement en l'espèce au cours des mois d'octobre et de novembre ; qu'il y a lieu de réformer la décision des premiers juges et d'allouer à la SNC de Fourvoirie la somme de 384 853,43 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de son chiffre d'affaires sur la période prenant fin au 31/12/1995 ;

Considérant que, devant les premiers juges la SNC de Fourvoirie a versé une note de son expert comptable évaluant les frais financiers induits par la perte de chiffre d'affaires précitée à la somme de 1 163 607 F, somme retenue par l'expert ; que si la SNC de Fourvoirie expose devant la cour avoir réglé des intérêts de retard à la société Soferbail et des intérêts de la dette contractée auprès de la société mère entreprise [S] pour pallier l'insuffisance de production, elle n'en justifie pas plus que devant les premiers juges ; considérant que c'est à juste tire que le tribunal a retenu comme mesure de ce préjudice le coût du financement des déficits mensuels de chiffre d'affaire, calculé en intérêts simples sur la base du taux légal et par une appréciation exacte a fixé ce chef de préjudice à 57 625 € (378 000 F) ;

Considérant que s'agissant du coût des interventions AIF (1676 €) et [X] [H] (27 440 €) induites par les défaillances des turbines, retenu par l'expert et par les premiers juges, la CMD ne formule aucune observation, qu'il y a lieu de confirmer leur prise en compte ;

Considérant qu'il s'ensuit que le préjudice de la SNC de Fourvoirie arrêtée au 31 décembre 1995 s'élève à 471 594,43 € (384 853,43 € + 57 625 € + 27440 € + 1676 €) ;

- au titre de la période postérieure au 31/12/1995 :

Considérant que la SNC de Fourvoirie chiffre son préjudice au titre de la perte de chiffre d'affaire à la somme de :

133 128,32 € pour 1996 133 128,32 € pour 1997

66 564,16 € pour 6 mois en 1998

tout en demandant à la cour de confier une nouvelle expertise à l'expert [R] pour l'évaluer ainsi que les frais financiers en découlant ;

Considérant que la SNC de Fourvoirie fait valoir que jusqu'au dépôt du dernier rapport le 28 janvier 1997 par l'expert, elle a été dans l'impossibilité d'intervenir pour procéder sans l'accord de CMD à des travaux de nature à remédier aux désordres et non conformité affectant l'installation ; que c'est au plus tôt à la date du 2 avril 1997, date du jugement du tribunal de commerce de Versailles prononçant la résolution du contrat que la SNC de Fourvoirie aurait pu prendre le risque de remplacement des trois groupes turbines ; que toutefois ce remplacement nécessitait des délais de fabrication d'une année et demi, le tribunal de commerce de Versailles l'ayant autorisée pour cette raison à conserver l'installation jusqu'au 30 juin 1998 ;

Considérant que la SNC s'est heurtée à des difficultés majeures pour déterminer la conduite à tenir en raison notamment des obstacles liés au comportement de CMD en l'obligeant à rechercher seule des solutions et l'a amenée finalement à opter pour la réfaction du prix ;

Considérant qu'en 1996, deux des turbines étaient hors d'état de fonctionnement ce qu'a constaté par l'expert dans son rapport complémentaire pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 ; que de plus selon procès verbal de constat en date du 6 octobre 2007, l'huissier mentionnait que le technicien de la société Desgranges 'opérant actuellement la réfection de la turbine 3' lui présente des pièces provenant de cette turbine présentant des dégâts ;

Qu'au regard de ces éléments qui démontrent la persistance des défaillances et l'impossibilité pour la SNC d'y remédier efficacement et durablement, il y a lieu de retenir la date du 30 juin 1998 pour arrêter son préjudice ;

Considérant que la SNC justifie de manière claire et précise par un tableau détaillé reprenant le fonctionnement des turbines de 1990 à 2006 ses pertes en termes de chiffre d'affaires ; qu'il y a lieu de rejeter sa demande de nouvelle expertise étant observé qu'elle était parfaitement en mesure de chiffrer son surcoût financier, la cour faisant droit à ses demandes au titre de sa perte de chiffre d'affaires et lui allouant les sommes de 133 128,32 € pour 1996,de 133 128,32 € pour 1997 et de 66 564,16 € pour 6 mois en 1998 ;

- au titre d'un préjudice futur

Considérant que la SNC de Fourvoirie demande à la cour une réparation de son préjudice in futurum, estimant qu'il s'établirait à 64 142,23 € par an soit 833 849,09 € sur 13 ans, au regard de l'estimation des premiers juges sur la durée de vie moyenne d'une turbine à 23 ans dès lorsque malgré les travaux entrepris , aucun remède n'a été apporté au manque de rendement et de performance de l'installation ;

