Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 14 AVRIL 2010
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/05519.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 8ème Chambre 1ère Section - RG n° 04/06778.
APPELANTE :
S.A.S. ESPACES ROMEO GUERIN
prise en la personne de son Président,
ayant son siège social [Adresse 2],
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître Francis MARTIN de la SCP SABBAH MARTIN BUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P 466.
INTIMÉ :
Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]
représenté par son syndic, la SAS IMMO DE FRANCE, nouvelle dénomination de la Société ICADE ADB, ayant son siège social [Adresse 3], elle-même prise en la personne de son Président,
représenté par Maître Pascale BETTINGER, avoué à la Cour,
assisté de Maître Pierre HENRI, avocat au barreau de PARIS, toque : C 923.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur DUSSARD, président,
Madame RAVANEL, conseiller,
Madame BOULANGER, conseiller.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur DUSSARD, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
Par déclaration du 26 février 2009, la Société Espaces ROMEO GUERIN, plus loin ERG, a appelé d'un jugement contradictoire rendu le 27 janvier 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris, 8ème Chambre, 1ère Section, qui :
- déclare irrecevables les demandes en annulation de la clause du règlement de copropriété sur la prise en charge de la surprime d'assurance et en remboursement des surprimes d'assurance dont elle s'est acquittée, formées par la société précitée,
- reçoit ladite société en sa demande de dommages et intérêts mais l'en déboute,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamne la société Espaces ROMEO GUERIN à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamne aux dépens en ce compris les frais de l'expertise de Madame [U]-[F], recouvrables conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité a constitué avoué.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments, la Cour fait référence expresse à la décision déférée à sa censure et aux conclusions d'appel dont les dernières ont été signifiées dans l'intérêt :
- de la Société Espaces ROMEO GUERIN, copropriétaire exploitant dans ses lots une activité commerciale de fabrication stockage et vente de meubles meublants, le 26 janvier 2010,
- du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], le 26 janvier 2010.
Il sera seulement rappelé ce qui suit :
L'instance ayant abouti au jugement entrepris avait été introduite par le syndicat des copropriétaires intentant une action en paiement de charges représentées notamment par la surprime d'assurance police multi-risques de l'immeuble couvrant la période allant du 1er avril 2002 au 31 mars 2003 qu'il dit liée à l'activité professionnelle et commerciale exercée par la Société Espaces ROMEO GUERIN dans ses lots de copropriété.
Ce copropriétaires a soulevé la nullité de la clause du règlement de copropriété mettant à sa charge la surprime d'assurance et demandé la restitution des sommes qu'il a payées à ce titre.
Cette clause insérée sous le titre 'Droits et Obligations des propriétaires des lots numéros 11-12-24 et 25" est libellée comme suit :
'(. . .)
5°- Au cas où le commerce ou l'industrie entraînerait une surprime d'assurance pour les copropriétaires, celle-ci serait supportée par les propriétaires des lots numéros 11, 12, 24 et 25.
(. . .)'.
Il est précisé que ces lots sont la propriété de la société intimée.
Les lots 11 et 12 dépendant du bâtiment A consistent en un entrepôt en sous-sol (11) et en un local à usage de boutique au rez-de-chaussée (12).
Les lots 24 (entrepôt au sous-sol avec rampe d'accès voiture) et 25 (grand entrepôt, bureau et quai de chargement) constituent l'intégralité du bâtiment B.
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR,
' Sur les demandes de nullité de la clause du règlement de copropriété sur la surprime d'assurances et de remboursement des surprimes payées pendant des années :
A - RECEVABILITE :
1) Fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 31 mars 1987.
Les premiers juges ont fait du contenu et du sens de cet arrêt un exposé exact et suffisant en page 6 de leur décision dans le motif commençant par 'Il ressort des termes de l'arrêt (. . .)' et se terminant par '(. . .) la somme de 77.300 Frs au titre de la surprime' (page 15).
La Cour s'y réfère expressément.
Pour retenir que l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt interdisait à la Société Espaces ROMEO GUERIN d'invoquer un nouveau moyen de droit tiré de la nullité de la clause du règlement de copropriété dans l'instance introduite par l'assignation en paiement de charges du 7 avril 2004, les premiers juges ont appliqué la théorie jurisprudentielle dite du 'principe de concentration des demandes ou moyens'.
Mais pour qu'il y ait autorité de chose jugée au sens de l'article 1351 du Code civil, il faut notamment que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause.
Or en l'espèce si les deux actions en paiement portaient bien sur des charges correspondant au moins pour partie aux surprimes d'assurance réclamées au titre de la clause spéciale du règlement de copropriété, il n'en demeure pas moins que les charges en litige dans le cadre du nouveau procès ne couvrent pas la même période.