Mais considérant que la SNC expose avoir engagé des dépenses courant 1998 et 1999 pour la remise en marche des groupes turbines et qu'elle ne justifie pas d'une persistance des désordres postérieurement à ces travaux et dès lors d'un préjudice futur ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;

SUR LA DEMANDE D'INTÉRETS DE CMD

Considérant que la CMD demande à la cour de fixer les intérêts sur le solde du prix de vente, à compter du 14 mars 1990, date de la mise en demeure adressée à de Fourvoirie ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à sa demande à ce titre ;

SUR LA DEMANDE DE CONDAMNATION IN SOLIDUM DE LA SOCIÉTÉ CMD ET DE LA COMPAGNIE AGF

Considérant que par suite de la cassation, la condamnation de la société AGF devenue AGCS à garantir la société CMD des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice immatériel de la SNC a autorité de la chose jugée ;

Que la compagnie AGCS est recevable à s'opposer à la demande de garantie intégrale présentée par CMD ;

Considérant que la société CMD et la SNC de Fourvoirie reconnaissent expressément dans leur conclusions que le montant de la franchise contractuellement prévue est fixée à 10% du montant du sinistre avec un minimum de 200 0000 francs soit 30 490 € et un maximum de 500 000francs soit 76 267 € ; qu'il y a lieu de faire application de cette limitation contractuelle ;

Considérant que la compagnie AGCS ayant exécuté l'arrêt de la cour d'appel de Paris sans procéder à la déduction de sa franchise, le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restituer des sommes versées au titre de l'exécution de la décision, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de restitution ;

Considérant au surplus que la compagnie AGCS conteste devoir sa garantie au titre de la réfaction du prix de vente ;

Considérant que l'objet de la police d'assurance souscrite par CMD 'a pour objet de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber... en raison de dommages causés aux tiers et imputables aux activités garanties au titre du présent contrat' ;

Considérant que l'action en réfaction est une action distincte de l'action en responsabilité ; que l'objet de la police d'assurance souscrite par CMD n'est pas de garantir l'exécution d'un contrat de vente et les obligations stipulées entre les parties dont le prix ;

Considérant qu'il s'ensuit que la compagnie AGCS ne peut être tenue de garantir les conséquences de la réfaction du prix de vente ;

Considérant que la SNC de Fourvoirie a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a donc lieu de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter les demandes présentées par CMD et AGCS à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Dit que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19/09/2006 a autorité de la chose jugée en ce qu'il :- constate l'abandon par la SNC de Fourvoirie de sa demande en résolution du contrat de vente,

- déclare la CMD responsable des désordres,

- infirme le jugement du 22 mars 2002,

- dit la société AGF tenue de garantir la société CMD des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice immatériel de la SNC de Fourvoirie,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la SNC de Fourvoirie une somme de 57 625,72 € au titre des frais financiers induits par la perte de chiffre d'affaires au 31 décembre 1995 et la somme de 29 117,76 € au titre du coût des interventions des sociétés AIF et [X] [H],

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 100 000 € le montant de la réfaction à appliquer au prix de vente des turbines défectueuses vendues à la SNC de Fourvoirie,

Fixe en conséquence le prix du contrat révisé à la somme de 250 618,71€TTC,

Condamne la SNC de Fourvoirie à payer à CMD la somme de 76 826,84 €, avec intérêts de droit à compter du 14 mars 1990 au titre du solde du prix,

Donne acte à la compagnie Allianz Global Corporate Speciality venant aux droits d'AGF de ce qu'elle ne soutient plus que la demande en garantie de la société CMD serait prescrite,

Dit que la police d'assurance ne garantit pas la réfaction du prix de vente,

Dit que la compagnie AGCS n'est pas tenue à garantir CMD des conséquences de la réfaction du prix de vente,

Condamne in solidum la société CMD et la société AGCF à payer à la SNC de Fourvoirie:- la somme de 384 853,43 € TTC en réparation de la perte de son chiffre d'affaires pour la période arrêtée au 31 décembre 1995,

- la somme de 133 128,32 € TTC en réparation de la perte de son chiffre d'affaires pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996,

- la somme de 133 128,32 € TTC en réparation de la perte de son chiffre d'affaires pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997,

- la somme de 66 564,16 € TTC en réparation de la perte de son chiffre d'affaires pour la période du 1er janvier1998 au 30 juin 1998, sous déduction de la franchise applicable,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société CMDà payer à la SNC de Fourvoirie la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes de la société CMD et de la compagnie AGCS de ce chef,

Condamne la société CMD et la société AGCS solidairement aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A. BOISNARD

Le Président

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/10686
Date de la décision : 15/04/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°08/10686 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-15;08.10686 ?
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