La condamnation confirmée par l'arrêt du 31 mars 1987 portait sur des primes non réglées antérieurement au jugement entrepris qui était du 5 juillet 1985.
Les charges litigieuses dans le cadre du nouveau procès englobaient des surprimes d'assurance mais postérieures à celles objet de l'arrêt de confirmation du 31 mars 1987 - Elles sont en effet afférentes aux années 2002 et 2003 et les surprimes dont la Société ERG demande le remboursement portent sur la période comprise entre le 28 février 1995 et mars 2003 pour 266.955,48 € et sur la période du 1er avril 2002 au 31 mars 2003 pour 45.201,28 € que l'appelante dit avoir réglés par erreur au cours de procédure.
Dans les deux procès, la chose demandée n'est pas la même, les périodes étant différentes.
Les conditions de l'article 1351 du Code civil ne sont pas réunies en l'espèce.
La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée par infirmation.
2) Fin de non-recevoir tirée de la transaction conclue entre les parties le 21 mars 1988 ensuite de l'arrêt du 31 mars 1987 :
Par cette transaction, la Société ERG avait reconnu devoir au syndicat des copropriétaires diverses sommes dont celle de 117.844 francs, soit 17.965,20 €, montant de la surprime d'assurance du 11 janvier 1988, et s'était engagée à lui régler lesdites sommes en contrepartie de la mainlevée des saisies pratiquées à la diligence dudit syndicat.
Cette transaction qui a certes l'autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties qui l'ont conclue se limite à son propre objet portant sur les sommes qui s'y trouvent mentionnées.
Elle est inapplicable aux surprimes d'assurances échues depuis celle du 11 janvier 1988, de sorte qu'elle ne fait pas échec à la demande de restitution des surprimes réglées depuis 1995 par la Société ERG.
La Cour rejette cette fin de non-recevoir inopérante.
4) Tirée du paiement de la somme de 45.201,28 € en cours de procédure :
Cette fin de non-recevoir, à la supposer établie, ne peut porter que sur ladite somme et non sur le surplus réclamé au titre du remboursement des primes prétendument réglées à tort.
Selon l'expert judiciaire, ladite somme - qui était celle demandée dans l'assignation introductive de première instance par le syndicat des copropriétaires - se rapporte exclusivement à la surprime d'assurance afférente aux lots de la Société ERG sur la période courant du 1er avril 2002 au 31 mars 2003.
Mais par ce règlement, ce copropriétaire n'a pas entendu se reconnaître débiteur des surprimes d'assurance.
Il appert en effet de l'examen des pièces de la procédure et notamment des énonciations du jugement entrepris, titre 'FAITS et PROCEDURE', pages 3 et 5 que la position de la Société ERG n'a jamais varié depuis la saisine des premiers juge. Cette société s'est en effet toujours prévalue de la nullité de la clause du règlement de copropriété. Son paiement qui va à l'encontre de cette position maintes fois réitérée procède, non d'un acquiescement à la demande mais d'une erreur manifeste démontrée.
La demande est recevable.
B - FOND :
1°) Sur la clause de surprime :
Celle-ci ne s'analyse pas en une clause de responsabilité dite d'aggravation des charges qui sanctionne financièrement le copropriétaire dont le défaut de respect des stipulations du règlement de copropriété entraîne pour le syndicat des copropriétaires des dépenses supplémentaires à celles qu'il aurait eu à engager en l'absence de faute du contrevenant.
Le règlement de copropriété opère une distinction entre :
- la prime d'assurance de l'immeuble supportée par tous les copropriétaires en tant que charges communes générales, conformément à l'article 10 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, d'une part,
- la surprime d'assurance qui n'est pas liée au comportement fautif d'un copropriétaire mais qui trouve son unique cause dans la couverture du risque aggravé de sinistre inhérent à l'exercice dans des lots limitativement énumérés d'une activité commerciale régulière et conforme à la destination mixte de l'immeuble, d'autre part.
Répartir cette surprime en charges communes générales de l'article 10 alinéa 2 de la loi équivaudrait à faire supporter à la collectivité de tous les copropriétaires une dépense qui est la contrepartie exclusive de l'activité exercée par un seul d'entre eux dans des lots appropriés à celle-ci.
Cette surprime est inhérente à la destination professionnelle et/ou commerciale spécifique des quatre lots de la Société ERG qui forment de fait une entité indépendante du reste de l'immeuble composé de caves, de bureaux (lots 13 et 14) et d'appartements.
Les lots 24 et 25 forment la totalité du bâtiment B. En y ajoutant les lots 11 et 12 du bâtiment A qui tranchent par leur configuration et leurs dimensions avec les autres lots de ce même bâtiment on obtient un sous-ensemble homogène et autonome dont les tantièmes de copropriété s'élèvent à 6779 millièmes sur les 10000 millièmes que compte la copropriété.
Et c'est en raison de cette sorte de 'sous-copropriété' que le règlement de copropriété prévoit des droits et obligations spécifiques aux propriétaires des lots 11, 12, 24 et 25 pages 18 et 19 au nombre desquels figure notamment la clause relative à la surprime d'assurance.
Les surprimes d'assurance dues en raison des activités présentant un risque particulier exercées dans certains lots sont réparties avec les primes d'assurance en charges générales, sauf clause contraire du règlement de copropriété.
En l'espèce, la clause contraire du règlement de copropriété existe et sa validité s'impose encore en raison de la destination spécifique des quatre lots de la Société ERG constituant une sorte de 'sous-copropriété' au sein de la copropriété.
En conséquence, la Cour rejette la demande de nullité de ladite clause.
2°) Sur la demande de remboursement des surprimes payées par la Société ERG :
Le caractère licite de la clause dont s'agit oblige la Société ERG demanderesse en répétition de sommes payées de prouver le caractère indu du paiement.
Elle soutient que les surprimes ont été appliquées - non en raison de l'activité par elle exercée dans ses lots, mais uniquement à cause de la survenance de sinistres dans l'immeuble.
Mais la Cour estime non probants les documents produits par la Société ERG pour contester l'imputabilité des surprimes appliquées à son activité de marchand de meubles.
Elle retiendra au contraire :
- que l'expert judiciaire qui a examiné les pièces qui lui avaient soumises pour accomplir sa mission a déterminé exactement que :
'(. . .)
L'existence de cette surprime trouve son fondement dans la superficie importante des locaux dont est propriétaire la Société ESPACES ROMEO GUERIN et dans la nature de l'activité exercée au sein de ces locaux (activité de meubles).
(. . .)
La surprime correspondant à la quote-part de la société (ERG) est calculée par le courtier tel que cela résulte des avis d'échéance de prime versée aux débats et non par le syndic.
(. . .)'.
- que les demandes de paiement de primes d'assurances adressées par les courtiers au syndic opèrent les ventilations entre les primes incombant à la copropriété et celles incombant à la Société ERG.
- que l'analyse juridique faite par cette société procède d'une confusion entre :
* les majorations de primes appliquées par l'assureur en raison de sinistres survenus dans l'année qui peuvent concerner aussi bien les locaux de la société appelante que ceux des autres copropriétaires et qui sont à répartir conformément à l'article 10 alinéa 2 de la loi, d'une part,
* les surprimes appliquées par l'assureur en raison de l'activité de la société ERG qui génère une aggravation du risque assuré et qui doivent être mises à la charge exclusive de cette société en application de la clause ad hoc du règlement de copropriété reconnu valable par la Cour, d'autre part.
En conséquence, la Cour retiendra que les surprimes d'assurance dont la Société ERG demande le remboursement entrent dans les prévisions de la clause du règlement de copropriété contestée par ledit copropriétaire qui sera débouté de cette demande mal fondée.
' Sur la demande de dommages chiffrée à la somme de 311.296,76 € :
Les moyens invoqués par la Société ERG au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
Il sera ajouté que les échanges de correspondances entre le syndic et différents courtiers, régulièrement produits :
- établissent les réelles difficultés qu'a rencontrées la copropriété pour assurer l'immeuble du fait de l'activité de marchand de meubles de la Société ERG qui a eu un effet dissuasif à l'égard de plusieurs assurances,
- font apparaître que les contrats conclus concilient le souci d'économie du syndicat des copropriétaires et la souscription de garanties appropriés aux risque élevé de sinistres dans cette copropriété à destination mixte.
Le jugement est confirmé de ce chef.
' Sur les demandes accessoires :
La Cour confirme les dispositions du jugement sur les dépens - dont font partie les frais et honoraires d'expertise et qu partant doivent subir le même sort - et sur les frais hors dépens.
La société appelante réglera 2.500 € à l'intimé au titre des frais hors dépens d'appel, l'équité le commandant, et supportera en tant que partie perdante les dépens exposés devant la Cour.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions concernant :
- la demande de dommages et intérêts formée par la Société ERG contre le syndicat des copropriétaires,
- les dépens et frais hors dépens.
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant :
Reçoit la Société Espaces ROMEO GUERIN en ses demandes d'annulation de la clause du règlement de copropriété portant sur la prise en charge de la surprime d'assurances et de remboursement des surprimes d'assurances dont elle s'est acquittée, l'y dit mal fondée, l'en déboute.
Condamne la Société Espaces ROMEO GUERIN à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.500 € au titre des frais hors dépens d'appel.
Rejette les demandes autres plus amples ou contraires.
Condamne la Société ERG aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,